Chapitre 15 - Miles
Quelques secondes avant d'atteindre la porte, je me souviens de quelque chose d'essentiel : May ne doit pas voir Peeter. Elle ne peut pas apprendre qu'il est avec moi.
-Peeter, je dis en me tournant vers lui, tu vas garder la porte et vérifier que la Milice ne débarque pas.
-Quoi ? Hors de question ! Faustine est là-dedans et je suis là pour elle !
Je soupire et me pince l'arête du nez. Pourquoi faut-il toujours que ce garçon remette en question ce que je lui demande ?
-Et tu sais qui se trouve là-dedans également ? May Ryan. La femme qui a tué Henry James et piégé Faustine. La femme qui a passé un marché pour te récupérer, puis t'a enfermé sous terre. La femme qui m'a ensuite trahi pour s'assurer que le gouvernement puisse reprendre Faustine.
Il semble légèrement décontenancé, mais pas encore prêt à céder.
-Et alors ? Il vaut mieux que l'on soit deux dans ce cas ! proteste-t-il.
-Si tu entres, tu donneras à May l'information que tu es littéralement sorti de ton trou et que tu es avec moi. Autant te mettre tout de suite une cible sur le dos, gamin.
-Je ne peux pas rester là, les bras croisés, à attendre.
C'est exactement ce que Faustine aurait dit. Leur ressemblance ne cesse de me surprendre.
-Je vais entrer, faire sortir Faustine, et m'occuper des autres. Tu n'attendras pas longtemps avant de la retrouver, je te le promets.
-Et s'il t'arrive quelque chose ?
J'esquisse un sourire et sort l'arme que j'ai dans ma ceinture dans mon dos. Peeter écarquille les yeux et, comme je m'y attendais, s'empourpre de colère.
-Tu avais une arme depuis le début ? s'indigne-t-il.
-Je ne me sépare jamais de mon équipement. Ou alors, je trouve une alternative. Et cette arme, je l'ai subtilisé à ce bon vieux Fenrik.
Avec un air entendu, j'enchaine :
-On est soldat, ou on ne l'est pas.
A contre-cœur, Peeter acquiesce et serre les mâchoires. Je m'en veux un peu de le laisser dehors et sans arme. Mais je m'en remettrais. Et lui aussi.
-Tiens-toi près de la porte et assure-toi que May ne te voit pas. Entendu ?
-Entendu, gromelle-t-il.
J'attends qu'il se positionne et défonce la porte d'un coup de pied, complètement inutile et gratuit. Mais j'aime apporter une dimension théâtrale à mes entrées.
A peine entré, je vois tous les regards se tourner vers moi. Je repère rapidement l'emplacement de chaque personne et dirige mon arme vers la plus dangereuse : May.
-Qu'est-ce que vous faites là ? s'exclame-t-elle, furieuse.
-Mains en l'air ! je réplique, comme j'ai toujours rêvé de le faire.
En général, j'attaque sans prévenir. Je n'ai pas besoin d'annoncer quoique ce soit. Alors c'est une situation un peu étrange pour moi. Mais ça me plaît.
Alors que tout le monde s'exécute, je remarque que Faustine est toujours recroquevillée sur le canapé. Je ne sais pas à quoi je m'attendais. Je n'irais pas jusqu'à dire que j'espérais qu'elle me saute dans les bras, mais je pensais au moins qu'elle me reconnaitrait. Et vu son regard alarmé, je comprends que ce n'est pas le cas.
-Myla, je veux que tu fouilles Mademoiselle Ryan. Tout de suite.
-Il n'en est pas question, s'indigne cette dernière. Vous n'avez pas le droit...
-En fait, lorsque vous avez brisé notre marché, vous avez perdu tous vos droits. Alors je vous conseille de la fermer et d'obéir.
Myla s'empresse de fouiller ses poches et dépose les objets sur la table basse au fur et à mesure. Un sifflet, un bloc note, deux stylos, et un téléphone viennent s'entasser sur le mobilier que je ne connais que trop bien.
-C'est tout ? je demande.
-Je crois, oui.
Myla semble coopérer et je décide de m'attarder une seconde sur Jake. Ce dernier, les mains en l'air, m'observe avec attention. Je vois qu'il se demande ce que je vais faire de lui. J'aimerais le détester pour ses actions. Mais ce n'est qu'un gamin qui a été manipulé par les mauvaises personnes, pour les mauvaises raisons.
Je ne sais pas encore ce que je vais faire de lui. Je ne peux pas le laisser aux mains du Gouvernement ou de May. Mais je ne veux pas non plus que Peeter et lui en viennent aux mains si je devais l'emmener. Cela dit, nous aurons besoin de lui pour démentir le fait que Faustine et lui sont Partenaires.
D'ailleurs, je dois d'abord penser à Faustine. Je me tourne vers Myla et sort de la paracorde d'une des poches de mon treillis, avant de la lancer au sol.
-Attache May, s'il te plaît.
Myla saisit la corde et s'approche de May qui se met à genoux, puis s'allonge sur le ventre au sol. Tandis que Myla lie ses deux mains dans son dos, je m'approche de Faustine en vérifiant que Jake n'esquisse aucun mouvement.
-Faustine ?
Elle lève ses yeux bleus vers moi, doucement.
-Tu sais qui je suis ?
Elle regarde brièvement vers Myla et May, puis vers Jake. Au début, j'ai l'impression qu'elle chercher leur aide. Mais je finis par comprendre qu'elle se demande ce qu'elle a le droit de dire.
-Je voudrais que tu sortes. Va sur le palier.
Elle fait non de la tête et j'essaie de ne pas montrer mon agacement. Etre le père de l'année n'a jamais été mon truc, et je ne sais pas comment me comporter avec elle. Sachant qu'elle ne sait pas vraiment qui je suis en réalité.
Tout ça est bien trop compliqué. J'aurais bien besoin d'un verre.
-Sors, j'ordonne alors. Lève-toi, et sors de là.
Lorsque je la saisis par le bras pour la forcer à se lever, Jake fait un pas vers nous et je le stoppe net avec mon arme.
-Laissez-là tranquille, me lance-t-il, menaçant.
J'ai presque envie de rire. J'imagine un petit chaton en rogne, qui essaie de se défendre. C'est risible.
-Laisse tomber Jake. Contente-toi de rester tranquille jusqu'à ce qu'on en ait fini ici.
Vexé, il croise les bras sur son torse et je lui fais signe avec mon arme. Il me regarde sans comprendre, puis soupire, et lève de nouveau ses bras en l'air.
Et oui, c'est agaçant.
-Faustine, va m'attendre dehors, je répète d'une voix calme.
Elle finit par se lever, jette un dernier coup d'œil à Jake, et sort de la pièce.
Je respire enfin.
Mais la partie est loin d'être gagnée.
-Vous croyez que vous allez vous en sortir comme ça ? peste May, clouée au sol.
-Vous devriez-vous inquiéter de votre sort, plutôt que du mien, je réponds d'un ton narquois. Myla, je vais te demander d'attacher Jake aussi, s'il te plaît.
Elle semble se demander pourquoi je choisis de lui faire confiance. En vérité, je n'en ai aucune foutue idée. Je ne me vois pas maltraiter une femme, et elle est assez intelligente pour comprendre que le rapport de force joue en ma faveur. Suffisamment pour ne rien faire de stupide.
Le cas de May est différent. Cette femme est pire qu'un démon. Et maintenant que je l'ai sous mon emprise, je n'ai pas l'intention de la relâcher avant de connaître toute la vérité.
Une fois que May et Jake sont attachés, je demande à Myla de s'asseoir sur le canapé.
-Tu ne m'attaches pas ? s'étonne-t-elle.
-Non. Sauf si tu me donnes des raisons de le faire.
J'évite de trop la regarder. Je connais bien l'influence de Myla sur les gens. Pourtant, son silence me pousse à me tourner vers elle. Il y a quelque chose qu'elle aimerait me dire, je le vois bien. Mais pas devant Jake ou May. Et pourtant, nous n'avons pas le choix.
-Si tu as quelque chose à dire, c'est le moment. Ne t'inquiète pas pour ces deux-là.
-Emmène-moi avec vous, lance-t-elle précipitamment.
Sidéré, je manque de m'étrangler.
-J'ai choisi de les installer dans cette maison pour que tu les retrouves, bredouille-t-elle, son assurance envolée. Je suis de votre côté.
-Non, tu es du côté de la Résistance, je réplique.
-Je ne suis plus d'aucun côté. Ma couverture vient de tomber. Je n'ai plus qu'à m'enfuir. Et je n'y arriverais pas seule.
Je ne dis rien. Je connais bien trop la capacité de Myla à berner tout le monde. Cela fait plus de deux qu'elle joue l'agent double entre la Résistance et le Gouvernement. J'ai moi aussi été dans cette position à la base militaire. Et on n'apprend pas au vieux singe à faire la grimace.
-D'accord, dit-elle simplement face à mon silence. Alors tu vas me laisser ici et attendre que l'un des camps me trouve ? C'est ton ancienne maison, je te rappelle. Si May a réussi à le comprendre, le reste de la Milice ne devrait pas tarder. Et Max en particulier. Vous vous connaissez depuis longtemps tous les deux, pas vrai ?
Je sens qu'elle en sait beaucoup trop sur mon passé avec Max Drop. Et ce n'est pas le genre d'informations que Jake ou May ont besoin d'entendre. Myla doit suivre le cours de mes pensées car elle change de sujet.
-Je devais te ramener Faustine demain. J'avais un plan pour ne pas paraître impliquée. Mais maintenant, je suis coincée. Le gouvernement saura que je t'ai facilité la tâche pour trouver Faustine. Mon rôle d'agent double est révolu.
-Retourne voir la Résistance, tu seras en sécurité là-bas.
-Même si j'avais envie d'y retourner, tu sais bien que je n'arriverais jamais là-bas par mes propres moyens. Je suis un agent de bureau, pas de terrain.
Elle pince les lèvres et soupire, résignée.
Son sort ne me fait ni chaud ni froid. Mais il faut être pragmatique. Myla pourrait nous être utile pour fuir et elle a forcément des informations à nous fournir. Est-ce que ça vaut le coup de prendre le risque qu'elle tente de nous trahir ? Ais-je vraiment le choix ?
-Personne ne bouge, j'ordonne.
Je récupère le foulard qui dépasse du sac à main de Myla et le déchire en deux. Puis je m'approche de May pour lui bander les yeux et lui fourrer le reste du foulard dans la bouche. J'ignore ses protestations et la soulève pour la caler sur mon épaule.
-Venez avec moi, je commande ensuite.
Jake et Myla m'observe, médusés.
- On n'a pas toute la journée, je menace.
Les mains toujours attachées, Jake rejoint Myla et ils sortent devant moi. Je braque toujours mon arme sur eux, mais sans l'intention de m'en servir cette fois.
Je leur indique notre voiture volée et ils s'empressent de s'y précipiter. Myla ouvre la portière à Jake et j'ouvre le coffre pour me débarrasser du corps de May, qui se tortille violemment dans tous les sens en hurlant malgré le bâillon.
Une fois le coffre fermé, je réalise une chose : Faustine et Peeter ne sont plus là.
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