Chapitre 76
Tous les regards se tournent vers moi, étonnés par mon intervention. Victor, sceptique, semble avoir du mal à accepter que quelqu'un puisse remettre en question les plans du prince, mais sur ce coup-là, je suis sûre de moi. Alban, quant à lui, me regarde avec un mélange d'étonnement et d'admiration, un sourcil légèrement relevé.
— Et que nous conseillez-vous à la place ? demande-t-il, intrigué.
— D'attaquer par le Nord. Cela nous obligerait certes à rallonger un peu notre trajet, mais nous serions protégés par les arbres et nous arriverions à destination sans que nos ennemis ne nous remarquent. Cela nous permettrait même de repérer les lieux avant de lancer l'assaut. Je pense sincèrement que c'est ce qui serait le plus bénéfique pour nous.
Alexander me regarde avec des yeux brillants de fierté, un léger sourire étirant ses lèvres. Même Victor ne sait plus quoi répondre.
— C'est mon pays, il est normal que j'en connaisse la géographie, je tente de me justifier.
Alexander acquiesce d'un signe de tête, son sourire s'élargissant.
— Bien, nous attaquerons donc par le Nord, déclare-t-il avec résolution, ne remettant pas une seule seconde ma parole en doute. Y a-t-il d'autres choses que nous devrions savoir ?
— Rien qui ne me vient tout de suite à l'esprit. Sauf peut-être de prévoir des chaussures solides et des chaussettes de rechange. Le sol est marécageux en cette période de l'année, il ne faudrait pas que les hommes se retrouvent embourbés.
— On les préviendra, assure-t-il.
Après ça, les trois hommes commencent à discuter de leurs plans de bataille. Tandis qu'ils échafaudent des stratégies, je touche distraitement le collier à mon cou, ne pouvant m'empêcher de ressentir un élan d'inquiétude. Combien d'autres personnes vont encore périr par ma faute ? Ma mère et ma grande tante ont déjà succombé à cause de cette prophétie et je n'ai pas envie d'avoir d'autres morts sur la conscience. Même si je sais qu'il est nécessaire d'arrêter cette confrérie, le prix à payer me semble de plus en plus élevé.
Je sens les larmes menacer d'apparaître à nouveau. Je ne veux pas les laisser couler, pas cette fois-ci, j'ai déjà bien assez pleuré depuis le début de cette histoire. Je perçois le regard d'Alexander se poser sur moi, et je sais qu'il se pose une multitude de questions. Comme d'habitude, il sent immédiatement que quelque chose ne va pas. Sans doute grâce au lien qui nous unit. Je détourne les yeux, évitant soigneusement son regard. Je ne veux pas qu'il voit à quel point je me sens faible.
Ayant besoin de prendre l'air, je me lève brusquement de mon siège et embrasse rapidement Alexander pour le rassurer. Je salue également les autres d'un signe de tête avant de quitter la bibliothèque, les laissant mettre au point leurs plans de bataille. Pendant de longues minutes, je me contente de traîner dans les couloirs du palais, prenant des directions au hasard sans idée précise en tête. Mon esprit est en ébullition, tourmenté par les doutes et les craintes qui m'assaillent sans relâche.
Finalement, mes pas me mènent devant la chambre de mon grand-père. J'hésite un instant, de peur de le déranger, puis frappe doucement à la porte. Je suis accueillie par le sourire chaleureux du vieil homme, un sourire qui chasse en un instant toutes les pensées négatives qui obscurcissent mon esprit.
— Enora, je savais que tu finirais par venir me voir ! s'exclame-t-il avec enthousiasme, me prenant doucement par le bras pour m'inviter à entrer. Allez, viens vite.
Il s'assied sur le canapé, m'invitant à en faire de même.
— Maintenant, mon enfant, dis-moi ce qui t'amène, m'encourage-t-il doucement.
Je baisse les yeux, réfléchissant à ce qui m'a conduite ici.
— Je ne sais pas trop, je murmure en fronçant les sourcils. J'avais envie de me vider la tête, et sans le vouloir, je me suis retrouvée devant la porte de votre chambre.
— C'est que tu avais besoin de parler. Dis-moi ce qui te tracasse.
J'inspire profondément, laissant les mots s'échapper de mes lèvres comme un torrent contenu depuis trop longtemps.
— Je n'arrive pas à me sortir mes angoisses de la tête. Même si j'essaie de faire le maximum, j'ai l'impression d'être un poids mort pour tous ceux qui essayent de m'aider.
Il m'examine en silence, balayant mon visage de ses yeux empreints de sagesse.
— En ce moment, ta vie est remplie de zones d'ombre et d'incertitudes, commence-t-il en m'offrant un sourire rassurant, sa voix résonnant comme un baume pour mon âme tourmentée. C'est une situation qui, je pense, serait angoissante pour n'importe qui. Quand on ne sait pas ce qui nous attend, c'est dans la nature humaine d'imaginer le pire des scénarios, et je crains que tant que tu n'auras pas résolu toute cette histoire, ton esprit n'aura de cesse de te torturer.
— Comment puis-je faire pour affronter tout ça ? Alexander avance tête baissée dans la bataille, sans la moindre hésitation, alors que moi, j'ai l'impression d'être dans un doute permanent. Je me sens si faible à côté de lui, si insignifiante.
— Ne dis pas ça, ma petite. C'est normal que tu aies besoin de temps pour encaisser tout ça. C'est même le signe que tu réagis sainement à la situation. C'est tout à ton honneur de peser le pour et le contre avant d'agir, cela démontre que tu te soucies des gens qui t'entourent. Et crois-moi quand je te dis que personne ne t'en voudra de craquer de temps en temps. Même les rochers les plus durs ne sont pas infaillibles.
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