Chapitre 27: Just a little prayer
Je déteste les gens trop lisses. Ceux qui ne donnent pas leur avis et suivent les leaders. J'ai toujours préféré les personnes hors normes que ces moutons.
Pareil pour l'écriture. Je ne supporte pas le « trop scolaire » avec les bons procédés partout, jamais de répétitions, tout en légèreté. Aucune expression, aucun cachet, aucune marque de réalité.
Ca me rappelle l'hôtesse d'accueil de notre hôtel actuel à New York, elle ferait tout pour nous satisfaire, pour être la plus impartiale possible, comme si c'était un robot sans âme ni pensées. J'espère que ce n'est pas leur métier qui leur impose ça. Avec le journalisme, c'est fini toutes ces simagrées.
Bon allez Roxane, c'est ton dernier jour, demain matin très tôt, tu ne seras plus là. J'ouvre les yeux malgré moi. Toujours dans mon grand lit, dans une chambre elle même très grande dans un très grand hôtel. Tout est trop spacieux. Mes grands parents sont partis passer la journée chez des amis à Brooklyn, eux ils restent plus longtemps que Sofia et moi.
En parlant d'elle :
Sofia(entrant dans la chambre)- J'viens de me lever, tu veux faire quoi aujourd'hui ?
Je ne la regarde pas, je ressens une angoisse à l'idée de ne pas savoir occuper cette journée. Des millions de touristes assoiffés de visite m'auraient probablement dégoté un programme d'enfer. Mais je sais pas, tout me repousse, rien ne m'attire. Cette ville pour moi est devenue le fantôme de mon enfance. Quand je pense à tous ces touristes qui viennent spécialement pour voir le Mémorial du WTC, ça me fait de la peine de me dire que mes parents sont rentrés dans le système d'une machine à fric de plus, que leurs noms demeurent gravés sur de lourdes plaques noires, à la vue de tous comme une exhibition. Choisis pour être les victimes de cette tragédie. Et pas moi. Enfin presque.
Je me lève et regarde ma sœur d'un œil désolé, désolé de ne pas savoir ce qui se passe en moi, désolé de ne pas avoir consulté un psy mais je ne voulais pas être rangée, fichée comme une personne « à problèmes ».
Dans la grande salle de restauration, je mâche mollement mon croissant et regarde les familles souriantes, préparant leur plan avec de grandes cartes tout en avalant leurs céréales. J'ai froid.
Ellipse d'une heure.
Nous voilà en train de déambuler sur la 5th Avenue pour faire les boutiques. Sephora, Guess tout y passe. La foule comble une part de mon mal être. Du moins elle me fait momentanément respirer et sortir la tête de l'eau. Triste d'en arriver là. Toute une partie de ma vie est restée ici, à errer cherchant désespéramment un endroit où se reposer pour soulager sa peine. Et oui, j'avais tout pour bien grandir, dans une famille aimante, aux valeurs fortes dans la capitale du monde. Mais il a fallu que ça arrive. C'est toujours ça : les gens prédestinés à avoir une vie brillante et palpitante se prennent une énorme gifle de la vie. Donc au final mieux vaut avoir une vie banale avec quelques galères qu'un truc qui te met à terre. Pour moi, tout était trop parfait.
Break down.
Ellipse de quelques heures.
2:00 a.m.
Allez lève toi Roxane.
Je me suis réveillée une heure avant. Pour aller leur rendre hommage une dernière fois à l'ultime endroit où je les ai vus.
Je m'habille chaudement, le climat est 10 fois plus rude qu'à Paris. Me voilà dehors, le réceptionniste m'a ouvert la porte, étonné.
C'est fou comme l'ambiance est différente la nuit. Toujours du bruit, mais les trottoirs vides, une atmosphère planante, obscure et calme à la fois. Ca y est j'y suis. Plusieurs bourrasques de vent tentent de me déstabiliser à mesure que j'approche de l'endroit fatidique. L'emplacement de leurs noms, je le connais par cœur. Malheureusement.
Et là, tout ressurgit. L'escalier blanc. Les rires. Puis l'explosion. La peur. Puis remplacée par de l'attente. Journée cauchemardesque qui malheureusement fait partie de moi à tout jamais. Car je suis et reste une victime du 11 septembre.
Je lève la tête comme quand j'étais petite à la différence qu'en ce temps là je cherchais à tout prix à voir le haut de la tour. Maintenant, plus la peine d'essayer, elles n'existent plus. Plus jamais. J'avale cette boule d'oppression qui me bloque la respiration. Je sais qu'il y a différentes périodes dans un deuil : la tristesse, l'amertume, le manque puis ça se tasse petit à petit même si on oublie jamais. Moi c'est tout en même temps. Autant vous dire un gros bordel.
J'ai besoin d'air. De rentrer chez mon oncle en Ardèche. Avec mes cousins. Quelqu'un. Quelqu'un à qui je puisse me rattacher pour parler, crier, m'accrocher pour supporter cette douleur et cet absentéisme qui hurle en moi. Sofia. Sofia, je t'en supplie viens à moi. Il faut que tu sois là. Je me sens faible et impuissante dans ce genre de moments où je n'ai personne avec qui partager ma peine, ma solitude, mon anxiété, mes craintes.
Ellipse : reprise de l'histoire à l'arrivée à Paris des jumelles
C'était triste. Triste, maussade et ennuyeux. Ce vol m'a semblé durer une éternité. Mais je suis contente de retrouver ma ville lumière. Sur le périph après avoir quitté l'aéroport d'Orly, je regarde, la tête collée à la vitre les camions, voitures, le goudron mouillé comme la plupart du temps ici. Le ciel gris, bizarrement, me fait un bien fou, m'apaise.
Je pose un pied puis l'autre sur le trottoir avant d'aller chercher ma valise et de prendre l'ascenseur. Un sentiment de familiarité me fait me détendre légèrement. Je range ma valise le plus vite possible. Il ne s'est rien passé. Il n'y a jamais eu de vol. Jamais eu ce jour qui a bouleversé ma vie. Jamais, je ne suis allé me recueillir à New York. Jamais, jamais, jamais... Ne pleure pas Roxane.
Je m'assois le ventre crispé face au miroir de ma coiffeuse, sur mon lit, et regarde mon reflet.
J'ai envie d'envoyer un message à Ivàn.
J'espère que ce chapitre vous a plu, n'hésitez pas à voter et commenter ça me ferait vraiment plaisir. Hier soir, je suis allée voir Jazzy Bazz en concert pour son Nuitour, c'était ouf, une ambiance géniale. Pogos, bête de présence sur scène, photo à la fin, j'essaierai de la mettre dans un prochain chapitre. Voilà :)
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