Chapitre 31 - Miles
Lorsque nous montons dans les voitures banalisées envoyées par Snowden, je m'assure que ce dernier ne monte pas avec nous. J'emmène Faustine, Peeter et à contrecœur, Maggie.
Le chauffeur semble être un ancien soldat au service de la Résistance. Je ne devrais pas avoir trop de mal à le persuader de m'aider à accomplir ma mission. J'espère simplement qu'aucun de mes accompagnateurs n'aura la stupide idée de m'empêcher de faire ce que je dois faire.
Or, connaissant Faustine, c'est fort probable. Il faut donc que je réfléchisse à un argument qui la fera rester à sa place.
Je n'ai pas à chercher bien longtemps cela dit. Depuis le début de cette histoire, Peeter est la clé de tout. C'est pour lui qu'elle me laissera exécuter mon nouveau plan sans mettre son grain de sel. Quant à Maggie, il y a longtemps qu'elle a abandonné son courage et sa détermination. Je ne doute pas qu'elle restera docilement dans la voiture.
La première voiture démarre et je note que le Sergent Snowden et Myla encadrent May à l'arrière, tandis que Jake est assis sur le siège passager. Ils ne devraient pas remarquer notre absence.
Nous roulons doucement pour ne pas attirer l'attention des habitants du Secteur 9. Je trouve étonnant que tout se déroule aussi facilement. Qu'aucune escouade ne soit venue nous arrêter. Ma diversion devait nous faire gagner du temps mais Jay Balder étant maintenant en sécurité, le fait que nous n'ayons pas encore d'ennuis ne me dit rien qui vaille. Ce qui prouve que Max est sûrement derrière tout ça, puisqu'il coordonne les forces armées.
Lorsqu'enfin, nous atteignons Main Street Road, je me tourne vers le chauffeur.
-Prenez à droite, je commande d'un ton assuré.
Le bougre me regarde sans comprendre et tente de me raisonner. Comme si c'était possible.
-J'ai reçu des ordres bien précis et je dois conduire cette voiture à...
-Je viens de vous donner un autre ordre, je contre en sortant mon arme. Prenez la prochaine à droite.
-Qu'est-ce que tu fais ? s'agace Faustine en se penchant vers moi.
-Je vais sauver ta copine, petite, alors laisse-moi faire.
Le soldat, voyant bien qu'il n'aura pas le soutien des passagers à l'arrière, tourne le volant et prend à droite. Il me suffit ensuite de le diriger vers la maison de Rune.
La tension monte d'un cran dans le véhicule alors qu'un silence de plomb envahit l'habitacle. Je soupire et me frotte le front avant de me tourner vers l'arrière.
-Je sais déjà ce que vous allez dire. Mais je dois faire ça tout seul.
-On pourrait rester ici en renfort, contre Faustine qui sait déjà ce que je m'apprête à faire.
-Non, vous allez repartir et rejoindre le camp du Sergent Snowden. Il vous protégera jusqu'à mon retour. Tout va bien se passer.
-Rien ne se passe jamais bien, réplique-t-elle mais j'entends déjà la défaite dans sa voix.
La voiture s'approche dangereusement de ma destination finale et je demande au chauffeur de s'arrêter. Je préfère continuer à pieds afin d'avoir moins de chance de me faire repérer.
-Peeter, je compte sur toi pour veiller sur ma fille.
Ce dernier hoche la tête avec assurance et passe son bras autour de ses épaules.
-Comme toujours, conclut-il avec un léger sourire que je lui rends.
-Maggie...
Je ne trouve rien à ajouter. Entre nous, tout a déjà été dit. Il est trop tard pour réparer ce qui a été brisé.
-Prends soin de toi, je dis en essayant de paraître « gentil ».
Ce qui est loin d'être évident pour moi. Mais le sourire qu'elle me renvoie me donne satisfaction.
Je sors de la voiture, sachant d'avance que Faustine va m'imiter. Je vérifie les alentours avant de me tourner vers elle. Son expression est grave, ses yeux bleus humides. Je passe une main sur sa joue dans un geste qui ne me ressemble pas.
-Tu ne vas pas pleurer tout de même ? je la raille.
Faustine m'envoie un pauvre sourire et se jette dans mes bras. Après une petite hésitation, je la serre à mon tour et tente de la rassurer.
-Ca va aller. Et puis, j'ai toujours ton bracelet, tu pourras t'assurer que je vais bien.
-Je ne veux pas te perdre, murmure-t-elle tout bas.
-Tu voudrais sauver tout le monde sans aucun dommage collatéral, petite. Pourtant, il faut bien prendre des risques pour arriver à ses fins.
Elle cache son visage dans ma veste et mon cœur se serre. Personne n'a jamais tenu à moi de cette façon. Même Maggie n'a jamais exprimé ce désespoir silencieux en espérant me retenir. Pour la première fois de ma vie, j'hésite à mettre ma vie en péril. J'hésite à abandonner une personne qui m'aime réellement et qui a peur de me perdre.
-Je voudrais venir avec toi, chuchote-t-elle. C'est pour mes amis que tu prends des risques et ça ne devrait pas être à toi de le faire.
-Faustine, regarde-moi.
Ses grands yeux bleus débordant de larmes se lèvent vers moi et je pose mes mains sur ses épaules.
-Tu es ma plus grande fierté, je dis. Ma plus belle réussite. Mais tu sais aussi bien que moi que j'ai fait des choses dans ma vie dont je ne suis pas fier.
-Cette fille... celle que tu as... C'était la fille de Max ?
J'acquiesce en repensant à ce moment. Mais je ne me laisse pas envahir par le dégoût et l'horreur de cette vision. J'aurais tout le temps d'y repenser en confrontant Max.
-Un jour, je t'expliquerais. Mais tu comprends bien que ce n'est pas pour tes amis que je risque ma vie. C'est surtout parce que Max et moi avons des choses à régler. Et tant que sa vengeance ne sera pas assouvie, il continuera de me poursuivre. Et par conséquent, de s'acharner sur toi.
Faustine baisse les yeux et acquiesce à contrecœur. Elle savait déjà tout ça mais je pense qu'elle avait besoin de l'entendre.
-Je suis plus fort et plus rusé que lui, je précise.
-Et beaucoup plus prétentieux, enchaine-t-elle. Ce qui pourrait te perdre.
-Oh je ne sous-estime pas Max Drop. Lui et moi, nous avons fait notre formation militaire ensemble. Je sais ce qu'il vaut. Arrête de t'en faire pour moi. Je reviendrais.
Encore une fois, Faustine acquiesce silencieusement. Puis elle me prend une dernière fois dans les bras et dépose un baiser sur ma joue.
-Tu as plutôt intérêt, conclut-elle avant de remonter en voiture.
Je serre les mâchoires en regardant la voiture s'éloigner, ne quittant pas du regard les yeux de Faustine jusqu'à ce que le véhicule disparaisse au bout de l'allée. Je retiens les larmes qui poindrent à mes yeux. Je ne me savais pas si sentimental.
Je pensais affronter Max pour régler nos comptes une fois pour toute, mais je réalise que je ne le fais que pour la protéger. J'espère juste que cette faiblesse ne jouera pas en ma défaveur.
Je remonte doucement l'allée jusqu'à atteindre Island Road. De loin, je distingue déjà la demeure où j'ai rencontré Faustine pour la première fois en la sauvant des griffes de Max. On répète toujours les mêmes erreurs et tous nos chemins nous mènent inévitablement sur nos propres pas.
Cette fois au-moins, je sais que Faustine est en sécurité. Peu importe ce qui arrivera quand je serais face à Max, il ne pourra pas l'atteindre.
En arrivant devant la maison, un frisson me parcourt l'échine. Tout est calme. Trop calme.
On m'attend.
J'avance donc directement vers la porte et frappe trois grands coups. Inutile de faire du repérage ou de prendre le temps de vérifier mon équipement. Quoique Max ait prévu, il a déjà au moins deux coups d'avance sur moi.
Rune vient m'ouvrir avec un grand sourire et me fait entrer.
-Monsieur Greyson, veuillez-vous asseoir, dit-elle en m'indiquant le canapé.
-Je préfère rester debout, je contre pour tester sa réaction.
-Est-ce que je peux vous servir à boire ? demande-t-elle sans prendre en compte ma réplique.
-De l'eau, ça ira, je réponds et Rune quitte la pièce tel un robot.
Je jette un coup d'œil au salon mais ne repère aucune caméra, aucun micro. Rien ne semble avoir été trafiqué. Et pour cause, Rune est probablement le meilleur transmetteur qui existe. C'est d'ailleurs probablement elle qui est équipée de capteurs.
Lorsqu'elle revient, un sourire toujours figé sur le visage, elle tient un verre d'eau dans une main et un pistolet dans l'autre. Sans proférer aucune menace, elle tire dans ma direction et j'ai le réflexe de rouler au sol à la dernière seconde.
-Votre verre d'eau, dit-elle en me tendant le verre comme si tout allait bien.
Comme je refuse de le prendre, guettant l'arme du coin de l'œil, elle pose le verre sur la table et range le pistolet à l'arrière de son jean.
Qu'est-ce que c'est que ce merdier ?
-Buvez, continue-t-elle mais la façon dont elle le dit me fait froid dans le dos.
Il y a une chance sur deux pour que le verre soit empoisonné. Max ne voudrait pas m'éliminer comme ça mais il sait sûrement que je ne tomberais pas dans le piège. Ce qui veut dire que c'est bien lui qui contrôle Rune. Et qu'il teste mes réactions.
-Non.
Rune sort de nouveau son pistolet, tire au moment où je me jette sur le côté puis réitère son manège.
-Buvez.
Sans la quitter des yeux, je m'approche de la table basse, prends le verre et le fais tomber par terre.
-Oups, je lance avec un sourire empreint de désolation. Je suis navré.
-Non vous ne l'êtes pas, répond-t-elle du même ton égal.
Elle disparait de la pièce et revient avec une balayette. Le temps qu'elle nettoie le bazar causé par le verre, j'observe son dos. Elle porte un objet métallique dans le cou, enfoncé dans sa peau. C'est probablement ce qui permet à Max ou au Gouvernement de la contrôler. Mais lui enlever ne sera pas une mince affaire.
-Dois-je vous apporter un autre verre ? demande-t-elle lorsqu'elle a fini.
-Non, ça ira, merci. A quoi ça rime tout ça ?
Elle sourit et se retourne.
-Suivez-moi.
Nous traversons le salon et descendons dans la cave transformé en bunker où tout a commencé. J'aurais dû tuer Max ce jour-là. Mais je n'ai jamais pu me résoudre à l'éliminer. Je comprends qu'il me haïsse et je me sens coupable. Le tuer serait injuste.
Injuste, mais nécessaire.
Rune contourne l'atelier remplit de gadgets électroniques et allume un écran d'ordinateur tout au bout. Elle tire ensuite un fauteuil et me l'indique d'une main.
-Veuillez-vous assoir.
J'obtempère. Même si Max la contrôle, j'ai toujours de meilleurs réflexes qu'elle et lui réunit. Un seul son m'indiquant qu'elle sort son arme suffira à me donner le temps de me défendre.
Sur l'écran, je ne suis pas surpris de découvrir une vidéo de Max. Il est assis derrière un bureau dans une salle entièrement blanche. Il a donc bénéficié de l'aide d'un Centre pour réaliser cette vidéo. C'est donc la raison pour laquelle il a emmené Jérémie avec lui avant de le faire « disparaître ».
-Bonjour Miles, commence-t-il. Nous voilà enfin rendus au moment tant attendu. Cette confrontation que tu évites depuis tant d'années va finalement avoir lieu, comme tu dois t'en douter. Rune va te conduire à notre lieu de rencontre où nous pourrons finalement finir ce que nous avons commencé. Si tu survis à mes pièges, bien évidemment.
-Bla, bla, bla, je lance en baillant, sachant pertinemment que Max m'observe en ce moment-même.
Il va être déçu que sa tirade théâtrale soit gâchée par mon insolence. Je jubile intérieurement. La vidéo se poursuit mais rien d'intéressant n'en ressort. Max me menace et me donne des instructions qui se résument à suivre Rune, ouvrir l'œil et atteindre notre lieu de duel.
Telle une chasse au trésor macabre, je dois trouver les indices et éviter les embûches et guet-apens qu'il a concocté pour moi, tout étant visiblement connecté à des moments charnières de notre relation. Je me demande comment est-ce que j'ai pu, à une époque, être ami avec quelqu'un comme lui : si prévisible et ennuyeux.
Lorsque la vidéo se termine, Rune tire ma chaise avec une force incroyable et je me lève spontanément. Quelque chose d'anormal est en train de se produire. A nouveau, Rune sort son pistolet, mais tire cette fois sur l'ordinateur qui a servi à visionner la vidéo.
Ses gestes sont robotiques et ses expressions sont vides.
-Nous allons remonter maintenant, dit-elle sans m'attendre pour atteindre les escaliers.
Une fois dans le salon, Rune s'approche de la porte-fenêtre menant à l'arrière de la maison. Elle essaie de l'ouvrir mais il semble qu'elle ait des difficultés à coordonner ses mouvements. Ce qui est probablement dû au fait qu'on la contrôle depuis un certain temps. Elle doit probablement se battre intérieurement pour reprendre la maîtrise de son corps.
-Ouvrez-la porte, finit-elle par dire.
Sachant que ce sont les paroles de Max qui doit enrager que son jouet n'obéisse pas parfaitement à toutes ses commandes, je croise les bras et refuse.
-Très bien.
Rune sort son pistolet et tire sur la vitre, laquelle se fend d'un petit trou et de multiples striures. Sans attendre, Rune fonce dedans sans même ciller et je regarde, horrifié, son visage percuter la vitre et se couvrir de morceaux de verre.
Lorsqu'elle se retourne vers moi, je découvre avec effroi que des bouts de verre sont enfoncés dans son front et sur ses épaules, laissant du sang couler de ses plaies.
-La prochaine fois, vous feriez mieux de m'obéir, dit-elle en souriant.
Mon sang se glace quand je la vois repartir comme si rien n'était.
Max a donc compris la façon de m'atteindre au travers de Rune. Il se fiche bien de ce qu'il pourrait lui arriver.
Ce qui signifie que si je n'obéis pas, je n'aurais personne à sauver.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top