Chapitre 55
— Alors ne perdons pas de temps, intervient Victor, le visage déterminé.
Mon grand-père le regarde d'un œil prudent, réfléchissant à la meilleure façon de partager ce qu'il a en tête. Ses yeux, d'ordinaire sereins, sont voilés d'une gravité inhabituelle. Rien qu'à son expression, je devine ce qu'il s'apprête à dire, et ce n'est pas quelque chose qui va me rassurer.
— Je pense qu'il est préférable qu'Alexander et Enora y aillent seuls. Marius est un homme réservé, et s'il voit arriver la moitié de la garde royale, il est peu probable qu'il soit dans de bonnes dispositions pour vous livrer les renseignements dont vous avez besoin.
Victor s'apprête à protester, mais Alexander le coupe d'un geste de la main.
— Si vous pensez que c'est la meilleure façon de procéder, nous allons nous y plier.
Il passe une main dans ses cheveux avant de se tourner vers son ami.
— Je sais que tu es inquiet, mais tout va bien se passer. Je te promets que nous allons être aussi prudents que possible, quitte à faire des détours pour rester sur des chemins fréquentés ou nous arrêter plus tôt pour ne pas voyager de nuit. Tu n'as pas à t'en faire, je t'assure, nous ne sommes pas des cibles faciles. Surtout que maintenant qu'Enora a appris à se défendre, il n'y a plus aucune raison qu'il nous arrive malheur.
Victor hoche la tête en réponse, mettant ses doutes de côté pour soutenir son ami. Ses traits, marqués par l'inquiétude, se détendent légèrement. Mon grand-père, quant à lui, me regarde avec des yeux remplis d'un mélange d'inquiétude et de fierté.
Il pose sa main sur mon épaule, la serrant doucement. Son empathie est une qualité que j'apprécie énormément chez lui. Sa capacité à comprendre les autres d'un seul regard le rend plus proche de ses sujets, mais également de sa famille. Il est un homme doux et bienveillant, et j'ai beaucoup de chance de grandir avec une influence telle que la sienne.
Il repart quelques secondes plus tard, retournant vers ses quartiers en m'adressant un sourire empli de confiance et d'encouragement.
Alexander se tourne alors vers moi, me scrutant attentivement.
— Avez-vous besoin de vous reposer ?
— Non, je préfère partir tout de suite. Marius est notre meilleure chance, je ne veux pas la laisser passer.
— Vos souhaits sont des ordres, My Lady.
Nous marchons tranquillement jusqu'à la cour du château. Arrivés là-bas, le prince m'aide à me mettre en selle avant de me rejoindre à son tour. Ses gestes sont doux et protecteurs, comme une promesse qu'il sera à mes côtés quoi qu'il arrive.
— Essayez de revenir en un seul morceau. Et surtout, n'oubliez pas de rester sur vos gardes, lance Victor avec sérieux.
Le prince répond d'un léger hochement de tête et se met en route. Je n'ai jamais vu le duc avec une expression aussi grave sur le visage, lui qui est toujours si souriant et désinvolte. Il doit être vraiment inquiet à l'idée que son ami parte sans protection, à l'idée qu'il puisse lui arriver quelque chose et qu'il ne soit pas là pour lui venir en aide.
D'une certaine façon, je le comprends. D'après ce qu'Alexander m'a raconté, ils affrontent les défis côte à côte depuis leur plus tendre enfance, un peu comme Hannah et moi. Et je ne supporterai pas de ne pas être là pour l'aider le jour où elle en aura besoin.
Alors que nous quittons la cour du château, les secousses me font m'accrocher plus fermement à la taille d'Alexander. Je pose ma tête contre son dos, les battements réguliers de son cœur accompagnant mes réflexions.
À peine le prince est-il revenu que nous devons déjà repartir en mission. Nous n'avons jamais le temps de nous poser, jamais le temps de célébrer nos victoires ou d'encaisser nos défaites. Je devrais sans doute être lassée de cette course incessante, de cette quête sans fin pour obtenir des réponses. Mais en réalité, tous ces obstacles ne font que renforcer ma détermination.
Je suis résolue à trouver un moyen d'arrêter ces hommes. Nous méritons de mener une existence tranquille.
Alexander, sentant probablement la course de mes pensées, pose une de ses mains sur les miennes. La chaleur de sa paume contre ma peau froide apaise instantanément mes inquiétudes résiduelles.
— Tout va bien ?
— Oui, tout va bien, je chuchote contre son dos, ma voix légèrement étouffée par les plis de son manteau. Je réfléchis seulement à ce qui nous attend.
Le prince tourne légèrement la tête vers moi, un sourire encourageant aux lèvres.
— Tout va bien se passer. Je doute que le vieil homme se montre hostile, et si par malheur cela s'avère être le cas, je lui montrerai que ma réputation existe pour une bonne raison. Je ne laisserai personne vous faire du mal, Enora.
Je le sais capable de tout pour me protéger, et cette pensée me réchauffe le cœur.
— Je le sais, et d'ailleurs, je ne suis pas particulièrement inquiète. J'espère seulement que Marius pourra nous venir en aide, je murmure en fixant l'horizon.
La forêt devant nous semble s'étendre à perte de vue, chaque arbre pliant doucement sous la brise matinale. La magie imprègne l'air, presque palpable, comme une poussière scintillant dans les rayons du soleil.
— Votre grand-père a l'air de croire que cet homme pourra nous aider, et j'aime penser qu'il a raison. Je suis conscient qu'en ce moment nos recherches n'avancent pas beaucoup, mais dès que nous saurons où trouver ces fanatiques, nous ne perdrons pas une seconde avant d'aller leur botter les fesses.
J'acquiesce, renforçant ma prise autour de lui. Je suis heureuse de savoir que le prince est dans le même état d'esprit que moi. Après tout, si nous voulons trouver le fin mot de cette histoire, il faut que nous nous battions pour obtenir des réponses.
— Ensemble, nous mettrons fin à cette menace.
Le prince tourne légèrement la tête, un sourire fier éclairant ses traits. Avec lui à mes côtés, je sais que je serai capable de surmonter toutes les épreuves.
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