Chapitre 6
Depuis combien de temps sommes-nous prisonnières de ces ténèbres ? L'air stagnant, lourd et chargé d'humidité, semble étouffer toute notion de temps. L'obscurité oppressante de cette pièce m'empêche de savoir si une heure ou un jour s'est écoulé depuis notre capture. Ce que je sais, c'est que cela fait bien trop longtemps.
Depuis notre dernière confrontation avec Tobias, qui me semble remonter à une éternité, personne n'a daigné nous accorder ne serait-ce qu'un regard. Les seuls bruits qui nous parviennent sont des murmures étouffés de conversations lointaines, distordues par les épais murs de pierre. L'incertitude est devenue notre compagne silencieuse, une présence sournoise qui pèse lourdement sur mes pensées, rendant chaque instant plus difficile à supporter.
Le grincement métallique de la porte brise le silence. Tobias fait irruption dans la pièce, comme une tempête qui balaye tout sur son passage. Son regard brille d'un mélange de mépris et de satisfaction qui me glace le sang. Sans un mot, il nous jette un tas de vêtements à travers les barreaux.
— Dépêchez-vous de vous changer, grogne-t-il. Nous partons dans quelques minutes.
Son ton, sec et tranchant, résonne dans la cellule comme une alarme. Il ne fait aucun effort pour cacher l'urgence de son ton, alimentant mes craintes que quelque chose de mauvais est en train de se tramer.
— Où allons-nous ?
Tobias s'arrête, tourne légèrement la tête, et un sourire carnassier étire ses lèvres.
— Dans un endroit où personne ne risquera de vous retrouver.
Ses paroles, simples, mais lourdes de sous-entendus, s'infiltrent dans mon esprit comme un poison. La malveillance dans son regard ne laisse aucune place à l'interprétation. Une chose est sûre : il est peu probable qu'il fasse référence à une partie de cache-cache.
Il nous abandonne sans un mot de plus, la porte claquant derrière lui comme une condamnation glaciale. Le silence qui suit est presque pire que ses menaces.
Hannah s'avance avec précaution pour attraper les vêtements qu'il a laissés. Une expression de surprise passe sur son visage, bien vite remplacée par une moue de dégoût. Ce sont des loques usées, à moitié déchirées, raccommodées à la hâte avec des morceaux de tissu dépareillés. La texture rêche et peu épaisse de l'étoffe contraste cruellement avec ce que j'ai l'habitude de porter. L'odeur qui s'en dégage est écœurante, un mélange de renfermé et de sueur, qui accentue mon malaise. Mais nous n'avons pas le luxe de refuser.
Avec une résignation amère, nous commençons à nous changer. Le silence s'installe, seulement brisé par le froissement des habits. Le tissu rugueux s'accroche à ma peau, un rappel cruel de tout ce que nous avons perdu : notre liberté, notre dignité, notre avenir. Ils sont un moyen de nous déposséder de ce que nous sommes, mais je refuse de me laisser abattre.
Quelques instants plus tard, Tobias revient. Sa silhouette massive emplit la pièce comme une ombre malveillante. Il nous jauge du regard, un sourire narquois aux lèvres.
— Vous ressemblez à des esclaves. C'est parfait.
Je serre les poings, chaque fibre de mon être luttant pour contenir ma colère. Lorsqu'il ouvre la porte de la cellule et nous attrape brusquement par le bras, je me retiens de lui cracher au visage. À la place, je me dépêche de cacher mon collier sous mes vêtements, consciente des risques que je prendrais si un de ces hommes venait à me découvrir avec un tel objet.
Lorsqu'il nous fait traverser la cabane, je remarque un groupe d'hommes rassemblés dans un coin sombre, leurs visages à peine éclairés par la lueur vacillante d'une bougie. Je tends l'oreille, tentant désespérément de capter des informations. Les voix sont basses et indistinctes, mais des bribes de conversation me parviennent, évoquant une base vers laquelle ils veulent nous diriger. Une base dont je ne parviens pas à saisir la localisation exacte.
À l'extérieur, la lumière crue agresse mes yeux habitués à la noirceur du cachot, me forçant à les fermer un court instant. La main d'Hannah tremble dans la mienne, et je l'entends retenir un sanglot alors que nous sommes jetées sans ménagement dans une vieille calèche. Tobias referme la porte dans un claquement sec.
— Ne les laissez sortir sous aucun prétexte. Ce serait dommage de perdre une si belle marchandise.
Son rire cynique me fait l'effet d'une douche glacée. Je me mords la langue pour ne pas répondre, consciente que toute protestation ne ferait que nourrir son plaisir cruel.
— Tu ne viens pas avec nous ? demande l'un des hommes.
Tobias secoue la tête.
— Non, j'ai encore des choses à régler ici. Je vous retrouverai là-bas.
Sans attendre, le cocher donne un coup de fouet et la calèche se met en route, nous éloignant de la cabane miteuse dans laquelle nous étions enfermées. Qui peut être assez tordu pour construire un cachot dans sa propre maison ? Chaque nouvelle découverte renforce ma conviction que nous sommes entraînées dans un piège dont il sera difficile de nous échapper.
— Tu vas bien ?
Elle hoche la tête, ses lèvres s'étirant dans un sourire fragile qui ne parvient pas à atteindre ses yeux. Je serre sa main plus fort, cherchant à lui transmettre un semblant de courage.
— Nous allons trouver un moyen de nous en sortir, je te le promets.
Alors que la calèche s'enfonce dans la forêt, mes yeux ne cessent de balayer l'horizon. Je cherche des points de repère, quelque chose qui pourrait m'aider à comprendre où nous sommes et comment nous pourrions nous échapper. Mais tout ce que je vois, ce sont des forêts qui s'étendent à perte de vue, comme un mur de verdure qui semble se refermer autour de nous.
En temps normal, j'aurais pu apprécier la vue de ces paysages verdoyants, mais aujourd'hui, tout semble fait pour renforcer mon angoisse. Les arbres dressent leurs branches crochues, comme une menace silencieuse. Le calme qui règne est oppressant, presque surnaturel, comme si la nature elle-même retenait son souffle face au danger qui nous entoure. Même les animaux semblent percevoir cette menace, fuyant à toute vitesse en nous voyant arriver.
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