Chapitre 23
Le lendemain matin, je me réveille seule dans ma chambre, l'esprit encore troublé par les événements de la veille. Une impression étrange me serre la poitrine, comme si les agissements du prince n'avaient été qu'un rêve éphémère. Mais pourtant, la sensation de son souffle chaud sur mon visage et de sa main dans mes cheveux reste gravée en moi. Mon esprit oscille, incapable de choisir entre l'appréhension de devoir lui faire face et le désir de comprendre ce qu'il ressent réellement. Ne voulant pas me torturer davantage, je me lève précipitamment, me dépêchant de rejoindre le reste du groupe.
À mon arrivée dans la salle commune, ils sont déjà tous attablés, plongés dans une discussion animée. Je les rejoins rapidement, me servant un bol de porridge tout en essayant de prendre part à leur conversation.
— Bonjour, jolie Alice, bien dormi ? demande Victor de son habituel ton charmeur.
Cette remarque lui vaut un coup de coude de la part du prince, mais il se contente de rire en réponse.
— De quoi étiez-vous en train de parler ? je questionne avant d'enfourner une cuillère de porridge dans ma bouche.
Le goût est fade, mais il a au moins le mérite de remplir l'estomac. Et puis, dans ma situation, je ne suis pas vraiment en position d'émettre des exigences.
— On se demandait quelle serait la prochaine étape de notre aventure, répond le Duc.
— Et donc ? j'insiste, la curiosité clairement perceptible dans ma voix.
— Nous n'avons pas encore décidé, ajoute-t-il en haussant nonchalamment les épaules.
— En fait, nous venons de conclure à l'instant, intervient Alexander avec une pointe d'irritation dans la voix. Mais je ne vois pas en quoi cela te regarde.
Sa froideur soudaine me prend au dépourvu, contraste frappant avec la vulnérabilité qu'il a montrée la veille. Je jette un regard interrogateur à son meilleur ami, mais celui-ci se contente de lever les yeux au ciel. Le prince semble, une fois de plus, avoir commencé sa journée du mauvais pied. Décidant de ne pas m'attarder sur sa mauvaise humeur, j'accorde toute mon attention à Victor, curieuse de connaître les plans des deux hommes. Je nous imagine déjà pourchassant des bandits et volant à dos de dragons, mais l'expression d'Hannah me laisse présager que la suite ne m'enchantera guère.
— Nous aimerions enquêter près de là où la princesse a disparu, explique Victor. Un enlèvement n'est pas évident à organiser, ils ont forcément dû laisser des traces.
Il jette un regard incertain à Alexander avant de poursuivre ses explications.
— Cependant, avant ça, nous aimerions faire une halte au palais d'Amara.
— Pourquoi faire ? je demande, intriguée.
— Pour vous déposer Hannah et toi, répond le prince avec une froide indifférence.
— Pardon ? je m'exclame, surprise. Et pour quelle raison ?
— Vous ne savez pas vous battre, vous ne nous serez d'aucune utilité.
Je ne peux pas croire qu'il ait fait toute une scène pour nous emmener avec lui seulement pour nous mettre de côté à la première occasion. Je bouillonne intérieurement, ressentant un mélange de colère, de frustration et de détermination à prouver ma valeur.
— Si vous pensez que je ne sais pas me battre, alors apprenez-moi.
Le menton haut, je le fixe avec défiance. Pendant de longues secondes, son regard ne quitte pas les miens. Puis il ferme les yeux, frottant sa tête entre ses larges paumes.
— Alice... soupire-t-il avec lassitude.
— Non, je ne céderai pas sur ce point. Si ce n'est qu'une question de compétence au combat, alors croyez-moi, je suis bien plus féroce que je n'en ai l'air. Je suis parfaitement capable d'apprendre à me battre. En revanche, si votre intention est de vous débarrasser de nous, alors dites-le clairement et nous ferons nos valises sur-le-champ.
Au moment où les mots sortent de ma bouche, je réalise que je suis peut-être allée trop loin. Après tout, aux yeux d'Alexander, je ne suis rien de plus qu'une esclave. Il pourrait tout aussi bien me remettre à ma place ou même me congédier immédiatement. Un silence pesant suit ma déclaration. À ma grande surprise, le prince ne montre aucun signe de colère. Il se recule seulement sur sa chaise, me regardant en arquant un sourcil.
— Très bien, j'accepte de t'entraîner, mais à une seule condition.
— Tout ce que vous voudrez, je réponds précipitamment, ne voulant pas laisser passer une telle opportunité.
Un éclair de malice éclaire brièvement son regard avant qu'il ne secoue doucement la tête, reprenant son sérieux.
— Si tu veux rester avec nous, tu devras écouter mes ordres sans sourciller. Tu n'as pas l'air d'aimer ça, mais c'est une question de sécurité.
— Oui, chef !
Mon tempérament rebelle ne s'accorde guère avec l'autorité, mais si c'est le prix à payer pour participer aux recherches, je trouve que c'est un sacrifice raisonnable. Le prince se relève et me regarde avec une expression indéchiffrable sur le visage, me déstabilisant tandis que je continue à engloutir mes flocons d'avoine.
— Eh bien, qu'est-ce que tu attends ?
— Comment ça, on y va maintenant ? je demande la bouche encore pleine de nourriture.
Le masque d'impassibilité d'Alexander se fissure légèrement et il affiche un discret sourire, soulevant à peine la ligne de ses lèvres. Hannah, quant à elle, me lance un regard appuyé, me signifiant silencieusement de surveiller mes manières.
— Oui, au plus tôt tu seras prête, au plus tôt nous pourrons repartir, affirme-t-il avant de quitter la pièce.
Je n'avais pas pensé qu'il retarderait notre départ pour moi. J'espère seulement ne pas avoir été trop arrogante sur mes capacités. J'ai eu quelques cours d'auto-défense étant enfant, mais rien qui ne puisse rivaliser avec l'entraînement des chevaliers de Lumia. Là-bas, ils sont connus pour leur force presque surhumaine et leurs aptitudes exceptionnelles sur le champ de bataille. Leur magie est façonnée pour la guerre et fait d'eux des combattants redoutables. Si je ne me tiens pas prête, Alexander ne fera qu'une bouchée de moi.
Je me dépêche de finir mon bol et me lève pour rejoindre le prince. Il m'attend devant l'auberge, les bras croisés sur la poitrine. D'un mouvement de tête, il m'indique la direction à suivre et je m'exécute sans tarder. Nos pas nous mènent vers une petite clairière à l'arrière du bâtiment, un endroit dégagé où nous pourrons nous entraîner en paix.
Arrivée au centre du terrain, je commence des étirements, me préparant doucement pour l'entraînement qui va suivre. Mes jupons me collent à la peau, gênant mes mouvements. Ma tenue n'est pas idéale, mais je n'avais pas prévu que notre journée prendrait une telle tournure. Et puis, je n'ai pas grand-chose d'autre à me mettre. Tandis que je fais craquer mes articulations, j'entends Alexander s'approcher et s'arrêter quelques pas derrière moi. Il ne dit pas un mot et me balaye d'un coup sec, me faisant chuter brutalement au sol.
— Aïe ! Mais vous êtes complètement fou ma parole ! je hurle d'une voix stridente.
Je frotte mon coude, espérant que ce geste apaise la douleur lancinante que ma chute a provoquée. Je peux dire d'après la couleur qu'a prise ma robe que ma peau est plus que simplement égratignée. Quel goujat.
— Leçon numéro une : ne jamais tourner le dos à son adversaire. C'est une des règles de base, je pensais que connaîtrais au moins ça, Madame je suis bien plus féroce que j'en ai l'air. Au moins, maintenant, tu ne referas plus cette erreur.
Je marmonne une réponse, peu enchantée par cette méthode d'apprentissage.
— Relève-toi, nous allons commencer les choses sérieuses, dit-il en me tendant la main.
Je lui lance un regard noir et refuse son aide, préférant me relever seule après avoir été envoyée au sol par ses manœuvres déloyales.
— C'est qu'elle a du caractère, j'aime ça, réplique-t-il d'un air amusé, nullement offensé par l'affront que je viens de lui faire.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top