You never walk alone v2


Go Hye Mi

You Never Walk Alone

« Ma vie est représenté par le gris. Chaque jour se ressemble. Chaque jour est une suite d'actions et d'émotions identiques. Je n'arrive pas à changer cela. Je suis noyé dans une routine qui me force à rester ce que je suis quand je souhaite me métamorphoser. Le gris est une couleur idéale car je suis à la fois triste et heureux de vivre cette monotonie. »

Chapitre 1

Je voulais lui ressembler. Je voulais être son reflet. Pourtant, cela me semblait impossible. Il était la perfection que je ne pouvais devenir. Il était la bonté que je ne saurais avoir. Je ne faisais que me comparer à lui. Je cherchais la moindre ressemblance. Je ne trouvais que des différences. Je voulais être son image. Une capture de sa jeunesse. Un souvenir de ce qu'il était des années plus tôt. Je voulais retranscrire chacun des pas le menant à cette perfection.

***

Chacun de nous perçoit son existence différemment de son entourage. On en voit d'abord la beauté. On en voit d'abord la laideur. Cela dépend de chacun de nous mais aussi de notre expérience.

Je ne peux empêcher un sourire de naître sur mes lèvres à l'introduction de cette séance. Jamais un de nous n'a compris l'intérêt de cette matière, pourtant elle me fascine tout particulièrement. Comprendre l'esprit humain, en déceler ses secrets. C'est difficile de se définir soit même alors sonder le caractère de ses voisins jusqu'à prédire leurs réactions est un challenge des plus palpitants.

Pour le cours d'aujourd'hui, j'aimerais que chacun d'entre-vous exprime le déroulement de son existence par une couleur. Si vous deviez en choisir une seule, celle qui est la plus parfaite pour la décrire. Prenez une demi-feuille et écrivez cette couleur. Je veux ensuite que vous expliquiez pourquoi celle-ci plus qu'une autre. Après vingt minutes, je ramasserai vos copies et en tirerait cinq, n'oubliez pas vos noms afin que vos camarades puissent à leur tour définir la couleur qui vous ira le mieux avant de tenter de comprendre votre choix.

Mes camarades s'activent surement intrigués de savoir comme les autres les perçoivent car n'est-il pas plus logique que l'on juge la personnalité plutôt que le cours d'une vie ? Comme une couleur pourrait retranscrire tous ces évènements ? La naissance, l'enfance, cette adolescence dans laquelle nous baignons. Beaucoup verrons la personnalité, peu réfléchirons réellement au sens même de cette consigne. Définir sa vie, en trouver une couleur dominante, c'est définir non pas notre personnalité mais l'émotion dominante. Qu'elle couleur exprime la joie ? La peine ? La colère ? La douleur ? Le jaune, le bleu, le rouge, le gris peut-être même le noir.

Une demi-feuille est posée sur un coin de ma table. Je tourne la tête à droite, une de mes camarades entrant dans mon champ de vision. Peut-être pense-t-elle que je n'ai de papier. Il me suffirait d'ouvrir mon sac. Peut-être voit-elle sa bonne action de la journée ou est-ce seulement par soucis de tous couper une feuille en deux, quand par paire on économiserait bien plus de papier.

Je tente un sourire, ne sachant pas comment la nommée. Elle est ma voisine depuis si longtemps et pourtant jamais je n'ai pris le temps de m'intéresser à elle, comme à mes autres camarades. Les plus populaires sont les plus aisément nommable. Yoona, notre déléguée de classe, elle semble si innocente, aide souvent les autres cependant est-ce naturel ou se force-t-elle pour faire bonne figure ? Minhyuk, le sportif, un véritable cliché vivant. Doué en sport mauvais en étude. Il tente de maintenant sa moyenne de ce que j'ai entendu, il se fait souvent réprimander par nos professeurs pourtant. Ne prend-il en compte les appréciations qui l'aideront tout autant face à des dossiers aussi faibles que le siens ?

Jungkook ! J'aimerais que tu te concentres sur ta feuille. Tu n'as encore rien écrit.

Je baisse la tête détaillant les lignes bleus et violettes se croisant sur une surface blanche. Cette marge rouge ressortant, séparant la feuille en deux. Une inégalité d'espace semblable à différence de richesse de notre pays. Quand les riches possèdent presque tous, les pauvres doivent se contenter du minimum, vivant dans de petits espaces clos quand ils ont la chance d'en posséder un.

Il ne vous reste que cinq minutes ! On se dépêche !

Qu'elle couleur définirait le plus ma vie ? Laquelle regrouperait tout ce que je pourrais raconter ? Des moments de joie. Des moments de colère. De peine. De peur. Une unique couleur qui représenterait tout et rien à la fois. Il en existe deux. L'une est plus pure que l'autre. Elles sont opposées. Le noir et le blanc. Mais laquelle des deux est faite pour moi ?

Le professeur passe entre les rangs. Il ne me reste que quelques secondes. Et c'est là que je comprends que ce choix n'est pas possible, tant leurs signification son semblable. Tant leur aspect, leur existence est basée sur de même principe. L'une n'existe pas sans l'autre. J'écris rapidement obligeant mon professeur à s'arrêter attendant que le dernier mot ne s'encre au-dessus d'une ligne.

Il retourne à son bureau la totalité des copies en mains, les mélangeant pour en tirer cinq. Cinq sur quarante, la probabilité que je passe est faible. Je n'ai pas vraiment envie de savoir comment ils me perçoivent. Je dois être cette personne froide et inaccessible pour eux. Un bleu glacial ? Ce pourrait être la solution qu'ils donneraient. Après tout, j'ai réussi à miner le moral de l'un d'eux d'une simple phrase. Un bleu mélancolique mais totalement froid comme dénué de toutes émotions.

Yoona est la première candidate à cette mascarade ne visant qu'à renforcer les "liens" déjà créés. Pourquoi aurait-ce une autre importance que celle ne rendre notre classe plus soudée ? Je ne dois être qu'une dissonance dans un orchestre, celui qui ne souhaite pas devenir ce camarade de classe sympathique que tout le monde souhaite connaître. Je n'ai pas envie de créer une façade aussi joyeuse, être plus froid et secret et un bon moyen de découvrir les personnes dignes d'intérêt. Être celui que tous oublis sauf cet ami fidèle.

Pour vous qu'elle couleur correspond le plus à Yoona ?

Un rose pastel pour ce côté mignon qu'elle crée chaque jour pour plaire à tous. Un vert kaki qui dénote avec cette douceur présentant la disgrâce de ses mensonges. Un gris pailleté pour cette popularité qu'elle entretient jour après jour. Sans étonnement, le rose revient plus souvent. Elle est gentille, douce, adorable, bienveillante, mignonne, à l'écoute. Alors c'est du rose.

Personne ne se demande comment est sa vie. Peut-être ses parents sont stricts, la poussant à rechercher cette douceur en la créant elle-même. Peut-être est-elle capricieuse mais le cache pour ne pas être discrédité devant son "fanclub". Personne ne s'interroge sur sa vie, comment elle est, comment elle la perçoit. Tous ne pensent qu'à cette apparence qu'elle crée jour après jour, la façonnant jusqu'à devenir vrai. La construisant jusqu'à ce qu'elle ne puisse s'écrouler. Seul l'avenir pourra le confirmer.

Yoona a choisi l'or. C'est une couleur très intéressante car peu utilisé pour définir les éléments d'une vie comme un tout.

Un cadre de vie ? Nous sommes tous issus de familles riches, si l'on exclut les boursiers qui ont eu la malchance de connaître les habitants de la haute mais la chance de profiter d'un matériel de pointe, de professeurs contraint par l'excellence. Les plus chanceux peuvent profiter d'une partie de l'argent de nos parents, les autres finissent souvent l'année plus tôt quittant l'établissement par un moyen ou un autre. L'accès au toit n'était pas interdit quand j'étais au collège. Mon cousin me l'a certifié.

Un cœur en or, une générosité sans égale. Je me demande ce qu'elle aura choisi pour justifier cette couleur. L'honnêté, le mensonge ou un mélange des deux ? Une vérité améliorée. Aucun d'eux n'expose une hypothèse autre que le mensonge, pourtant ont-ils conscience que s'en est un et décident-ils de l'ignorer ou sont-ils aveuglés par l'image que veut nous donner la société ?

C'est très intéressant, vous avez tous une vision différence de Yoona et aucun de vous n'a su trouver sa réponse. Veux-tu nous la dire Yoona ?

J'ai eu la chance de naître dans une famille qui manque de rien alors j'ai choisi l'or car je veux aider les autres, avoir ce cœur en or synonyme de bonté.

Elle est applaudie comme si ces paroles étaient d'une incroyable sagesse. Elle souhaite avoir un cœur en or, elle ne le possède pas. Sa vie n'est parsemée d'or que par la richesse de ses parents elle n'est pas de cette couleur car cela n'est qu'une volonté et non une réalité.

Mes camarades se tournent dans ma direction me faisant hausser un sourcil suis-je si malchanceux que ma copie est déjà tirée ? La question de mon professeur me prouve que oui. Les réponses de mes camarades sont plus vagues. Du bleu parce que je semble manquer de quelques choses. « C'est un manque d'amis, clame l'un d'eux. » Du blanc parce que je parais si innocent. Je dois être bien timide pour n'oser leur parler comme je le souhaiterais, supposait ma voisine. Si elle savait. Ce n'est pas pour cette raison que j'ai choisi cette couleur.

Aucun débat ne commence, tous clament que je dois être innocent et ne voit que la pureté du monde sans voir ses éclats néfastes pour la santé mentale de l'homme. Ils ne perçoivent pas ma manière de penser. Ils ne me connaissent pas. Ils n'ont pas insisté pour en savoir plus. Comment peuvent-ils affirmer quand tout ce qu'ils font est supposer ?

Eh bien... Aucun de vous n'a trouvé. Je dois avouer que la réponse de Jungkook est particulière, bien qu'amenant une autre dimension à cette couleur. Veux-tu nous le partager ?

Si nous partons du fait que vous m'avez forcé à le faire et que en me demandant mon avis dès le début, cette feuille serait encore sur votre bureau : Non. Je n'ai pas envie et encore moins après avoir entendu les paroles sures de personnes qui n'en ont rien à faire moi.

N'est-ce pas plutôt l'inverse ? Tu ne t'impliques pas dans la vie de groupe ! proteste une de mes camarades pour se dédouaner de mes paroles.

Je n'ai jamais dit que ce n'était pas un sentiment partagé.

Ne souhaitant se fatiguer à régler un conflit sans réelle origine, notre professeur décide de lui-même faire part de ma réflexion sur le sens de ma vie. Les réactions se font mitigées, un mélange d'admiration et d'incompréhension ? Un sentiment parallèle je dirais. Ce doit être un peu trop recherché pour leur esprit enclin à vivre au jour le jour sans penser aux conséquences sur leur futur.

« Ma vie ne peut pas être résumée juste par une couleur. Son sens est lié à chaque émotion, chaque sentiment qui me traverse. Les évènements tragiques, les évènements joyeux. La colère. La peine. La joie. L'amour. Je les rencontre tous à un instant de mon existance et pourtant parfois ils me quittent.

Ma vie ne peut être résumée par une simple couleur, elle est l'association de leur présence et de leur absence. Alors quelle couleur ? Dans le cours de physique de la semaine dernière, on a parlé de la lumière et du blanc. En lumière, le blanc est l'association de toutes les couleurs et le noir leur absence. Si je devais choisir une couleur serait alors le noir ou la blanc. Mais laquelle choisir ? Les deux s'opposent et même leur signification diffère entre pigment et lumière.

Alors ma vie est un blanc pour toutes les émotions envahissant chacun des instants de ma vie. Alors ma vie est un noir pour tous ces moments où je ne ressentais rien et que je n'étais qu'une âme errante dans un corps sans vie. »

***

Je montais les escaliers menant au toit, courant presque pour rejoindre mes aînés. Jimin m'a abandonné à peine la sonnerie retentie préférant tenir compagnie à Hoseok et Yoongi, d'après lui supporter ce dernier seul n'est pas aisé. Je ne pouvais m'empêcher de sourire à cette idée, Yoongi est surement le plus supportable de nous tous. Le plus calme, le plus patient. Parfois je me demande comment il peut rester aussi serein avec moi. Je courais dans les escaliers malgré mes nombreuses chutes les années passées. Il me crierait surement dessus s'il me voyait.

Je suis arrivé !

Mes deux derniers amis ne firent pas attention à mon entrée bruyante. Ils étaient habitués à mes entrées fracassantes, Jimin ayant un caractère similaire cela n'a pas été difficile pour eux. Je m'assis à côté de Seokjin qui discutait toujours avec Namjoon sans réellement me porter d'attention. Je me concentrai alors sur leur conversation, cherchant ce qui est plus intéressant que moi. Les examens. Ce sujet me déprimait bien plus ces derniers temps. Bientôt Jin et Namjoon quitterons le lycée, ne laissant que Yoongi, Hoseok, Jimin et moi, plus de la moitié de notre bande certe mais ce ne sera plus la même chose malgré tout.

Hyung ! Pourquoi vous parlez de ça ? C'est déprimant, vous pouvez pas parler d'autre chose ? je ramenai mes genoux contre mon torse, ma lèvre retroussée quand je constatai qu'ils ne réagissent toujours pas. Jin-hyung ! »

Son bras droit passa autour de mes épaules, guidant ma tête sur son épaule. Il glissa ses doigts dans mes cheveux, les caressant pour me faire patienter en silence. Une douce façon de me demander de me taire. Je bougonnai encore insistant, l'appelant pour qu'il détourne le sujet. Rien n'y fait. Ils continuaient encore et encore, parlant de leur poursuite, des écoles qu'ils aimeraient intégrer. Namjoon semblait moins sûr de lui quand Jin aimerait faire de la cuisine. Personnellement, je n'étais pas persuadé que ce soit une bonne idée, son père n'allait pas apprécier.

Finalement, dans un élan inespéré, Jin se leva proclamant que l'on devrait partir manger. Rater un repas, serait un "sacrilège" comme il le disait si bien. La méfiance était présente dans les yeux de Namjoon, je comprenais parfaitement, je n'avais jamais compris pourquoi avec des frais de scolarité aussi élevé, la nourriture du self était si... dégoutante. Il était rare qu'elle soit réellement mangeable Yoongi-hyung devenant notre meilleur allié. Lui seul résistait au goût infame que les cuisiniers peuvent créer. La cafétéria n'était clairement pas un pôle principal d'investissement ici.

Je les devançai, courant jusqu'à mes autres amis sous les avertissements de Jin. Il devait s'attendre à ce que je tombe dans peu de temps, ce ne serait pas improbable, toutefois, je me savais moins maladroit que le dieu de la destruction qu'était Namjoon.

Arrivé, je m'assis rapidement à côté de Yoongi qui avait déjà pris nos plateaux. Je lui souris en commençant de manger. Il avait raison aujourd'hui ils avaient décidé de servir de la viande de qualité semblable à celle que je mange à la maison. Seokjin et Namjoon s'assirent rapidement entre Jimin et Hoseok qui était à gauche de Yoongi. Les tables rondes sont parfaites pour que personne ne se battent pour ne pas être au bord.

Quel était le cours de monsieur Hwang aujourd'hui ? Il est tellement étrange ce professeur, m'interrogea Yoongi, bien plus curieux de la question et de ma réponse que des explications du professeur.

Il a voulu qu'on choisisse une couleur pour définir notre vie et qu'on dise pourquoi celle-ci plus qu'une autre.

Jimin intervint rapidement, jaloux de l'attention de son demi-frère sur moi alors qu'il était avec lui depuis bien plus longtemps. Une mini dispute en découla, bien que Yoongi gardait son calme et souriait, amusé. Pendant ce temps, Seokjin et Namjoon débattaient avec Hoseok de l'état de santé mentale de mon professeur. J'apprenais que cette question est courante pour les premières années, je devais alors m'attendre à ce qu'il la repose deux ou trois fois d'ici la fin de l'année. Je ne comprenais pas à quoi cela sert-il. Peut-être une étude de l'évolution de ses élèves.

J'ai choisi le gris.

Jimin ne savait pas non plus que c'était cette couleur. Je n'avais pas voulu le lui dire et c'est peut-être aussi pour ça qu'il ne m'avait pas suivi sur le toit. Je l'avais surement vexé. Tous s'arrêtèrent de parler, un silence pesant s'abattant sur la table. Ils m'observaient partagés entre incompréhension et surprise. Jin était le premier à briser le silence.

Pourquoi le gris ?

« Ma vie est représenté par le gris. Chaque jour se ressemble. Chaque jour est une suite d'actions et d'émotions identiques. Je n'arrive pas à changer cela. Je suis noyé dans une routine qui me force à rester ce que je suis quand je souhaite me métamorphoser. Le gris est une couleur idéale car je suis à la fois triste et heureux de vivre cette monotonie. Je me sens blasé et émerveillé devant cette monotonie. »

***

La pluie tombe sur la ville en ce premier samedi de mai, comme tous les jours de cette semaine. Les élèves ont enfin atteint ce week-end qu'ils attendaient tant. Pourtant, quand la plupart de ceux du lycée privé de l'arrondissement Gangnam quittent avec joie l'établissement, un d'eux retarde au maximum son retour à la maison.

Il se sait seul, personne n'étant présent chez lui. Son père gère son immense fortune dans son bureau au sommet de l'immense tour du siège de son entreprise. Sa mère est partie avec sa sœur en voyage scolaire sur l'île de Jeju. Personne n'est présent pour le réprimander s'il rentre trop tard, peut-être juste ces professeurs qui veillent à ce qu'il rentre avant le couvre-feu et ne fasse rien de répréhensible. Peut-être les domestiques qui raconteront tous à ses parents. Au fond, il espère qu'ils le feront, au moins il retrouvera pendant un instant l'attention de ses parents.

Il avance sans réelle destination à atteindre, rejoignant sans le vouloir le quartier Apgujeong. Il ne sait pas ce qu'il cherche, la solitude ou la compagnie dans ce quartier si animé. Son uniforme devient rapidement mouillé, ne pouvant plus filtré une goutte d'eau de plus. Il pourrait aisément appeler un chauffeur ou prendre un taxi pour rentrer chez lui. Il n'aurait qu'à franchir le portail pour qu'une domestique ne court vers lui un parapluie et une serviette à la main, si elle ne l'attend pas déjà dehors. Il serait escorté jusqu'à sa salle de bain où un bain chaud l'attendrait, des vêtements plus confortables posé sur un meuble non-loin de l'évier.

Il soupire à cette vision, se demandant ce qu'aurait été sa vie si son grand-père n'avait pas fait fortune. Son père et sa tante ne se serait pas disputés pour l'argent jusqu'à déchirer leur famille, l'empêchant de voir quand il le souhaite son cousin. Il n'aurait pas eu besoin de déménager de Busan le temps que son père redresse une filiale proche de la faillite. Peut-être n'aurait-il même pas quitté cette ville pour Séoul des années plus tard.

Il percute un passant qui l'arrête en le retenant par le bras. Il s'attend à des insultes et l'intervention d'un professeur, qui est surement non loin, l'escortant jusqu'à son domicile, pourtant rien de tout cela ne se produit. Il se retourne intrigué par si peu de remontrance alors que son bras et toujours prisonnier d'une main puissante. Il découvre avec surprise un de ses camarades de classe. Le seul qui tente encore de temps en temps de l'approcher. Les autres ont peut-être peur de lui ou le pense bien trop réservé. Il s'étonne de n'avoir pas encore subit la moindre moquerie ou brimade de leur part, ce doit être grâce à la fortune de sa famille.

Face à lui se trouve Jimin, l'élève le plus âgé de sa classe. Il se demande encore comment il a pu redoubler deux fois sans être renvoyé de cet établissement. Il imagine sans mal le père de celui-ci reverser une somme généreuse pour qu'il n'est pas d'ennui. Quoi qu'il fasse, Jimin est considéré comme un prince dans leur lycée. Il n'arrive pas à comprendre pourquoi. Il n'est pas le plus riche, n'atteignant même pas le top 20. Peut-être son physique ? Pourtant il est persuadé que les filles pensent plus avec l'argent dans sa classe.

Il suffit d'analyser le classement des plus populaires pour le comprendre. Un certain Kim Taehyung trône à la première place depuis sa deuxième année, adulé grâce à la fortune de son père, il est de même le premier du classement des héritiers les plus fortunés. Classement basé uniquement sur la fortune des parents d'ailleurs.

Il ne l'a jamais vu mais il est sûr qu'un laideront serait aussi populaire qu'un beau gosse, bien que la seconde idée soit plus alléchante. Il s'imagine parfois quelqu'un d'exécrable pensant uniquement avec l'argent, se croyant tou permis, pensant pouvoir tout acheter. Les rumeurs le décrivent comme un être adorable qui veut fuir cette popularité.

Finalement, sa seconde place en tant qu'héritier fortuné le sauve à coup sûr, il fait bien de les ignorer. Il pourrait presque apprécier cette fortune, s'il ne se retrouvait pas seul aussi souvent à cause d'elle. Il préfère largement une vie modeste si au moins il peut avoir de vrai ami et non pas des rapaces. Peut-être que ce Kim Taehyung serait un parfait candidat, mais il a peur que ses pensées soient réelles, cela signifierait que ce monde est aussi pourri qu'il ne le pense, alors il ne l'approche pas et ne cherche pas savoir à quoi il ressemble.

Je ne pensais pas croiser Jeon Jungkook dans une rue d'Apgujeong, Jimin rit à sa remarque quand Jungkook reste calme. Mais ça tombe bien, je vais pouvoir t'emmener avec moi. Ils seront ravis de profiter de ta présence !

Il voudrait échapper à cette prise, fuir pour finalement retourner chez lui. Il regrette soudainement ses pensées contre ses parents. Il préfère être seul qu'être apprécier pour ce qu'ils ont. Il n'avait jamais été abordé jusqu'à ce qu'une âme peu charitable mette à jour ce classement des familles les plus riches du lycée. Il est très vite devenu un centre d'intérêt pour la plupart. Du moins, son portefeuille l'est devenu. Il ne peut vraiment faire confiance à personne dans ce monde fortuné.

Sans pouvoir s'échapper, chacune de ses tentatives se soldant par un échec, il est traîné dans plusieurs rues jusqu'à entrer dans un bâtiment assez petit, comparé aux immenses buildings environnants. Il a tout juste le temps de comprendre où il est qu'une musique assourdissante lui vrille les oreilles. Il voudrait s'échapper de ce lieu désagréable cependant Jimin n'est pas décidé à le lâcher et le tire dans la zone VIP. Il l'entend à peine crier à ses camarades qui doivent comprendre ce qu'il dit bien plus par sa présence que par ses mots.

Ils sont tous ravis de la présence de Jungkook. Il voit dans leurs yeux l'appât que représente son statut.

***

Je suis rentré ! s'écria un lycéen de première année.

Il ne reçut que le silence ce qui l'étonna fortement. Habituellement, sa mère serait déjà arrivée pour le saluer. Elle lui demanderait comment s'était déroulée sa journée, ce qu'il avait appris. Elle lui dirait l'heure à laquelle rentre son père, bien que leur relation devienne plus difficile avec le temps. Il comprenait soudainement la raison de ce silence qui aurait dû lui revenir plus vite. Son père était rentré. Elle devait surement parler avec lui de ses affaires et ne pas avoir le temps de venir s'occuper de lui. C'était toujours ainsi quand il rentrait.

Il se déchaussa et donna son sac à une de ses domestiques qui venait d'arriver d'un pas léger. Il savait maintenant le temps qu'elle prenait pour venir, leur silence, leur faible présence n'étant en rien un indicateur de leur arrivée. Des années auparavant, il sursautait quand l'une d'elle se trouvait soudainement sur son chemin. Il ne les entendait jamais arriver. Il ne les entendait toujours pas.

Il avança dans le salon, des chaussures d'intérieur au pied. Il ne faisait plus attention à l'ambiance austère de la pièce bien qu'il ne sache apprécier le manque du couleur. Seul du noir et du blanc se mélangeait dans un style des plus modernes. La pièce manquait de vie, comme s'il entrait dans un magasin de décoration chaque jour, profitant de confort luxueux des meubles.

Il découvrit étonnamment sa mère, pensant qu'elle serait toujours en compagnie de son père dans son bureau. Son habituel sourire disparut quand il se rendit compte que la situation n'avait rien de ce cycle qu'il vivait quotidiennement. Peut-être s'étaient-ils disputés. Peut-être l'entreprise traversait une période difficile. Il ne savait quoi en penser et découvrir sa mère pleurer ne l'aidait pas à se rassurer. Ce n'était pas quelque chose de bien qui leur arrivait. Il s'accroupit devant elle, essuyant des larmes qui furent vites remplacées par de nouvelles. Il ne savait quoi faire pour la réconforter. Il ne pouvait le savoir sans connaître la situation.

Que s'est-il passé ?

Mon bébé, elle l'attira dans ses bras. Je suis désolée. Je lui ai dit que tu es trop jeune. Je lui ai pourtant dit. Il refuse m'écouter. Je suis tellement désolée.

Une idée du "qui" traversa son esprit. Il ne pouvait voir que lui pour la faire pleure aussi vite, pourtant il savait qu'il n'appréciait pas le faire. Il revenait toujours rapidement s'excuser toutefois, les yeux rougis de sa mère lui montrait qu'il n'était pas revenu aussi vite. Il voudrait écarter cette idée, se disant que finalement ce n'était peut-être pas lui.

En le voyant entrer dans le salon, il comprit que oui, c'était bien lui la cause de sa peine.

***

La fête bat son plein, les lycéens s'amusent sans retenue devant les yeux de Jungkook. Il souhaite quitter la soirée et rentrer chez lui cependant Jimin le surveille et s'assure qu'il reste. Il semblerait que sa présence soit ce qui convaincs une partie de ses camarades de rester. Il ne se souvient plus du nombre de fois qu'il a été interpellé depuis son arrivée. Il ne leur répond pas, ignorant même leur présence, du moins il s'assure qu'eux le pense.

Un élève, issu d'une classe différente de la sienne, arrive soudainement devant lui. Il semble plus âgé, peut-être un troisième année, il ne saurait en être sûr. Son visage ne montre aucune émotion, juste de la froideur. Il ne sait quoi en penser, il détourne le regard rapidement, observant ses camarades. Il sait pourtant que ce lycéen n'a pas bougé.

Je peux m'asseoir là ?

Il hésite à l'ignorer, ce disant qu'il doit surement vouloir s'asseoir pour gagner son attention. Peut-être veut-il sa sympathie pour mieux se servir de lui. Il se souvient que la différence de fortune est assez impressionnante entre le haut du classement et le bas. Cela ne se joue pas seulement à quelques milliards de wons.

Sans qu'il n'ait réellement le temps de répondre, le lycéen s'assoit comme si sa demande n'était qu'une simple formalité à l'instar de bonjour et au revoir. Il ne porte toujours pas son attention sur lui, ne voulant lui faire ce plaisir. Toutefois, son silence l'intrigue à moins qu'il ne parle au lieu de crier comme l'exige ce lieu. Pris de curiosité, Jungkook décide de tourner la tête dans sa direction. Il observe lui aussi les élèves d'un regard détaché comme s'il était un simple spectateur.

Je m'appelle Taehyung. Kim Taehyung.

Jungkook. Jeon Jungkook.

Il perçut le sourire en coin de Taehyung, il n'ajoute rien, il ne le regarde pas. Il laisse la musique combler le silence qu'ils auraient créé en étant seuls. Jungkook réfléchis à qui peut être Taehyung, son nom lui est familier sans qu'il ne l'ait pour autant rencontré auparavant. Il n'arrive à retrouver ce moment où son nom est apparu devant ses yeux, qu'il est entré dans son oreille. Il n'est peut-être pas celui qu'il pensait. Peut-être a-t-il retenu son nom parmi ceux qui en aurait le plus après son statut.

Jungkook reporte son attention sur ses camarades de classe. Il s'interroge sur ce qui les pousse à apprécier ce type de soirée. La musique est bien trop forte, assourdissante. L'air est étouffant, presque irrespirable tant ils sont nombreux. Malgré le grand espace, il peinerait à passer. Il n'aurait le temps de se faufiler dans cette masse que Jimin le rattraperait et le forcerait à rester au moins assis à l'une des tables.

Il se rend alors compte qu'il ne voit plus du tout son camarade et que cela pourrait être une chance pour lui de s'enfuir. Il observe Taehyung qui a fermé les yeux, se rassurant qu'il ne soit au moins pas un "espion" du plus vieux. Il se lève lentement, veillant à ne pas toucher cet inconnu. Il fait un premier pas, avisant le chemin jusqu'à la sortie. Sa main est retenue.

Il se retourne pour voir Taehyung les yeux clos, son bras tendu, ses doigts serrant son poignet. Il ne saurait dire comment il put aussi facilement savoir où élancer son bras. Peut-être n'est-ce qu'un hasard. Il le pense jusqu'à ce qu'il ouvre les yeux et lui sourit satisfait. Il pense alors être réellement un espion de Jimin pourtant la seconde main se posant sur son poignet lui prouve le contraire, cette idée renforcée par les regards mauvais de son camarade de classe.

Lâche-le ! Je ne veux pas que tu t'approches de lui !

Il est tiré de force contre Jimin, se sentant soudainement mal à l'aise. Il n'est pas habitué à ce type de contact, même avec sa mère, qui tente malgré tout de prendre soin de lui. Il veut se dégager pourtant il n'arrive pas à faire bouger ne serait-ce qu'un peu se bras. Son poignet est toujours entre les doigts de Taehyung qui s'est relevé, surement pour éviter de lui faire mal à cause du recul.

C'est toi qui dit ça. Je te rappelle que TU le retiens prisonnier, Jungkook ne peut qu'apprécier cette remarque. Je te propose un marché, tu le laisses partir et je ne l'approche plus.

Ça tient aussi pour les autres jours. Tu ne l'approches jamais.

C'est promis.

Jungkook est relâché puis éloigné par Jimin. Il remercie silencieusement Taehyung avant de partir rapidement.

Pour la première fois, il a apprécié un élève de son lycée.

***

Un soir, quand mon père me ramena à la maison, je tremblais comme une feuille sous un fort vent d'hiver. C'était la première fois pour moi mais, malheureusement, pas la dernière. J'avais brisé chacune de mes habitudes. Je n'avais pas annoncé mon retour. Je n'étais pas venu saluer ma mère qui m'attendait pourtant. J'avais fui. J'avais couru dans ma chambre et m'était enfermé dans celle-ci. Mon armoire ainsi qu'une épaisse couverture étaient devenu un rempart.

J'entendais les coups forts portés à la porte. Cette puissante bientôt remplacé par de la douceur. Une porte qui claquait, il venait de partir. Ma mère m'appelait encore et encore d'une voix toujours plus inquiète. Je ne répondais pas. Seuls mes pleurs confirmaient ma présence dans cette pièce. Les minutes s'écoulaient et je me sentais de plus en plus mal. Je craquais de plus en plus jusqu'à prononcer ces mots que je n'étais même pas sûr de regretter.

Je veux mourir. Maman... s'il te plait... laisse-moi mourir.

J'avais essayé. On m'en avait dissuadé. Les coups de pieds, les coups de poings. Je ne les comptais plus. Pourtant, ça n'avait jamais dépassé cette limite que je réclamais. Je n'allais pas à l'hôpital et je ne pouvais pas mourir. Mon père avait ordonné à ses hommes de s'assurer que je ne pourrais plus bouger, que je ne pourrais plus rien tenter, que je ne pourrais que survivre.

« Mon père est un monstre ! Je ne veux pas vivre en étant son fils ! Je ne veux pas devenir comme lui ! »

***

Jungkook, je te présente Hoseok. C'est un ami d'enfance.

Je me courbe devant le troisième année qui m'imite avec un grand sourire. Je le détaille rapidement, remarquant son visage bien trop parfait pour ne pas avoir été maquillé. A vrai dire, je ne sais même pas pourquoi je suis là, écoutant Jimin me présenter son ami comme s'il était l'une des sept merveilles du monde. Je pourrais parier qu'il ressent quelque chose pour lui mais refuse de l'admettre ou de lui avouer.

Je n'ai pas vraiment le temps de creuser plus le sujet que Taehyung entre dans leur conversation, attirant bien plus mon attention que nécessaire. J'avais samedi que Jimin ne le porte pas dans son cœur toutefois cela semble être le contraire pour Hoseok. Il reproche à Jimin de l'avoir fait fuir, comme si ces paroles lors de la fête avaient causé son absence toute cette semaine. Peut-être est-ce déjà arrivé. Cela serait même probable, toutefois le Taehyung que j'ai vu semblait bien plus sûr que ce que cette information laisse penser.

Jimin, je peux manger avec toi ce midi ?

Il est agréablement surpris par ma demande, ne se doutant pas qu'elle vient juste de l'affirmation de Hoseok qu'il mangerait avec lui ce midi.

Si je suis avec eux deux, peut-être pourrait en savoir plus sur ce Taehyung qui semble posséder plusieurs facettes.

***

Je ne savais pas pourquoi je prenais un tel risque. Je ne voyais qu'une issue positive à un acte qui serait désastreux s'il le découvrait. Je sortais de mon lit déjà vêtu de vêtements d'extérieur. Saisissant un sac à dos que je pose négligemment sur mon épaule, je repense au chemin que j'allais devoir emprunter. Il n'était pas compliqué cependant je serais rapidement visible s'il décidait soudainement de se réveiller pour une quelconque raison. Cette demeure était immense, toutefois il avait préféré de grande pièce à une multitude.

J'étouffais ici, en sa présence. Je ne rêvais que de fuir, dans un autre quartier, dans une autre ville, un autre pays, une autre vie. Le lieu m'importait peu tant qu'il n'était pas là. Je descendais silencieusement les escaliers, remerciant mentalement ma mère d'avoir souhaité de la pierre et non un bois qui aurait pu grincer sous chacun de mes pas. J'aurais moins de chance de le réveiller ainsi et d'attirer ses foudres. Le plus tard était le mieux.

Je commençais à traverser le salon, quand un bruit provenant de la cuisine m'interpella. Je me cachais de justesse derrière le canapé avant que la porte ne s'ouvre, laissant sa lumière inonder une partie de la pièce. La lumière fut éteinte, celle de couloir prenant place. J'attendais un long instant après que les lumières furent totalement éteintes. Je guettais le moindre son suspect. Sur de moi, je me relève de lentement approche de l'entrée. N'ayant pu enfiler de chaussure plus tôt, je me dépêchais de lasser celle-ci et saisis mon manteau.

Je n'étais qu'à quelques pas de la délivrance. Je les franchissais le cœur battant. J'allais pouvoir fuir, définitivement, loin de tout, loin de lui. Ma main se posa sur la poignée, ma respiration se coupa. Je l'abaissai. Je ne sentis jamais la légère brise de la nuit sur mon visage.

***

Jungkook, je te présente Taehyung, c'est-

Je l'ai déjà rencontré Hoseok, lui sourit le nommé, coupant sa présentation.

Je le salue d'un fin sourire, qu'il me rend sous le regard inquisiteur de Jimin. Je me demande d'ailleurs pourquoi il ne m'a pas empêché de venir avec eux, lui qui souhaitait tant m'éloigner de son camarade. Je m'assois face à ce dernier aux côtés de Taehyung, laissant les deux amis côte à côte sous l'inquiétude de Jimin. Je ne comprends pas la raison de ce sentiment, toutefois, je garde en tête l'hypothèse que mon camarade de classe puisse connaître un côté sombre de sa personnalité qui m'échappe.

Le déjeuner se déroule sous les discussions entre Jimin et Hoseok qui finissent par oublier notre présence. Je n'en suis pas réellement gêné tout comme Taehyung qui semble montrer une certaine lassitude, surement habitué d'être écarté de leurs conversations. Je profite de l'inattention de mon camarade pour observer le troisième année qui dévoile un fin sourire en les observant.

C'est toujours ainsi ?

Je ne sais pas pourquoi je me mets si soudainement à chuchoter, néanmoins cela semble lui plaire à la vue de son sourire plus franc. Il hoche seulement la tête n'ayant peut-être rien à ajouter de plus. Peut-être tient-il juste compte de la promesse qu'il a fait à Jimin en ne me parlant plus. Peut-être considère-t-il la parole comme un acte de rapprochement. Dans mon cas, cela pourrait en effet bien s'y apparenter, je parle si peu aux autres. Je crois bien qu'à l'heure actuelle ma mère et ma sœur sont les seuls pouvant reconnaître le son de ma voix.

Le temps me semble long, je ne sais pas comment je peux satisfaire ma curiosité sans paraitre déplacé. J'aimerais comprendre pourquoi je ne pourrais pas approcher la seule personne ici qui n'aura pas de réelle raison de s'intéresser à moi pour l'argent que gagne mes parents. Il n'aurait aucun intérêt à le faire, à moins que ce ne soit parce que je suis plus susceptible de ne pas m'intéresser au sien. Je soupire discrètement, pensant que personne ne m'entend pourtant je vois le sourire en coin du troisième année.

Je me demandais Jungkook, tu es le troisième sur le classement mais c'est parce que ta famille est super riche où on a plus qu'un seul enfant du top dix de Corée ? je fronce les sourcils à sa remarque ne sachant comment l'apprécier.

Je ne sais pas vraiment comment est classé l'entreprise de mon père et ce n'est pas ce que gagne ma mère qui fera une nette différence.

Il gère quoi comme entreprise ?

Je ne sais pas.

Tu peux nous le dire, on est habitué à l'immense fortune du père de Tae', franchement par moment s'en est presque gênant alors si la tienne est plus basse, on s'est sentira que moins pauvre.

Moins pauvre ? Je ne comprends pas cet intérêt de se sentir moins pauvre quand on sait que leurs parents gagnent surement assez pour leur payer tout ce qu'ils demandent. Je ne prends pas la peine de lui répondre, continuant de manger sous le silence gênant que je viens de créer. Je ne sais pas si je dois le regretter. Comment puis-je demander quelque chose si moi-même je refuse de répondre ? Je laisse le temps passer sans qu'aucun d'eux ne reprenne la parole. Je devrais me sentir mal d'avoir causé se malaise pourtant je ne réussis pas à ressentir la bonne émotion. Toutefois, il faut bien que je sociabilise pour satisfaire ma curiosité.

Ma famille n'est pas riche depuis si longtemps que ça. C'est mon grand-père qui a fait fortune, je n'ai jamais su dans quoi parce que c'est arrivé assez tard, vers ces soixante ans. Mon père a repris une partie de l'empire de mon grand-père, il y a seulement cinq ans, je n'ai jamais vraiment vécu dans tout ce luxe avant, je finis par avouer.

Donc tu es un nouveau riche ? conclut Jimin. Ça explique pourquoi tu restes dans ton coin, ça doit te sembler nouveau mais jamais ton grand-père n'a partagé sa richesse avec vous ?

Si mais... j'ai toujours été plus proche de mon grand-père maternel et il vivait à Séoul quand on était à Busan, c'est ma tante qui en voyait le plus les avantages. C'est surtout par ce qu'ils nous offraient qu'on le voyait.

Et je présume que maintenant il doit profiter d'une retraite bien méritée, ajoute Hoseok, j'hésite un instant à lui répondre.

Disons plutôt qu'il... ne peut plus. Il n'aurait pas laissé son entreprise alors qu'elle atteignait le sommet.

Ce n'est plus le cas maintenant ?

Je crois que si mais je n'ai jamais vraiment suivi ce qu'il arrive à l'entreprise.

Pourtant tu devrais, c'est ton héritage, c'est important de savoir comment il se porte.

Je ne veux pas travailler dans les affaires, ni même le droit. Je déteste ces métiers.

Mais-

Les gars, il n'a pas été élevé entant que fils de chaebol, c'est normal qu'il ait d'autres ambitions, on lui a appris qu'il peut, Taehyung les coupe, me faisant esquisser l'espace d'un instant un sourire quand les questions cessent.

Je ne suis pas sûr que maintenant son père appréciera le délire. Il ne laissera pas l'entreprise de son père partir entre les mains d'un inconnu.

La remarque de Jimin jette un froid sur la table. Sera-t-il vraiment capable de m'imposer de travailler dans l'entreprise de grand-père ? Je n'avais pas cette vision de la riche qu'ils ont, cette obligation de suivre le chemin de leurs parents. Hériter d'une entreprise au détriment de ses propres ambitions. Devoir suivre une voie s'opposant à qui l'on est vraiment. Être riche semble plein de problèmes bien plus complexes à gérer.

« J'aurais aimé que mon grand-père de fasse jamais fortune. Ainsi, je n'aurais eu besoin de connaitre cette solitude et cet emprisonnement. »

***

Après cette dure nuit, je n'étais pas retourné en cours pendant plus de deux semaines. Je ne donnais aucune nouvelle à mes amis malgré leurs incessants appels et messages. Je répondais avec peine à ma mère, je mangeais uniquement pour voir son sourire à chacune de mes bouchées. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même cependant après deux semaines mon père était revenu. Il avait eu vent de mon refus de quitter cette pièce. Je me suis alors vu contraint de sortir pour retrouver le lycée.

Arrivant au lycée, je rejoignis directement ma salle ne souhaitant croiser quiconque. J'étais arrivé peu après la sonnerie, me faisant remarquer bien plus que nécessaire. Les remontrances de mon professeur me parurent bien fade en comparaison à la douleur de constater l'ignorance de Jimin. Hoseok me souriant compatissant pourtant je savais que j'étais responsable. Je n'avais pas pris une seconde pour penser à eux, à l'inquiétude que je leur causerais en les laissant sans réponses.

Je m'étais assis dans le silence, sans chercher à leur dire le moindre mot. Je me concentrais comme je pouvais sur les paroles du professeur. Je ne réussissais pas, ces images me hantaient. Tout ce sang s'écoulant sur le béton froid d'une pièce en sous-sol. Ces cris qui perçaient encore mes tympans, suppliant encore et encore de les laisser partir. Cette douleur. Cette agonie. Chaque seconde où je laissais mon esprit voguer, ils revenaient ne voulant être oublié. Je n'arrivais pas à me concentrer.

Midi sonna comme une délivrance, je savais que je retrouverais le réconfort de la présence de mes amis. Seokjin, Namjoon et Yoongi, tous trois étaient à leur façon un pilier qui m'empêcherait de crouler. Cependant, j'avais oublié qu'eux aussi pouvait me laisser tomber en s'apercevant que je ne répondrais pas. Ils s'étaient surement dit que je voulais être seul, que faisait une de ses crises que je leur avais fait une ou deux fois, celles où je leur ordonnais de me laisser seul. Cette fois je voulais au contraire qu'ils soient là.

Seokjin et Namjoon m'attendaient toujours sur le toit du lycée. Bien que la bibliothèque soit leur lieu de prédilection, tous deux étant les plus bosseurs d'entre nous, ils acceptaient le fait que je ne puisse m'y rendre sans rester coincer une bonne demi-heure, si ce n'était plus. Mon monde s'était comme écroulé en constatant qu'ils n'étaient pas là. Cette porte ne m'avait jamais semblé si lourde qu'en ce jour. Ce poids sur mes épaules se fit plus écrasant. J'étais convaincu que Hoseok les avait prévenus, si ce n'était Jimin qui sarcastiquement avait reproché mon silence durant les cours.

Ils m'avaient laissé parce que je n'avais pas pris la peine de leur répondre. J'avais tout simplement abandonné l'idée de pouvoir recevoir de l'aide. J'étais persuadé que le je méritais. Je n'arrivais à me sortir cette idée. Tout est de ma faute. J'ai causé ça. Je fais subir aux autres le poids de mes erreurs. Je devrais disparaître.

Mes genoux avaient fortement rencontré le sol du toit. Je savais que personne ne viendrait. L'accès était interdit tant que l'on n'avait le statut suffisant. Je leur procurais le statut suffisant. A cet instant, j'avais besoin de la douceur de Jin et de ses étreintes réconfortantes. J'avais besoin de la rationalité de Namjoon et de cette impression de protection qu'il procure. J'avais besoin du franc parlé de Yoongi et de sa compréhension du monde. La joie de Hoseok et cette maturité cachée. La compassion de Jimin et son soutient impérissable. J'avais besoin de toutes ces choses que j'ai repoussé sans penser à eux. Je ne le mérite pas. Je devrais juste disparaitre.

Je suffoquais sous le poids de mes larmes. Le bord du toit me semblait si attractif, comme un trou noir capturant toute lumière. J'aurais tout simplement pu le rejoindre. J'avais l'occasion rêvée. Ma mère n'était pas là pour me retenir. Mon père et ses hommes ne pourrait me ruer de coups avant que je n'esquisse le moindre mouvement. Mes amis n'auraient le temps de s'inquiéter de mon absence. Je n'avais que quelques pas à franchir. Je n'avais même pas besoin de me relever.

Le sol se dessina sous mes yeux. Ce mélange de gravier et d'herbe arrangé dans une harmonie qui se veut propice à l'apprentissage. Je ne voyais là que les vestiges de mon passé. Cette teinte grisâtre qui se découvrait bien plus coloré que je ne le voyais. On ne voit que ce que l'on perd. J'étais près décidé pourtant une fois encore on m'en empêcha. Bien avant que je n'esquisse un mouvement, une porte s'ouvrit, des pas précipités claquèrent sur le toit et des bras vinrent m'entourer.

J'étais décidé mais une force s'efforçait de me garder en vie.

***

Il n'était jamais monté sur le toit avant ce jour, la perceptive de l'interdit le poussant à rester dans les étages sans retrouver l'air extérieur. Pourtant, il l'a suivi sans broncher, acceptant le fais que finalement il aurait peut-être l'autorisation implicité de déroger à certaines règles. Il s'assoit aux côtés de son désormais ami, s'il peut seulement le nommer ainsi.

Encore une fois, Taehyung et Jimin se sont disputés, cela devenait habituel pour Jungkook comme ça l'est pour Hoseok, toutefois, il n'arrive à se faire aux yeux blessés de Taehyung à chacune des paroles froides de son ancien ami. Il a fini par le comprendre à mesure de leur dispute. Ils ne peuvent discuter sans que le plus petit hausse le ton sous les yeux blasé du plus âgé qui voyait leur relation se déchirer un peu plus chaque jour. Pendant un long moment, ils ont été de très bons amis, presque inséparable, cependant, ce temps semble révolu aux yeux de Jungkook qui voit leur relation comme impossible.

C'est ainsi qu'il a fini par suivre le troisième année jusqu'au toit, ne pouvant le laisser après l'apparition de ces larmes face à des paroles trop dures. Il ne sait dire ce qu'ils sous-entendaient, tous leurs mots semblaient calculés pour que jamais il ne puisse les comprendre sans réelle explication.

Jungkook s'assoit aux côtés de Taehyung, l'observant sans dire le moindre mot. La tête penchée en arrière, reposant sur le muret bordant le toit, appuyé contre ce haut grillage, il voit ses yeux humides sans qu'une larme de plus ne s'en échappe.

Quand Monsieur Hwang t'a demandé qu'elle couleur représente ta vie, Taehyung coupe finalement le silence après un long moment, qu'as-tu répondu ?

Le blanc.

Le blanc... sa voix est songeuse, son esprit parti plus loin que les paroles du plus jeune. Pourquoi le blanc ? Ta vie est si bien que ça ?

Non, elle est aussi normale que l'est celle d'un enfant qui a soudainement connu la richesse. Elle n'est pas totalement joyeuse, pas totalement triste. Disons, que chaque émotion traverse à un moment mon existence sans être forcément vibrance, animée d'une puissance bouleversante. C'est pour ça que j'ai choisi le blanc, car c'est tout et rien à la fois. C'est juste une vie, une lumière qui poursuit son chemin jusqu'à être engloutie par les ténèbres.

Le regard de Taehyung quitte le ciel pour se plonger dans les yeux de Jungkook. Il lui faut un moment pour percevoir le sens des paroles de son cadet. Une part de lui se souvient de cet ami qui voyait plus loin que de simple apparence. Il n'était pas le plus riche d'entre-eux. Il n'était pas le plus pauvre. Il était seulement celui qui en avait connu bien plus qu'il ne le voulait. En Jungkook, il revoit cette lueur qui tentait de le guider pendant des années. Celle qu'il a laissé étouffer sans réellement agir pour qu'elle garde son éclat.

Cette question est récurrente chez les premières années, elle est posée quelques semaines après le début de l'année, elle est répétée six mois plus tard et en fin d'année. C'est comme un suivi de la progression de l'image que l'on a de soi-même. Il est pourtant assez difficile de juger ce que l'on voit plutôt que ce que l'on ressent.

Et toi ? Qu'as-tu répondu ?

La première fois, que ma vie est monotone, comme le gris. Rien ne changeait réellement, j'étais comme perdu dans une boucle sans bien. La deuxième, un bleu aussi noir que la nuit, je me sentais au plus mal, c'est la première fois que j'ai jugé réellement ce que je vivais et non simplement mes impressions. La dernière, du noir. Je n'arrive toujours pas à savoir si c'est mon image ou mes émotions qui le cause. Peut-être les deux. Peut-être je juge vraiment mal ma vie mais encore maintenant c'est ce qui me parait le plus juste. Je plonge dans une obscurité sans trouver la moindre lumière pour m'en sortir.

Et donc, tu recherches cette lumière.

Non, mais j'aimerais qu'elle soit là.

'Ma vie est un blanc illuminant mon monde de sa clarté. Sa vie est un noir dont il ne saurait se sortir. Peut-être que je pourrais tâcher cette blancheur de noir afin de lui donner cette lumière dont il a tant besoin. Peut-être que ce gris n'est pas si difficile à vivre, si l'on est deux à le partager.'

***

Deux mille dix. Je n'aurais jamais cru que cette année serait aussi difficile. Je n'aurais jamais cru que les suivantes le seraient tout autant si ce n'est plus. Deux mille dix. Je n'avais que quinze ans. Je n'étais au lycée que depuis quelques mois. Rien ne prédisait ce qui arriverait. Peut-être que tout le montrait. Peut-être que j'ignorais ces signes pourtant si évidant. Deux mille dix. Je perdais mes rêves d'enfants. Je perdais mes rêves d'avenir. Deux mille dix. Je n'étais plus que l'ombre de moi-même. Je n'étais plus qu'une ombre dans ce monde froid. Deux mille dix. Je hais cette année. Je hais les suivantes. Deux mille dix. Je n'ai jamais autant souhaité mourir. Je n'ai jamais autant haï la vie.

Chapitre 2

Je travaillais durement. Je devenais le premier. Je devenais le meilleur. Je n'étais jamais comme lui. Je n'arrivais pas à l'égaler. Ce fossé était toujours présent entre nous. Je persévérais pourtant. Chaque jour était une nouvelle chance. Plus le temps passait plus je lui ressemblais. J'avançais. Je le rattrapais. Je n'avais plus que quelques pas. Je n'avais que quelques mètres. J'avançais. Je le rattrapais. J'avais tout ce qu'il avait. La force. L'intelligence. La douceur. J'avais tout ce qu'il avait.

***

La première fois qu'il m'avait emmené avec lui avait été la moins pire de toutes. Je ne souhaitais pas le suivre, j'avais cette crainte quant à ces intentions envers moi, néanmoins je me disais que mon père ne pouvait pas me vouloir de mal.

Il m'avait emmené dans un bâtiment inconnu dans un quartier où ma mère ne m'avait jamais emmené. Il n'avait pas appelé le chauffeur comme à son habitude, il avait préféré conduire lui-même. C'était la première fois que je pouvais apprécier sa conduite. J'aurais cru qu'il ne conduisait pas si bien que ça, vu qu'il n'acceptait jamais de le faire quand ma mère et moi l'accompagnions pourtant, cette fois, il l'a fait et j'ai pu constater que ce n'était qu'une envie qui le poussait à ne pas prendre le volant.

Je fus présenté à un homme qui n'avait surement jamais mis les pieds dans le bâtiment principale de l'entreprise. Je pensais à une petite filiale du groupe qui n'était pas si rentable que ça, juste assez pour subsister et payer ses employés. Il n'avait rien d'une personne riche, ni même seulement aisé. Je ne voyais qu'un homme qui luttait pour sa survie. Un homme qui n'avait jamais eu tout ce qu'il souhaite en un claquement de doigts.

Ces traits étaient marqués par le temps, il n'était pas soigné, devant surement ignorer l'utilité des soins pour la peau, n'avoir jamais mis les pieds dans un spa. Il n'était qu'une caricature de cet homme fort qui travaille sur les chantiers, ces gros bras idéales pour une garde du corps. C'est la profession que je lui octroyais quand je pensais encore que mon père ne faisait que des affaires légales.

Je l'avais suivi à la demande de mon paternel qui n'avait toujours rien de bien effrayant. Il arborait un air plus sévère que d'accoutumé seulement j'étais déjà habitué à l'idée de ne pas être le fils qu'il aurait souhaité. Je pensais uniquement à cette déception qu'il connaîtrait si je ne l'écoutais pas devant un de ses subordonnés. J'aurais dû être plus méfiant mais comment l'être face à quelqu'un qui vous a élevé, quelqu'un en qui on avait une totale confiance, que l'on admirait.

Je fus conduit dans une salle ou je découvrais un jeune homme à peine plus âgé que moi. Il fut surpris de me voir mais n'en dis rien jusqu'à ce que l'homme parte lui ordonnant de me garder avec lui pour la nuit. Je m'étais arrêté dans l'entrebâillement de la porte inquiet d'être laissé seul avec un si jeune homme. Il devait avoir l'âge du plus vieux de mes amis. Je ne comprenais pas comment il pouvait travailler pour mon père. J'émis l'hypothèse d'un stage toutefois, il m'avait pourtant dit que son entreprise n'acceptait que des étudiants en fin de cursus et non tout juste diplômé du lycée.

Un corps élancé et fin me faisait face. Je l'observais avec attention cherchant ce petit quelque chose qui m'expliquerait sa présence. Je ne l'avais pas trouvé ce jour-là, je n'avais vu que la surface d'un iceberg bien plus imposant. Il avait dix-sept ans, il n'avait même pas fini le lycée, travaillant par intermittence. Sungyeol n'avait pas osé répondre à une simple question qui me semblait anodine quoique ce fut tout l'inverse : elle était lourde de révélations.

Quel est ton poste dans l'entreprise de mon père ?

Il ne travaillait pas dans son entreprise.

***

Jungkook arrive au lycée le pas trainant, perdu dans ses pensées. Il ne sait plus quoi penser de Taehyung. Il est bien plus complèxe qu'il ne l'avait imaginé. Il perçoit le mystère qui l'entoure, c'est aura attirante qui ne semble pas mener à quelque chose de sympathique.

Il passe devant Jimin et Hoseok qui l'attendent devant les casiers. Il passe devant Taehyung ne remarquant pas cette interrogation dans son regard qui se transforme en peine.

Il ne sait encore rien de lui, il est toujours temps de faire demi-tour. Il est toujours temps de retrouver sa solitude. Jungkook se demande s'il aurait seulement dû la quitter. Jimin lui répète pourtant chaque jour de s'éloigner. Il lui parle de danger sans jamais expliquer clairement ce que cela signifie. Ce n'est pas comme s'il pouvait en mourir. Il ne voit pas les raisons derrière ces mises en garde. Il ne voit pas pourquoi il hésite autant. Il n'a qu'à lui demander, tout serait plus simple.

Il reste seul la journée entière ignorant les appels de Jimin et Hoseok. Ignorant le silence de Taehyung. Un soupire lui échappe. Il ne sait quoi en penser. Ses affaires dans son sac, il se lève finalement près à quitter le lycée. Il ne sait pas quoi faire. Il ne sait où demander de l'aide. Il ne sait plus rien. Tout est flou dans son esprit.

Jungkook, peut-on parler ? l'interpelle Taehyung.

Non.

Est-ce à cause d'hier ?

Non.

Alors, c'est à cause de ce que dit Jimin. Tu comptes l'écouter, c'est ça ?

Ça changerait quoi ? On n'est pas si proche que ça.

Alors retournes-toi et dis-moi qu'on est juste des camarades. Un sunbae et un hoobae. Ce que tu veux. Que tu ne veux plus me voir.

Jungkook se retourne, il croise le regard de Taehyung qui est bien plus proche qu'il ne le pensait. Il laisse ses yeux se perdre dans les siens, appréhender ce vide, ce manque d'émotion. Il cache souvent ce qu'il ressent, Jungkook l'a rapidement remarqué, c'est ce qui le rend aussi captivant. On veut découvrir ce qu'il cache, comprendre comment il pense.

C'est pour ça qu'il n'avait pas cherché à le regarder de la journée, il savait déjà qu'il ne pourrait se résoudre à l'abandonner aussi facilement. Sa curiosité est trop présente et la raison de cette curiosité est bien trop dure à saisir pour qu'il l'ignore. Il voit juste une énigme à résoudre et il se refuse de laisser tomber.

Il soupire ne disant pas un mot pendant que Taehyung sourit, s'approchant jusqu'à ne laisser qu'une faible distance entre leur visage. Il ne pense pas à se reculer, étant comme hypnotisé par ces yeux. Il ne peut que déglutir un difficilement et attendre qu'il agissent. Sa main droite saisi le menton de Jungkook, le forçant à continuer de le regarder droit dans les yeux sans possibilité de tourner la tête.

Parfois, j'ai vraiment envie de te pousser à écouter Jimin mais en même temps j'ai fortement envie de forcer à rester.

Pourquoi ?

Je suis sûr que tu en as une idée, sinon reste pour le savoir.

Donc, tu ne veux pas que j'écoute Jimin ? C'est pour mon bien pourtant.

Je sais mais je veux être égoïste une dernière fois.

Jungkook se défait de sa prise, reculant avec un sourire en coin. Il n'ajoute un mot partant sans rien ajouter de plus. Il ignore son nom qui est presque crié. Un crie qui n'a rien de désespéré. Un simple appel lui prouvant qu'il sera attendu.

***

Sans dire un mot, Jungkook arrive derrière ses désormais amis, se décidant à agir comme il le devrait. Il ne fait pas un bruit. Il prend garde à chacun de ses mouvement, puis enfin profitant d'un instant de silence, il parle les surprenant tous les trois.

***

La vie dans l'immense maison des parents de Jungkook n'est pas aussi plaisante qu'on le lui avait présenté. On ne lui avait pas parlé de l'absence constante de sa mère qui s'occupe de sa sœur et se fait de nombreuses amies. On ne lui avait pas dit qu'ils se perdraient les premiers jours. A son arrivée, il était incapable d'aller seul dans sa chambre. Il avait dû dessiner un plan pour ne pas déranger à chaque fois les domestiques.

Les domestiques. C'est bien le pire. Il ne peut plus agir sans se sentir épier. Il ne peut pas rentrer un peu plus tard sans qu'ils n'informent ses parents. Il est constamment sous surveillance. Il comprend désormais beaucoup mieux ce que voulait dire son cousin par : « La richesse c'est cool mais ça craint. » C'est sympathique de ne pas avoir à se soucier des sommes que l'on dépense mais les à-côtés ne sont pas aussi idylliques que l'on ne le pense quand on goûte pas à cette richesse extrême.

Il se demandait souvent ce que cela devait être quand on était l'enfant des trois. Il imaginait des êtres arrogants qui ne voyait que leur héritage et par cela gardait une image parfaite aux yeux du monde. Taehyung est loin d'être ce qu'il imaginait. Il ne prend pas les autres de haut alors qu'il est adulé de tous. Il n'étale pas sa fortune familiale l'usant pour simplement « impressionner » ses camarades.

Il est bien plus solitaire que ça. Jungkook se demande souvent s'il ne serait pas totalement seul sans Hoseok et Jimin. Ce dernier semble lui vouer une profonde haine, demandant souvent au plus jeune de l'éviter, pourtant il s'inquiète pour lui. Derrière cette façade de haine et de reproche, il perçoit une ancienne amitié qui devait être plus forte que ce que lui n'a jamais connu. Malgré qu'il lui somme de ne plus l'approcher, il perçoit cette demande de rester à ses côtés.

Il descend les escaliers, croisant une domestique qui la salue poliment. Il se demande combien de temps il faudra à sa mère pour apprendre qu'il est sorti de sa chambre à midi alors qu'il est censé être en cours. Il entre dans la cuisine découvrant un déjeuner garni sur la table. Il a toujours été un bon mangeur, la nourriture élaborée de leur chef cuisinier n'a jamais été un problème pourtant il y a des jours où il regrette de ne pas découvrir une pizza sur la table. La dernière fois qu'il en a mangé une, sa petite sœur n'avait que cinq ans. Ça remonte déjà à deux ans.

La sonnerie d'entrée retenti dans la maison. Il ne prend pas le temps de se relever et commence à manger. Le majordome se chargera très bien tout seul de la porte avant même qu'il n'ait le temps de l'atteindre. Parfois il se demande s'il ne reste pas planté à côté. Puis il se souvient de la vitesse à laquelle il arrive quand il l'appelle. Il se demande alors qu'il est seulement humain.

Même pas tu viens accueillir tes invités, il faut vraiment qu'on t'apprenne à vivre dans notre monde, Jungkook.

Il ne prend pas la peine de me retourner. Il ne prend pas la peine de me lever. Il n'attend que quelques secondes avant que des bras ne viennent l'entourer. Un visage se pose contre mon cou et l'espace d'une seconde, il oublie que sa mère apprendra qu'il est passé. Il le relâche rapidement, prenant place sur la chaise à côté de lui. Jungkook vois une domestique arriver avec de nouveaux couverts sans qu'il n'ait rien dit. Ce monde est trop étrange, il a l'impression de ne pas pouvoir penser par lui-même.

J'ai déjà déjeuner.

Une simple phrase qui la fait quitter la pièce aussitôt qu'elle est prononcée. Il songe à au moins lui demander comment les faire partir aussi rapidement quitte à devoir réellement apprendre toutes ces règles de bienséance. Il ne reste pas seul longtemps, elle revient se poster à côté de la porte comme si elle attendait un ordre.

Sans en avoir conscience, Jungkook cesse de manger. Il cesse d'écouter son ami qui remarque bien rapidement la source de son inattention. Un sourire. Une main qui passe dans ses cheveux et cette voix qui raisonne dans la pièce encore une fois. Il reprend brusquement conscience de ce qui l'entoure.

Vous pouvez partir, nous n'aurons pas besoin de vous. De plus, informez ses parents que nos cours ont été annulé pour la semaine suite à une dégât des eaux dans le bâtiment principal. Ils devraient recevoir la notice d'ici la fin de journée mais je présume qu'ils savent déjà que Jungkook n'est pas en cours. Informés les aussi que nous serons chez Jung Hoseok, héritier de l'entreprise Innovania, jusqu'à vendredi matin. Pas besoin de lui préparer quoique ce soit, il aura tout ce dont il aura besoin.

Bien monsieur, autre chose ?

Je suis Taehyung, le fils de Kim Howon. Je pense que monsieur Jeon le connait bien, je les ai plusieurs fois vu converser ensemble. Ça devrait vous aider dans votre rapport. Maintenant sortez.

La domestique sort tout juste quand Taehyung reporte son attention sur Jungkook qui l'observe avec un mélange de surprise et d'admiration. Ils sont seuls pourtant son attitude ne change pas tout le temps qu'il faut à Jungkook pour finir son repas. Il lui laisse le temps de se préparer, attendant dans le salon debout devant une des baies vitrées. Aucun mot n'est échangé avant qu'il ne quitte la maison et ne soient à quelques rues de l'immense maison. Il ne faut alors que quelques secondes à Taehyung pour entraîner Jungkook à l'abri des regards.

Comment tu as fait ? Elles ne m'écoutent même pas.

Menace de les faire virer. Prends un ton supérieur ou alors faisant tes meilleures amies, si c'est trop mesquin. Dans ce monde, personne n'est ton allié, tu dois constamment te battre et ne faire confiance à personne.

Je ne peux même pas te faire confiance à toi.

Surtout pas à moi.

Pourquoi ? Quand tu auras les rênes, tu rachèteras l'entreprise de mon père et la vendra me jetant à la porte.

C'est une idée. Tu serais totalement dépends de moi et je pourrais t'enfermer, il reprend rapidement son sérieux. Mais ne me fait pas confiance, garde-là pour Jimin et Hoseok.

Ah non ! Ne recommence pas ! J'en ai marre d'avoir cette impression que tu vas me plaquer chaque semaine. Enfin chaque semaine, plutôt les semaines où tu es là. On se connaît depuis maintenant près d'un an, on sort ensemble depuis quoi six mois à peu près et ça dure depuis deux mois. Si tu as quelque chose à me dire, c'est maintenant ! Je ne vais pas sauter du haut d'un toit si tu décides de me plaquer, alors fait le si c'est ce que tu veux !

Le regard de Taehyung change l'espace d'un instant, laissant une lueur peinée passer dans ses yeux, lueur que ne manque pas Jungkook. Il croise les bras, s'adossant au mur derrière lui en attendant que le plus vieux dise quelque chose. Cette attente ne dure pas une minute qu'elle semble déjà trop longue pour le plus jeune.

Ce n'est pas que je veux que ça se finisse ...

Mais ...

Jimin n'a pas tort quand il te dit de me plaquer.

Sérieusement. C'est ça la technique, tu me pousses à le faire à ta place comme ça je ne peux pas me sentir mal parce que ça vient de moi.

Non. Ce n'est pas une technique. Je ne te demande pas de le faire. Je-

Tu me le demandes. A chaque fois qu'on se voit tu me le demandes. Tu ne cesses pas de me le demander. C'est toi qui voulait que je t'aide mais ça n'avance pas parce que tu ne me fais pas confiance. En fait, c'est ça ton problème ! Tu ne me fais pas confiance !

Je-

Non ! Je ne veux pas entendre encore une de tes excuses ! Tu sais quoi, j'en ai marre ! Je vais rentrer chez moi pendant que tu iras chez Hoseok ! Tu leur expliqueras toi-même ton idée si géniale qui ne marche pas ! Je ne te quitterais pas ! Si tu veux qu'on en finisse quitte-moi !

Il s'éloigne commençant à prendre le chemin du retour quand son bras est retenu. Il tente de se dégager avec force cependant Taehyung à bien plus de force qu'il ne l'avait imaginé. Il persévère un temps, s'agite attirant le regard des quelques passants de la rue adjacente avant de s'arrêter soudainement. Il aimerait que ce ne soit qu'une blague, qu'une excuse pour lui donner une raison. Il se retourne et le visage sérieux mêlé à cette peur dans son regard lui prouve que c'est la pure vérité.

« Mon père dirige un gang. »

Chapitre 3

Une lueur s'est mise à briller. Dans les ténèbres de cette découverte, elle était là. Je n'avais qu'à la suivre. Je n'avais qu'à avancer dans cette direction. Une main m'est tendue. Elle est blanche, douce. Elle est comme celle d'un ange. Je n'ai qu'à m'en saisir. Je n'ai qu'à tendre la mienne. Pourtant j'hésite. « Suis-je assez bien pour la tenir ? » Une voix l'accompagne. Ces paroles réconfortantes me font tendre la main. Je n'arrive pourtant pas à la saisir. Je suis trop loin. Je suis trop près. Je ne suis jamais à la bonne hauteur. Je m'accroche alors au vêtement qui dépasse. Je tiens cette manche entre mes doigts. Je suis tiré dans cette lumière. J'aperçois cette silhouette. J'aperçois ta silhouette. Encore une fois, tu es là pour me redonner espoir. Encore une fois. Tu es là pour moi.

***

[...]

***

Raconte-moi tout. Si tu veux vraiment que je t'aide, tu dois me dire ce qui s'est passé. Pourquoi tiens-tu tant à en finir ? Cette lueur que tu veux que je t'apporte, pourquoi j'ai l'impression que tu veux qu'elle te guide jusqu'à ta mort ?

Il n'avais plus le choix. Il devait parler. Il ne lui laissait plus le choix.

***

Les choses sont devenues soudainement plus dur. Je me voilais la face. Je sombrais sans accepter d'aide. Elle était là. Elle m'était offerte. Je n'avais qu'à tendre la main. Je n'avais qu'à saisir la tienne. Je n'avais qu'à me reposer sur toi. Je n'avais qu'à tout t'avouer. J'ai préféré me taire. « Ca ne servira à rien. » je me répétais. « Je ne pourrais sortir de cet enfer. » je me persuadais. « Il est trop fort. Il va lui faire du mal. » je me convainquais. Cette boucle débuta. Je souriais. Je mentais. Je pleurais. Je sombrais. Je rigolais. Je mentais. Je hurlais. Je sombrais.

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