un autre royaume v4
1.
Dix-neuf cent cinquante-cinq. Cette année signa le début d'une violente guerre entre deux royaumes. Elle fit des milliers de morts dans les deux camps. Les villes devinrent cendres, les plaines des lacs rouges et les montagnes des tombeaux. Une guerre dont les raisons furent oubliées avec le temps. Une raison disparue avec la mort d'un roi.
Durant trente-et-une années, elle déversa une vague de plomb sur chaque soldat. Les généraux voyaient leurs troupes tomber sans qu'une armée ne prennent le dessus.
A la mort du second roi, quand son fils aîné pris sa place, les choses auraient pu changer. Le nouveau monarque n'avait que faire de cette querelle. Tout ce qu'il voyait était les villages dévastés, les familles fuyant leur foyer, celles qui ne réussissait pas. Il refusait de continuer ce massacre qu'il considérait insensé. Il refusait de laisser d'autres vies être sacrifiées inutilement.
Cette conviction que la paix devait être proclamée, fut plus forte à la fin de l'année dix-neuf cent quatre-vingt-dix-neuf. Cette année-là, fut vécue comme une tragédie pour le nouveau roi. Sur le trône depuis treize ans, marié depuis cinq ans, il perdit son unique héritier. Un prince âgé de tout juste deux ans venait de s'envoler, considéré comme mort lors d'une attaque de l'autre royaume. Toutefois, plutôt que la vengeance, il voulait plus que tout que cela cesse.
Ce roi, le roi Jeon, dirigeait un royaume nommé Silla faisant guerre à la famille Kim du royaume de Goguryo. Depuis cinquante-quatre ans, cette guerre dure et à l'aube de la seconde décennie du vingt-et-unième siècle, les batailles prirent subitement fin. Le roi de Goguryo mourut à cette époque, laissant derrière lui un prince incapable de poursuivre une guerre.
Les cessés le feu furent ordonnés sans que jamais la paix ne soit signée.
2.
La neige tombait lentement sur les toits de la ville. L'air glacé, les sols secs, privés de pluie, aident ces minuscules flocons grandissant à survivre. Portés par le vent, ils virevoltaient, s'accrochant à toute surface prête à les accueillir. Ils se brisent contre les parois de verre, de bois et de métal, sans jamais que personne ne les déprécie. Ils ne faisaient que révéler la pureté de ce monde.
Volant jusqu'à une immense porte de bois, ils profitèrent de son ouverture pour se faufiler dans une bâtisse. Un immense escalier leur faisant face dans une pièce mélangeant passé et présent, coutumes locales et mondiales. Ils touchèrent le sol et là sans que personne ne les remarque, ils disparurent ne laissant qu'un point humide sur carrelage blanc. Ils furent piétinés par une foule se précipitant dans les étages.
Rejoignant l'aile ouest, des domestiques se pressent devant une porte. Une phrase retentit depuis l'entrebâillement d'une pièce. Une jeune enfant put observer des nobles s'extasier, elle put les entendre féliciter une nouvelle mère. Elle ne comprenait pas cet engouement soudain alors que hors de ces murs la joie était replacée par la peur.
Pour elle, ce n'était qu'une naissance parmi tant d'autre.
3.
La neige recouvre un sol sali par le sang. Des milliers de corps jonchent la prairie sans que l'on puisse reconnaître qui que ce soit. Le sol est meurtri par les coups de sabots répétés, les coups de canons et les corps tombant sous les balles. Le royaume est en deuil, la famille royale est en deuil. La peur règne dans les rangs, les soldats, les civils, tous doutent de la suite des événements. Comment vaincre quand votre souverain n'est pas en mesure de gouverner ?
La neige recouvre un sol sali par le sang. Des corps disparaissent sous son manteau blanc, d'autres restent introuvable laissant l'espoir de leur survie. Les êtres disparus sont recherchés après cette difficile bataille. Ils ne savent pas s'ils ont gagné, ils ne savent pas s'ils ont simplement été décimés. Le peuple doute. A quoi bon se battre et vaincre si son futur est des plus incertains ?
La neige recouvre un sol sali par le sang. Cette même journée, leur futur s'est éteint. L'espoir n'est plus. En cette même journée, la succession est compromise L'unique enfant du roi. L'unique prince du royaume. L'unique enfant au sang royal.
Silla avait perdu son unique héritier.
4.
Un éclat doré illumine une mer verte. Un rougeoiement apparaît à mesure qu'une vie s'éteint. Un arc-en-ciel éphémère. Une pluie glacée. Aucun éclat ne la traversera plus. Un soleil s'est éteint laissant l'ombre planer sur sa vie. L'obscurité le gagne sans qu'il ne puisse lui échapper.
Sa tête se relève. Le flamboiement des feuilles au-dessus de lui ne l'impressionne guère. Le brasier de son cœur se fait tout aussi ardent. Aucun arbre rouge sous la plus puissante de lumière ne créera de feu plus fougueux que la rage qui le ronge. Son soleil est mort de la main d'une confiance enterrée dans l'oubli d'un homme amoureux.
Le jeune homme observe le mouvement des feuilles de feu, les perles salées sur ses joues reflètent leur couleur écarlate. Des larmes de sang semblent s'échapper de ses yeux. Il détail l'étendu verte face à lui. Les rougeoiements transperçant sa hauteur qui brunissent avec le soleil. Des amas de chairs en putréfactions dégageant une odeur des plus nauséabonde dont il oublie la présence.
Son esprit est porté sur la froideur se diffusant sur ses jambes. La chaleur passée s'échappe, elle parait si lointaine. Sa main glisse mécaniquement dans des cheveux salis par les combats. Il ressent le toucher glacé d'une chair morte. La sensation rêche des mèches non entretenues le plonge un peu plus dans sa rage.
Il se sent coupable. Il pense que tout est sa faute. Son cœur semble porter le poids du monde alors qu'il n'est qu'une des nombreuses victimes du brasier de la guerre.
Et sa rage ne pouvait plus être calmée.
5.
Il observe la foule devant lui avec amertume. Toute cette joie dans leurs yeux. Ils ne voient plus cette sorte de mise aux enchères se déroulant sous leur nez. A celui qui aura le plus de chance. A celle qui saura le mieux s'en sortir. Ce n'est qu'une réalité forcée que tous se doivent de suivre, même lui.
Il regarde une estrade de bois sur laquelle sont disposées quelques chaises réservées aux nobles. Sa mère est assise à leur côté, l'observant avec espoir et fierté. Espoir, de le voir trouver la personne parfaite. Fierté de l'avoir elle trouvée en sa voisine. Yong Haneul. La fille d'une grand chef d'entreprise.
Il perçoit le regard de sa grand-mère, plus insistant, plus impératif. Elle n'attend personne d'autre qu'Haneul. Elle ne veut personne d'autre qu'Haneul. Il avait pu le constater lors des différents repas et soirée de la haute. Elle lui parlait avec attention. Elle la poussait à connaître ses "futurs" devoirs. Elle serait si déçue s'il n'arrivait à tirer le bon nom. Mais comment le pourrait-il ? Il était le dernier à monter sur l'estrade. Le dernier qui tirera un nom dans cette immense urne. C'était à elle de tirer son nom, mais ça ... elle n'en avait que faire.
Et son nom ne fut pas tiré.
6.
Il s'allonge sur son lit épuisé, passant une main dans ses cheveux bruns qui retombaient devant ses yeux. Tournant la tête à sa droite, il observe son ami allongé sur ce même parquet, la respiration haletante. Il ne faisait qu'observer le plafond de la chambre. Aucun d'eux ne parlaient. C'était peut-être la dernière fois qu'ils se voyaient. Ils ne voulaient pas briser cette atmosphère paisible et la rendre morose. Le silence ne dura qu'un temps. La porte s'ouvrit sur la mère du plus âgé.
— Tu devrais te préparer. Ne sois pas en retard. C'est un jour important.
— Tu ne viens pas ? C'est censé être la fin de ma vie, tu devrais voir ce fiasco.
— Ce n'est pas une bonne idée, tu le sais bien.
— Cette cérémonie ne sert à rien. Ils ne pourraient pas juste mettre une affiche ? Après tout, ce n'est pas comme si l'un de nous allait tirer un papier. Comment est-ce possible d'avoir si peu de chance ! s'exclame-t-il en se redressant.
— Jungkook ! Calme-toi ! Ce sont les traditions ! Respecte-le !
— Mais-
— Va te préparer !
Il soupire laissant sa tête retomber durement contre le sol à peine la porte est refermée. C'était toujours ainsi, il ne pouvait rien dire de mal sur ce pays sans qu'elle ne s'énerve. C'est comme s'il allait être pendu pour ce qu'il avait dit. Pourtant, il a le droit de dire tout ça, tant qu'il suit ses règles plus stupides les unes que les autres.
Son ami, se relève, allant chercher des vêtements posés sur une commode. Il est rare que ceux-ci soient sortis. Ce sont des habits officiels, ceux que tous doivent posséder. Ceux que tous doivent mettre lors des cérémonies officielles. Aujourd'hui est l'une des plus importante.
— J'espère que ce sera toi parmi tous.
— Jimin ...
— Arrête, c'est la situation la plus enviable. Tu quitteras la pauvreté pour obtenir ce que tous veulent, une place aux côtés du roi.
— C'est ce que tu veux toi ?
— Ce serait mieux que de tomber sur un vieux pervers, tu ne crois pas ?
— Le prince est juste un coincé effrayé par tout le monde ! Comment ça pourrait être enviable ? Je préfèrerais rester pauvre toute ma vie si je pouvais rester avec toi et ... avec lui.
— Jungkook ... C'est le mieux qui puisse t'arriver.
Il prit les vêtements que lui tend son ami sans ajouter un mot. Il ne veut dire un mot de plus. A quoi bon, ils ne seront jamais d'accord. Ils n'aspirent pas à même vie. Ils n'ont pas les mêmes attentes. C'est pourquoi tous se demandent comment ils ont pu devenir meilleurs amis.
Il prend une douche rapide, effaçant les traces de sueurs de sa récente activité physique. Il pense à ce qu'il se passerait s'il devait épouser se prince. Pourrait-il encore danser avec Jimin ? Pourrait-il voir sa mère aussi souvent qu'il le souhaite ? Il en doute tellement et puis elle-même souhaiterait qu'il ne se marie pas avec ce prince. Ce n'est pas une bonne chose. Ils ne pourraient jamais s'entendre. Ce ne serait qu'un mariage froid qui causerait des tords à cette famille et à la sienne. Il est sûr que la reine mère refusera et l'annulera.
Il sort pour enfiler ces vêtements qui signent la fin de son ancienne vie et le début de la nouvelle. Ces habits traditionnels si rarement portés de nos jours. Les temps anciens lui paraissent alors bien étrange mais s'il s'adapte, n'ayant réellement le choix. Dans la petite province où il réside, la cérémonie ne se déroule pas en présence de la reine. Enfin, cela se déroule toujours ainsi, pourtant, cette fois ils sont présents. La famille royale est dans son petit village perdu au milieu des bois. Il est sûr que c'est un d'eux qui sera choisi. Pourquoi feraient-ils le déplacement sinon ?
Il enfile un pantalon ample, resserré aux chevilles. Une veste servant de haut en cette période chaude, noué d'un simple nœud sur le côté. Il observe avec attention ce qui lui servira de chaussure, il ne voit en elles que des chaussons de soie. Elles sont douces et confortable mais il se demande comment il pourra ne pas finir avec les pieds mouillés s'il se met soudainement à pleuvoir.
Une fois prêt, il sort de la salle de bain pour découvrir son ami préparé. Il n'a pas eu besoin de mettre une tenue aussi ancienne toutefois, il porte lui aussi un hanbok d'une facture moins noble. Il a sûrement dû emprunter la salle de bain de sa mère.
— Il est l'heure.
Aujourd'hui commence la fin de sa vie.
7.
— Je refuse !
Le silence régna sur la place. En une phrase, le prince avait sonné le glas sur chaque être présent sur la place. Un seul jeune adulte est encore présent au côté de l'estrade. Il se fait bousculer par le futur monarque qui se fige un court instant à se bref contact. Baissant la tête, il n'observe pas cette être angélique partir.
La dernière femme venait d'être appelé sans que le nom du prince ne soit prononcé. Ce dernier se sent trahis. Sa grand-mère lui avait promis une reine. Elle lui avait promis que ça ne pouvait être un homme. Après tout, la chance était faible, à peine deux sur dix. Mais ce fut lui, ce dernier jeune homme. Ce dernier enfant de quatre-vingt-dix-sept. De tous, il avait fallu que ce soit un homme. De tous, il avait fallu que ce soit lui. Il entendit son nom au loin mais décida de l'oublier pour le moment.
Jungkook venait d'être désigné comme futur prince régent.
8.
Il avance avec lenteur jusqu'au véhicule devant l'emmener à son nouveau foyer. Il n'avait même pas eu le temps de récupérer ces affaires, pas un souvenir, pas une valise. Il n'avait même pas eu le temps de dire au revoir à sa mère, pas une embrassade, pas un câlin. Il avance avec lenteur jusqu'au véhicule devant l'emmener à son nouveau foyer.
— Veuillez-vous presser Monsieur Jeon, nous n'avons pas tout notre temps.
Il retient un soupire à la froideur de la voix de la reine mère. Il retient une remarque sachant qu'il n'a aucun droit. Face à cette vieille dame, il ne peut que se plier à ses ordre. Il ne peut qu'accepter ces remarques. Il ne peut que subir ces reproches. Sans dire un mot. Sans lâcher une plainte. Il ne peut rien dire.
Sa liberté vient de totalement lui être volée.
9.
Le voyage se déroule sous un silence pesant. Personne ne dit un mot. Personne ne voit l'utilité de dire un mot. Il est assis à côté de la reine mère, face à au prince lui-même aux côtés de sa mère. Il l'observe discrètement, ne sachant que faire du trajet. Il ne trouve aucune occupation. Il avait bien tenté de sortir son téléphone mais le regard de la vieille reine l'avait dissuadé de continuer.
Le prince face à lui n'était pas forcé des plus désagréables à regarder, c'était même le contraire. Toutefois, il ne pouvait arrêter de penser à toutes ces rumeurs circulant à son sujet. Malgré son air renfermé, il semblait empreint d'une pureté bien étrange pour un futur roi. Il devrait imposer le respect, la confiance, la force mais il représentait le contraire. Une âme pure que l'on voudrait protéger plutôt que servir. Il n'a rien de l'aura de son père.
— Et donc Jungkook, c'est cela ? il hoche la tête son regard se portant sur la reine régente. Que font vos parents ?
— Ma mère est une modeste couturière et mon père ... je ne sais pas qui il est.
— Une couturière ? s'interpose la reine mère. De mieux en mieux Taehyung.
Celui-ci détourne les yeux du paysage qu'il observait tantôt regardant avec incompréhension sa grand-mère. Il ne lui faut qu'un temps pour comprendre l'origine de cette raillerie. Il ne dit rien, laissant un silence pesant s'installer une fois de plus dans l'habitacle. Le jeune roturier ne sait plus où se mettre, il ne s'attendait pas à ce que le métier de sa mère soit vue comme une erreur du prince. Quelle erreur d'ailleurs ? Il n'arrivait à comprendre. En quoi ce manque de "chance" est-il de sa faute ? Il sent bien que lui non plus n'est pas ravi de cette nouvelle alliance.
Les temps allaient être difficile.
10.
Le palais s'impose devant ses yeux. Au milieu d'une immense capitale, il se dévoile en de multiples bâtiment liant modernité et temps ancien. L'architecture des plus anciens palais de Goguryo mêlé à celui des palais étrangers. Il reconnaît bien dans le bâtiment principal l'adoration de l'architecture de la renaissance anglaise.
Un grand portail de bois renforcé par des tiges d'aciers peints s'ouvre laissant le véhicule entrer dans une vaste cours. Il ne sait plus la dernière fois qu'il a visité une telle habitation. Elle n'était pas aussi grande, pas aussi luxueuse. Il a de la peine à réaliser que dorénavant il résiderait ici. Un de ces bâtiments représentera ses quartiers. Il ne pourra plus se balader seul. Il sera toujours suivi par une horde de servants.
— Ce doit être dépaysant.
Il se retourne en entendant la voix de la reine régente. L'observant avec plus d'attention, il constate que le prince tient beaucoup d'elle. Il ne sait exactement à quoi ressemblait le roi mais il devait être bien différent. Peut-être que sans elle, personne n'aurait cru qu'il était leur fils.
— L'adaptation va être difficile mais tu vas t'en sortir. Il faut juste que tu n'oublies pas une règle importante.
— Laquelle ?
— Mon fils sera la seule personne en qui tu pourras avoir confiance. Ne crois personne d'autre.
— Pas même vous ?
— Non, pas même moi, et surtout pas la reine mère. Ce monde est bien différent de celui dont tu viens. Ici, tout n'est qu'apparence, rien n'est authentique.
— A l'exception du prince, je présume.
— Non, même lui, n'est plus lui-même. Ici, tout se fane, même les plus belles plantes, même les plus robustes. Je suis désolée que tu doives subir tout cela, je sais à quel point ça va être difficile. Cela n'aurait tenu qu'à moi, j'aurais choisi une enfant qui a grandi dans ce monde. L'authenticité et l'honnêteté sont ici des qualités rares pouvant causer notre perte.
Il venait de mettre les pieds en Enfer.
11.
Les premiers jours furent les plus difficiles, les premières semaines les plus longues, les premiers mois les plus irritant. Il ne sait ce qui était le pire entre vivre enfermé dans cet immense palais et supporter le caractère exécrable du prince. Ils n'étaient toujours pas mariés, la cérémonie ayant eu lieu en octobre et les mariages se déroulant les uns après les autres dès le début de l'année suivante.
Il sort difficilement de son lit, apercevant déjà les servantes envahir sa chambre. Il ne s'habitue toujours pas à ces intrusions quotidienne. Il ne voit toujours pas l'intérêt de leur présence. Bien qu'il apprécie de ne plus avoir à ranger sa propre chambre, il n'aime pas savoir que l'on peut fouiller dans ses affaires. Il n'aime pas l'idée qu'elles puissent en savoir plus sûr lui qu'il ne le voudrait.
Il saisit les vêtements qu'on lui donne, s'enfermant dans sa salle de bain personnelle pour se préparer. Il se souvient encore de l'horreur qu'il a ressenti la première fois qu'elles ont voulu le préparer. Il ne savait alors pas qu'elles voulaient vraiment le préparer elle-même allant de le laver à l'habiller. Il se souvient être sorti en courant de sa chambre, toujours vêtu de son pyjama. Il se souvient avoir croisé le prince qui l'avait observé avec surprise.
Il n'avait sur le coup pas su comment lui expliquer la situation. Il se doutait que pour lui c'était naturel. Il ne devait avoir aucun problème à être traité ainsi, ce devait être le cas depuis son enfance. Il n'arrivait pas à se sentir ridicule, mais il sentait la différence de statut entre eux. Il sentait la différence d'éducation. Tous les séparés. Dans un monde normal, où les mariages n'étaient pas décidés par un pur hasard, ils ne se seraient sûrement jamais rencontrés.
Pourtant, quand il lui avait finalement expliqué le problème, il avait été plus compréhensif, il l'avait raccompagné dans sa suite et avait ordonné aux servantes présentes de le laisser faire. C'était l'unique fois qu'il avait aperçu autre chose que de la froideur chez lui. Il sentait qu'il n'est peut-être pas aussi insensible qu'il ne le laisse paraître.
C'est sûr cette réflexion qu'il quitte sa chambre rejoignant la salle de repas. Il est encore une fois le dernier à se présenter à table. Il sait qu'il devrait arriver plus tôt. Il sait que seule la reine régnante peut être la dernière arrivante. Il reçoit une fois de plus les commentaires désobligeant de la reine mère.
C'est peut-être le caractère de cette reine le plus insupportable.
12.
Les journées sont toutes semblables. Ce n'est qu'une succession de leçons plus ennuyeuses les unes que les autres. Ils sont pourtant nécessaires, comprendre la société, comprendre les règles de la noblesse, ce qu'il peut ou ne peut pas faire. Ce qu'il doit faire. Ce qu'il doit oublier. Tellement d'informations à emmagasiner en si peu de temps. Il se perd, il devient la risée de sa classe. Pourtant, ce n'est pas comme s'il devait apprendre en quelques mois ce qu'eux ont mis des années à apprendre.
Il ne comprend pas ce qu'il se passe. Il ne comprend pas ce qu'il doit faire. Ce monde est si étrange, si différent de ce qu'il a toujours connu. Il n'arrive pas à se faire de nouveaux amis. Il n'est jamais assez bien pour eux. Il n'arrive pas à être proche de son futur mari. Comment l'être quand il vous fuit sans cesse ? Il n'arrive pas à trouver le moindre repère.
— Monsieur Jeon. Pouvez-vous nous expliquer l'importance des relations avec la Chine ?
— Eh bien ... la Chine est ... un important allié ... et comme la paix n'est pas signé avec Silla ... il est important de ... qu'ils restent nos amis. Le regard du professeur lui indique qu'il est loin de donner une réponse suffisante. C'est ... euh ... ils ... ils ... je
— Auriez-vous encore des difficultés à comprendre ? il entend le ton dédaigneux dans sa voix, ne l'appréciant guère. Prince Taehyung, pourriez-vous éclairer votre futur mari ?
Le prince soupire. Jungkook se retourne pour observer sa réaction et aussi l'écouter avec attention. Il est rare qu'il ait l'occasion d'entendre sa voix. Pourtant, elle n'est pas désagréable à entendre et jamais il ne dit quelque chose d'inintéressant, bien qu'il pense que cela est dû à sa faible participation aux conversations. Il perçoit à son attitude de l'agacement. Il ne doit pas apprécier d'être dérangé par sa faute. Jungkook ne que penser qu'il a encore commis une faute.
— La Chine est un paix certes en développement, mais assez peuplé pour que celui-ci soit exponentiel. Ainsi, il est précieux de garder une bonne entente avec ce pays. Il serait fâcheux qu'ils s'allient à Silla. Il serait fâcheux de se retrouver en guerre avec eux. C'est un pays puissant, plus que le nôtre et il est important de s'en souvenir, et il est important de leur montrer que l'on perçoit leur supériorité. Notre voix n'est pas si importante dans le monde, d'autant plus avec cette guerre qui n'est pas totalement résolue. Alors la Chine est nôtre porte-parole, notre moyen de nous faire entendre et d'obtenir les relations que l'on souhaite. Avec la Chine derrière-nous nous gagnons plus de pouvoir chaque année. Bien plus que Silla n'en gagne.
— En effet, la Chine est notre bouclier face au monde mais aussi notre voix. Il est donc important pour nous d'entretenir de bonnes relations avec ce peuple. Tâchez de vous en souvenir Jungkook afin de ne pas créer de discorde avec les émissaires chinois.
Ce qu'il aime le moins lors de ces leçons, c'est cette supériorité que chacun montre à son égard. Il est un pauvre parmi les riches. Un rat parmi des souris. Il n'est qu'un déchet, quelqu'un que l'on ne souhaite invité à sa table. Il n'apprécie pas ce dédain en chacun d'eux.
Il apprécie de plus en plus l'ignorance du Prince.
12.
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