Chapitre 51
Son regard se lève lentement pour rencontrer le mien. Il me désigne la forêt d'un geste de la tête. Je m'apprête à me précipiter dans cette direction, mais il m'arrête.
— Enora, attendez, soupire-t-il.
Je le scrute, mes mains tremblant d'impatience. Mon corps tout entier est tendu, mes muscles crispés par l'urgence de la situation. Qu'importe ce qu'il a à dire, retrouver Alexander est plus important.
— Je ne sais pas ce qu'il s'est passé entre vous, et honnêtement, cela m'importe assez peu, mais soyez prudente si vous partez à sa poursuite, dit-il, sa voix empreinte d'une gravité qui me surprend. Quand il laisse sa colère prendre le dessus, il peut devenir complètement incontrôlable. Il pourrait vous blesser avant même de réaliser qui vous êtes.
Je hoche la tête, voulant lui signifier que j'ai pris ses avertissements en compte, et repars en courant. La piste d'Alexander n'est pas très difficile à suivre, il suffit de longer la traînée d'arbres saccagés qui tapissent le sol de la forêt.
Je cours sans m'arrêter, chacun de mes pas résonnant dans le silence de la forêt. Mes pieds semblent être les seules parties de mon corps capables de mouvement, agissant de leur propre chef alors que mon esprit tourbillonne dans un chaos indescriptible.
Après quelques minutes, je retrouve enfin Alexander. Il est au centre d'une clairière, détruisant tout sur son passage. C'est la première fois que je le vois faire usage d'autant de magie, et c'est à la fois terrifiant et magnifique. Sa lame brille d'une lueur orangée, rayonnant d'une puissance que je n'aurais jamais pu soupçonner. Il la manie avec grâce et précision, tranchant les troncs et les rochers sans la moindre hésitation.
— Alexander !
Il se retourne brusquement, son regard étincelant de rage alors qu'il pointe son épée dans ma direction. Des flammes dansent autour de lui, créant un halo ardent et dévastateur tandis qu'il avance rapidement dans ma direction. Je lève les yeux vers son visage, hoquetant de surprise en voyant la teinte rougeâtre qu'ont pris ses pupilles.
— Alexander, c'est moi, je balbutie, la voix tremblante.
Ses sourcils se froncent en entendant ma voix, une lueur de reconnaissance brillant fugacement dans son regard avant qu'il ne ralentisse le pas.
— Alexander, s'il vous plaît ! je supplie, les larmes embuant mes yeux alors qu'il s'approche inexorablement de moi. Je suis désolée.
Chaque fibre de mon être crie de terreur alors que je recule, tentant de m'éloigner de lui. C'était sans compter sur ma maladresse. Me prenant les pieds dans une branche, je trébuche et tombe une fois de plus à la renverse. Sa lame scintillante continue d'avancer vers moi, et je tends les bras dans une vaine tentative de la maintenir à distance.
Son souffle chaud frappe mon visage, et je ferme les yeux, prête à accepter mon sort. Mais au lieu de sentir son arme déchirer ma peau, c'est sa main qui caresse tendrement ma joue. J'ouvre les yeux, abasourdie. L'homme qui se tient devant moi n'est plus celui qui me terrifiait quelques secondes auparavant. Avec sa tête légèrement penchée et ses yeux empreints de douceur, il me semble complètement différent.
— Enora ? murmure-t-il, sa voix résonnant dans l'air chargé de tension.
— Oui, mon prince, c'est moi, je sanglote en me jetant dans ses bras, mes bras se refermant autour de lui dans une étreinte désespérée.
Mes larmes coulent librement, un mélange d'émotions tumultueuses débordant de mon être tandis que j'enfouis ma tête dans son cou. Quand Victor m'a mise en garde, je n'avais pas réalisé à quel point ses dires étaient sérieux. Je n'aurais jamais imaginé voir un jour Alexander dans un tel état de rage, et je suis rassurée que tout finisse bien.
— Je suis désolé de vous avoir effrayée, chuchote-t-il, comme par crainte de briser le moment. Après notre dispute, je me suis senti tellement impuissant, j'ai laissé ma magie prendre le dessus et j'ai perdu le contrôle...
— C'est moi qui suis désolée de vous avoir dit toutes ces choses horribles, je n'en pensais pas un mot, je souffle d'une voix étouffée.
Un sourire éclaire son visage, dissipant légèrement la tension environnante.
— C'est un juste retour des choses, j'ai envie de dire, répond-t-il, son ton léger contrastant avec la gravité de la situation.
En repensant à mon comportement de plus tôt, je me remets à pleurer à chaudes larmes.
— Chut, ma douce, dites-moi ce qu'il se passe, susurre-t-il à mon oreille.
— Quand je vous ai vu avec Esther... Et que vous m'avez présentée comme une amie... j'ai pensé que... je sanglotte, incapable de finir ma phrase.
— Enora, séchez vos larmes, s'il vous plaît, murmure-t-il en attrapant doucement mon visage entre ses mains, ses doigts caressant mes joues humides. Vous vous trompez lourdement si vous pensez que cette fille m'intéresse. Je voulais seulement vous taquiner, mais je réalise maintenant que je suis allé un peu trop loin.
— J'ai bien vu la façon dont vous la regardiez...
Un petit sourire prend place sur son visage en voyant mon expression boudeuse.
— Vous que je pensais si perspicace, il semblerait que vous ne soyez incapable de voir que vous êtes la seule que je désire.
Son regard plonge dans le mien avec une sincérité palpable. Je le fixe, réfléchissant à ses paroles. Depuis le jour où nous nous sommes avoués nos sentiments, il n'a rien fait pour me laisser penser qu'il n'était pas honnête. J'ai probablement laissé mes insécurités prendre le dessus, mais pourtant, une question me tourmente.
— Alors pourquoi m'avez-vous repoussée ? je demande d'une petite voix.
— Que voulez-vous dire ? réplique-t-il avec perplexité.
— Dans la bibliothèque, je voulais vous embrasser, mais...
— C'est donc ça le véritable problème ? réalise-t-il soudain.
Je hoche la tête en réponse.
— La seule raison pour laquelle je ne vous fais pas mienne aussitôt, Enora, c'est parce que je savais que vous n'étiez pas prête. Je vois bien à quel point vous êtes anxieuse. C'est déjà bien assez difficile pour vous d'accepter toute cette histoire de prophétie, d'âme-sœur, de mage noir. Je ne voulais pas vous submerger.
— C'est vrai ?
— Je vous assure qu'il n'y a aucune autre raison.
Chaque mot qu'il prononce semble dissiper les ombres qui assombrissent mon cœur. Je sens un poids immense se soulever de mes épaules alors que je réalise la véritable profondeur de ses sentiments. Je me jette à son cou, l'embrassant passionnément.
— Promettez-moi de ne plus jamais me faire de coups comme celui-ci, je souffle, mi-sérieuse, mi-taquine.
— Ce n'est pas de ma faute si vous interprétez tout de travers, répond-il avec un sourire en coin.
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