Chapitre 26
Il me faut de longues minutes avant de réussir à retrouver mes esprits, et c'est presque machinalement que je fais le chemin de retour vers l'auberge. Une fois dans ma chambre, les battements de mon cœur n'ont toujours pas retrouvé un rythme normal. Je m'assieds sur le lit, les mains tremblantes, une vague de frustration montant en moi.
Je n'arrive pas à croire qu'Alexander se soit servi de mon attirance pour lui de cette façon. Je me sens humiliée, en colère contre moi-même pour avoir cru, ne serait-ce qu'un instant, qu'il puisse y avoir quelque chose entre nous. Pourtant, malgré ma rage apparente, je ne peux pas dire si je suis soulagée ou déçue que cela n'ait été qu'un stratagème de sa part. Les implications d'un rapprochement entre nous seraient énormes, et je ne sais pas si je suis prête à chambouler mon existence entière pour un homme que je connais à peine. Pourtant, je ne peux pas empêcher mon cœur de se serrer au souvenir de ses lèvres si proches des miennes.
Je secoue la tête, essayant de rassembler mes pensées. J'ai des devoirs et une mission à accomplir, je ne peux pas me permettre de me laisser distraire.
Voulant me changer un peu les idées, je décide de rejoindre les chevaliers dans la salle principale. Avec un peu de chance, Victor aura une ou deux blagues en réserve pour me remonter le moral. Cependant, quelle n'est pas ma surprise de découvrir Alexander, visiblement ivre, bras dessus bras dessous avec les chevaliers. Lui, qui maintient toujours une certaine distance, semble maintenant complètement à l'aise parmi ses hommes. Il me regarde du coin de l'œil et, même s'il continue de se comporter comme si je n'existais pas, je sais très bien qu'il a remarqué ma présence.
— Oh, Alice vient d'arriver, s'exclame un des gardes en me désignant d'un geste de la tête. Vous n'allez pas la saluer ?
— Pourquoi faire ? réplique Alexander avec une froide indifférence.
— Euh, eh bien, je pensais qu'il y avait quelque chose entre vous, répond l'homme, visiblement mal à l'aise.
— Vous pensiez mal, souffle le prince avec un rire mauvais. Ce n'est qu'une esclave, comment pourrais-je vouloir d'elle ? Elle ne sera jamais digne de se tenir à mes côtés.
Les mots d'Alexander sont comme un coup de poignard, me faisant instantanément monter les larmes aux yeux. Malgré tous mes efforts pour me convaincre que le prince n'est rien pour moi, il est évident que je me suis trompée. C'est difficile à croire, et pourtant, je suis forcée de me rendre à l'évidence : en l'espace de quelques jours, il a pris une place dans mon cœur bien plus grande que je ne l'avais imaginé.
Je détourne la tête, essayant de feindre l'indifférence, mais d'après le regard de Victor, je sais que j'ai lamentablement échoué. Il a assisté à toute la scène, voyant mes espoirs être réduits à néant en l'espace de quelques malheureuses secondes. Il amorce un geste dans ma direction mais je ne me sens pas capable de lui faire face. Je me précipite hors de la pièce, souhaitant me réfugier dans un endroit où je pourrais pleurer en paix.
C'est sans compter sur le Duc qui se lance à ma poursuite, criant mon nom et attirant l'attention de toutes les personnes présentes dans la salle, y compris celle de l'homme que je souhaite par-dessus tout éviter. Il me rejoint à l'extérieur et s'assoit à mes côtés sur le patio, passant un bras autour de mes épaules tremblantes.
— Ce n'est pas ce que vous croyez, commence-t-il, incertain.
— Ah oui ? Et comment expliquez-vous ça ?
Mon corps est parcouru de sanglots silencieux. Je suis la seule à blâmer pour m'être autant attachée à un homme que je viens à peine de rencontrer. D'autant plus un homme qui a une telle réputation de coureur de jupons. Je suis une véritable idiote.
— Alexander est un crétin, je le sais, soupire-t-il. Il n'en a peut-être pas l'air comme ça, mais il ne sait pas du tout comment s'y prendre avec les femmes.
— Mais pourtant...
— Je sais ce que disent les rumeurs, me coupe-t-il. Mais je peux vous assurer qu'elles sont toutes plus infondées les unes que les autres. Alexander a toujours eu beaucoup de succès avec les femmes, mais cet intérêt est à sens unique. Jusqu'à maintenant, aucune demoiselle n'avait réussi à attirer son attention plus de quelques minutes. Toutes les femmes qui s'approchaient de lui se faisaient utiliser puis rejeter, certaines avec plus ou moins de tact. Toutes sauf vous.
Il laisse planer quelques secondes de silence pour me laisser le temps d'encaisser ses paroles avant de reprendre d'une voix douce.
— Vous ne vous en rendez peut-être pas compte pour l'instant, mais il est différent avec vous. Je ne l'avais jamais vu aussi patient, aussi prévenant, aussi attentionné. Il commence à s'attacher à vous, cela n'en fait aucun doute, il ne sait juste pas comment l'exprimer.
Je détourne les yeux, déstabilisée par ses paroles.
— Je ne comprends pas pourquoi vous me dites tout ça.
— Au contraire, je pense que vous le savez très bien.
— Mais je ne le connais que depuis quelques jours...
Même à mes propres oreilles, cette excuse me semble faible.
— Quand on rencontre la bonne personne, le temps n'a plus la même importance. Nous n'avons qu'un seul grand amour, ne laissez pas passer votre chance de le vivre par peur de ce que les gens pourraient penser. Sinon, vous le regretterez toute votre vie.
Sur ces mots, Victor quitte le perron, me laissant méditer sous le clair de lune. Après quelques minutes passées dans le froid, je décide de rejoindre la chaleur de ma chambre. Quand j'arrive dans la pièce, Hannah se précipite vers moi, un air inquiet sur le visage.
— Mademoiselle, qu'est-ce qui ne va pas ?
Elle me prend dans ses bras, me laissant verser quelques larmes sur son épaule.
— Le prince... Je crois bien que je suis tombée sous son charme...
— Oh... Et ce n'est pas une bonne nouvelle ? demande-t-elle, visiblement perplexe.
— Il ne veut pas de moi, je réponds en reniflant d'une manière peu élégante.
Hannah se recule, les yeux écarquillés, peinant à croire ce que je viens de dire.
— C'est impossible, n'importe quel homme tuerait pour avoir la chance de se tenir à vos côtés !
— Peut-être quand j'ai une couronne sur la tête, mais ici, je ne suis qu'une esclave sans valeur...
— Mademoiselle, écoutez-moi bien. Ce n'est pas votre titre ou votre richesse qui font de vous ce que vous êtes. Vous ne serez jamais sans valeur, pas tant que vous resterez la femme forte et courageuse que j'ai en face de moi.
— Hannah...
— Non, laissez-moi finir, me coupe-t-elle. Cet idiot ne sait pas ce qu'il manque. Il regrettera ses actions et reviendra vers vous en rampant, ça, je peux vous l'assurer. Le cœur sait souvent ce que l'esprit refuse d'admettre. Alexander est peut-être perdu, mais cela ne veut pas dire que son cœur ne trouvera jamais le chemin vers le vôtre.
— Cela n'a plus d'importance, je veux juste rentrer à la maison, je sanglote contre son épaule, refusant de laisser ses paroles me créer des espoirs illusoires.
— Chut Mademoiselle, ça va aller, susurre-t-elle au creux de mon oreille.
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