Chapitre 18
Quelqu'un me cherche ? Moi ? Derrière une tapisserie ? L'idée est si absurde que je dois me retenir de pouffer de rire.
— Gaspard, pourquoi cette agitation ? demande le prince Alban en s'avançant avec désinvolture, les mains jointes derrière le dos.
— Oh, votre majesté, vous tombez bien ! N'auriez-vous pas vu une servante ?
Alban arque un sourcil, le coin tremblant de ses lèvres trahissant son envie de sourire.
— Une servante, dis-tu ? J'en ai croisé des dizaines aujourd'hui, mais aucune cachée sous un fauteuil. Si tu veux que je t'aide, il va falloir me donner un peu plus de détails.
Gaspard hoche frénétiquement la tête, son expression oscillant entre panique et embarras.
— Vous avez raison, toutes mes excuses... balbutie-t-il. C'est une jeune femme... brune, taille moyenne...
Alors qu'il continue sa description, je sens le regard d'Alban glisser vers moi. Après quelques secondes, il finit par me désigner d'un geste de la main. Le pauvre homme, trop pris dans sa panique, ne m'avait pas remarqué jusque là. J'en serais presque vexée.
— Dieu soit loué, vous êtes là ! s'exclame Gaspard, essuyant son front d'un revers de manche. J'ai cru un instant que vous vous étiez enfuie.
Je me contente de lui adresser un sourire innocent. Si seulement il savait.
— Je vous prie d'excuser mon impolitesse, reprend-il en s'inclinant légèrement. Je suis Gaspard, valet principal de sa majesté Alexander. Le prince m'a demandé de vous conduire à son bureau. Il souhaite s'entretenir avec vous immédiatement.
Mon regard se tourne involontairement vers le couloir que je prévoyais d'emprunter pour retrouver Hannah. Mais l'urgence dans la voix de Gaspard et l'idée d'un prince furieux me convainquent qu'il est plus sage d'obéir.
— Très bien, je dis en me tournant vers le prince Alban. Merci encore pour votre aide.
— Tout le plaisir était pour moi.
Sans attendre, Gaspard me guide dans les couloirs, son rythme rapide me forçant presque à courir pour le suivre. Après quelques minutes, nous nous retrouvons devant une grande porte en bois sombre. Gaspard frappe trois fois. La porte s'ouvre presque instantanément, comme si le prince nous attendait de l'autre côté.
— Enfin ! Dépêche-toi, entre !
Je m'exécute, non sans jeter un regard furtif à Gaspard, qui s'incline avant de disparaître dans le couloir.
— Assieds-toi, ordonne-t-il en désignant une chaise en face de lui.
Je m'installe avec prudence, croisant les mains sur mes genoux. Le bureau en bois massif est encombré de cartes et de parchemins. La lumière tamisée des chandeliers accentue les cernes du prince, témoignant de sa fatigue. Pourtant, son regard reste vif et perçant.
— Je peux savoir pourquoi tu as mis autant de temps à venir ?
— Je me suis perdue dans les couloirs.
Alexander soupire profondément, passant une main sur son visage.
— Et je suppose que c'est Gaspard qui t'a retrouvée et ramenée ici.
— Pas exactement.
Il redresse la tête, ses yeux se plissant légèrement.
— Alors qui ? exige-t-il de savoir en fronçant les sourcils.
Je garde le silence, me contentant de soutenir son regard. Il finit par lever une main, comme pour balayer sa propre question.
— Peu importe, tranche-t-il. Je constate que tu as repris des forces.
— Effectivement. Mais ne comptez pas sur moi pour vous remercier de m'avoir forcée à me reposer.
Ses lèvres se pincent, mais il ne réagit pas à mon sarcasme.
— Parfait, dit-il simplement, nous pourrons donc partir aujourd'hui.
— Partir ? Où ça ?
— Je dois régler une affaire dans le royaume d'Amara. Et, pour une raison qui m'échappe, mon père insiste pour que tu m'accompagnes.
Partir avec lui ? A-t-il perdu l'esprit ? Voyant mon expression interloquée, il penche légèrement la tête, m'interrogeant du regard.
— Il en est hors de question. Je n'irai nulle part avec vous.
Il arque un sourcil, surpris par ma témérité.
— Ce n'était pas une proposition, dit-il sans l'ombre d'un sourire.
Je serre les dents, ma frustration montant en flèche.
— Vous êtes sérieux ? Vous voulez m'emmener je ne sais où, sans me laisser le choix ?
— Exactement.
Mes pires craintes se confirment : le prince est fou. Je le dévisage, pesant mes options. L'envoyer balader me semble risqué, en tout cas si je veux conserver ma liberté, mais je ne compte pas non plus obéir sans poser de questions.
— Pourquoi le royaume d'Amara ? je demande, croisant les bras pour cacher mon malaise.
— Leur princesse a disparu.
Je fais de mon mieux pour paraître surprise.
— Disparu ?
Il acquiesce d'un léger signe de tête, le visage grave.
— Mais pourquoi cette histoire vous intéresse-t-elle ?
Alexander me jauge un moment, comme s'il évaluait l'intérêt de me répondre.
— Je veux comprendre ce qu'il s'est passé. Des rumeurs circulent. On dit que la princesse a été enlevée par une secte, qu'elle va être sacrifiée au nom d'une prophétie.
Il marque une pause, ses doigts tapotant distraitement le bord de son fauteuil.
— Je ne crois pas à ces inepties. Les gens aiment bien trop déformer la réalité. Mais si cette affaire peut avoir des répercussions sur mon royaume, alors il est de mon devoir d'aller voir ce qu'il en est.
Je le regarde, à la fois étonnée et impressionnée. Il est bien loin du prince insensible que dépeignent les rumeurs, et je me sens un peu coupable de l'avoir jugé si hâtivement.
— Mais pourquoi dois-je venir avec vous ?
Quand le regard du prince plonge dans le mien, je me raidis instinctivement
— C'est un ordre de mon père. Aussi absurde soit-il, je suis contraint de m'y plier.
Avant de reprendre, il laisse échapper un soupir, sa voix un peu plus douce :
— Mais, pour une fois, je suis d'accord avec lui. Je préfère ne pas te laisser seule au palais.
— Pour éviter que je fouine partout, je suppose ?
Un sourire fugace traverse son visage, mais il disparaît aussi vite qu'il est apparu.
— Entre autres, murmure-t-il, ses mots chargés de sous-entendus qui me laissent perplexe.
Le silence qui suit est lourd, presque oppressant. Ses yeux ne quittent pas les miens et je sens mes pensées s'embrouiller face à son comportement paradoxal.
— Je ne peux pas abandonner Hannah... je tente d'argumenter, sans grande conviction.
— Qui est Hannah ? L'autre esclave avec qui tu étais ?
Je hoche la tête en silence.
— Peu m'importe, déclare-t-il avec désinvolture, balayant mes paroles d'un revers de la main. Elle n'a qu'à venir aussi.
Je reste sans voix. Cet homme est déroutant, et ses motivations restent floues, mais dans tous les cas, je n'ai pas vraiment d'autre choix que de le suivre. Et en y réfléchissant, cela pourrait aussi être à mon avantage. S'il veut enquêter sur ma disparition, déterminé comme il est, il obtiendra sûrement des réponses. Et connaissant mon père, si je rentre au palais, il ne me laissera pas enquêter sur quoi que ce soit. Ma meilleure chance est de rester proche du prince, même si cela signifie subir sa compagnie.
— Si c'est tout ce que vous avez à dire, je vais rejoindre Hannah.
— C'est moi qui décide quand un entretien est terminé... commence-t-il avec agacement.
— Oui, oui, bien entendu, je le coupe en sortant de la pièce.
— Soyez aux écuries dans une demi-heure ! hurle-t-il à travers la porte.
Je souris malgré moi. Mon comportement est contraire au protocole, mais je suis fatiguée d'être traitée comme une marionnette. Je vais partir avec lui, certes, mais cela ne signifie pas que je vais le laisser me mener par le bout du nez.
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