Chapitre 70
— Je vais bien, assez bien pour reprendre la route.
— C'est beaucoup trop tôt ! je m'exclame, mon cœur battant à tout rompre.
Le prince reste silencieux, souriant légèrement en me regardant attentivement.
— Enfin, ce que je veux dire, c'est que vous n'êtes pas encore complètement guéri... je bafouille pour essayer de justifier mon emportement.
— La demoiselle a raison, ce n'est pas prudent de partir maintenant, intervient Victor.
Son ton autoritaire masque mal son anxiété.
— Je sais que ce n'est pas l'idéal. Mais nous ne sommes pas en sécurité ici.
Victor soupire, mais ne peut contester les paroles du prince.
— Par contre, comment se fait-il qu'une si petite blessure ait réussi à me mettre dans un état pareil ?
— Nous pensons que la flèche est empoisonnée.
Nous nous tournons vers le médecin du village, qui nous répond tout en terminant de nettoyer ses instruments.
— J'ai effectivement trouvé de la poudre d'échinacée sur les flèches qui vous ont blessé, mais cette plante n'est pas connue pour ses propriétés létales. Bien au contraire, elle est utilisée par de nombreux guérisseurs pour soigner toutes sortes d'infections.
— Cette plante n'est peut-être pas dangereuse pour le commun des mortels, mais j'y suis allergique, dit le prince en lançant à Victor un regard lourd de sens.
Il marque une petite pause, se perdant dans ses pensées.
— Je vous remercie pour votre aide, Docteur, poursuit-il d'une voix calme. Vous serez payé grassement pour vos services. Les gardes vont vous raccompagner.
Le médecin hoche la tête et souhaite un bon rétablissement au prince. Puis il se retire, escorté par les gardes. Une fois hors de vue, Alexander pousse un grand soupir.
— Ces hommes savaient qui je suis et ils avait la ferme intention de me tuer, souffle-t-il en serrant les mâchoires, la gravité de la situation pesant lourdement sur ses épaules. C'est déjà la deuxième fois que cette confrérie nous tend une embuscade. Je ne voudrais pas que cela devienne une habitude.
— Je préférerais aussi éviter, répond Victor avec un froncement de sourcils. Nous devons être prudents. Si nos ennemis sont prêts à utiliser des méthodes aussi vicieuses, cela signifie que la menace est bien plus grande que nous ne le pensions.
Alexander acquiesce, réfléchissant à ce que tout cela peut signifier. Ses traits se durcissent, son regard se perd dans les ombres environnantes.
— Les hommes que vous avez interrogés avaient-ils vraiment l'air sincères ? Se pourrait-il qu'ils vous aient menti ?
— Ils semblaient croire ce qu'ils disaient. Je pense que quelqu'un leur a volontairement donné de fausses informations.
— Ils devaient savoir que nous allions attaquer une de leurs planques et ont trouvé une bonne occasion de nous tendre un piège, j'ajoute en fronçant les sourcils, sentant la colère monter en moi. Nous ne les laisserons pas gagner. Nous allons trouver qui a fait cela et nous assurer qu'ils ne puissent plus nuire à qui que ce soit.
— Il est grand temps que nous trouvions qui est derrière tout ça, acquiesce le prince.
Nous nous mettons rapidement en route, pressés de rejoindre la sécurité du palais. Je reste proche d'Alexander, attentive à chaque signe de faiblesse, mais il semble reprendre peu à peu des forces. Heureusement, notre trajet ne dure pas longtemps. À notre arrivée, j'ai la surprise de voir mon grand-père nous attendre de pied ferme, un air contrarié sur le visage. Il s'avance vers moi, tendant la main pour m'aider à descendre de mon cheval.
— Jeune fille, puis-je savoir où tu étais passée ? demande-t-il d'une voix dure.
Mes jambes tremblent encore, et je mets quelques secondes avant de répondre.
— Grand-père, je...
Le vieil homme me coupe, son regard passant rapidement de mon visage à celui d'Alexander.
— Je me suis fait un sang d'encre, dit-il, son ton s'adoucissant légèrement en voyant l'épuisement sur nos visages.
— Je suis désolée, je ne pensais pas que nous allions revenir aussi tard, je dis d'une petite voix.
Il soupire, mais ne me fait pas plus de reproches.
— Racontez-moi ce qu'il s'est passé, exige-t-il, ses yeux fixés sur Alexander.
— Tout est de ma faute. Je me suis fait avoir comme un débutant, commence le prince, sa voix tremblant légèrement sous le poids de la culpabilité.
Je veux l'interrompre, lui dire que rien de tout ça n'est de sa faute, mais il me lance un regard me défiant de le contredire. Il me connaît trop bien.
— Comment ça ?
— Quand ces hommes m'ont donné l'emplacement de leur repaire, j'aurais dû être plus prudent et me renseigner davantage.
— Ce n'est pas de ta faute, mon garçon. Tu as voulu bien faire, répond mon grand-père, sa voix se faisant plus douce en voyant les remords du prince.
— À chaque fois, je suis trop impatient, je me précipite, et cela finit mal.
— Tu es bien trop dur avec toi-même, soupire le vieil homme. Tu ne peux pas te reprocher de vouloir tout faire pour venir en aide à la femme que tu aimes.
— Peut-être, mais à cause de moi, Enora a été mise en danger.
C'est donc ça qui le dérange autant, que je me sois retrouvée mêlée à ce combat. Mais ce qu'il n'a pas l'air de comprendre, c'est que je suis au cœur même de cette prophétie, au cœur même de toute cette histoire. Il ne pourra pas me préserver éternellement. Un jour ou l'autre, il faudra que je fonce tête baissée dans la bataille, qu'importe à quel point Alexander veut me protéger. Mon grand-père semble aboutir à la même conclusion que moi et parle au prince d'une voix calme.
— Enora n'est pas en danger par ta faute, elle l'est de par sa naissance. Depuis le jour où elle est venue au monde, sa vie était déjà toute tracée, elle n'a jamais eu le choix. Tu n'aurais rien pu faire pour empêcher ça, et tu ne le pourras pas non plus dans le futur. La seule chose que tu puisses faire pour lui venir en aide, c'est la soutenir et rester à ses côtés quelles que soient les épreuves qui se présenteront à vous. C'est la seule chose dont elle ait besoin.
Le prince me regarde avec des yeux brillants d'émotion. Je sais qu'il est inquiet pour moi, mais je ne peux pas échapper à mon destin.
— Maintenant, les enfants, allez vous coucher avant de faire d'autres bêtises, soupire mon grand-père, un sourire fatigué se dessinant sur ses lèvres.
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