Chapitre 32: Battue par les flots mais ne sombre pas
A toi qui vient lire ce chapitre, lis le jusqu'à la fin, il est important pour comprendre certains traits de la personnalité de Roxane. N'hésite pas aussi à me dire ce que tu en as pensé en commentaires et à voter pour le chapitre. PEACE.🙏
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Je me réveille en sursaut. 8h30. J'en oubliais presque qu'aujourd'hui était mon dernier jour à Paname avant un bon bout de temps. Car oui, ma demande de master a abouti dans 2 villes des Etats-Unis: Los Angeles et New York. Tiens tiens. J'ai choisi LA parce que tout simplement pas envie de me coltiner une caisse de souvenirs à chaque croisement de rues. A Los Angeles j'ai des souvenirs, mais au moins je ne risque pas d'y revenir trop souvent. Je parle de l'ancien emplacement où s'est maintenant construit un mémorial. J'ai été invitée avec ma famille à me rendre à la cérémonie d'inauguration, il y a 2 ans à peu près. Je ne me sentais pas de faire face à cette masse de gens serrés les uns contre les autres à observer le moindre faux pas. Qui sait peut être qu'un jour j'irais...
Enfin toujours est-il que ce vendredi 16 aout allait être mon dernier jour en tant que parisienne du moins pour les 2 prochaines années. Sur conseil de ma soeur, j'ai choisi de consacrer cette journée à une balade seule dans Paris, mes bagages étant déjà prêts depuis 2 jours et ayant déjà fait mes adieux à tous ceux qui comptent pour moi, je ne me voyais effectivement pas rester à ruminer dans mon appart'. Il est nécessaire que je m'aère. J'ai décidé de partir aussi de mon appart c'est à dire de le remettre à la location. Comme j'ai dit à mes grands-parents, à mon retour j'aurais un travail donc je me paierais moi même mon appart. J'étais peut être un poil utopiste. Mais bon. Les 3/4 de mes meubles sont déjà partis, le nouveau locataire doit arriver dans 1 semaine. 5 ans putain. 5 ans que j'étais dans cet appart. Mais il faut passer à autre chose me dis-je en enfilant un pantalon carotte noir avec un chemisier blanc. Mon trench-coat, Mademoiselle de chez Chanel et c'est parti.
Me voilà arpentant les rues pavées, légère, limite gracieuse. Pas de pas saccadé, pas de souffle agacé, pas de vieux remords ou du moins pas maintenant, remarquez que nos vieux démons ne sont jamais bien loin. Je m'engage dans le métro. On a tous ce moment où tu remets ta vie en question sur le quai quand tu attends le métro. Notre regard va du sol en béton aux affiches publicitaires jusqu'à nos chaussures. Je décide de choisir au hasard où je veux descendre, chose qui ne m'était pas arrivée depuis longtemps. D'habitude je sais toujours où aller, là je veux me perdre.
Message de Sarah:
Eh quand t aux States on s'capte comment? Pcq g pas le forfait international moi
A Sarah:
Bah ya les réseaux meuf on parle par Insta, Whats'app and co ;)
De Sarah:
Oui c vrai mais c chiant genre si t'as plus de réseau on est dans la m****
A Sarah:
That's like this
De Sarah:
Dis moi t'as fini de m'parler comme as, oublie pas que si il faut j'irais à LA te chercher si tu fais trop la meuf
A Sarah:
😂non mais toi t impossible à vivre vrm jsp comment il fait Framal mais...
De Sarah:
Pff
A Sarah:
Bon bisous la folle 😍
Je verrouille mon Iphone et décide de sortir du métro. Me voilà rue de Rivoli pas loin du Louvre. Pas le moins touristique je vous l'accorde mais j'ai besoin de sentir l'âme de ma ville. Le ciel est gris même en aout mais un gris calme, paisible, sans pluie, sans vent, sans nuage, juste gris. Un temps de parisien en somme. Je marche les yeux dans le vide, savourant chacun de mes pas sur le bitume de Lutèce. Bientôt, ce ne serait plus que halls gigantesques, canapés inconfortables, annonces vocales toutes les 3 min pour annoncer les différentes arrivées. Il est certain que les touristes scandant le nom de leur tante, fille ou gendre à l'arrivée du vol ne m'auront pas manqué. Une dénommée moi même est censée m'amener jusqu'à mon logement. Oui, vous avez bien lu. Pas de privilège parce que vous êtes la fille d'un tel quoique j'aurais pu y avoir droit en forçant un peu mais je ne suis pas de ces gens qui font une entorse au système. Du moins pas là :)
Je déambule un peu à droite à gauche manquant plusieurs fois de percuter des cyclistes ou des poussettes mais ça que voulez vous c'est ma maladresse constante. J'ai toujours préféré la réflexion à l'action. L'intellect au manuel. N'y voyez pas là un dénigrement du travail manuel. Simplement que par exemple lorsque j'étais plus petite je préférais me plonger dans un livre de littérature ou d'histoire plutôt que faire des origamis ou des collages. En fait, je suis à un niveau médiocre lorsque il s'agit de dévisser, gonfler ou réparer quelque chose, en revanche lorsque il s'agissait d'écrire là j'ai toujours su que j'avais le potentiel de briller. Même Ken me l'avait dit à plusieurs reprises, lui qui complimente si peu. D'ailleurs je l'ai souvent aidé pour ses premiers freestyles, moi j'avais le texte, lui le parler. On faisait un bon combo quand j'y repense. Enfin dis-je en soufflant, s'il ne t'avais pas détruit ça aurait pu continuer.
Une grande envie de sortir mon côté asocial me prend. J'enfile mes écouteurs. PLAY. "Flotte mais jamais ne sombre"- 1995. Merde. Bon, les paroles commencent à se déverser en moi. Finalement ça glisse assez bien même si je sais que le moment où Ken va prendre le mic va me faire mal. "Toujours à la limite/ Flotte mais jamais ne sombre/En equilibre faut qu'on s'en sorte avant qu'tout s'effondre". Ces lines me font un drôle d'effet. De toute façon la musique coule sur nous, s'agrippe à nous différemment selon notre vécu, tout ça. Les rimes résonnent différemment. Je me suis toujours dit que cette phrase -Flotte mais jamais ne sombre- était un peu ma ligne de vie. Aka Fluctuat nec mergitur, devise de Paris, cette phrase m'a toujours donné de la force, rien qu'en la prononçant. Soudain, un appel vient troubler mon analyse musicale.
"Deen" s'affiche sur mon écran. DECROCHER.
-Oui dis-je d'une voix détachée
-Allô, euh ouais c'est Deen, euh... tu pars quand?
- Demain.
Je décide de longer les bords de Seine via le cours la Reine et le cours Albert 1er.
- Tu... ça te dérangerais de passer au stud viteuf?
- (je marque un long silence) Je sais pas trop Deen, honnêtement je n'ai vu aucun gars depuis pratiquement 1 mois et encore, fin à part Jazzy j'ai juste croisé Phal et Benjamin à Nation l'autre jour...
- Tu sais qu'tu vas nous manquer malgré tout ça
- De quoi malgré tout ça?
- Enfin tu sais bien (il souffle) le..., l'histoire avec Ken et l'embrouille avec beaucoup de mes gars fin en soi ils sont pas en colère contre toi c'est plus qu'ils défendent Ken parce que c'est leur frère quoi
- Je marche pas sur ce chemin moi tu sais.
- Roxane, je sais que t'as un coeur et...
- Ca ne m'empêche pas de vouloir avancer, être heureuse tu comprends! Toute ma vie j'ai toujours du être dépendante du bon vouloir et du pardon des gens mais maintenant c'est moi qui décide! J'en ai marre de vos simagrées et de vos fausses manières de je sais pas si j'te pardonne ou pas... à un moment donné, si les gens m'aiment vraiment et bien je les laisse revenir vers moi comme j'ai du le faire depuis de nombreuses années! Faisons tourner la roue un peu tu veux?
- ... Comprends moi Roxane, je sais que ça n'a pas été toujours simple avec Ken loin de là, mais t'es une fille bien je sais que presque tout peut redevenir comme avant, même lui je sais qu'il t'aime au fond
Ah non ça en était trop, je ne peux pas entendre ça. Mon corps entier se glace.
- Ferme la Mickael.
- D'où tu m'appelles par mon prénom toi?
- On est plus comme avant, saisis le. Je suis perdue, je ne veux plus de cette vie, laisse moi avancer
- Je sais que tu le penses pas...
- Parfaitement si. Maintenant je veux vraiment que tu me laisses. Si le destin doit nous ramener à nous voir ça se fera mais moi comme vous j'ai des projets, des trucs, des...
Je sens mes larmes glacées couler une à une en même temps que je parle.
- Fais comme tu veux, après tout je sais même pas pourquoi j'suis encore là à essayer... mais ma foi tu sais que malgré tout je peux pas m'empêcher de te kiffer t'es une fille bien, ta soeur me le dit assez souvent et j'ai bien pu le constater.
- Cool. Profite d'elle. Profitez vous deux.
- Ouais... bon à une prochaine fois alors...
- C'est ça.
Je décide de couper court à la conversation. La lumière blanche m'aveugle, vous savez cette lumière qui se révèle derrière un temps grisonnant. Mes yeux pleurent d'eux même. Je veux être heureuse oui, il le faut.
Je m'arrête au niveau d'un renfoncement dans le mur où je m'assois, quelque peu à l'abri du regard des passants. Je regarde le fleuve de la Ville Lumière se déverser sous mes yeux. Je repense à la 1ère fois où j'ai posé mes pieds sur le sol parisien pour de bon. L'été qui précédait notre arrivée au collège Stanislas à Paris, l'été 2002, nos grands-parents nous avaient fait rapatrier enfin après de longues démarches pour avoir notre garde. 5 juillet, arrivée à Paris.
Mes pensées divaguent, je me mets à voir flou. Tout se fige mais continue en même temps de bouger autour de moi.
Je vois le mois d'aout d'il y a 11 ans. Marseille, Provence. Un de mes oncles paternels est marié à une femme originaire de Provence, dans la campagne un peu au dessus de Manosque. Du coup, vu que chaque été normalement on part en France soit en Ardèche chez ma famille côté français soit chez mon oncle et ma tante en Provence, ce rituel avait perduré. J'ai toujours été très proche de cette tante là, qui est d'ailleurs ma marraine, Claire-Julie mais tout le monde l'appelle Claire. Avec mon oncle, ils habitent en Ardèche mais ont prévu sous peu de déménager à Lyon. Ils ont trois enfants, Lilian, Violette et Lise.
Je nous revois dans les calanques des Goudes (pour les connaisseurs ;)) dans un petit recoin, une mini plage en contrebas des roches.
Mon premier souvenir d'arrivée en France. Un pique nique un soir d'aout en famille.
FLASH BACK:
Je vous conseille fortement d'écouter cette musique en fond sonore pour la fin du chapitre ;)
https://youtu.be/ko23koYtOfc
Je mangerais après. L'eau m'attire. Même s'il est bientôt 22h et que la nuit se fait noire, quelque chose me pousse à me fondre dans les eaux qui à ce moment là semblent troubles de la Méditerranée. Je m'avance jusqu'à ne plus avoir pied, malgré les regards suspicieux portés sur moi par ma cousine Violette, la seule à avoir remarqué que je m'étais éloignée. Alors voilà, une nouvelle vie va commencer. J'ignore si je retrouverais un jour la force en moi de parler, comme avant. Rares sont les moments où je prends la parole dorénavant. Au fond je ne suis pas timide juste brisée, fendue, cassée me dis-je en progressant dans l'eau jusqu'à ne plus avoir pied. Il y a un peu de courant, l'eau se fait quelque peu fraiche mais je n'y peux rien, je suis comme embarquée par cet appel de la mer. Je me mets en planche sur le dos et regarde le plafond de constellations. Je ne sais pas quelle folie brute m'a poussé à aller si loin moi qui d'habitude ait la phobie des profondeurs. Je suis comme enivrée, mes cheveux mouillés me collent au visage, je vacille au gré des vaguelettes, le froid s'installant et la couleur sombre de la nuit pour seuls compagnons. Je ne distingue qu'une légère lumière, probablement une lanterne du restaurant de plage au dessus des rochers. Le courant me déplace, moi et mon lourd sac de peines. Je me laisse porter, je me sens lourde, presque comme si je ne faisais qu'1 avec la faune marine.
Et si mes parents avaient été là, hein, est-ce que ma vie serait la même? Certainement pas. J'ai l'impression de m'immerger dans les flots. Je me sens en transe, comme grisée par le froid, la nuit, l'aspect scintillant des étoiles, le roulis de la mer. Je me sens terriblement triste à ce moment là. Oui. Vidée et à la fois remplie. Vidée de vie, remplie de haine, de tristesse, de manque. "Oh papa, oh maman, je... vous me manquez, je vous aime", "la vie ne sera plus la même sans vous, oh non plus jamais, mais pourquoi? POURQUOI" me dis-je en tapant du poing du peu de force qui me restait sur les vagues. Le bruit fait écho et me remplit de rage. Plus jamais, non, plus jamais. Je ne pourrais recroiser leur regard. Entendre leur voix. Les voir se tenir la main. Nous regarder sur la patinoire de Broadway l'hiver. L'accent américain de maman lorsqu'elle essayait de parler français. Les voyages à 4. Le bonheur.
Non, je ne peux m'y résoudre, "revenez, revenez..." esquissais-je du bout des lèvres, dans l'eau. Laissez moi dériver jusqu'à l'Atlantique, les rejoindre, me dire qu'il y a presque 1 an ma vie n'a pas changé, on va repartir à New York, oui... Les larmes se mêlent aux embruns et à l'eau de la mer qui fouette mon visage de temps à autre. Mes yeux et ma bouche se crispent en un sentiment de douleur. Je hais la vie. Je vous hais tous me dis-je en pleurant. "Pourquoi m'avoir enlevé mon bonheur, pourquoi n'y avais je pas droit? Pourquoi? Je vous en supplie si vous m'entendez revenez moi..."
"Laissez moi couler dans les eaux profondes, laissez moi les revoir, les serrer dans mes bras, les embrasser, voir ma petite soeur qui n'aura jamais connu un jour de vie, Joy..., laissez moi vivre heureuse pitié...". Mes larmes se déversaient en un long fleuve continu, comme si toutes mes douleurs et mes peines coulaient sur ma peau. Comme si je déversais l'encre de ma souffrance. Sans que cela ne puisse rien y changer. Car oui, larmes ou pas, mes parents ne reviendront pas. Plus jamais. C'est fini. FINI.
J'étais à la limite du délire et de l'hypothermie, le visage baigné de larmes, en transe quand mon oncle et ma tante arrivent et me saisissent, l'air mortifié. Ils me ramènent jusqu'à la plage. Ils se regardent, je sens ma tante à la limite des pleurs, mais elle ne craque pas, elle tient. Jusqu'à m'avoir ramené sur une serviette à côté des autres. Tout le monde range ses affaires en me regardant. Je suis sonnée. Mon regard reste figé en l'air. Oh oui je hais la vie.
Ma tante- Enfin Roxane, si tu savais comme on a eu peur, tu réalises? Pourquoi t'as eu besoin d'aller si loin? Tu voulais couler ou te fracasser contre les rochers? Rejoindre les courants forts et quitter la baie?
Moi- POURQUOI? POURQUOI?
Mes hurlements ont tétanisé Lise, ma cousine de 2 ans et ma soeur. Je me débats, le ventre et la gorge serrés. Ma tante me recroqueville contre elle. c'est la 1ere fois que je m'exprime aussi violemment depuis bien des mois. Mon ventre se tord. Je déglutis tant bien que mal et sens la chaleur du corps de ma tante me ranimer peu à peu.
FIN FLASH BACK
Le corps engourdi, la tête lourde, les jambes flasques, je décide de me lever et tout en rentrant à pied jusqu'à l'appart je cogite, je cogite. Mes yeux sont embués, mes cheveux se collent à mon visage à cause du vent qui s'est levé. Je marche parallèlement à la Seine, il fait déjà nuit, j'ai du rester là un bon moment.
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23:48. Tout va bien. Je suis censée me lever dans 5H mais all is right. Mes valises et mes sacs prennent une place monstre dans le couloir. Je suis posée dans mon lit, enfin, le regard fixe vers le plafond. "Tu vas leur faire honneur Roxane, tu vas changer, tu vas prendre le pas sur ce que la vie veut te faire devenir". Demain, j'enverrais un dernier SMS à ma soeur, qui finalement reste toujours un pilier pour moi, présente quoi qu'il arrive, vraiment, pas comme ces pseudos amis. Unies comme les doigts de la main. Je range les quelques petites vignettes photo de mes parents, de nous 4 et les glisse dans mon portefeuille. Demain est un nouveau jour. Demain, tout démarre. Enfin, de nouveau. Jamais, oh non jamais je ne tomberais. Battue par les flots mais ne sombre pas. Fluctuat nec mergitur.
......
PEACE GUYS.
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