Chapitre 50

Les jours suivants s'enchaînent, semblables les uns aux autres. Chaque matin, je me lève pour m'entraîner avec mon grand-père, et chaque soir, je rentre, démoralisée par mes échecs incessants. Malgré tous mes efforts, je ne fais aucun progrès.

J'ai tout essayé, allant même jusqu'à supplier les dieux, mais rien n'y fait, ma magie reste obstinément muette. Je commence à désespérer, et cela se ressent sur mon humeur.

Après l'entraînement d'aujourd'hui, je n'ai plus envie de rien. Je pars à la recherche d'Alexander, espérant qu'il parvienne à me changer les idées.

Mais je le trouve en pleine discussion avec une des cuisinières. Il se tient devant elle, les bras croisés sur la poitrine, un léger sourire aux lèvres. La femme, quant à elle, le regarde avec adoration, enroulant une mèche de cheveux autour de son doigt. Je m'arrête avant d'entrer, observant la scène avec un mélange de curiosité et d'irritation.

— Hum, hum, je dérange peut-être ?

À mes paroles, Alexander sourit encore plus largement. Ce goujat m'a entendu arriver.

— Enora, je te présente Esther. Elle est nouvelle ici. Esther, voici Enora, une de mes amies, dit-il en insistant sur le dernier mot, un sourire joueur aux lèvres.

Une amie ? Vraiment ? Dans mon pays, nous n'avons pas pour habitude d'embrasser de simples amis. Peut-être les mœurs sont-elles différentes dans son monde de dévergondés. Ignorant son commentaire, je me tourne vers Esther, la toisant avec dégoût.

Je pourrais lui dire que je suis enchantée de faire sa connaissance, mais ce serait mentir, et mon père m'a toujours dit que les mensonges n'avaient rien à faire dans la bouche d'une femme de bonne femme. Et d'ailleurs, au vu du regard qu'elle m'adresse, elle n'est pas non plus ravie de me rencontrer. Elle ne fera pas long feu dans le palais.

— Si vous pouviez éviter de distraire les domestiques pendant leurs heures de travail, cela m'arrangerait. J'aimerais dîner avant qu'il ne fasse nuit.

Sur ces mots, je quitte la pièce, les laissant flirter tranquillement. Si Alexander décide d'abandonner les recherches, c'est son choix, mais il pourrait au moins avoir la décence de me prévenir. Enragée, je commence à rassembler ses affaires, prête à les jeter par la fenêtre, quand il entre nonchalamment dans la pièce.

— Que faites-vous ? demande-t-il l'air de rien.

Je ne réponds pas, continuant mon tri. Mes mouvements sont brusques, presque violents. Je suis consciente de me comporter comme une enfant capricieuse, mais je suis à fleur de peau. J'entends ses pas se rapprocher de moi, puis je sens ses bras s'enrouler autour de ma taille. La chaleur de son étreinte est réconfortante, mais ma colère est plus forte. Je me dégage d'un geste sec, furieuse contre lui.

— Que faites-vous là ? Vous n'êtes pas avec votre nouvelle "amie" ? je dis d'une voix acerbe, mes yeux lançant des éclairs.

Alexander recule légèrement, surpris par mon ton.

— Oh allez Enora, vous ne voulez pas savoir ce que j'ai appris ? réplique-t-il en levant les sourcils.

Je plisse les yeux, le fixant avec une froideur glaciale.

— Le mode de transmission de la syphilis ? Je vous remercie, mais j'ai eu un excellent professeur de biologie.

Son rire franc résonne dans la pièce, mais pour ma part, je ne trouve pas la situation amusante. Voyant mon expression grave, Alexander redevient sérieux, ses yeux s'assombrissant d'une manière presque imperceptible.

— Qu'est-ce qui ne va pas ? demande-t-il d'un air soucieux.

— Ce qui ne va pas, Alexander, c'est que pendant que moi je me tue à la tâche, vous batifolez avec toutes les femmes du palais, je dis en croisant les bras sur ma poitrine.

Il semble déconcerté l'espace d'un instant, puis un sourire naît sur son visage, comme s'il venait enfin de comprendre quelque chose.

— Vous êtes jalouse ?

— Ce n'est pas la question, je réponds sèchement, tentant de cacher ma gêne.

— Vous êtes jalouse, affirme-t-il en s'approchant un peu plus de moi, son sourire s'élargissant à chaque seconde.

Je détourne le regard, contrariée.

— Peut-on se concentrer sur autre chose ? Cette situation... C'est très sérieux pour moi, j'ajoute, la voix légèrement tremblante.

— Pour moi aussi, répond-il, son ton se faisant plus doux.

— On ne dirait pas.

— Qu'essayez-vous de me dire ?

— Que si c'est pour agir de cette façon, autant retourner dans votre palais.

Il reste muet quelques secondes, encaissant ce que je viens de lui dire. Son visage se ferme, ses traits deviennent plus durs.

— Vous le pensez vraiment ? demande-t-il d'une voix basse, presque un murmure. Vous voulez vraiment que je parte ?

Je hoche la tête, la gorge nouée, incapable de parler.

— Très bien, je vais vous libérer de ma présence, mais ne revenez pas me chercher en rampant lorsque tout n'ira pas comme vous le voulez.

Heureusement, je suis dos à lui, et il ne voit pas les larmes qui inondent mes yeux. Je reste immobile, écoutant le claquement sec de la porte résonner dans la pièce vide.

Pendant l'heure suivante, j'essaie en vain de me changer les idées. J'erre dans la chambre, tentant de me concentrer sur autre chose, mais mes pensées me ramènent toujours à lui, à notre dispute. Je m'en veux de m'être défoulée sur lui, de l'avoir pris pour cible alors qu'il ne méritait pas ça. Assise sur le lit, les poings serrés, je réalise que c'est en fait à moi-même que j'en veux. Je suis furieuse d'être aussi faible, d'être incapable de renouer avec mes pouvoirs. J'ai été injuste, Alexander fait tout pour m'aider, il n'est pas responsable de ma médiocrité. Il faut que j'aille lui présenter des excuses.

Je me précipite hors de la chambre, courant à travers le palais à la recherche du prince. Mes doigts serrent mes paumes avec une intensité croissante. J'ouvre toutes les portes, cherche dans toutes les salles, mais il est introuvable. Un sentiment d'angoisse grandit en moi à mesure que je grimpe les marches du palais, toujours sans la moindre trace du prince. Est-il vraiment parti ? Je n'arrive pas à y croire.

Je me précipite à l'extérieur, espérant apercevoir son cheval sur le chemin. Mais au lieu de cela, je découvre Victor assis à l'orée des bois, à côté d'un amas de vêtements. Un soulagement m'envahit à la vue de ce visage familier, bien vite remplacé par de l'inquiétude en voyant la gravité de son expression.

— Victor ! je m'exclame, hors d'haleine. Auriez-vous vu Alexander ?

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