Chapitre 13
Harry rattrapa Hermione dans la bibliothèque. Malgré l'assurance de Ron, il s'inquiétait de la façon dont elle prenait la nouvelle. Je savais que c'était une mauvaise idée, pensa-t-il. "Hermione ?"
Elle leva les yeux vers lui, les lèvres pincées.
"Qu'y a-t-il, Harry ? Je suis un peu occupée," dit-elle. "Occupée à t'aider, devrais-je dire."
"Je sais ça, et j'apprécie." Harry l'observa remettre le livre qu'elle tenait à la main sur l'étagère et en prendre un autre. Ses mains tremblaient, et elle semblait parcourir les livres au hasard sans lire leur titre.
"Si tu préfères ne plus m'aider désormais..." Harry s'interrompit, terrifié par sa réponse.
"Je t'ai dit que j'étais toujours ton amie. Je n'ai peut-être pas été une très bonne amie, mais tu peux me faire confiance, tu sais." Elle parcourait le sommaire d'un autre livre, dos à Harry.
"Bien sûr que je le sais. Je n'ai jamais pensé ne pas pouvoir te faire confiance."
"Alors pourquoi as-tu attendu si longtemps pour nous le dire ? Pensais-tu vraiment que nous te détesterions ? Après que nous nous soyons tenus à tes côtés envers et contre tout, pensais-tu vraiment ça de nous ?"
Harry recula d'un pas, déséquilibré. "Hermione, j'ai dit plus tôt que le fait que j'ai pris autant de temps pour vous le dire n'avait rien à voir avec vous, et c'est le cas. Je suis le seul responsable."
"Tu avais peur de nous le dire, Harry. Ça devait avoir quelque chose à voir avec nous."
"Honnêtement, Hermione, ce n'est pas le cas. J'avais peur de vous le dire parce que j'avais peur de l'admettre. Ça fait un moment que je le sais, j'imagine, mais j'ai toujours ignoré cette partie de moi. C'est comme si, tant que je ne l'avais dit à personne, je pouvais toujours faire semblant. Je pouvais avoir une vie normale. Je n'étais juste pas prêt à sauter le pas jusqu'à maintenant."
Harry chercha ses mots pour lui faire comprendre.
"Quelqu'un m'a dit un jour que les mots avaient du pouvoir. Et il avait raison. C'est effrayant de le dire à haute voix la première fois. Et ça n'avait rien à voir avec la personne à qui je le disais. Ça aurait pu être une pièce vide, et je ne l'aurais pas dit jusqu'à maintenant. Mais j'ai toujours su que vous resteriez à mes côtés. Je n'ai jamais douté de ça. Pas jusqu'à..."
"Jusqu'à ce que je parte ?" Hermione se retourna pour lui faire face. Harry déglutit mais ne répondit pas. "Oh, Harry !" Hermione posa son livre et l'étreignit. Harry lui retourna son étreinte avec gratitude. "Je ne voulais pas te blesser comme ça. Et je n'ai jamais vraiment pensé que tu ne nous avais pas fait confiance. Mais Harry, tu dois savoir que nous sommes tous terrifiés à l'idée qu'un jour tu partes combattre Voldemort sans nous. Je suppose que c'est pourquoi j'ai réagi comme ça. Si nous ne savons pas ce que tu sais, nous ne pouvons pas t'aider."
"Bon, je ne vais pas me ruer vers Voldemort parce que je suis gay. Je l'ai vu. Il a l'air mieux qu'il y a deux ans, mais il n'est toujours pas mon type."
Hermione éclata de rire et essuya une larme. "Merci de nous l'avoir dit, Harry."
Harry lui fit un autre câlin. "De rien. Tu veux retourner dans la chambre ?"
Hermione acquiesça et les deux adolescents sortirent de la bibliothèque. Dans le couloir, elle demanda, "Alors, nous sommes les premiers à le savoir ?"
"Oh, euh." Harry hésita. "En fait, non. Une autre personne le sait. Mais je ne peux pas te dire qui." Hermione fronça les sourcils et il poursuivit rapidement. "Il est gay aussi, et j'ai promis de ne parler de lui à personne. Ce n'est pas que je ne veux pas t'en parler, mais ce n'est pas vraiment à moi de dire quoi que ce soit. Et si ça peut t'aider à te sentir mieux, je n'avais pas prévu de lui dire. Il l'a compris."
Hermione hocha la tête. Il savait qu'elle essayait d'assembler les pièces du puzzle. "Est-ce que vous deux, euh, tu sais..."
Harry éclata de rire. "Non ! Non, non, non." Cette fois, Hermione rit.
"Wow, Harry. Ce n'est pas Malefoy, n'est-ce pas ?" Elle avait une lueur espiègle dans les yeux. "Ça fait beaucoup de non."
Quand ils retournèrent près de leurs amis, Harry put sentir leur malaise, qui fut rapidement soulagé quand ils virent les sourires sur les visages d'Harry et Hermione.
"Et pour Cho ?" demanda Hermione, reprenant sa place sur le lit.
Harry fronça les sourcils. "Je me sens mal à propos de ça maintenant. Je suppose que c'est ce que je voulais dire tout à l'heure en parlant d'essayer d'être normal. J'ai vraiment cru que j'étais attiré par elle. Elle est très jolie, donc ce n'était pas si dur. Et j'ai exagéré mon affection pour elle en quelque chose de plus fort. Mais je me suis menti à moi-même. Quand je regarde en arrière, je réalise que je ne me souciait pas d'elle comme j'aurais dû –comme un petit ami l'aurait fait. Mais ça je ne le savais pas. Peut-être que je l'utilisais pour ne pas avoir à faire face à ce que je suis vraiment."
Ginny lui pressa le bras. "Ne te sens pas mal pour ça, Harry. Je ne pense pas que Cho était si amoureuse de toi non plus. C'était ce que c'était, et ça n'a blessé personne, pas vrai ?"
Harry réfléchit aux paroles de Ginny. "Je suppose. Je me sens juste mal à propos de tout ça, c'est tout."
"Eh bien, tu ne serais pas Harry si tu ne te sentais pas coupable pour quelque chose," dit Ron avec un sourire. "Et qu'avons-nous entendu Hermione dire à propos de Malefoy dans le couloir ?" Il remua ses sourcils d'une manière suggestive. "Tu penses à t'abonner à Blonds avec baguettes ?"
Harry devint rouge écarlate et feignit d'être en colère. "Je n'aime pas les blonds !"
Avec une expression sérieuse, Ron se tourna vers Neville et dit, "Il a un faible pour les roux alors. Pauvre gars. Je vais devoir lui briser le cœur." Neville gloussa; Harry éclata de rire.
"Tu aimerais. J'aime les bruns, merci."
"Ah," dit Ron. "Flitwick, alors. Tu fais dans les petits ?"
"Ben, il serait pile à la bonne taille," dit Harry lentement.
"Harry !" Hermione avait les yeux écarquillés. "Je ne peux commencer à envisager de combien de façons entendre ça nous a tous marqués."
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Alors que la fin de l'été approchait, les petits triomphes d'Harry furent de plus en plus occultés par de plus grandes frustrations. Les cours avec Rogue continuaient, et Harry, dans une série de tests qui avaient inquiété ses amis, avait découvert qu'il pouvait bloquer une grande partie de la douleur que Voldemort lui envoyait à travers sa cicatrice. Seuls les pires Doloris passaient, et le jeune homme était convaincu, avec raison, que son échec à bloquer entièrement la douleur était plus dû à son lien avec le Seigneur des Ténèbres qu'à une faille dans ses barrières mentales, puisque Rogue avait affirmé qu'il était aussi bon en Occlumancie qu'il pouvait le lui enseigner. Il avait aussi réussi à se retirer de l'esprit de Voldemort à volonté. Une fois encore, l'enseignement de Rogue s'était montré inestimable, puisqu'il lui avait enseigné les exercices mentaux utilisés par les Voyants. Les marquages qui auraient lieu plus tard dans le mois seraient un vrai test, cependant, car Harry n'avait aucun doute sur le fait que la douleur qui abonderait de sa cicatrice serait bien plus forte que celle provoquée par les Doloris. Harry arrêta de tester le lien une fois qu'il fut satisfait de voir qu'il pouvait se libérer d'une vision à volonté. Les cauchemars étaient terribles, qu'ils soient provoqués par l'une des mauvaises humeurs de Voldemort ou par les souvenirs d'Harry des atrocités du passé. Si la potion administrée aux Londubat ne fonctionnait pas, les compétences d'Harry seules ne seraient pas suffisantes.
Toute satisfaction qu'Harry aurait pu ressentir face à ses nouvelles capacités fut chassée par la pensée qu'il manquait toujours à ses engagements envers Rogue. Hermione n'avait aucune nouvelle idée de comment éliminer la Marque sans une utilisation plus agressive du lien d'Harry avec Voldemort, et aucun d'entre eux ne voulait tenter ça. Ils devraient attendre jusqu'à la semaine avant la rentrée et espérer qu'Harry puisse en apprendre plus.
L'entraînement au combat continuait, avec Rogue acceptant parfois l'aide des autres membres de l'Ordre, et la refusant à d'autres reprises. En général, ce refus annonçait une des sessions particulières avec juste Rogue et les cinq élèves. Rogue leur avait confectionné à tous des ceintures de potions comme celle qu'il portait et leur apprenait son utilisation. À la longue, sa présence et son utilisation deviendraient intuitives pour le groupe, mais pour le moment, ils s'entraînaient avec des bouteilles d'eau colorée. Chaque soir après dîner, tous les cinq passaient leur temps à essayer d'attraper le bon flacon sans regarder. Dans le feu de l'action, ils auraient peu de temps pour lire les étiquettes, donc toutes les potions devaient être identifiées par le toucher et leurs positions sur la ceinture. Lors de faux combats, Rogue les sanctionnait lorsqu'ils manquaient une opportunité de terminer le combat avec une des potions ou, plus souvent, lorsqu'ils attrapaient la mauvaise potion pour la situation.
Pour accentuer l'épuisement et la confusion des étudiants, tout le monde dans l'Ordre avait pris sur eux de tester leur connaissance des sorts. Harry et ses amis avaient presque oublié le devoir de Rogue qui consistait à apprendre la liste sans fin, mais ils apprirent rapidement à ne sous-estimer personne dans le manoir. Personne ne pouvait passer dans un couloir ou descendre dans la cuisine pour dîner sans entendre le cri d'un sort réel ou imaginaire. Quatre d'entre eux avaient déjà fait plusieurs dissertations pour réponses incorrectes. Hermione, bien sûr, connaissait chaque sort de la liste de Rogue. Par ordre alphabétique. Harry eut du mal à lui en vouloir pour ça, cependant. Sa vie pourrait un jour être sauvée grâce à ses connaissances, il le savait.
Finalement, moins de deux semaines avant son retour à l'école, Harry était épuisé. Il passait chaque moment éveillé à travailler sur quelque chose, et ses nuits étaient trop souvent hantées. Rogue lui avait fourni de la potion de Sommeil Sans Rêve, mais la colère de Voldemort perçait souvent à travers, et le Maître des Potions ne l'autorisait pas à en prendre tous les jours par peur des effets secondaires.
Aujourd'hui, Harry se retrouva à apprendre à préparer la potion. Au début du mois d'août, Rogue avait légèrement modifié leurs cours de potions pour se concentrer sur celles dont Harry aurait probablement besoin. Ils avaient fabriqué une variété de potions de guérison et quelques-unes des potions les moins douteuses pour leurs ceintures. Et Rogue se faisait un point d'honneur à faire connaître à Harry les endroits où ils pourraient trouver plusieurs autres potions qui étaient au-delà de ses capacités d'élève de sixième année.
"La potion pour la douleur fantôme est appelée le Breuvage sans Membres," dit Rogue alors qu'il regardait Harry travailler sur la potion de Sommeil Sans Rêve. Il parlait toujours des potions les plus difficiles sur ce ton, comme s'il commentait la météo. "Elle n'est pas interdite, juste difficile à trouver à cause de la demande limitée. Toute boutique de potions qui se respecte devrait pouvoir vous la fournir une fois que vous aurez utilisé tout le lot que j'ai préparé. Je suis sûr qu'il y aura des occasions dans le futur où vous aurez besoin de ses effets."
Harry hocha simplement la tête en guise de réponse. Il détestait avoir besoin de savoir qu'elle s'appelait le Breuvage sans Membres. Il détestait le fait que dans quelques semaines, Rogue ne serait plus là pour simplement lui tendre la bouteille quand les rêves devenaient trop terribles et qu'il était trop fatigué pour essayer de combattre les démons qui attendaient qu'il s'endorme. Et il se détestait pour ne pas savoir comment empêcher que ça arrive. Une part de lui, une part qui grandissait de jour en jour, voulait que les marquages surviennent ce soir –maintenant– pour qu'il puisse en être témoin et comprendre comment libérer Rogue.
Bien qu'ils discutaient beaucoup maintenant, leurs conversations semblaient toujours se concentrer sur Harry. Rogue faisait de son mieux pour tenir sa promesse de voir Harry être préparé à combattre, et quand ils ne discutaient pas tactiques ou théorie magique, ils parlaient de l'état d'esprit d'Harry ou de sa relation avec ses amis. Severus avait été vraiment content d'entendre qu'Harry leur avait parlé. Il avait même souri, et Harry ne put s'empêcher de remarquer à quel point ces sombres yeux froids s'étaient réchauffés pendant un instant. Alors qu'il remuait son chaudron, Harry fut submergé par un besoin d'en apprendre plus sur son professeur.
L'homme travaillait, comme d'habitude, de l'autre côté de la pièce. Harry se tourna légèrement et aperçut son professeur, qui avait relevé ses manches pour les tenir éloignées des flammes et liquides volatiles. Le jeune sorcier réfléchit brièvement au premier jour où Rogue avait dénudé ses bras en sa présence. Comme tant de choses dans leur relation, le sens de ce geste n'avait jamais été clairement exposé, mais Harry le prit pour un signe de confiance. Pour autant qu'il en sache, Rogue ne permettait jamais volontairement à qui que ce soit de voir sa Marque. Mais la cacher était plus difficile quand il préparait des potions.
"Professeur, puis-je vous poser une question ?"
Rogue haussa un sourcil. "Vous pouvez. Bien que vous comprenez que je n'y répondrait peut-être pas."
Probablement pas, pensa Harry, mais il demanda tout de même. "Pourquoi avez-vous décidé de le rejoindre ? Si mon père et ses amis n'étaient qu'une raison parmi d'autres, quelles sont les autres ?" C'était une question qu'il avait longtemps voulu poser, mais ce n'est que récemment qu'il s'était senti assez à l'aise pour le faire. Il n'attendait toujours pas de réponse, mais il savait aussi que l'autre homme ne serait pas en colère après lui pour avoir envie de savoir.
"Cela vous choquerait-il si je vous disais que j'étais d'accord avec lui ?"
Harry réfléchit à sa réponse pendant un moment. Il avait appris que le Maître des Potions choisissait souvent des réponses qui choquaient simplement pour provoquer une réaction. "D'accord avec lui à propos de quoi ?"
Les lèvres de Rogue se courbèrent légèrement, et Harry devina qu'il avait évité un piège. "J'étais d'accord avec lui sur le fait que les sorciers ne devraient pas vivre dans la peur d'être découverts par les Moldus. J'étais d'accord avec le fait qu'il était injuste de punir un sorcier pour se révéler quand les Moldus s'imposent à nous tous les jours."
"Il n'y a rien de mal à vouloir de l'égalité, je suppose," dit lentement Harry.
"En effet. Et mes paroles font paraître cela presque noble. Mais en vérité, Harry, cela n'a jamais été noble. Il n'a jamais été question d'égalité. Il était question de pouvoir, de contrôle et de vengeance. Le Seigneur des Ténèbres n'a jamais parlé d'égalité. Il a parlé de domination. Même si c'est bien pire maintenant que ça ne l'a jamais été, cela n'a jamais été une cause noble. Mais les ténèbres m'ont attirés, je l'admets."
"Et comme je semble souffrir d'un moment d'honnêteté, je vais vous dire, Harry, que votre père n'était qu'une petite partie de ce qui m'a conduit vers cette noirceur. Bien que ses paroles aient été les plus fortes, je pense qu'elles m'ont souvent moins blessé que les murmures. Au moins, je pouvais essayer de me battre contre votre père, même si je n'ai jamais vraiment réussi. Mais c'était plus facile que de prétendre ne pas entendre les mots prononcés plus doucement."
"Alors, quand le Seigneur des Ténèbres s'est élevé, et a donné des discours passionnés à propos de se dévoiler au monde et de punir ceux qui nous forceraient à nous cacher, quand il a parlé de régler leur compte à ceux qui nous ont conduits dans l'ombre, j'ai écouté. Et oui, une partie de tout cela a parlé au fait que je sois gay, mais pas tout. J'avais appris très tôt dans la vie à cacher une grande partie de moi au monde, car cela pouvait être utilisé comme une arme. Ma famille me l'a appris, et cela s'est renforcé à l'école. Et pas juste par votre père, je vous assure. Même si les Serpentards semblent montrer un front solide au reste du monde, ils sont bien plus cruels envers ceux qui vivent dans les donjons que ceux qui vivent à l'extérieur."
Harry garda les yeux fixés sur sa potion, attendant qu'elle change de couleur avant d'ajouter les derniers ingrédients. Il n'avait aucune idée de comment répondre aux paroles de Rogue. Ça semblait idiot d'essayer de le consoler pour des actions qui s'étaient passé il y a longtemps. Mais il sentait qu'il devait reconnaître, d'une manière ou d'une autre, la confiance que l'homme lui avait manifestée. Harry ne doutait pas que peu de personnes en aient entendu autant sur l'histoire de Rogue. "Merci, monsieur." Il savait que Rogue comprendrait ce qu'il voulait dire. Une main sur son épaule fut sa seule réponse.
"Je vous dis cela pour une raison, Harry. Peut-être pour plus d'une raison, mais celle-ci est la plus importante." Rogue laissa sa main sur l'épaule d'Harry alors qu'il parlait derrière lui. "Peu importe ce qu'ils vous font –le Seigneur des Ténèbres, ses Mangemorts, ou le monde lui-même– ne les laissez jamais vous amener à les haïr. Craignez-les, moquez-vous d'eux, ayez pitié d'eux, combattez-les, tuez-les s'il le faut, mais ne les haïssez pas. La haine est une habitude, Harry. Cela passe dans votre sang, et chaque jour la haine vient plus facilement, plus rapidement. Et puis vous haïssez tout le monde, juste par habitude. Même les gens que vous ne devriez pas haïr. Des gens avec qui vous seriez même devenus amis si vous n'étiez pas si habitué à la haine."
Les deux hommes restèrent là, en silence. Harry ignora la potion devant lui, son attention focalisée sur la chaleur et la force de la main sur son épaule. Après quelques battements de cœur, Rogue continua, "La plupart des gens qui ont cédé à la haine n'ont jamais trouvé le moyen de s'en sortir. Quelques-uns ont échappé à l'obscurité, et les plus chanceux peuvent même être sauvés. Mais pour la plupart d'entre nous, il est trop tard et nous obtenons seulement une lueur finale avant que tout ne soit terminé."
Les mots de Rogue, et ceux informulés subsistant entre eux, furent trop pour Harry. Avec soulagement, Harry vit sa potion devenir d'un jaune pâle et attrapa les derniers ingrédients. "C'est prêt pour les larmes de Licornes, Professeur ?" Sa voix vacilla.
"Oui." Rogue laissa tomber sa main de l'épaule d'Harry. Quand la potion prit une teinte argentée, il dit simplement, "Bon travail, Harry."
Mettant la potion en bouteille et nettoyant son espace de travail, les pensées d'Harry se remplirent de protestations. Cependant, il les garda pour lui, comme il le faisait toujours. Il mit la potion sur l'étagère au dessus de la table de Rogue et se tourna pour partir quand la fatigue le rattrapa. Trébuchant sur ses robes, il tomba tête la première vers Rogue, qui l'attrapa pour le soutenir. Harry s'agrippa à l'homme alors qu'ils se heurtaient avec force, et son estomac se retourna. Soudainement, il tombait en arrière.
Mon chaudron ! Harry sortit sa baguette pour stabiliser le chaudron sur la table, alors même qu'il tombait. Avec un bruit sourd, il heurta le sol. Des cheveux bruns sauvages, une oreille et des robes bleu sombre emplirent sa vue alors qu'il levait les bras pour empêcher l'autre corps de tomber sur lui.
Avec un autre sursaut de son estomac, Harry se sentit tomber à nouveau, cette fois sur la droite puisque Rogue le repoussait sur le côté.
"Bon sang, Harry !" grogna Rogue. "Vous devez être plus prudent. Si ce chaudron s'était renversé, il aurait pu détruire la moitié des pièces de cet étage." Harry secoua la tête et essaya de regagner ses esprits. Rogue le fixait avec un air expectatif. Il tendit la main à Harry. "Vous êtes indemne, je présume." Harry hocha la tête et accepta l'aide de l'autre homme, mais recula sa main, sous le choc.
"Votre Marque. J'ai touché votre Marque quand nous sommes tombés." L'expression de Rogue se durcit et il déplia ses manches, cachant de nouveau sa Marque. Harry comprit la réaction de Rogue, et se leva rapidement. "Je suis désolé. Ce n'est pas..." Harry essaya de comprendre ce qui s'était passé. "Quand j'ai touché la Marque, je pense que je suis entré dans votre esprit. C'est exactement comme avec Voldemort. Dès que j'ai touché votre bras, je croyais que je tombais en arrière. Vous avez jeté un sort sur le chaudron, pas vrai ?" L'expression de Rogue était toujours prudente lorsqu'il acquiesça. "J'ai vu ça à travers vos yeux. Puis je me suis vu tomber sur vous. J'ai pu voir mon oreille, puis je me suis repoussé –je veux dire, vous m'avez repoussé. J'imagine que ça a rompu mon contact avec la Marque, parce qu'après ça j'étais de retour dans mon propre corps, tombant sur le côté à nouveau."
"Avez-ressenti ressenti autre chose ?" demanda lentement Rogue.
"Surtout votre agacement." Harry rit. "Cette chose continue de me surprendre." Il montra sa cicatrice.
"En effet," dit Rogue. "Nous devrons tous les deux faire plus attention dans le futur."
Soudain inquiet, Harry demanda, "Pensez-vous qu'il ait vu quelque chose ?"
"C'est difficile à dire. Je crois que la Marque brûle chaque fois qu'il tourne son attention sur le lien, et elle ne brûlait pas pendant la chute ou même maintenant. Quoi qu'il vous est arrivé, cela a très certainement été dirigé à travers lui par l'intermédiaire du lien. Mais soit il n'en était pas conscient, soit c'est arrivé trop vite pour qu'il puisse faire le lien avec nous." Harry était toujours un peu terrifié, et son expression devait s'en ressentir. "Détendez-vous, Harry. Ce n'est pas la peine de s'en inquiéter alors qu'on est si proche de la fin de l'été."
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Harry s'inquiétait, et quand il retourna auprès de ses amis, il partagea ce qui s'était passé.
"Penses-tu que ça signifie que tu peux faire quelque chose à la Marque ?" demanda Neville, bien qu'ils se le demandaient tous.
"Peut-être," dit Harry. "Qu'en penses-tu, Hermione ?"
Fronçant les sourcils, la jeune sorcière prit quelques notes de plus avant de répondre. "Je ne sais vraiment pas. Ça montre clairement que la cicatrice ressemble beaucoup plus à une Marque que quiconque ne le pensait. Je me demande ce qui serait arrivé si la Marque était en train de brûler quand ça s'est produit."
Harry pâlit. "Que penses-tu que ça ferait ?"
"Peut-être rien. Peut-être que tu ressentirais ce que Rogue ressent. Vous partageriez peut-être la douleur, ou tu la projetterais peut-être même vers Voldemort, puisque votre lien marche probablement dans les deux sens, contrairement à la Marque. De toute façon, je ne pense pas que ce soit une bonne idée d'essayer."
Harry acquiesça simplement. "Les marquages auront lieu demain soir. Rogue ira dans la matinée pour les réunir et les préparer." Tout le monde acquiesça. Ils savaient tous que ça arrivait, et ils s'inquiétaient tous pour Harry. "Je prendrai la potion un peu avant minuit. Ça devrait durer environ quatre heures."
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Harry avait passé sa journée à entrer et sortir de l'esprit de Voldemort, apeuré que certains changements de plans lui feraient manquer les marquages. Tout se déroula comme prévu, cependant, et quand Harry se remplit à nouveau de rage et s'échappa de son propre corps, il restait moins d'un quart d'heure avant que la cérémonie ne commence.
Il fut juste à temps pour assister à un meurtre. Ce n'était rien de nouveau, bien entendu. Une partie détachée de l'esprit d'Harry était soulagée que la victime porte un masque. Cela l'inquiétait parfois qu'observer des Mangemorts mourir soit plus facile.
"Souvenez-vous de cela. Je n'accepte pas l'échec." Il tourna son attention vers les enfants agenouillés au pied de l'estrade. Crabbe, Goyle, Parkinson et Nott se prosternaient devant lui, leurs postures sans aucun doute enseignés par leurs loyaux parents. Les deux Serdaigles, Brocklehurst et Chambers, faisaient de leur mieux pour imiter les Serpentards, tout comme Summers. Il prit une profonde inspiration, testant l'air. La peur, comme un doux parfum, flottait tout près, mélangé à une autre odeur, une nouvelle pour les marquages mais tout aussi bienvenue. L'admiration émanait des sept, comme elle l'avait fait pour le fils Malefoy, et il s'en réjouissait. C'était parfait, exactement comme cela devait l'être. Ses premiers partisans le respectaient et lui obéissaient en tant que chef. Ces nouveaux enfants le vénéraient comme un dieu. Comme tous le ferait un jour.
Faisant signe au premier d'approcher, il brandit sa baguette. "Pourquoi es-tu venu devant moi, Nott ? Pourquoi donnes-tu ta vie pour moi ? Car je n'en demanderais pas moins."
Les yeux cloués au sol, Nott s'agenouilla devant lui. "Ma vie vous a toujours appartenu, comme vous avez toujours été mon Seigneur. Je viens devant vous pour mieux vous servir."
"Bien dit, mon enfant. Lève-toi et tends ton bras." Le garçon obéit, et d'un sort murmuré, le bout de sa baguette rougeoya. La douce odeur de chair brûlée chassa les autres odeurs dans la pièce, le délicieux cri couvrit ses fredonnements tandis qu'il enfonçait le bout de sa baguette plus profondément dans le bras du garçon. Il plongea son esprit dans la douleur de l'autre, la savourant comme du vin sur la langue d'un connaisseur. La peau craqua et se décolla alors qu'une encre noire filtrait de sa baguette, se répandant en ce motif qui décorait tous ses fidèles et les clamait comme siens. La magie entourait l'étudiant et le faisait tenir debout alors que d'autres sorts s'enroulèrent autour de son esprit, de son cœur et pénétrait dans ses os. Ayant marqué et lié sa plus récente possession, il l'autorisa à tomber et fit signe au suivant de suivre. Alors que la fille Parkinson s'avançait vers lui en tremblant, Malefoy et Rogue, toujours masqués, déplacèrent Nott qui était inconscient. Il ne passerait peut-être pas la nuit, mais la plupart y parvenaient. Et ceux qui mouraient étaient trop faibles pour être utilisés, de toute façon.
Deux heures plus tard, Harry frissonna tandis qu'il se retirait de toute cette horreur. À un moment donné, il s'était roulé en boule, et maintenant qu'il avait de nouveau le contrôle de son corps, il n'avait aucun désir de changer ça.
"Harry ? Tu es réveillé ?" La voix de Ron venait de tout près.
"Devons-nous aller chercher quelqu'un ?" La voix d'Hermione sonnait faible et peu assurée.
Harry secoua la tête –une erreur. Une vague de nausée l'envahit, et il réussit à peine à rouler sur le côté à temps avant de vomir sur le sol. Quand il arrêta de trembler, Hermione avait déjà nettoyé le désordre avec un rapide sort et Ginny était assise sur le lit à côté de lui, lui frottant doucement le dos.
"Est-ce que ça va, Harry ?" demanda Neville en lui tendant un verre d'eau. "Je pense que Dumbledore est toujours ici, à attendre le retour de Rogue."
"Non, ça ira, je suppose. C'était juste..."
"N'en parle pas, Harry," dit Hermione. Elle avait coincé sa plume dans son cahier. "Ça peut attendre et tu sembles avoir besoin de sommeil. Veux-tu que nous restions un peu ici, ou veux-tu juste essayer de dormir ?"
"Je ne pense pas avoir déjà été si fatigué. Je veux juste fermer les yeux et ne plus jamais les rouvrir."
"Attends une minute," dit Ron. "Une idée où Rogue garde sa potion de Sommeil Sans Rêve ?"
"J'avais oublié ça. Elle est sur l'étagère au dessus de la table sur la droite. Peux-tu prendre la bouteille à moitié vide, pas la pleine ?" Ron ne prit qu'un moment pour trouver la potion et la lui ramener. "Merci, Ron."
Ron hocha la tête en guise de réponse, et Harry fut reconnaissant encore une fois de la clairvoyance de ses amis. Prendre soin de lui devenait une seconde nature, et il avait hâte de voir le jour où aucun d'entre eux ne ressentirait le besoin de prendre soin de lui.
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Le matin arriva bien trop tôt, mais avec de bonnes nouvelles. Rogue était revenu tard dans la nuit et avait annulé les leçons du matin. Harry choisit de retourner au lit après le petit-déjeuner. Cependant, il oublia de prendre une autre dose de potion et se réveilla en sueur avec le son de la chair qui grésille à l'esprit.
Le déjeuner trouva Harry toujours au lit, mais assis et évitant le sommeil à tout prix. Bizarrement, peu après que son cauchemar l'ait forcé à rester éveillé, les autres élèves s'étaient un par un retrouvés dans sa chambre. Blagues, jeux, et bavardages inutiles emplirent la chambre et l'empêchèrent de penser à la raison pour laquelle ses mains tremblaient encore. Cela distrayait aussi ses amis de son regard hanté, même si aucun ne le lui dirait jamais.
Les leçons de potions de l'après-midi eurent lieu comme prévu, et Harry essaya de se ressaisir tandis qu'il entrait dans la chambre de Rogue.
"Il semble qu'il me manque une bouteille de potion de Sommeil Sans Rêves, Mr Potter. Je présume que vous savez où elle se trouve."
"Oh, ouais. Désolé pour ça, Professeur. Mais j'en ai pris un peu la nuit dernière. Juste la dose normale. La bouteille est dans ma chambre."
"Vous n'aviez pas confiance en votre propre travail ?" Rogue fit un signe en direction de la bouteille qu'Harry avait préparé plus tôt.
Harry su qu'il avait échoué à garder sa voix stable quand il dit, "J'ai eu le sentiment que j'avais besoin qu'elle soit la plus forte possible."
Rogue acquiesça, toujours dos à Harry alors qu'il travaillait sur son propre chaudron. "Et le Breuvage sans Membres a-t-il fonctionné ?"
"Ouais, parfaitement. J'aurais presque souhaité que ce ne soit pas le cas."
Les yeux de Rogue furent voilés de tristesse lorsqu'il se retourna, et il parla calmement. "C'était si terrible ?" Harry hocha la tête et s'assit sur le tabouret devant son espace de travail. "Vous n'avez donc pas pu sortir de son esprit ?"
Harry mordit sa lèvre. Il s'était attendu à cette question, et savait qu'il ne pourrait pas mentir à propos de ça. "Je n'ai pas essayé."
"Pourquoi diable-" Harry leva la tête et vit les yeux sombres de l'autre homme passer de la confusion à la colère. "Bon sang, Harry. Stupides Gryffondors héroïques. Vous devez vous soucier de vous un peu plus et un peu moins du reste du monde."
"Ce sont des paroles intéressantes venant d'un traître de Serpentard qui va se faire tuer dans une semaine pour me sauver."
"C'est ma décision, Harry."
"Très bien. Et celle-ci est la mienne."
Rogue le fixa, les poings serrés. "Je vous ai averti plusieurs fois que si vous cherchiez activement à entrer dans l'esprit du Seigneur des Ténèbres, je vous le ferais regretter."
Harry eut un rire sans joie. "Alors jetez le reste de la potion de Sommeil Sans Rêve."
La colère quitta le visage de Rogue. "Honnêtement, Harry, à quoi pensiez-vous ?" Il s'assit à côté du jeune homme.
"Vous savez à quoi je pensais. Et j'ai beaucoup appris la nuit dernière. Enfin je crois. J'ai encore besoin de parler à Hermione. Je ne peux juste pas me forcer à trop penser à ça. Ce qu'il a fait était déjà assez horrible à voir, mais ressentir ce qu'il a ressenti..." Harry déglutit fortement. Sa gorge se serrait et il essayait fortement de ne pas pleurer. Il était trop vieux pour commencer à sangloter. "Je n'ai jamais su à quel point la douleur me distrayait de ses autres pensées. À quel point il aimait ça." Sa voix vacilla, et il cacha son visage dans ses mains alors qu'il revivait les marquages. Il ne pouvait retenir ses larmes.
Le bras de Rogue se posa sur ses épaules, raide et maladroit, et Harry regretta de s'être effondré. Il savait que Rogue était mal à l'aise. Essuyant son visage avec sa manche, il dit, "Je suis désolé pour ça, Professeur."
"Vous pouvez. Cela fait deux fois cet été que j'aie eu à supporter vos larmes. Vous devriez vraiment faire ça avec Minerva ou Albus, ou même Lupin."
"Je pensais que vous y seriez habitué."
"C'est bien plus facile de tolérer les crises de nerfs quand c'est vous qui avez fait exprès de causer l'effondrement. Du moins, vous n'êtes pas tenu d'arrêter les larmes de quelqu'un quand vous êtes trop occupés à les apprécier."
Harry fit un sourire. "Attention, Professeur. Je retrouve ce sens de l'humour."
Rogue lui jeta un coup d'œil. "Balivernes."
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