Chapitre 22

Enora

Après avoir terminé mon repas, je regagne ma chambre, chaque pas me semblant plus lourd que le précédent. La fatigue de la journée pèse lourdement sur mes épaules. Une fois à l'intérieur, je me laisse tomber sur le lit, m'accordant quelques minutes de répit avant de me décider à enlever cette robe étouffante.

J'ai à peine le temps de défaire le premier nœud de mon corsage que la porte s'ouvre brusquement, faisant voler le silence en éclats. Le prince Alexander se tient là, sa silhouette imposante se découpant dans l'encadrement de la porte. Son regard dérive immédiatement sur ma poitrine partiellement dévoilée, et son corps se fige.

— Sortez ! je m'exclame en croisant les bras sur ma poitrine.

Mon cri a au moins le mérite de le faire sortir de sa torpeur. Il déglutit bruyamment, puis détourne enfin les yeux.

— Viens me servir du thé, ordonne-t-il d'une voix sèche.

Avant que je ne puisse protester, il claque la porte derrière lui.

— Mais quel goujat ! s'exclame Hannah qui a assisté à toute la scène. Vous n'allez pas lui obéir, j'espère ?

— Laisse, ce n'est rien, je soupire en resserrant les pans de ma robe. Bientôt, nous serons de retour au palais.

— Rien ? Mais mademoiselle, personne n'a le droit de vous parler sur ce ton !

Sa colère est justifiée, je le sais. Le comportement du prince n'est vraiment pas acceptable. Mais ce soir, je suis bien trop fatiguée pour lutter. Ignorant les protestations de Hannah, je quitte la chambre en direction des cuisines. Par chance, la cuisinière n'est pas encore couchée. Quand elle me voit entrer dans la pièce, elle stoppe son nettoyage, surprise de me trouver là.

— Que puis-je faire pour vous ?

Je lui explique rapidement la situation, et malgré l'heure avancée, elle a la bonté d'âme de me confectionner un plateau avec tout ce dont j'ai besoin. Je la remercie chaleureusement et me hâte de retourner à l'étage, pressée de me débarrasser de cette tâche.

Mais quand je me retrouve devant la porte du prince, je n'ose plus frapper. Mes mains sont moites et mon cœur bat plus vite que de raison. Comment cet homme peut-il avoir un tel pouvoir sur moi ? Depuis notre rencontre, sa présence éveille en moi des sensations que je peine à comprendre. Et encore plus à accepter. C'est comme si chaque fibre de mon être était consciente de sa proximité et me poussait vers lui.

Alors que je suis perdue dans mes pensées, la porte s'ouvre brusquement. Alexander se tient là, comme s'il avait senti ma présence. Avant même que je ne puisse esquisser un geste, il saisit mon poignet et m'attire à l'intérieur, refermant la porte dans un claquement sec.

L'atmosphère de la chambre est différente, presque oppressante. Alexander reste debout, son regard fixé sur moi. Pour masquer mon trouble, je commence à lui servir une tasse de thé. Mes mains tremblent légèrement, trahissant l'agitation que je tente de refouler. Il s'approche sans un mot. Ses doigts frôlent les miens lorsqu'il prend la théière, envoyant une décharge électrique à travers mon corps.

— Votre majesté ? Que faites-vous ?

Il ne répond pas. À la place, il verse une seconde tasse puis se dirige vers le lit, me faisant signe de le suivre. L'invitation est inattendue, presque absurde. Pourtant, je m'exécute, m'installant timidement à ses côtés.

— Je ne vais pas te faire de mal.

Je hoche légèrement la tête. Même s'il en avait eu l'intention, je ne l'aurais pas laissé faire.

— J'ai simplement besoin d'un peu de compagnie, ajoute-t-il à voix basse.

Son aveu me désarme plus que je ne voudrais l'admettre. Je tente de croiser son regard, mais ses yeux sont rivés sur la porte en face de nous. Nous restons silencieux un moment, la tension dans la pièce s'intensifiant progressivement.

— Pourquoi m'avoir fait venir ? je finis par demander, brisant le silence.

Il pose sa tasse et se tourne vers moi, ses yeux brillants d'une lueur indéchiffrable. Au lieu de me répondre immédiatement, il se penche vers moi et approche son visage du mien.

— Quel sort m'as-tu jeté ?

Mon cœur rate un battement, ma respiration se suspend. Je sens son souffle chaud caresser mon visage, me troublant plus que je ne le voudrais. Il lève lentement la main et la passe dans mes cheveux, un geste délicat mais terriblement déstabilisant. Chaque mouvement de ses doigts me fait frémir, me laissant sans voix. Mes yeux rencontrent les siens et je surprends dans son regard une intensité que je n'avais encore jamais vue.

— Avez-vous bu ?

— Quelle importance ? répond-il en haussant légèrement les épaules.

Je devrais me lever, m'éloigner, mettre fin à ce moment beaucoup trop troublant. Mais je reste figée, piégée par son regard. Il tend le bras pour le passer autour de ma taille, me rapprochant de lui. Je me retrouve presque collée à son torse. Son visage se penche encore plus, ses lèvres ne sont plus qu'à quelques centimètres des miennes.

— Reste avec moi cette nuit.

Sa voix est rauque, à peine plus haute qu'un murmure, mais elle résonne en moi avec la force de mille canons. Sa proposition est audacieuse. Terriblement audacieuse. Mais, malgré l'attirance presque irrésistible qui semble pulser entre nous, je ne peux ôter de mon esprit qu'en plus d'être indécent, il serait imprudent de partager la chambre de cet homme que je connais à peine.

— J'ai besoin de te faire sortir de mon esprit. Accorde-moi juste une nuit.

Incapable de supporter plus longtemps l'intensité de son regard, je me lève d'un bond et me précipite hors de la chambre. Une fois dans le couloir, je m'adosse contre le mur, tentant de calmer les battements erratiques de mon cœur.

Quand je retourne dans ma chambre, je me laisse tomber sur le lit. Les mots du prince tournent encore en boucle dans mon esprit. Cet homme est dangereux, peut-être plus encore que la mystérieuse attirance qui semble s'être emparée de nous. 

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