PREMIERE PARTIE : Résolution
Le temps s'est arrêté.
Dès que la photo de Faustine est apparue dans les airs, un silence de plomb s'est installé. Tout le monde garde les yeux fixés sur la scène. Plus personne ne bouge.
Il me faut un moment pour me rendre compte que j'ai arrêté de respirer.
Ce n'est pas possible.
Depuis notre arrivée, chaque choc est pire que le précédent.
D'abord, l'assemblée de soldats autour de la scène et qui encadre les journalistes nous a fait clairement comprendre que la démocratie est terminée. La Nouvelle République s'est transformée en dictature. On nous a donné des instructions. Ne pas parler pendant le discours. Ne pas poser de questions douteuses. Ne rien communiquer avant approbation du gouvernement.
Ensuite, la découverte de Faustine dans cet état. Mon cœur s'est soulevé lorsqu'elle est apparue à l'écran, incapable de gravir les quelques marches de la scène. La voir ainsi, amaigrie, frêle, chétive, battue, a soulevé en moi tellement d'émotions que j'ai failli me précipiter vers la scène. J'aurais pu les tuer, sans aucune hésitation.
Mais la colère a vite laissée place à la peur. Peur que Faustine soit partie. Qu'elle ne revienne jamais. Parce que cette fille sur scène, ce n'est pas elle. C'est une ombre. Une pâle représentation de la fille que j'aime.
Il n'y a plus aucune férocité dans son regard. Aucune rage de vivre.
Il n'y a que de la peur. Elle regarde les choses autour d'elle avec crainte, sans cesse à la recherche d'une échappatoire. Elle ne sait pas pourquoi elle est là. Elle ne reconnaît personne autour d'elle.
La pire partie, c'est quand le gouverneur l'a fait venir au micro. Sa voix, brisée, exténuée, à peine audible... n'était rien à côté de ce qu'elle lisait d'un ton morne. Comme une enfant qui récite une leçon.
C'est Miles qui m'a entrainé à sa suite. Qui lui chuchotait d'arrêter.
Ce qu'elle a fait.
Peut-être que tout n'était pas perdu en fin de compte. Peut-être que nous allions réussir notre mission et la sauver. Qu'on trouverait un moyen d'arranger ce qu'ils lui avaient fait.
Mais le pire n'avait pas encore eu lieu.
Dès que Jake était apparût sur la scène, un terrible pressentiment m'avait envahi. Je redoutais ce que sa présence signifiait. Et quelques minutes plus tard, mon monde s'écroulait.
Faustine venait de devenir la Partenaire de Jake.
***
Mes oreilles sifflent, rendant la scène irréelle. Je sens mon cœur cogner contre ma poitrine, et mon sang se glacer dans mes veines. Mon visage se décompose, et j'ai toute la peine du monde à rester debout. Je rive mes yeux sur le visage de Faustine, attendant sa réaction.
J'ai l'impression que la seule chose qui me garde encore en vie, c'est de savoir ce qu'elle va dire. Ce qu'elle va faire. J'aimerais qu'elle hurle, qu'elle proteste, qu'elle se jette sur le Gouverneur pour l'étrangler. Tout ce que moi, j'ai envie de faire, sans en avoir la force.
Je sens vaguement la présence de Miles à côté de la mienne. Il pose une main sur mon épaule et fait en partie passer le choc, me ramenant à la réalité.
-J'imagine ce que tu dois ressentir, me chuchote-t-il à l'oreille. Mais ce que tu vois là, c'est un mensonge. C'est le gouvernement qui manipule le Système.
Je ne sais pas quoi répondre à ça. Une partie de moi sait que c'est le Gouverneur qui a mis tout ça en scène. Qu'il s'agit là d'une imposture si énorme, qu'elle devrait paraître ridicule à tout le monde.
Et pourtant, l'autre partie de moi se demande si ce n'est pas la vérité. Si Jake n'est pas réellement destinée à Faustine. Après tout, ils se connaissent depuis si longtemps et ont vécu tellement plus de choses que Faustine et moi... Et même si elle le déteste pour l'instant, il n'y a qu'un pas entre la haine et l'amour. De plus, Faustine et moi n'avons jamais été confirmés Partenaires. Peut-être que nous avions tort.
Miles serre mon épaule plus fort pour me faire réagir. Mais mes yeux sont toujours fixés sur Faustine qui commence à hoqueter, et à trembler de tous ses membres. Une jeune femme s'approche et lui demande quelque chose, mais Faustine secoue la tête de gauche à droite, maladivement.
-C'est un mensonge ! hurle quelqu'un dans la foule.
Soudain, toute l'assemblée commence à émettre des murmures de désapprobation. Des gardes viennent chercher le journaliste qui a hurlé, et le sorte du cortège.
C'est le coup de départ.
D'un seul coup, comme d'une seule voix, tout le monde se met à protester. Certains hurlent à l'injustice, d'autres scandent des slogans contre la Milice. Contre le gouvernement. Le ton monte, la foule gronde. Les soldats resserrent leur emprise autour du rassemblement et des bousculades commencent à avoir lieu.
-Menteur ! hurle à nouveau quelqu'un.
-Qu'est-ce que vous lui avez fait ! renchérit un autre.
-Dictature ! ose même hurler la personne à côté de moi.
Je la regarde avec étonnement, comme si elle n'était pas réelle. Le peuple est-il réellement prêt à se soulever contre le Système? Et quelle pourrait en être l'issue?
-Peeter, il faut qu'on intervienne, commande Miles.
Il m'entraine à sa suite, plus près de la scène. Mais au lieu de se diriger vers le centre, il tourne à gauche et m'attire vers la sortie.
-On voudrait faire un cliché des premiers Partenaires de la Nouvelle République, dit Miles au soldat qui garde la sortie.
Il lui jette à peine un regard avant de croiser les bras sur sa poitrine.
-Restez-là, bougonne-t-il.
-Vous ne comprenez pas, insiste Miles. Pour relater cet évènement, il nous faut une photo du couple fard. Et puis, je serais sûrement un des seuls journalistes à donner un avis positif sur ce qui se passe.
Il désigne la foule en colère derrière nous d'un geste du bras.
-Vous auriez bien besoin d'un peu de bonne publicité, non?
Le garde soupire, mais ne bouge pas.
-Qu'est-ce qu'on fait? je murmure à l'oreille de Miles.
Il m'écarte un peu des gardes et me tourne face à lui.
-Une diversion, me répond-t-il.
Et il m'attrape les épaules pour me lancer contre les barrières de devant. Les garde-fous s'écroulent sous mon poids et laisse une poignée de journaliste s'engouffrer au-devant de la scène. Miles vient me redresser et m'évite ainsi d'être piétiné par la foule.
Il m'entraine à sa suite, et marque une pause devant l'endroit où Faustine se trouve, jusqu'à ce que son regard croise le mien.
Le choc est tel, que nous affichons tous les deux une expression de stupeur figée.
-Faustine, je murmure.
Elle s'apprête à répondre quelque chose, quand une jeune femme vient la saisir. Je reconnais Myla, la cousine de Jérémie. Et je me demande ce qu'elle fait là.
Miles m'empoigne à nouveau et me tire vers le côté de la scène. Les soldats ne tardent pas à nous encercler et des coups de feu résonnent. J'ignore s'il s'agit de balles réelles, ou s'il s'agit juste de dissuader les civils, mais le vacarme est assourdissant.
Miles continue de me tirer en avant et nous passons la barrière de soldat en roulant au sol. Ils ne s'attardent pas sur nous et tentent d'enserrer le reste de la foule en colère.
-Tu trouves Faustine, ordonne-t-il. Et tu la ramènes coûte que coûte.
-Qu'est-ce que tu vas faire? je m'exclame, paniqué.
-Je te l'ai déjà dit.
Je le regarde sans comprendre et avant de disparaître dans la foule, il m'envoie un clin d'œil et répond:
-Diversion.
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