Chapitre 37

— Alexander, dites-moi ce qui ne va pas.

Il baisse finalement les yeux, son regard empreint d'un voile d'incertitude. Il cherche ses mots, tapotant nerveusement sa cuisse du bout de ses doigts, ses sourcils se fronçant à mesure que les pensées se bousculent dans son esprit. J'attrape doucement sa main et le conduis vers ma chambre, voulant l'inciter à me dire ce qui le tourmente.

— Je veux comprendre pourquoi vous avez cru bon de me mentir tout ce temps, dit-il finalement en s'asseyant dans le fauteuil, la voix emplie d'une émotion que je ne parviens pas à déchiffrer.

Il serre légèrement ma main, comme pour appuyer ses paroles. Ses traits sont marqués par une profonde déception, ses yeux se plissant légèrement tandis qu'il plonge son regard dans le mien. Il semble si sincère que j'en oublie presque de lui répondre.

— Je suis désolée, je n'ai aucune excuse à apporter pour justifier mon comportement. J'étais dans un pays inconnu et je ne savais pas à qui je pouvais me fier. Je sais que vous ne m'auriez pas fait de mal, mais j'étais trop effrayée pour vous en parler. Et ensuite, quand j'ai voulu tout vous avouer... J'avais peur que vous ne me pardonniez.

— C'est donc ça que vous vouliez me dire tout à l'heure ? réalise-t-il soudain, un éclair de compréhension traversant son regard.

Je hoche la tête, la gorge nouée.

— Vous savez, que vous soyez esclave ou princesse, cela ne change rien à mes yeux. Je vous aurais protégée quoi qu'il arrive, dit-il avec tout le sérieux du monde, son regard ne se détournant pas du mien une seule seconde.

— Je le sais maintenant, je réponds dans un souffle. En tout cas, je vous promets de ne plus jamais rien vous cacher.

— C'est tout ce qui m'importe, Miss Enora, murmure-t-il en réponse.

Un petit soupir s'échappe de mes lèvres, soulagée que les choses se terminent ainsi.

— S'il vous plaît, appelez-moi simplement Enora. Je n'aime pas vous entendre me parler avec autant de formalité, j'ajoute avec une petite grimace.

Le prince sourit légèrement, une expression mi-amusée mi-attendrie sur le visage.

— Seulement si vous laissez vous aussi tomber les formules de politesse.

— Vos souhaits sont des ordres.

— Vraiment ? demande-t-il en arquant un de ses sourcils, un sourire espiègle aux lèvres.

Le prince approche son visage du mien, son regard assombri par le désir. Avec notre discussion riche en émotion, j'en suis venue à oublier que je me tiens devant lui, seulement vêtue d'un peignoir. Son regard descend sur mes lèvres, me faisant frissonner. Même si je sais que ce n'est pas raisonnable, je meurs d'envie qu'il pose ses lèvres sur les miennes. Il passe son bras autour de ma taille, me rapprochant doucement de lui jusqu'à ce que nos deux corps soient pratiquement collés. Son geste me ramène cependant à la réalité, et je recule précipitamment, légèrement embarrassée, consciente que ce n'est ni le lieu ni le moment de se laisser aller à une telle proximité.

— Si vous voulez bien m'excuser, je dois me changer avant de descendre dîner !

Ne voulant pas lui donner l'occasion de me faire fondre une fois de plus avec son sourire charmeur, j'attrape ma robe d'un geste vif et me précipite vers la salle de bain, claquant la porte derrière moi. Je l'entends lâcher un petit rire avant qu'il ne s'éloigne lentement vers la porte. C'est mieux ainsi.

Après m'être changée, je me dépêche de rejoindre nos convives dans la salle à manger. À mon arrivée, ils sont déjà tous installés autour de la grande table. Ils se lèvent pour me saluer, et je leur adresse un sourire poli.

— Alexander, Victor, je vous présente Enora, mon plus grand trésor, annonce mon père en me désignant d'un petit geste de la main.

Je m'incline légèrement pour saluer les invités.

— Je suis ravi de faire votre connaissance, Mademoiselle Enora, répond Victor, sa voix traînant légèrement en prononçant mon prénom.

Je lève les yeux vers lui, m'apprêtant à lui présenter mes plus plates excuses, mais le sourire taquin sur son visage me fait comprendre qu'il m'embête simplement. Je me retiens de lui tirer la langue ; ce n'est pas le moment pour ça, pas quand tant de paires d'yeux sont braquées sur moi. À la place, je roule des yeux et passe derrière lui, en profitant au passage pour lui pincer le bras.

Alexander s'avance pour me tirer une chaise, m'invitant galamment à m'asseoir à ses côtés. Je ne refuse pas la proposition et le remercie doucement.

— Bien, maintenant que vous êtes tous là, il serait peut-être temps de me raconter ce qu'il s'est passé. J'aimerais savoir pourquoi ma pauvre enfant s'est retrouvé à s'enfuir à travers les bois, déclare mon père, scrutant les visages autour de la table.

Je regarde les deux hommes à mes côtés, espérant que l'un d'eux prenne la parole, mais apparemment, personne ne me fera cette faveur. Je me redresse alors sur mon siège, rassemblant mon courage.

— Le jour de mon anniversaire, un serviteur du palais m'a demandé de me rendre dans les cuisines. Il affirmait que vous aviez sollicité mon avis sur la décoration des gâteaux, alors je l'ai suivi sans réfléchir. J'ai toutefois commencé à trouver cela suspect quand j'ai vu le chemin qu'il empruntait...

Je vois la désapprobation prendre place sur le visage de mon père, mais il se retient pour l'instant de me faire la moindre remarque. Il serre les poings sur la table, se penchant légèrement en avant pour mieux écouter mon récit.

— Lorsque j'ai voulu faire demi-tour, il m'a avoué que vous l'aviez envoyé pour me faire une surprise. Je ne voulais pas gâcher tous vos efforts, alors j'ai arrêté de protester.

— Et les gardes ? Ils t'ont laissé suivre un inconnu sans réagir ? C'est inadmissible, je ne les paye pas pour se tourner les pouces. Je vais devoir leur en toucher deux mots, grogne-t-il, visiblement mécontent.

— Hannah est la seule à avoir été alertée par la situation et s'est faufilée discrètement derrière nous. Malheureusement, elle s'est elle aussi faite enlevée.

Il soupire, secouant doucement la tête, les yeux remplis de culpabilité. Je continue mon récit, lui racontant à quel point nous étions terrifiées avec Hannah, puis comment nous avons tenté de nous échapper. Je lui raconte également comment Alexander et Victor sont venus à notre secours, nous sauvant d'une mort certaine. Je n'omets aucun détail, espérant qu'un élément interpelle mon père et l'aide à comprendre qui a pu nous infliger pareille horreur. Lorsque j'ai fini de parler, son expression est sombre. Ses sourcils sont froncés, une lueur de colère et d'inquiétude brille dans son regard. Il m'observe, pesant ses mots. Je ne l'ai jamais vu aussi grave, et cela commence sérieusement à m'inquiéter. Je me rapproche de lui et attrape ses mains dans les miennes.

— J'espérais que les choses se passent différemment, Enora, mais je crois qu'il est temps que je te parle de la prophétie, déclare-t-il d'une voix grave.

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