Chapitre 5

— Vous ne m'intimiderez pas avec vos menaces pitoyables. Et si vous avez prévu de demander quelque chose au roi, laissez-moi vous dire qu'il ne pliera jamais sous la contrainte. Et encore moins si vous vous en prenez à moi.

— Alors, espérons que nous n'aurons pas à en arriver là, réplique-t-il avec un sourire carnassier.

Son plaisir est évident, comme s'il savourait chaque instant de ce jeu cruel. Il se tient là, dans l'ombre, dominant l'espace par sa seule présence. Un prédateur face à une proie qu'il juge déjà vaincue. Mais il ne sait rien de moi. Je soutiens son regard, refusant de me laisser intimider. Mon absence de pouvoir me rend peut-être physiquement plus faible, mais j'ai appris à redoubler de fermeté pour ne pas me laisser marcher sur les pieds.

— Je réitère ma question : qu'attendez-vous de moi ? Vous ne pouvez pas m'enlever et m'enfermer ici sans aucune explication. J'exige des réponses.

— Vous n'êtes pas vraiment en position d'exiger quoi que ce soit, rétorque-t-il avec une désinvolture qui m'énerve au plus haut point.

— Essayez quand même de répondre.

Il me jauge en silence, ses yeux glacials parcourant mon visage comme s'il cherchait à évaluer ma valeur. Les secondes s'étirent, et je lutte pour ne pas détourner le regard.

— Vous savez très bien pourquoi vous êtes là, finit-il par dire d'un ton énigmatique.

— Non, je ne le sais pas.

Un silence tendu s'installe de nouveau. Puis il se penche légèrement en avant, comme un fauve s'apprêtant à bondir sur une pauvre gazelle.

— Vous êtes la clé pour empêcher que la prophétie ne se réalise.

Mon souffle se coupe un instant. Une prophétie ? De quoi parle-t-il ?

— Quelle prophétie ?

— Celle de la réunion des trois royaumes, répond-il comme s'il s'agissait d'une évidence, avant de pivoter pour se diriger vers la porte.

— Attendez ! je m'écrie, incapable de le laisser partir sans avoir plus d'informations. Votre nom ?

Il s'arrête, mais ne se retourne pas tout de suite. Après un moment d'hésitation, il me lance un regard méprisant par-dessus son épaule. La porte entrouverte laisse pénétrer juste assez de lumière pour que je parvienne enfin à distinguer ses traits. Ses mèches sombres contrastent avec la pâleur de sa peau, accentuant la dureté de son expression. Tandis que ses yeux, d'un bleu glacial, presque blanc, semblent sortis tout droit de mes pires cauchemars. Avec ses traits fins et sa mâchoire ciselée, il pourrait presque paraître séduisant, mais c'est sans compter sur le rictus cruel qui tord ses lèvres et efface toute trace de charme.

— Je suis Tobias, serviteur du grand-maître, dit-il d'une voix traînante. Retenez bien ce nom, car c'est moi qui déciderai de votre sort.

Et sur ces mots, il disparaît, refermant la porte derrière lui avec une lenteur calculée. Le silence qui suit est assourdissant. L'air dans la cellule semble plus lourd, chargé de l'écho de ses paroles. Le grand-maître. Qui peut bien être assez tordu pour se faire appeler ainsi ? Un chef de guerre ? Le cerveau d'une organisation secrète ? Ou pire encore, un homme extrêmement narcissique ?

Mes pensées tourbillonnent dans mon esprit, s'entremêlant en un chaos confus. Nous avons été arrachées à notre monde et jetées dans cette cellule glaciale et obscure sans que je n'arrive à trouver un sens à tout cela. Si la situation n'était pas aussi tragique, j'aurais presque ri en me disant que tout cela ressemblait à une mauvaise blague. Mais cette brève lueur de dérision s'éteint rapidement, remplacée par une certitude glaciale. Il nous faudra bientôt faire face à une réalité encore plus sinistre, et si nous voulons survivre, nous devrons trouver un moyen de retourner cette situation à notre avantage.

Hannah attrape ma main, ses doigts se resserrant sur les miens avec un léger tremblement. Nous nous asseyons sur le sol glacial, ajustant maladroitement nos positions pour tenter d'ignorer l'humidité qui s'infiltre à travers nos vêtements et colle à notre peau. Autour de nous, l'obscurité semble presque vivante, oppressante, comme si elle voulait nous engloutir.

Au bout de quelques secondes, je sens mon amie commencer à trembler. Que ce soit de froid ou de peur, je ne le sais pas, mais la culpabilité m'envahit. Hannah ne devrait pas être ici. Elle n'a jamais demandé à être entraînée dans cette folie.

Je serre sa main un peu plus fort dans la même, un geste simple, presque dérisoire, mais qui représente tout ce que je suis capable de lui offrir pour l'instant.

— Mademoiselle, qu'allons-nous faire ? Nous sommes coincées dans cette cellule, et ces hommes... ils sont...

Elle est incapable de finir sa phrase, sa voix brisée l'émotion. Ses épaules s'affaissent sous le poids de sa détresse, et elle éclate en sanglots. Je la prends dans mes bras, caressant doucement son dos, essayant de lui transmettre une part de réconfort, aussi mince soit-elle. Cette femme est ma confidente, ma complice, mon pilier. Ses parents l'ont abandonnée devant le palais quand elle n'avait que trois ans, et depuis, elle me suit comme mon ombre, ne me laissant jamais tomber, même dans les moments les plus difficiles. Je ne peux pas permettre qu'elle soit blessée par ma faute. Si cela venait à arriver, je ne me le pardonnerais jamais.

Le poids de notre captivité repose entièrement sur mes épaules. Je dois trouver un moyen de nous faire sortir de cet endroit, coûte que coûte. Mon esprit s'emballe, cherchant frénétiquement des solutions. Si seulement je pouvais utiliser la magie de lumière... Avec elle, je pourrais faire fondre la serrure, briser les barreaux ou aveugler nos adversaires. Mais sans mes pouvoirs, ces espoirs ne sont qu'illusoires. La seule option qui nous reste est d'attaquer Tobias au moment où il ouvrira la porte. L'idée est tentante. Mais même si cette idée est tentante, je ne sais pas combien d'hommes se trouvent derrière ces portes. Et si l'affrontement tourne mal ? Non, je ne peux pas prendre le risque, pas quand Hannah est avec moi. Je dois trouver un autre moyen d'évasion, une qui ne dépende pas uniquement de la force brute ou de la chance. Même si, pour l'instant, il me faut m'armer de patience.

Je me redresse légèrement, inspirant profondément pour ancrer ma détermination.

— Hannah, je ne peux pas te promettre que tout ira bien, mais je vais tout faire pour nous sortir de là.

Elle hoche la tête, mais je vois l'ombre de la peur persister dans ses yeux. Cette peur imprègne l'air, sourde et écrasante, comme un mur invisible qui nous retient prisonnières autant que les barreaux. Je tourne mon regard vers les murs fissurés, leur froideur presque palpable, l'obscurité qui semble prête à nous engloutir.

Ce lieu est une prison, mais je refuse qu'il devienne notre tombe. Nous allons nous en sortir, il ne peut en être autrement.

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