Chapitre 9: Tentation, pop-corn et fou rire

18 janvier, ce matin c'était ciné avec la classe.

A première vue on pourrait se dire que c'est banal. Mais ce genre de sortie est devenu tellement rare dans un cadre scolaire et même généralement avec les révisions du bac blanc qu'il faut en savourer chaque instant.

Ce matin, j'ai parlé de Ken et Laura à Marion et elle a essayé d'établir une stratégie pour casser leur idylle. Premièrement, dès notre arrivée au cinéma la prof avait placé Ken sur le rang des profs et il restait deux places pour d'autres élèves à côté. Laura avait négocié avec les gars pour passer la séance avec Ken sauf que Marion et moi avons prétexté nos problèmes de vue (jugez de la qualité de cette excuse!) pour nous asseoir moi à droite de Ken avec Marion.

Laura était verte mais comme toute fille qui ne veut rien montrer sentimentalement parlant elle a fait bonne figure et est allé se mettre quelques sièges plus loin.

Vicieux mais efficace.

Pour quelqu'un voulant renouer les liens, je l'ai trouvé froid et distant. J'ai tenté d'attirer son attention en faisant toutes sortes de choses débiles comme lancer les grains de pop corn restants sur les rangs de derrière ou rigoler très fort. Mais une petite voix m'a chuchotée « T'aurais beau faire tout ce que tu veux, c'est Laura qu'il désire pas toi. » Le « pas toi » résonne dans ma tête. Je n'arrive pas à me concentrer sur le film. Ça me perturbe.

Plus la séance avance, plus je me demande pourquoi j'ai laissé ma jalousie s'installer au point de tenter de prendre la place de Laura. Au fond de moi j'ai la réponse, je le sais très bien mais jamais je me l'avouerais. Parfois, j'ai envie de tout mettre en œuvre pour le séduire mais tout s'écroule quelques minutes plus tard. Des fois je me sens tellement en décalé avec la « normalité » des gens, qui contrôlent leurs moindres faits et gestes, ont tous le même mode de vie et la même façon de se comporter.

Moi mon grand-père m'a toujours dit que si un jour je me sentais dépassée je pouvais faire plier n'importe qui avec l'argent. Sympa la technique. Je suis sociale moi pas calculatrice financière. On m'a toujours dit que je ferais une bonne psy ou orthophoniste car j'ai une grande capacité à écouter et comprendre les gens. Mais c'est ce qui en fait aussi ma faiblesse, c'est que souvent on me prend pour un défouloir gratuit mais on n'envisage pas une seconde de m'écouter. De toute façon dans notre société, ça doit toujours tourner autour des problèmes des autres. Si on a le malheur de parler un peu de soi on est traité d'égoïste.

Soudain, je vois la main de Ken se frayer un chemin pour arriver jusqu'à mon genou. Je me sens paralysée, faible et ça m'énerve. Je peux pas crier dans tout le cinéma : « Regardez, Ken Samaras se rapproche de moi, je sais pas quoi faire, help me please ». Non. Non. Il faut toujours que ce genre de situations embarrassantes arrivent dans des endroits où on ne doit pas parler. J'espère que Laura ne voit rien. Ou plutôt si, je veux qu'elle apprécie ce spectacle en ne pouvant elle aussi rien faire en raison du silence invoqué dans le cinéma. Je suis passée en mode Roxane Machiavélique, car oui comme chacun j'ai une face sombre qu'il vaut mieux ne pas réveiller. On échange un regard qui en dit long avec Ken, au fond c'est lui que je veux.

Pdv Sofia :

Je cours, cours, je vais être en retard et dans un univers où la ponctualité est de rigueur c'est un faux pas.

Mais je suis avec lui.

Et ça change tout. Ou pas. Il n'est pas venu en cours aujourd'hui, ça ne lui ressemble pas, il avait sûrement des choses à régler.

Je bouscule quelques passants. A Paris, même à pied tout est plus long. La masse des piétons est dense. Je me déporte légèrement sur la route pour dépasser un maximum de personnes mais un bus me klaxonne. En plus, je me suis bien habillée, robe noire avec un collier doré et des bottines à talons noirs. Simple, classe et efficace. Enfin je l'espère.

J'arrive au Café Montparnasse avec un peu d'avance finalement. Il n'est pas encore là. J'en profite pour checker mon portable. 3 messages de Roxane.

1° 17:36: « Sista, t'es ou ? »

2° 17:43: « Suis à l'arrêt de bus, je t'attends. Dépêche toi. »

3° 17:51: « Bon tu soûles à pas répondre. Je rentre seule. »


???- Hey ! Tu vas bien ?

Je lève la tête et le voit juste devant moi. Je vacille légèrement.

Sofia- Salut Deen, ouais ça va...

Je suis bloquée, j'arrive pas à faire la conversation, il me fait trop d'effet. Si seulement ma sœur était elle aussi assise à cette terrasse, elle me ferait signe pour savoir quoi faire.

Deen- Tu viens, on va commander.

Sofia- Ouais...

Je prends un expresso histoire de me réveiller un peu et de me remettre les idées en place. Lui prends un café serré. Au moins, je vois que sur ce point on a tout les deux envie de se dégourdir avec des cafés forts.

Il me sourit.

Deen- Alors, c'était cool le ciné ?

Sofia- Bof, encore un film avec une fin moralisatrice sur le trop plein de pollution dans notre monde. T'as pas raté grand chose.

Deen- (rires) Ah ouais j'ai vraiment bien fait de pas venir.

Sofia- Pourquoi t'étais pas là ?

Le serveur amène nos deux commandes à ce moment là. Je sens une once d'hésitation chez Deen.

Deen- Et si je décidais de pas te dire ?

Sofia- T'es obligé !

Deen- Pas forcément, si je fais le choix de pas te dire c'est que peut être je veux te préserver d'un sujet qui te blesserait.

J'adore la manière dont il manie son langage. Il est irrésistible avec ses yeux foncés mais tellement doux et son sourire franc et amical.

Sofia- Si tu me trouves immature, tu peux me le dire tu sais !

On rigole tous les deux.

Deen- Comprends ça comme de la flemme d'aller en cours et de la fatigue accumulée.

Sofia- J'croyais que Le Burbigo était sans cesse au charbon et relâchait jamais le niveau.

Deen- C'est vrai mais honnêtement, j'avais un pote à Aubervilliers qui avait besoin de oim du coup je l'ai aidé normal.

Même si je doute fort de ses propos je décide de continuer la discussion.

On continue de parler, mais le feeling passe super bien entre nous, les réponses s'enchaînent fluidement sans aucun blanc et ça pour moi en terme général c'est rare. C'est un mec extrêmement gentil et avec de l'humour pour mille, mais les questions que je me pose sont les suivantes : « Est ce qu'il a déjà une copine ? » « Est ce que son passé amoureux est sulfureux ? » ou « Est ce qu'il se comporte comme ça avec toutes les filles ? ». Note pour moi même : arrêter de trop réfléchir (même si c'est impossible). Ça fait peut être cheap de dire ça en 2008 (Ironie ? Je ne pense pas.) mais je crois que je commence à développer depuis un peu plus d'un mois et ça ne cesse de se confirmer des sentiments pour Ahmadeen. En dehors du physique, il a un charme psychologique, dans ses idées, son je m'en foutisme sur certains sujets, sa verve très développée et son charisme.

Je suis tellement contente d'avoir pu passer une heure rien qu'avec lui même si ses sentiments ne sont pas réciproques, au moins je l'aurais eu rien que pour moi, il m'aura accordé un peu de son temps. On se quitte sur un sourire et un regard complice.

Pdv Ahmadeen :

Dans le RER, je réfléchis à la vision que je me fais de Sofia. J'ai découvert une personne sympathique, ouverte d'esprit et généreuse, je pensais vraiment pas ça d'elle quand on s'est rencontrés. Je la pensais comme une petite princesse, fille de bourge mais elle s'est avérée être à l'opposé. Cependant, je la sens timide et secrète sur quelques points. Comme si elle cherchait à se créer des barrières protectrices. En même temps, elle a tellement souffert par le passé que je la comprends un peu.

Je me dégage de la foule cosmopolite du RER pour descendre à Mairie d'Aubervilliers et m'engouffre dans un autre bus qui m'amène à deux minutes de mon HLM.

Ismaël mon meilleur ami guette mon arrivée.

Ismaël- Wesh gros ! C'était comment avec la meuf ?

Deen- J'ai effacé mes préjugés enfin pas tous mais une part, elle est sympa mais elle est grave timide t'as vu ?!

Ismaël- Vas y ce week end j'monte en ville avec oit, tu me la montreras !

Deen- T'es fou mec, si tu débarques ça va être le bordel, non c'est pas pour te fâcher mais une autre fois..

Ismaël- Ouais, ouais j'vois bien ton petit jeu héhé ! Au fait, tu sais que j'connais un gars de votre bahut ! Sélim Harrani un truc dans le genre ?!

Deen- Ouais, mais tranquille je lui parle aps, et me fais pas croire que c'est pour lui que t'irais à Paris intra muros !

Ismaël- Si je viens à Paris c'est pour faire mes bails juste, mec j'dois acheter des trucs pour ma daronne, j'en ai rien à faire que Sélim y soit !

Deen- Non mais c'est pas de ça dont je te parlais, laisse tomber, à demain bro' !

Je monte les escaliers et me pose sur mon canap' à gratter des textes dépourvus de sens pendant des heures. Je m'allume une cigarette et cogite jusqu'à m'endormir, complètement crevé.

J'espère que vous avez aimé ce chapitre, n'hésitez pas à voter et à le commenter!

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Vous préférez l'intrigue Ken/Roxane ou Deen/Sofia?

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