Chapitre 34

Je baisse les yeux sur mes doigts tremblants, sentant le poids du mensonge peser sur mes épaules. Puis je me force à le regarder, prête à lui dire toute la vérité.

— Alexander, je dois vous avouer quelque chose.

— Pas maintenant Alice, nous devons vraiment y aller, dit-il, l'impatience marquant ses traits.

— Mais c'est important, j'insiste en attrapant sa manche, mes yeux cherchant désespérément les siens.

Il regarde ma main serrer le tissu de sa chemise, un éclair de regret passant succinctement dans son regard. Il hésite un instant avant de la prendre dans la sienne, son regard se radoucissant légèrement tandis qu'il me tire silencieusement en direction de son cheval. Toujours sans un mot, il me soulève de terre et me pose sur la selle, ses gestes doux contrastant avec la dureté de son expression.

— Alexander...

— Je comprends que tu sois inquiète, mais tu n'as vraiment aucune raison de t'en faire, finit-il par répondre, ses yeux fuyant les miens. Je te promets que tout va bien se passer. Je ne vais pas faire d'esclandre, ni reprocher quoi que ce soit au roi. Je veux seulement comprendre ce qui le pousse à agir ainsi. Et puis de toute façon, mon père me tuerait si je me mettais à dos le roi du pays voisin, ajoute-t-il en montant à son tour sur le cheval.

Si seulement c'était aussi simple... Je laisse finalement tomber, ne pouvant forcer une discussion que le prince ne souhaite pas avoir. Même si je voudrais que les choses se passent autrement, il finira par découvrir toute la vérité lorsque nous arriverons au château. Je n'ai plus qu'à espérer qu'il ne m'en tienne pas trop rigueur.

Nous repartons sur les routes quelques instants plus tard. L'atmosphère est lourde, comme chargée du poids de mes mensonges. Je ne dis pas un mot, trop angoissée pour parler. J'aperçois du coin de l'œil les regards inquiets que me jette Hannah. Même Victor, d'habitude si enjoué, reste cette fois-ci plongé dans un profond silence. Tout le reste du trajet se fait dans ces conditions, et c'est avec un soulagement non feint que j'aperçois enfin les murs du palais. En voyant un aussi grand groupe arriver à toute allure, les gardes lancent l'alerte et se postent devant les grilles, prêts à défendre le château.

— Laissez-nous passer ! hurle Alexander d'une voix ferme.

Contre toute attente, les gardes s'écartent aussitôt, nous permettant d'entrer sans encombre. Le prince n'a pas l'air serein, et à peine nous a-t-il fait mettre pied à terre qu'il me cache derrière son dos. Les gardes, prenant ça pour une menace, nous encerclent immédiatement, prêts à fondre sur nous au moindre mouvement suspect.

Alexander, lui aussi, est prêt à attaquer quiconque essaierait de s'en prendre à nous. Bien heureusement, il n'a pas à le faire. Au même moment, alerté par l'agitation qui prend place dans la cour, le roi fait son apparition et ordonne à ses gardes de ne pas bouger. Il se tient sur les marches, analysant calmement la situation, se figeant brusquement lorsque son regard se pose sur mon visage.

— Enora, c'est bien toi ? souffle-t-il avec stupéfaction.

— Père !

Je sors de derrière le dos d'Alexander et cours me jeter dans ses bras. Le prince regarde autour de lui, s'attendant probablement à ce que les gardes interviennent, s'interposent ou fassent quoi que ce soit d'autre qui le détromperait sur ce qu'il pense être en train de se produire. Mais rien de tout cela n'arrive.

— Je suis tellement soulagé que tu sois saine et sauve, chuchote le roi avec émotion.

Alexander me regarde, complètement dépassé par la situation. Il est tellement perdu dans ses pensées qu'il ne remarque pas que Victor l'a rejoint et sursaute lorsque son ami pose une main sur son épaule. Le roi s'avance à son tour, gardant un bras autour de mes épaules, comme s'il avait peur que je disparaisse.

— Prince Alexander, je ne m'attendais pas à te revoir aussi vite.

Le regard du prince alterne entre mon père et moi. Je vois à son visage qu'il se sent trahi, mais il se reprend rapidement et affiche une expression froidement indifférente.

— Je souhaite te remercier de m'avoir ramené ma petite fille en un seul morceau. Tu n'imagines pas à quel point je t'en suis reconnaissant.

Alexander ne sait pas quoi répondre et se contente de serrer machinalement la main que l'homme lui tend. Tout du long, ses yeux restent rivés sur les miens, m'écrasant sous le poids de la culpabilité. Mon père, comme pour dissiper l'atmosphère tendue, l'invite à se restaurer. Nous nous dirigeons vers une des salles de réception du palais. Le prince s'installe dans un des canapés, Victor à ses côtés. Ce dernier semble nullement perturbé par la tournure des événements, comme s'il n'était pas surpris d'apprendre qu'Enora et moi ne sommes en fait qu'une seule et même personne. Peut-être a-t-il toujours eu connaissance de ma véritable identité ? Cela expliquerait son comportement si amical à l'égard d'une simple domestique.

— Ma pauvre chérie, tu dois être épuisée. Et si tu allais te reposer un peu pendant que je discute avec nos invités ? propose mon père, me tirant de mes pensées. Je vais demander de te faire couler un bain et de préparer de quoi soigner ta blessure.

Il est évident qu'il cherche à m'offrir un moment de répit. Pourtant j'hésite, jetant des coups d'œil incertains en direction du prince. Celui-ci ne m'accorde même pas un regard, ses yeux restant obstinément fixés devant lui.

— Oui, père, vous avez sûrement raison, je réponds d'une voix légèrement tremblante.

Je m'incline respectueusement avant de quitter la pièce en silence, une part de moi regrettant de ne pas avoir pu échanger quelques mots avec Alexander. Avant de franchir la porte, je jette un dernier regard par-dessus mon épaule, cherchant chez lui une étincelle de compréhension, mais il ne me regarde toujours pas. Même si je sais qu'il est préférable de lui laisser du temps pour digérer tout ça, je ne peux m'empêcher d'être déçue.

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