Chapitre 28: Back In my mind
Je pose un pied puis l'autre sur le trottoir avant d'aller chercher ma valise et de prendre l'ascenseur. Un sentiment de familiarité me fait me détendre légèrement. Je range ma valise le plus vite possible. Il ne s'est rien passé. Il n'y a jamais eu de vol. Jamais eu ce jour qui a bouleversé ma vie. Jamais, je ne suis allé me recueillir à New York. Jamais, jamais, jamais... Ne pleure pas Roxane.
Je m'assois le ventre crispé face au miroir de ma coiffeuse, sur mon lit, et regarde mon reflet.
Je m'installe comme habituellement lors de mes jours de déprime dans mon lit, sors mon ordi et regarde les nouveaux post et statuts de chacun. Claudia qui poste des conneries comme d'hab, Marion qui met un statut « Quand tu réalises que tu passes des vacances de merde bordel ». Rien de spécial. Je l'aime bien Marion mais parfois elle est tellement sombre dans ses pensées. Faut dire, elle en a des problèmes. Sa mère est alcoolique et fume énormément depuis 40 ans. Alors, m'a racontée Sarah, elle a eu un cancer du poumon il y a 10 ans. Elle s'en est sortie mais a continué. Rechute du cancer. Elle enchaîne les visites chez les chirurgiens et autres médecins à cause de son corps détruit, ses artères bouchées, son visage détruit par la clope. C'est le début de la fin, m'a dit un jour Sarah, cigarette à la main, petit sourire crispé. Ironie de la situation. Du coup, elle doit se débrouiller toute seule Marion, c'est un peu devenue une gamine des rues, elle fugue souvent malgré tout le temps qu'elle passe auprès de sa mère. Elle a besoin d'air elle aussi. En plus elle fume. Telle mère, telle fille. Je ne comprends pas que l'état de sa mère ne la fasse pas réfléchir. Mais bon, on ne choisit pas sa vie, dis je dans mon grand lit, dans ma chambre, dans le quartier Passy, 16ème.
Sarah- Ca te dit on se voit ? J'suis chez Phal.
A Sarah- J'arrive.
Je ne réfléchis pas trop, le contrecoup du décalage horaire ne se fait pas encore sentir et puis j'ai besoin de me changer les idées. J'enfile discrètement mes Nike sans demander rien à personne et file tel un esprit rêveur. Dans le métro, j'observe les passagers en essayant d'imaginer leur vie. Certains esquivent les regards en regardant le sol, d'autres font semblant de se concentrer sur la musique diffusée dans leurs écouteurs, d'autres font carrément la gueule. Welcome in Paris.
« Javel-André Citroën » annonce la voix automatique. Je descends et deux minutes plus tard, je suis devant l'immeuble.
Il habite pas loin de chez Ken, ils sont un peu tous dans le même coin. Voilà Zeuja qui débarque, dégaine de skateur, cheveux explosés avec un bonnet péruvien sur le crâne.
Z- Wesh Roxane, t'es pas aux States toi ?
Moi- Je suis rentrée tout à l'heure.
Z- Et t'es pas crevée.
Moi- Un peu mais passe.
Z- Sofia est pas avec toi ?
Moi- Non, elle est à l'appart, c'est Sarah qui m'a prévenu.
Z- Ah okeyy dit il en composant le code de l'interphone.
Il me tient la porte et on monte tous les deux jusqu'à arriver devant le palier de Phal.
C'est un gars que je ne connais pas qui nous ouvre, pull trop large des Harlem Globetrotters, vieilles Adidas, bref pas le genre de mec que je fréquente d'habitude. Si mes grands parents voyaient que je ne reste pas avec la jet-set parisienne en dehors des galas, ils deviendraient fous. De toute façon c'est tout le temps un hall de gare chez Alpha.
Il tcheck Benjamin (Zeuja) et me dévisage platement quelques secondes avant de nous laisser entrer.
Effectivement, on dirait que tout le quartier s'est donné rendez-vous là. Le gros canapé est occupé par une dizaine de gars qui squattent. Sarah, mon unique acolyte féminin est sur un tabouret, les cheveux négligemment attachés en queue de cheval haute. Elle me sourie pendant que je m'avance dans la pièce en faisant des signes aux uns et aux autres. On doit être au moins une trentaine. Impossible de repérer qui est présent. Je distingue Framal et son frère, 2zer, Antoine, Sneazzy et Ken, en train de finir un joint à la fenêtre.
J'entends des voix dans mon dos.
-Et c'est qui la bourgeoise là ? Elle doit s'appeler Joséphine un truc comme as...
-Ben j'sais pas gros, elle était avec Benji...
Je fais volte face et leur répond : Mon prénom c'est Roxane.
Ils me regardent tous, intrigués et retournent taper la discute tous ensemble.
Sarah- Alors la new-yorkaise, c'était cool ?
Moi- Bof... honnêtement j'aurais préféré rester ici...
Sarah- Oh non mais lol c'est quoi ce genre de blem, sérieux tu te serais ennuyé sévère ici.
Je lance de temps à autre des regards à Ken mais il ne me voit pas.
Moi- Ouais mais bon tu sais... il a plu tout le long c'était relou.
Je viens vraiment de sortir une excuse pareille ? Faut vraiment que j'aille me reposer.
Sarah- (rire) Ah tu me feras toujours marrer toi !
Soudain, Ken se retourne et gueule pour couvrir les voix :
K- Et les gars ce samedi je fête mon anniv, grosse réssoi chez moi, vous venez ?!
Réponse positive générale. Sauf moi. Je reste silencieuse.
Antoine- Yen a une qui a pas donné sa réponse encore ?!
Ce genre de situation relou, un peu comme quand t'as pas fini le gratin de mamie et que tout le monde t'observe l'air de dire « qu'elle est impolie celle là ». Ken me regarde fixement.
Moi- Oui, oui je viens dis je furtivement.
Sneazzy- Par contre frère j'pourrais ap t'acheter qqe chose pcq t'sais vas y c'est la merde chez oim en ce moment.
Le silence se fait religieux tout d'un coup.
Framal- Ils ont quand même pas appelé les huissiers ?
Sneazzy- Non mais c'est méga chaud, mec on arrive plus à payer le loyer !
Mekra- T'te façon la France c'est un pays de merde, regarde moi ya une sœur à ma mère qui est arrivée d'Algérie, ils ont toujours rien foutu pour les papiers.
S'en est trop.
Moi- Mais comment tu peux dire ça ? La France c'est génial, on a pleins d'aides, la Sécu tout ça... Mec aux States tu te débrouillerais pour toi !
Mec inconnu- Mais ta gueule là , Antoinette, tu l'as connu la galère toi ? Tu sais pas ce que c'est alors casse pas les couilles !
-Société de capitalistes de toute façon !!
Moi- On se connaît ? Non. T'as déjà vécu aux States ? Non. Alors s'il te plaît baisse d'un ton avec moi, on a pas l'air d'avoir été élevé dans le même monde niveau respect !
- Mais je fais ce que je veux, ta mère la bourgeoise là !
2zer- Oh oh mec ta gueule !
Moi- La bourgeoise elle t'emmerde, et puis j'te signale que mes parents ils sont plus là, mais que Dieu te pardonne, j'espère qu'ils ne t'entendront pas depuis le ciel. Moi aussi j'en ai connu des galères tu vois.
Silence de mort dans la pièce. Je fulmine intérieurement. Ca ne tiendrait qu'à moi, je le traînerais par terre jusqu'à ce qu'il s'excuse. Vous savez ce genre de sensation ultra violente qui vous prend tout le cerveau et qui met votre corps en transe.
Les gars finissent par le calmer.
Alpha commande des pizzas, il va bientôt être 20:30.
GM- Do you come back for the dinner ?
Moi- No, i have to rest with my friends, sorry... I love you
GM- Okey. Too.
Mekra s'approche de Sarah pour prendre un truc. J'en profite pour lui souffler :
Moi- Tu sais, j'peux t'aider pour ta tante algérienne. J'connais des gens à la préfecture de Paris.
Mekra- (hésitant) merci mais... tu connais qui là bas ?
Moi- Le préfet et quelques conseillers. J'connais l'ambassadeur de France aussi si t'as besoin. J'ai pas souvent l'occasion de m'en servir, t'es mon ami.
Mekra- Non mais laisse tomber je... tu les connais personnellement ?
Moi- J'ai du les voir une fois, mais mes grands parents les contactent souvent. J'peux essayer d'arranger ses papiers.
Mekra- Euh... ça serait ouf mais vas y, tout ce monde là ils s'en foutent de nous...
Moi- Pas des Duvallier, j'te jure on peut trouver une solution. Dès demain, on peut les contacter. Elle arrive quand ta tante ?
Mekra- Elle est là depuis 3 jours, mais les papiers ça prend grave du temps...
Moi- J'dois la rencontrer pour lui poser des questions et avoir quelque chose pour pouvoir la faire valoir mais j'peux essayer.
Mekra- ... Pas de problème, viens quand tu veux.
J'acquiesce et lui sourit. J'ai cru voir passer dans ses yeux une once d'émotion.
Après avoir vite fait mangé ma pizza, je me dépêche de rentrer chez moi, ma sœur va sûrement me demander des comptes.
Ca n'a pas loupé.
Sofia- Hé, c'est quoi ce plan de dernière minute là ?
Moi- Tu dormais, t'étais crevée j'allais pas te forcer , dis je tout en me démaquillant.
Sofia- (marque un temps d'arrêt) Qu'est ce qui te prends en ce moment ? T'es vraiment étrange, tu t'éloignes de moi, tu sors tout le temps, on dirait que ta vie te gave en permanence !
Moi- Peut être parce que c'est vraiment le cas. Et puis tu sais même pas ce que je suis allée faire.
Sofia- T'es allée chez Ken ?
Moi- Nope.
Sofia- Roxane...
Moi- Je viens de te dire que non...
Sofia- Juste ne deviens pas sa sex friend stp. Parce qu'il est déjà en couple.
Une crampe au ventre me prend. Je jette mon coton et fait tomber ma brosse à cheveux par terre.
Sofia- Elle s'appelle Melina. Tu regarderas sur son avant dernier statut.
Moi- C'est pas possible...
Sofia- T'es jalouse ou quoi ? J'croyais que c'était qu'un vulgaire connard pour toi.
Moi- Oh commence pas avec tes mythos là, il a rien mis avec une Melina sur ses statuts.
Sofia- Et si ça avait été le cas ?
Moi- Cherche pas à m'embrouiller, j'vais te gâcher ton flirt avec Deen tu vas rien comprendre.
Elle marque une pause avant de répondre.
Sofia- D'où c'est un flirt ?
Moi- Mais meuf réfléchis le gars il sort h24 en soirée, à droite à gauche, tu te doutes bien qu'il y a mieux que nous à Paname.
Sofia- Pff, comme tu voudras en attendant tu viens chez Ken samedi ?
Je m'en vais dans ma chambre et ferme à clé. J'ignore ce qui donne l'envie à ma sœur de m'embrouiller sur rien ce soir mais déjà que peu de choses sont claires pour moi...
Je me décide à écrire un statut sans intérêt juste pour déverser ma haine.
« Marre de songer à des personnes minables. Coupable de moi même. » Je sais que c'est nul et que j'effacerais probablement ce post demain mais ça me détend quelques instants. Et pour une parisienne c'est déjà beaucoup.
Au bout de 20 minutes, je reçois un appel de Ken.
Il est 23:59. Bordel.
Je décroche mais ne parle pas, attendant qu'il fasse le premier pas.
Ken- Allô ?
Moi- (soupir)
Ken- C'est quoi ce statut ?
Moi- Je sais pas. T'as prévu de contrôler tout ce que j'fais?
Ken- Dis donc je t'ai connu avec des réponses plus construites hein, Mademoiselle Duvallier.
Moi- Richardson.
Ken- Quoi ?
Moi- C'est le nom de jeune fille de ma mère. Mes parents se sont mariés après nous avoir eu.
Ken- Ah... Cool.
Je sais pas ce que j'ai parfois à me lancer dans des délires pareils, je ressasse des vieilleries sans importance. Heureusement Ken, n'est pas comme ces pseudos empathiques qui vous sortent des phrases pour faire genre qu'ils s'intéressent à votre anecdote.
Moi- Voilà.
Je respire difficilement et lève la tête vers mon miroir. J'ai l'air d'une pâle copie de moi même.
Ken- Ca va ?
Moi- Non.
Ken- Super.
Un blanc s'installe pendant quelques secondes mais ça ne me gêne pas bizarrement. J'aime entendre son souffle et savoir qu'il est toujours là, de l'autre côté de la ligne.
Ken- C'est tes démons qui te reprennent ?
Moi- C'est joliment dit mais ouais c'est ça.
Ken- Mets toi à ta fenêtre.
Moi- Pourquoi ?
Ken- J'y suis à la mienne alors j'veux voir si tu vois la même chose que moi.
Moi- Mais t'es un ouf toi ça caille dehors !
Ken- Fais ce que je te dis.
Je m'assieds en ouvrant mes volets sur le rebord de ma fenêtre, dans un fragile équilibre entre la mort et le vide, et une chambre qui d'un coup m'étouffe.
Moi- C'est bon.
Ken- Tu vois quoi ?
Moi- La lune. J'aime bien les lunes.
On éclate de rire au même moment, tels deux tarés alcooliques.
Ken- Décidément, toi la nuit t'es plus très lucide.
Moi- Ouais...
Ken- Tu voyais la même chose depuis New York ?
Mon coeur se serre. « La tour s'écroule. Je hurle. Maintenant je pourrais dire que j'ai connu l'enfer . »
Moi- Non... les buildings étaient trop hauts.
Ken- Tu viens à ma soirée ?
Moi- Ouais je pense.
Ken- Tu penses ou t'es sûre ?
Moi- Sure.
Ken- Tu verras ça te changera les idées.
Lundi de la rentrée:
Alors, ça oui ça m'a changé les idées. Mais pas comme j'aurais voulu.
La soirée s'est avérée être très sombre, vous savez ce genre de moments où vous savez qu'il s'est passé quelque chose mais vous n'arrivez plus à distinguer quoi. J'étais là dedans moi. Dans le rien. Rien un peu comme sur ma copie d'espagnol que je n'arrive pas à remplir en ce lundi matin.
« La nocion de viaje y de migracion ». Ouais ben à ce moment là j'aurais bien aimé me trouver n'importe où, mais ailleurs que dans cette foutue salle de classe où on étouffe déjà alors qu'il est à peine 10h16.
Je me rappelle de ma robe, beige, mon éternelle paire de talons vernis, l'effluve d'un parfum typiquement masculin qui me tourne autour pendant toute la soirée. Tout ça pour me rendre compte qu'il voulait rien ce bâtard. Me foutre la honte sûrement. Je m'étais dis que cette soirée officialiserait notre « réconciliation ». La, je sais même pas si je vais lui adresser la parole. Même si je sais que je craquerais, parce qu'au fond je suis faible, et j'en ai surtout un pour ce fumeur de shit à la dégaine de skateur.
Ca fait la 3ème fois que j'efface ce que j'ai écrit, je n'arrive pas à formuler une phrase alors qu'on va pas se le cacher, ce qu'on fait en langue, c'est vraiment bête et naïf. Si seulement je pouvais marquer toute la haine que j'ai pour celui qui se trouve 2 rangs derrière moi... Une voix féminine m'appelle justement derrière moi. J'ai pas envie de me retourner. Mais malgré tout, je le fais.
Marion- Tu galères ?
Moi- Oui , dis je tout en surveillant du coin de l'œil si la prof ne me voit pas. Et toi ?
Marion- Tu me connais, d'la merde. Au fait (avant que je ne revienne à ma copie), il t'as reparlé ?
Putain mais les gens n'ont que ça à faire, que ça à me dire ?!
Moi- Non, de toute façon... j'me rappelle même plus ce qui s'est passé.
Marion- Faut dire t'étais un peu dans un monde parallèle quand ça s'est fini...
Moi- Pourquoi ?
Marion- Ben j'sais pas mais t'as commencé à lui hurler dessus puis t'as insulté l'autre poufiasse là euh...
Prof- Silence, sinon j'enlève 2 points.
Marion- Puis tout le monde a cru que t'allais casser des teilles ou des bails comme ça du coup y avait plus que vous...
Prof- Silencio, por favooooor !
Je me retourne, angoissée et blême face à ma feuille. Je sens que je ne vais pas tarder à comprendre.
J'espère que ce nouveau chapitre vous a plu, n'hésitez pas à le liker et commenter, ça me ferait très plaisir.
I hope you enjoyed this new chapter, don't hesitate to vote or comment!
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top