Chapitre 29

Le prince descend avec agilité de sa monture, ses yeux scrutant la lisière de la forêt avec une vigilance accrue. Victor fait de même, me tendant la main pour m'aider à descendre. Je prends une profonde inspiration, essayant de maîtriser l'angoisse qui me noue l'estomac.

Les gardes se regardent du coin de l'œil, s'interrogeant sur les raisons de cet arrêt précipité, mais personne n'ose remettre en question les volontés du prince. Victor s'approche de lui et les deux hommes commencent une discussion à voix basse. Même si je me trouve à proximité, je suis incapable de saisir un seul mot de leur conversation. Je sais seulement, d'après les regards qu'ils me lancent, que je suis un des sujets abordés.

— Alice, va te mettre à l'abri avec ton amie, dit Alexander en dégainant son épée. Pendant ce temps, nous allons nous occuper d'accueillir nos invités comme il se doit.

Pour une fois, j'ai envie de l'écouter sans protester, mais je n'en ai pas l'occasion. À peine le prince a-t-il prononcé ces mots qu'une poignée d'hommes sortent des fourrés, tenant des dagues dans leurs mains.

— Fichtre, jure-t-il à voix basse, sa voix empreinte d'une tension palpable.

Il m'attrape par le bras et me place derrière son dos, me cachant à leur vue.

— Que voulez-vous ? demande-t-il d'un ton glacial.

— Donnez-nous la fille et nous partirons sans faire d'histoire, déclare un des hommes d'une voix lourde de menace.

Mon cœur s'arrête l'espace d'un instant, comme si le temps s'était figé autour de nous. Mes pires craintes sont confirmées. Ces hommes ne sont pas là par hasard, ils me cherchent, et ils n'ont pas l'intention de repartir sans moi.

— De quoi diable parlez-vous ?

Alexander s'impatiente. Je sens la tension envahir son corps et faire trembler ses muscles. Il a très bien compris ce que veulent ces hommes, mais il n'est pas enclin à négocier avec eux. Quant à moi, je n'ose pas bouger, mon corps figé par l'appréhension.

— Nous voulons la fille que vous cachez derrière votre dos. C'est elle que nous sommes venus chercher, rien d'autre. Si vous accédez à notre demande, personne ne sera blessé.

En réponse, le prince me rapproche instinctivement de lui.

— Savez-vous à qui vous vous adressez ? intervient Victor avec un reniflement dédaigneux.

— Peu importe. Nous voulons cette fille et nous serons prêts à tout pour l'avoir.

Le prince grogne en réponse et s'avance vers les intrus, son regard étincelant de rage. Je n'ai plus aucun doute quant à l'implication de la secte de Tobias. Des bandits de faible envergure ne se donneraient pas autant de mal pour une servante, ils doivent forcément connaître ma véritable identité. Je ne sais cependant pas ce qu'ils attendent de moi.

— Si c'est seulement une question d'argent, je suis prêt à vous racheter sa liberté, poursuit le prince d'une voix mortellement calme. Votre prix sera le mien. C'est la seule offre que je formulerai aujourd'hui. Si vous la refusez, je me verrai dans l'obligation de vous trancher la gorge. À tous, sans exception.

Le chef des bandits le regarde avec consternation. Alexander prend ce manque de réponse pour un refus et fait signe à ses hommes de lancer l'assaut. Il brandit son épée, prêt à affronter ses adversaires. Des flammes dansent autour de sa lame tandis qu'il se précipite vers eux, le regard brûlant de détermination. Avec ses cheveux en bataille et sa tunique dans le vent, il ressemble à un dieu. C'est la première fois que je vois quelqu'un faire usage de la magie des chevaliers et l'expérience est à couper le souffle. Je sais depuis longtemps que les hommes de Lumia peuvent insuffler à leurs lames des pouvoirs, chaque mage développant des capacités qui lui sont propres, mais voir cela de mes propres yeux est une tout autre histoire. À cet instant, je réalise que les possibilités de cette magie sont tout simplement infinies.

Mais même si le spectacle est plaisant à regarder, je ne peux pas rester ainsi à découvert. Alors que je m'apprête à reculer pour me mettre à l'abri, une grande main se pose sur ma bouche et tente de m'entraîner vers les profondeurs de la forêt. Aucun des gardes ne semble avoir remarqué mon désarroi, trop absorbés par le chaos de la bataille, et Alexander est bien trop loin pour entendre mes cris étouffés. Je suis terrifiée mais je ne peux pas les laisser m'avoir aussi facilement. Je me débats du mieux possible, réussissant à asséner un coup de coude dans les côtes de mon agresseur. Il jure mais finit par me lâcher quand je lui administre un deuxième coup bien placé. J'en profite pour prendre mes jambes à mon cou, fuyant le plus loin possible de cet homme dangereux.

Quand il me voit passer en courant à côté de lui, Alexander se retourne pour voir ce qui a pu me mettre dans un état pareil. Il remarque le bandit qui s'est lancé à ma poursuite et lui lacère le torse d'un coup sec, sans la moindre hésitation. Ce geste brutal me fige sur place.

— Bon sang, Alice, je t'ai dit d'aller te cacher ! hurle le prince, sa voix perçant le tumulte de la bataille.

Son cri me sort de ma stupeur et je repars immédiatement en courant. Je repère Hannah du coin de l'œil, tapie derrière un rocher. Elle pousse un cri de surprise quand je surgis soudainement à ses côtés. Je me dépêche de poser ma main sur sa bouche.

— Chut, Hannah, c'est moi.

Je tourne la tête d'un côté et de l'autre, vérifiant que personne ne se dirige dans notre direction. Une fois que je suis certaine qu'aucun bandit ne nous a repérées, je relâche enfin mon souffle et retire ma main de son visage.

— Mademoiselle, vous allez bien ?

— Pour l'instant, je suis en un seul morceau. Mais je ne peux pas garantir que ça dure si nous ne nous décidons pas à bouger d'ici.

— Mais le prince a dit...

— Je sais ce qu'il a dit, mais nous ne pouvons pas rester passives et prendre le risque d'être blessées.

— Très bien. Quel plan avez-vous en tête ?

Je désigne les chevaux d'un mouvement de tête, espérant qu'elle comprenne qu'il s'agit là de notre meilleure chance. Elle me fixe avec de grands yeux, sa main se resserrant sur la mienne avec appréhension.

— Fais-moi confiance, je te protégerai quoi qu'il arrive.

Elle hoche la tête, et sans perdre un instant de plus, je la guide vers les chevaux. Nous devons nous dépêcher avant qu'un des bandits ne s'aperçoive de notre absence et ne se lance à notre poursuite. J'attrape les premières rênes qui me tombent sous la main, aidant Hannah à se mettre en selle avant de la rejoindre à mon tour. Moins d'une minute plus tard, nous traversons les bois à une vitesse presque surnaturelle.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top