Chapitre 15
Cette fois-ci, en rentrant chez moi, j'ai la sensation que c'est la dernière fois.
Je n'ai jamais pensé que cette histoire prendrait de telles proportions. Je n'ai jamais voulu en arriver à des extrémités pareilles. Mais il me faut des réponses à mes questions. Il me faut l'assurance que tout ça n'a pas eu lieu en vain. Je ne peux plus abandonner.
Je me dirige directement vers ma chambre et prépare mes affaires. Au bout de quelques minutes, mon sac à dos est plein à craquer mais je ne peux m'empêcher de refaire mentalement la liste de ce que j'apporte avec moi. Vêtements chauds, manteau la pluie, couteau suisse, boussole, cartes des districts, briquet, manuel de survie, sac de couchage, tente, poignard, lampe torche... Je pense avoir le nécessaire.
Mon but est de déposer ce sac près de la base militaire au cas où mon plan tournerait mal, et que je doive m'enfuir. J'ai décidé qu'il était temps que je me mette sérieusement à la recherche du juriste, coûte que coûte. J'en fais ma priorité.
Pendant ce temps, Rune et Jérémie s'occuperont de Jake. Mieux vaut que l'on ne soit pas dans la même pièce pendant quelques temps lui et moi. Je ne doute pas que nous serions alors capable de nous étriper mutuellement. Peu importe ce que Jake me reproche, je suis persuadée qu'il a tord. Alors que j'essayais de le sauver, mes amis risquaient leurs vies pour lui. Et alors qu'il m'insultait comme remerciement, mon père mourrait à l'autre bout du Secteur.
Repenser à lui me brise le coeur. Mais j'ai déjà trop pleuré pour aujourd'hui. Je ne peux pas me permettre de vivre mon deuil. Ce n'est pas ce que mon père aurait voulu. La meilleure façon d'honorer sa mémoire est de le retrouver et de découvrir la vérité.
Avant de partir, je jette un dernier regard nostalgique à ma chambre. Je me souviens des après-midi entiers passés avec Rune sur le lit, à regarder des photos ou lire des magazines. Je me souviens du nombre de fois où Jake est passé par la fenêtre pour venir me voir. Je me souviens des histoires que me lisaient mes parents avant de dormir. Cette pièce comporte trop de souvenirs d'une fille qui n'est plus moi. Cette fille, dont la vie semblait parfaite, est partie en fumée avec le Centre.
Il me reste encore une chose avant de quitter définitivement la maison: dire au revoir à ma mère.
Cette dernière est dans la cuisine à préparer du thé. Elle se retourne dès que j'entre dans la cuisine. Son regard me laisse entendre qu'elle sait déjà que je me prépare à partir. Tant mieux. Je préfère ne pas m'attarder en explications.
Elle m'attrape les épaules pour me regarder longuement, puis me serre dans ses bras.
-Je sais que tu vas réussir, me murmure-t-elle à l'oreille.
Je préfère ne pas lui répondre. J'en suis à un point où je réalise que je ne gagne dans aucun des scénarios. Soit je termine Unique, soit je me retrouve à défier tout le Système. Je ne vois pas vraiment ce que je pourrais réussir qui joue en ma faveur. J'aimerais mieux me terrer quelque part. Mais ma confrontation avec May est devenue bien trop personnelle pour que j'abandonne maintenant.
-Tu as dis que je ferais changer les choses, je lui glisse à l'oreille. Pourquoi?
Si c'est la dernière fois que je revois ma mère, je veux savoir de quoi elle parlait. Mais elle se contente de se reculer et de me sourire, ses mains caressant doucement les cheveux.
Je soupire de déception. Je ne comprends pas à quoi sert de garder ses secrets maintenant. Mais je ne veux pas non plus me disputer avec elle. Je n'en ai pas la force. Alors je lui souris à mon tour, prend mon sac à dos, et quitte la maison.
Rune est dans sa voiture kaki, garée devant chez moi. Je grimpe dans l'habitacle et me retiens de pleurer. Je ne pensais pas que la quitter serait aussi facile... et aussi douloureux. Je m'accorde une minute pour faire le deuil de ma famille. Quand c'est fait, je jure que je ne verserais plus aucune larme jusqu'à ce que justice soit faire.
-Prête ? me demande finalement Rune.
-Prête.
Elle se force à me sourire et démarre la voiture. Le calme de ce matin a laissé place à l'agitation collective et l'incompréhension générale. La milice est venue disperser les habitants pour que l'ordre se remette en place.
Ne jamais laisser les pions se poser trop de questions.
Car finalement, nous ne sommes que ça. Des pions. May vient de me mettre en échec mais j'ai bien l'intention d'être celle qui prononcera le fameux « échec et mat ».
Le paysage défile, baigné dans une grisaille présageant le pire. J'observe les longues étendues d'herbes dans la campagne. Parfois, le brouillard continue de s'enchevêtrer dans les branches des immenses chênes qui survivent au milieu de nulle part.
Quelques minutes avant d'arriver à la base, nous récapitulons le plan avec Rune. Premièrement, Rune ira cacher mon sac à dos dans un arbre creux tandis que j'entrerais dans la base. Deuxièmement, elle m'enverra les coordonnées GPS du sac tandis que je devrais les mémoriser avant de détruire les preuves. Troisièmement, activer le capteur dans ma montre pour leur indiquer ma position en cas de fuite, ce qui activera une alerte dans le laboratoire de Jérémie.
Je lui répète que, si j'en venait à devoir fuir, il faudra qu'ils attendent que la milice ait abandonné ses recherches, comme ils seront forcément placés sous surveillance.
-Il faudrait même envoyer quelqu'un d'autre que vous, je précise.
-Je sais, soupire-t-elle. Jérémie rencontre le groupe dont nous avons parlé, cet après-midi. Ils pourront nous aider.
-Est-ce que tu penses que c'est une bonne idée? Mêler d'autres gens à cette histoire? Créer encore plus de problèmes que ce qu'on affronte déjà?
Elle hésite avant de me répondre.
-Je n'ai jamais été pour les révolutions, commence-t-elle. J'ai même toujours suivi les règles qu'on nous a imposé. Moi aussi, j'ai peur que la situation nous échappe et devienne incontrôlable si l'on comment à former une vraie résistance. Mais la situation est déjà incontrôlable, tu ne crois pas? Regarde les forces qu'est prête à déployer May juste pour toi !
-Justement, imagine ce qu'ils seront capables de faire lorsque nous serons dans centaines à défier le gouvernement? Nous ne pouvons pas faire le poids contre eux. Cette affaire se règlerait mieux en restant privée.
Rune se tourne vers moi et ralentis la voiture.
-Ton père est mort pour cette affaire. Tu ne voudrais pas que la vérité éclate au grand jour? Tu ne voudrais pas lui rendre justice?
Elle marque une pause pour observer les champs autour de nous, puis reprend.
-Cette histoire ne te concerne pas uniquement. Tu es juste la preuve de ce que tes parents, et des centaines d'autres citoyens redoutaient. Tu représentes le mensonge et la trahison du gouvernement. Du danger que représente le Système.
Comme je ne suis toujours pas convaincu par son discours, elle relance la voiture à une vitesse convenable jusqu'à ce que nous arrivions à la base.
-Je sais que tu as raison, je murmure enfin. Si le plan fonctionne et que j'arrive à découvrir ce qui se cache derrière toutes ces manigances, je ne pourrais pas juste garder la vérité pour moi. Il faudra qu'elle éclate au grand jour. Et j'aurais besoin du soutien de ce groupe.
Elle acquiesce.
-Mais je ne veux pas servir d'excuse pour des actes de violence non-nécessaires. Je ne veux pas d'extrémistes cherchant à faire sauter les Centres du gouvernement. Je ne veux pas qu'on m'utiliser pour faire passer un message. Le Système a réglé la majorité des fléaux qui régnait sur cette planète. Il ne faut pas chercher à le retourner.
-Qu'est-ce que tu suggèrerais alors?
-Faire ce que mon père a toujours fait. Chercher à l'améliorer.
Elle acquiesce, pensive, puis me prends dans ses bras.Je ne sais plus quoi dire. Alors je la prends dans mes bras aussi. On se sert fort puis, sans un regard, je descends de la voiture. Je continue vers la porte et ne me retourne que lorsque j'entends le moteur redémarrer. J'ai les larmes aux yeux et je lutte pour ne pas craquer. On y est. C'est l'heure.
La porte s'ouvre doucement sur le même garde qu'à l'habitude sauf que cette fois, on dirait qu'il a vu un fantôme. Je l'ignore et passe devant, montrant mon badge à l'accueil de la sécurité avant de le passer dans le lecteur de l'entrée.
Arrivée dans la cour, un autre soldat vient m'informer que je dois attendre le Sergent. Il repart sans donner d'autres explications. Alors j'attends dans la cour, remarquant que l'ambiance générale est à la peur et à la confusion.
Les minutes s'écoulent et je me sens de plus en plus nerveuse. Les gardes chuchotent entre eux. Ceux sur les tours de surveillance me jettent des regards en tenant fermement leurs armes. J'entends l'un d'eux appeler la tour de contrôle et demander ce qu'ils doivent faire. Partout où je regarde, je vois les regards fixés sur moi.
Enfin, deux soldats débouchent du couloir menant jusqu'à la cour. Je reconnais Gaby immédiatement. Celui qui l'accompagne est un garde bien armé, vêtu d'un treillis militaire. Il porte un M-16 sur son épaule, un Luger et un poignard à sa ceinture. Et des menottes.
Peu importe ce qui va se passer maintenant, je ne peux plus faire demi-tour. Je ne bouge pas. Et bien que mon coeur s'emballe, je reste aussi calme que possible, mâchoires serrées. Je me concentre sur mes objectifs. Première étape, trouver la base de donnée. Deuxième étape, m'introduire dedans et trouver le soldat de la photo. A partir du moment où j'aurais validé ma recherche pour avoir accès aux données, un message sera émis au commandant de la base. Il demandera qui a fait cette recherche et pourquoi. Cela me laissera quelques minutes pour le retrouver. Lorsqu'ils auront compris ce qui se passe, ils mettront l'alarme en route. Si je ne l'ai pas retrouvé à ce moment-là, je devrais m'enfuir. Récupérer mon sac et partir le plus loin possible. Si je réussis; et ce plan là est presque plus compliqué que celui où j'échoue, c'est dire; je devrais convaincre le soldat de me suivre sans qu'il donne l'alerte. J'ai réussi à convaincre Rune et Jérémie que j'y arriverais. Mais en vérité, je me suis beaucoup avancée. Je n'ai aucune idée de ce que je pourrais dire pour l'obliger à me croire, puis à me suivre.
Le soldat bien armé quitte Gabrielle au moment où elle vient me rejoindre dans la cour. Je soupire de soulagement et marche pour la rejoindre, essayant de maintenir malgré tout un air impassible.
-Salut Faust, tu viens t'entrainer ? demande-t-elle en marchant sur des oeufs.
-Evidemment, je lance d'un ton assuré. Pourquoi est-ce que je serais là autrement?
Elle hésite et baisse les yeux. Les soldats derrière moi continuent de murmurer mais je ne comprends pas ce qu'ils se disent. Je m'attends à tout moment à une mise en état d'arrestation. Jérémie n'a peut-être pas bien fouillé la voiture et un micro a tout enregistré de notre conversation avec Rune ? Peut-être sont-ils tous au courant de mes plans et envoient une connaissance pour m'amadouer et m'enfermer dans une pièce ?
-Gaby ?
-C'est que... On est tous au courant pour le Centre. Pour ton père.
-Oh.
Je ne trouve rien d'autre à dire. Bien sûr que je devrais être en deuil chez moi, accablée de chagrin. J'ai peur d'avoir perdu ma crédibilité en venant si tôt ici. Voilà pourquoi tout le monde m'observe. Même si cela n'explique par leurs airs méfiants vis à vis de moi. Penses-t-ils que j'ai quelque chose à voir avec l'explosion?
En y réfléchissant... j'ai bien quelque chose à voir avec l'explosion.
-Tu es sûre de vouloir t'entrainer aujourd'hui ? demande-t-elle mal à l'aise. Tu ne veux pas rentrer chez toi ?
-Je ne peux pas rester sans rien faire. Je vais devenir folle. J'ai besoin de me défouler.
Il semblerait que je mente de mieux en mieux car elle comprend ce que je veux dire et me fait signe de la suivre jusqu'au terrain à l'arrière de la base, près du lac.
-Aujourd'hui, on va faire un peu d'aviron. Pour muscler tes bras. Et puis, il n'y a pas mieux pour se défouler.
Nous montons dans la longue barque et elle m'explique comment procéder pour ralentir, tourner ou accélérer. Les mouvements pour ne pas me faire mal, la position à adopter, le signal pour que nous fassions les mêmes choses au même moment. Nous partons tranquillement et accélérons au fur et à mesure. C'est plus difficile qu'il n'y paraît. Veiller à garder la même force dans les deux rames, et exercer les mouvements de façon coordonnée avec son partenaire.
Mais je n'ai vraiment pas la tête à ça. Même si l'exercice me défoule, j'ai toujours mon objectif en tête et ce n'est pas en plein milieu d'un lac que je vais réussir à retrouver le soldat. Je perds du temps.
J'essaie de calculer mes options : prétendre que je suis trop triste pour continuer et demander à rentrer à la base. Impossible. Soit elle ne me croira pas et je deviendrais suspecte à ses yeux. Simuler une blessure. Je suis déjà nulle en mensonge alors jouer la comédie... Sauter dans l'eau et courir jusqu'à l'ordinateur le plus proche. Peu probable, mais assez drôle à imaginer. Attendre que l'on rentre à la base et espérer tomber sur une salle vide avec un ordinateur. Faisable, mais j'ai le sentiment d'avoir assez attendu.
-J'ai quelque chose à te demander.
Gaby s'arrête de ramer et nous laissons la barque glisser silencieusement sur l'eau. Lentement, la jeune femme se tourne vers moi avec intérêt. C'est le moment où jamais de lui demander de l'aide. Personne ne peut nous entendre ici. Et j'ai vraiment besoin de trouver une alliée au sein de la base.
-Je ne suis pas là pour me défouler, je poursuis.
-Sans déconner.
Son ton est si naturel que j'ai un choc en l'entendant parler comme ça. Pourquoi ai-je la désagréable impression qu'elle sait quelque chose que j'ignore?
Alors que je la dévisage avec méfiance, elle soupire et se rapproche de moi.
-Depuis que le Sergent Snowden m'a demandé de veiller sur toi, je me demande pourquoi.
-Il parlait de l'entrainement...
Elle se met à rire.
-Non Faustine. Il parlait de ton dossier.
-Quel dossier ?
-Celui où il est noté que ton ADN est indéchiffrable. Que sans Partenaire correspondant à la prochaine Révélation, tu deviendras Unique.
-Et donc tu es là pour me surveiller ? Veiller à ce que je reste gentiment dans le rang ?
Elle secoue la tête en plissant ses yeux. Son sourire est éclatant.
-Non, je suis là parce qu'il y a marqué dans ton beau dossier que tu as eu 95% de réussite aux tests d'aptitudes mentales et physiques.
-Et alors ?
-Et alors ? répète-t-elle comme si j'étais complètement débile. Et alors il n'y a pas moyen que tu restes hors de la surveillance du Gouvernement avec un tel résultat !
Je n'arrive pas à croire que notre discussion est réelle.
-Tu me confirmes que c'est à cause de mes résultats que je suis sous surveillance constamment ?
-Evidemment ! Personne ne te l'a dit ?
-Non.
Elle me dévisage un moment. Je fais sûrement la même chose. Je ne sais pas quoi dire à ça. Cela paraît si évident à des soldats alors que même mon père n'en savait rien. Ou alors, il le savait et savait aussi que dès l'instant où j'allais quitter le Centre, nous serions mis sur écoute. Alors il n'a rien dit et a même arrêter de me parler. « Tu restes la seule qui pourra faire changer les choses. » A cause de ces foutus 95% dont je ne sais pas quoi faire ?
-Donc je suis là pour veiller sur toi, finit-elle par dire. Maintenant dis-moi ce pourquoi tu es venue, qu'on commence à s'y mettre.
-Qu'est-ce qui me dit que tu n'es pas en train de me tendre un piège ? Que je t'avoue tout pour me retrouver emprisonnée ?
Elle hésite un moment. Visiblement, elle n'avait pas pensé à cette question, ce qui me rassure. Si c'était le cas, elle aurait préparé une réponse pour l'éventualité où je demanderais.
-Franchement je ne sais pas quoi te dire. Le sergent m'a fait appeler dans la nuit. Il m'a dit que le Centre venait d'être détruit par une explosion. Que ton père était mort. Et que si jamais tu revenais ici, je devais te prendre en charge, m'assurer de ta sécurité et ne jamais te perdre de vue. Je pense que le sergent n'écarte pas la thèse du meurtre et qu'il craint que l'on essaie de te tuer.
Voilà qui est plus clair.
-Ok. Alors pourquoi n'est-il pas venu me le dire lui-même ?
-Information confidentielle.
-Si tu ne veux pas que je te balance « information confidentielle » à la figure à chaque fois que tu me demanderas quelque chose à l'avenir, tu ferais mieux de ne rien me cacher.
Ma réplique la fait exploser de rire.
-Oui, super. Je suis hilarante, fais-je sarcastique. Non vraiment.
-Pardon, s'excuse-t-elle en reprenant son sérieux. Mais tu es si... spontanée! Le Sergent a été appelé dans le Secteur 12 pour quelques jours. Le temps suffisant pour qu'il t'arrive quelque chose m'a-t-il dit.
-Pourquoi le sergent Snowden tient-il tant à ma survie ?
-Lui seul pourra répondre à cette question.
-C'est un détournement pour dire «information confidentielle » ?
-Non, c'est un détournement pour dire « demande lui par toi-même, je ne suis pas devin ».
Cette fois-ci, c'est moi qui rigole. Je suis même étonnée de rire de si bon cœur étant donné la situation. Gaby est décidemment une personne que j'estime de plus en plus. Mon téléphone vibre et j'arrête de sourire. Rune a déposé mon sac et m'envoie les coordonnées. Je mémorise les numéros et enlève la batterie du téléphone. Je me lève ensuite et, avec un soupir, le jette au sol avant de l'écraser sous mon talon pour le détruire.
-On peut savoir ce que tu fais ?
-Es-tu prête à faire partie du plan ?
Elle acquiesce. Donc je lui raconte tout, alors que nous revenons vers le bâtiment. Je n'oublie aucun détail. Quitte à ce qu'elle m'accompagne, autant qu'elle connaisse la raison pour laquelle elle risque sa vie. Je continue de lui dire que je n'ai pas besoin d'elle mais elle s'en fiche. Elle doit accomplir sa mission comme un bon petit soldat. Cela ne me dérange pas tant que ça mais je suis mal à l'idée qu'une autre personne se sacrifie pour moi. Elle comprend. Mais elle s'en fiche.
Grâce à son aide, il ne faut pas plus de quelques minutes pour entrer dans la salle de recherche. Il n'y a qu'un seul autre soldat, visiblement perdu dans la contemplation de plans militaires. En nous voyant enfin entrer, il lève les yeux, s'étire et bredouille qu'il lui faut un café. Si ça, ce n'est pas de la chance ! Gaby lui assure qu'elle peut prendre la relève le temps qu'il aille s'en chercher un. Après tout, il mérite bien une pause.
-Allez, on se dépêche ! me dit-elle dès qu'il a refermé la porte derrière lui.
Gaby se jette sur l'ordinateur le plus proche et ses doigts pianotent à une vitesse ahurissante sur le clavier. Sauf que nous n'avons toujours pas de nom. Nous essayons la recherche par secteur mais des centaines de noms apparaissent. Ce pourrait être n'importe qui. Je suis si proche du but que je me sens terriblement impuissante. J'imaginais que je trouverais une solution le moment venue. Qu'il y aurait une recherche par critère physique, pourquoi pas !
Je m'assois une seconde et ferme les yeux. Les 95% doivent bien servir à quelque chose pour qu'ils aient si peur de moi ou pour moi. Mais mes sens ultra développés ne me servent à rien maintenant. Je réfléchis à toutes les fois où je l'ai vu. J'essaie de me rappeler le moindre détail. L'autre soldat revient et Gaby s'approche de lui.
-Hé Sam. Tu as été sélectionné pour le Centre ?
-Non, se plaint-il. Toujours pas et pourtant c'est la troisième fois que je postule.
-Personne ne peut t'aider ? Quelqu'un qui a déjà été là-bas ?
-De toute façon, il n'y a plus de Centre, réplique-t-il en haussant les épaules.
Sa réplique jette un froid. Il tourne son regard vers moi et réalise qui je suis. Le pauvre soldat ne sait plus où se mettre. Tout le monde me connait ici. Je ne sais pas comment j'aurais pu parvenir à la salle de contrôle discrètement sans Gaby.
Mon cœur se serre et je me sens obligée de quitter la pièce. Les regards pleins de pitié commencent à m'écœurer. Gabrielle me rejoint quelques secondes plus tard au moment même où une alarme se met à résonner dans tout le bâtiment.
Cela ne l'étonne pas. Mais le son de la sirène me vrille les tympans et me donne l'impression qu'elle n'est pas dû au hasard. Quelqu'un s'est rendu compte que je cherchais des renseignements. Pourtant, Gabrielle ne réagit pas et me fait signe de la suivre dehors.
-Ce n'est rien, réussis-je à entendre. Entrainement d'alerte incendie, à cause de l'explosion.
Puis nous entendons une vraie détonation qui nous propulse sur le sol, nous faisant glisser sur plusieurs mètres.
-Ok ! crie-t-elle, ce n'est pas un entrainement.
Elle attrape ma main, me relève brutalement et nous courrons aussi vite que possible vers la sortie. D'autres soldats finissent par nous rejoindre et je perds Gaby de vue.
Perdue dans le flot d'uniformes qui m'entoure, je me fais bousculer violemment et tombe sur le sol. Un pied m'écrase le tibia et je manque de me faire percuter la tête plusieurs fois. J'essaie de me relever mais je suis sans cesse poussée vers le bas.
L'ordre militaire n'existe plus.
Lorsque je réussis enfin à me lever, des échanges de tirs se font entendre de l'extérieur. La porte de sortie explose en centaines de morceaux de verre. Une balle siffle près de mon oreille. Je suis complètement désorientée.
Quelqu'un me pousse contre le mur et plaque son corps au mien en protection du reste du monde.
Je sens le souffle de l'individu dans mon cou.
J'essaie de le repousser mais son torse est dur comme de l'acier.
Je relève les yeux et le reconnaît immédiatement.
Et là, le monde s'arrête.
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