Chapitre 16

Alexander

Claquant la porte derrière moi, je quitte la chambre d'un pas rapide, l'esprit en ébullition. Chacun de mes pas résonne lourdement dans les couloirs déserts, dicté par une colère sourde et une confusion que je n'arrive pas à apaiser.

Quand j'atteins enfin mon bureau, je me laisse tomber dans le fauteuil en cuir, épuisé par cette tempête intérieure. Je passe une main tremblante sur mon visage, comme si ce geste pouvait chasser la tension qui pèse sur mes épaules.

— Qu'est-ce qu'il m'arrive, bon sang !

Ma voix éclate dans la pièce, faisant trembler les fenêtres.

Je suis un guerrier. Le commandant de la garde royale. L'héritier du royaume de Lumia. Je suis habitué à faire face à l'adversité sans faillir. Depuis des années, je mène des batailles et prends des décisions impitoyables sans que jamais mon cœur ne vacille. La peur ? Une sensation étrangère. L'hésitation ? Un luxe que je ne me suis jamais permis.

Et pourtant... Je suis hanté par l'image de cette femme qui s'est effondrée devant mes yeux. À cet instant, une angoisse viscérale m'a envahi, aveuglant toute raison. Mon cœur s'est emballé, mes mains sont devenues moites, et pour la première fois de ma vie, j'ai compris ce que signifiait vraiment la peur. Pourquoi ? Pourquoi cette réaction ?

Je serre les dents, cherchant désespérément à m'accrocher à des explications rationnelles. Peut-être ai-je simplement craint d'être tenu responsable de sa mort ? Que mon habilité à régner soit remise en question si elle venait à succomber ici, sous mon toit ? Mais même à mes propres oreilles, ces excuses sonnent creux.

Même si j'essaye de me convaincre que cette femme n'est rien de plus qu'une esclave, qu'il n'y a aucune raison que je sors inquiet pour elle, mon esprit refuse de m'obéir. Mon agitation intérieure persiste et son visage ne cesse de s'imposer à moi. Je la revois, terrifiée et vulnérable, quand je l'ai trouvé dans la forêt. Je me souviens de ce regard brûlant de révolte quand j'ai insinué qu'elle pouvait être une espionne. Et cette larme... cette maudite larme qu'elle a laissée échapper dans son sommeil que je n'ai pas pu m'empêcher d'essuyer.

Je ferme les yeux, exaspéré par mon propre trouble. Comment une femme que je connais à peine peut-elle me troubler à ce point ? Jusqu'à présent, toutes celles que j'ai fréquentées n'étaient qu'une distraction passagère, un moyen de soulager une tension purement physique. Jamais personne n'avait réussi à franchir les murs que j'ai érigés autour de moi ni à me détourner de mes devoirs. Jusqu'à hier...

Cette femme m'obsède, et ce n'est pas seulement lié à son visage ou sa silhouette. C'est cette étincelle dans ses yeux, cette force qu'elle refuse de cacher. Elle est un mystère, et Dieu sait que je hais les mystères. Ils m'attirent, me consument, m'empoisonnent. Et je ne peux pas me permettre de me laisser distraire. Encore moins par une esclave.

Je pousse un soupir, las de cette bataille contre moi-même. Un autre sentiment commence à s'insinuer en moi, plus amer, plus pesant : la culpabilité. J'ai été injuste avec elle. J'étais contrarié par la discussion que j'ai eu avec mon père, contrarié également de cette peur inhabituelle que j'ai ressentie en la voyant s'effondrer et j'ai défoulé ma colère sur elle. Pire encore, je me suis réfugié derrière des mensonges pour cacher ma faiblesse. Je suis peut-être trop fier pour m'excuser ouvertement, mais je peux peut-être réparer mes erreurs autrement.

— Gaspard !

La porte s'ouvre brusquement, laissant apparaître mon valet. Il s'incline légèrement, prêt à recevoir mes ordres.

— Va dire aux gardes qu'ils pourront libérer Alice dès demain matin.

Il me dévisage un instant, surpris par ma demande, mais se contente d'un hochement de tête avant de s'éclipser pour exécuter mes instructions. Lorsque la porte se referme derrière lui, je laisse retomber ma tête entre mes mains, soupirant déjà face à la longue nuit qui m'attend.

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