Pain


Le temps défilait sans que je ne puisse intervenir. Je ne pouvais l'arrêter. Je ne pouvais agir. Il était là, juste à côté de moi. J'entendais parfois sa voix raisonner contre mes tympans, puis plus rien. Sa présence avait disparu. Sa voix s'était éteinte. Sans que je ne puisse comprendre ce qu'il se passait, il disparut.

Il était juste à côté de moi. Je sentais parfois son souffle glisser entre mes cheveux. Sa main prenant la mienne, glissant sur ma joue, dans mes cheveux. Il était toujours là, presque à chaque instant, puis plus rien. Sa présence avait disparu. Ses caresses s'étaient arrêtées. Sans que je ne puisse comprendre ce qu'il se passait, il disparut.

***

Un bip brise le silence de la pièce, rapidement suivit de plusieurs autres dans un son régulier. Une respiration calme agite l'air, amenant une onde apaisante pour un de ses occupants. Il observe sans cesse l'être allongé devant lui. Comme si le fixer allait le réveiller.

Une porte s'ouvre laissant apparaître une femme vêtue d'une blouse blanche. Elle s'approche du corps endormi, l'examinant pour la première fois de la journée, sachant qu'elle reviendra plusieurs fois. Comme s'il pouvait se réveiller par ces gestes.

Elle jette un vif coup d'œil au garçon qui la dévisage. Il n'apprécie plus sa venue depuis déjà plusieurs semaines. Ces gestes répétitifs qu'il observe avec attention chaque jour mais qui n'ont aucun effet. Ce regard désolé qu'elle lui lance dès qu'elle a fini. Il déteste la voir arriver. Comme si ça l'empêchait de se réveiller.

« Son pouls est plus stable qu'hier. »

Sa voix est douce, un fin sourire apparait sur ses fines lèvres. Sourire qui se fane quand elle perçoit l'émotion de son interlocuteur. Il la dévisage, lui sommant silencieusement de partir en silence. Ses épaules s'affaissent et, dans un dernier geste, elle remonte la couverture sur le corps endormi. Comme si la chaleur allait le réveiller.

***

Des semaines deviennent des mois qui se transforment en années. Le garçon grandit, devenant un adolescent. Il revenait chaque jour pour observer ce corps endormi, attendant un réveil qu'on lui avait promis. Il n'est jamais venu.

Ils avaient tous fini par abandonner, les uns après les autres. Tout d'abord, ses parents qui ne faisaient que l'amener devant l'hôpital ne venant le rechercher que quelques heures plus tard, quand on le forçait à sortir. Puis les médecins qui ne voyaient plus aucun signe de réveil.

Le temps passait, l'adolescent grandissait jusqu'à entrer au lycée. Cette même année, tout le monde avait abandonné. Cette même année, il n'avait pu qu'observer sans parler, personne ne voulait l'écouter. Cette même année, il avait quitté le sommeil pour ne plus jamais se réveiller.

***

Des mois ont passé. Le jeune homme appréhendait la vie avec crainte. Il se souvenait de tout ce qu'avait traversé son aîné. Tous ses problèmes qui étaient venus le secouer jusqu'à l'enfermer dans un sommeil sans fin. Il observait chacun de ses camarades avec attention se méfiant de tous. Il restait seul, agissant à l'inverse de ce corps enfoui. Il n'était plus le garçon joyeux qui courrait partout. Il était devenu l'ombre de son passé. Celui que personne ne voit. Celui que tous oublis.

***

Il est sorti de ses rêves par le son strident de son réveil. Personne ne vient plus le sortir de ses songes à présent. Il n'apperçoit que peu sa famille, l'impression de ne plus pouvoir reconnaître ses propres parents le gagnant. Il vit seul dans une maison habitée.

Il sort de son lit avec difficulté, accueillant la pénombre empreinte d'éclat lumineux que ses volets laissent filtrer. Il avance dans leur direction, ouvre sa fenêtre et dévoile la forte lumière d'une fin de printemps. Il déteste cette saison à présent. Bientôt viendra ce jour où il se sentira plus seul que tous les autres. Pourtant, sa famille sera tout autour de lui.

***

L'arrivé dans sa salle de classe est difficile. Il doit affronter les regards inquisiteurs de ses camarades. Lui qui est l'être solitaire. Lui qui portent des rumeurs toutes plus folles les unes que les autres. Il se convint chaque jour un peu plus qu'il doit rester seul. Les élèves l'entourant n'ont rien de gentil et agréable. Seuls les êtres de ses souvenirs semblent l'être.

Il s'assoit sans un bruit à son bureau sortant ses affaires pour « suivre » son premier cours de la matinée. Son cahier cachant des feuilles blanches dans sa couverture, certains comportent déjà des dessins jamais finis, d'autres des textes attendant un mot final. Le jeune homme commence toujours ses travaux mais jamais ne les finit. Seuls ceux de ses souvenirs semble l'être.

Une sonnerie retentit, ses camarades s'installent finalement pourtant seul lui est déjà au travail. A son propre devoir qu'il s'impose chaque jour. Ecrire ou dessiner. Peu importe la discipline, il doit juste le faire au moins une fois. Il a toujours échoué. Pas une seule réussite, tout ce qu'il entreprend n'est qu'échec. Seul dans ses souvenirs cela ne semble l'être.

Un professeur entre, ses camarades se lèvent pour le saluer. Il ne remarque même pas sa présence ni le mouvement des élèves autour de lui. Il est dans son monde et pour la première fois, un adulte vient lui ôter son travail. Il lève la tête observant l'enseignant scruter son esquisse. Un sourire en coin apparaît sur son visage puis il le déchire. Les enseignants ne lui sont plus aussi aimable. Seuls ceux de ses souvenirs semblent l'être.

Un visage déchiré se dévoile devant ses yeux, coupé en deux dans un trait irrégulier. Son visage se dessine dans un début d'esquisse. Les traits sont hésitants, à peine visible. Une forme abstraite est visible aux yeux de tous. Pour les siens il ne s'agit que de lui. Ça ne peut être que son visage parfait. Son souvenir semble l'être.

***

« Je suis désolée. Nous ne savons plus quoi faire de lui. Il ne nous parle même plus. »

La voix de cette femme lui apparaît comme un mensonge. Il parle encore, c'est juste qu'elle ne l'écoute pas. Il parle encore, c'est juste qu'elle n'est jamais là. Il parle encore, c'est juste que même lui ne s'entend pas.

L'homme en face d'eux tousse, oubliant se placer sa main devant sa bouche. Le lycéen cesse un instant de respirer. Il ne faut pas qu'il voit un médecin.

« Madame Jeon, je sais que vous avez vécus des moments difficiles cependant, son comportement est inacceptable. Ses notes sont bien plus basses qu'au concours d'entrée, ses professeurs se plaignent de son absence mentale. Il passe son temps à dessiner ou écrire tout autre chose que le cours. Il faut que vous preniez des mesures avant que nous décidions de l'exclure. »

L'être humain de ses souvenirs est bien plus compréhensif que celui qui lui fait face. Il comprend sans mal ce qui se trame, ce qu'insinue le proviseur. Un aller dans ce bureau pour parler de ses 'problèmes'. Il trouve ça inutile. Pourquoi parler à un inconnu de ce que l'on veut cacher à ses proches ?

« Oui, je vois ce que vous voulez dire. Nous hésitions justement à demander de l'aide. »

Cette conversation à peine débuté l'ennui déjà. Il regarde le morceau de papier entre ses mains détaillant des contours invisibles. Il se perd dans son monde, brisé quand la feuille lui échappe.

« Jette-moi ça ! Ce n'est plus le moment de jouer, grandis un peu ! »

Il ne réagit pas à ces mots, regardant le vide laissé par la disparition du papier. Encore une fois, on le lui enlève.

***

Il avance devant un grand bâtiment, entrant une unique minute avant de ressortir. Il ne voulait aller à ce rendez-vous et il s'assure que sa mère le pense dans le bâtiment. Il se dirige en face dans un parc qui l'éloignerait de la foule des rues.

Il s'attend déjà à l'appel de sa génitrice. Cette voix qui lui crierait dessus sans qu'il ne l'écoute. Il se promène entre les arbres suivant les chemins tracés par l'homme sans pouvoir s'en détacher. Ses pas le mènent à une petite clairière où peu de personne s'aventurait un samedi après-midi alors qu'ils pouvaient parcourir les magasins.

Le lycéen sort son téléphone de sa poche regardant la date s'affichant devant ses yeux. Ses grands-parents doivent être arrivés, son oncle en fin de trajet. Tous vont être présent et lui doit être loin. Ils partiront avant son retour et il n'aura l'occasion de venir. Il met un coup dans un caillou présent sur le chemin l'envoyant au loin sur l'herbe. Il ne remarque pas l'être qui se redresse devant lui, préférant la vue du sol sous ses pieds.

Il avise le chemin jusque chez lui, s'apercevant de la distance. Ce trajet qui parait si court en voiture devient si long à pied ou en bus. Il maudit intérieurement sa mère d'avoir choisi ce jour et un lieu aussi éloigné. Il ne peut aller à pied, il n'a pas d'argent sur lui. Il est coincé ici.

« Eh ! Tu comptes faire attention à ce que tu fais ? C'est le troisième caillou que tu m'envoies ! »

Le lycéen relève la tête remarquant finalement l'homme face à lui. Il le détaille à remarquant uniquement ses cheveux décolorés.

« Eh oh ! Je te parle ! Tu es muet ou quoi ? »

L'adolescent baisse la tête. Il n'est pas muet. Il ne veut parler qu'avec lui seulement il ne peut plus désormais. Une main se pose sur son épaule. Il relève difficilement les yeux découvrant le visage brouillé de cette personne.

Des cheveux décolorés. Une peau pâle. Sa vision rendue si floue par des larmes laisse son esprit divaguer, imaginant une réalité erronée.

« Hyung... »

***

« Je peux savoir où tu étais ? Sais-tu au moins la difficulté d'obtenir un rendez-vous aussi vite ? »

Il détaille l'homme derrière eux. Son nez fin, ses lèvres pâles, une carrure frêle. Il s'éloigne tellement de son image qu'il s'interroge sur la raison de cette illusion. Etait-ce parce qu'il voulait le voir ? Ou parce qu'il voulait qu'on le voit ?

« Est-ce que tu m'écoutes au moins ? Parfois j'ai l'impression de parler à un mur ! »

Il a prononcé un mot. Ce mot. Il l'a dit à un autre. Il a approché quelqu'un d'autre. Un étranger. Un inconnu. Ca aurait pu être n'importe qui. Quelqu'un de mauvais. Un délinquant. Un criminel. Un meurtrier. Un psychopathe. Je veux aller le voir. Il est poussé dans une voiture ayant à peine le temps de s'asseoir avant que la portière ne claque.

Le trajet se fait dans un silence pesant. Les mains de sa mère serrent avec force le volant. Le lycéen laisse sa tête reposer contre la vitre observant le paysage défiler sous ses yeux. Sa maison se rapproche, il devine sans peine l'emplacement des quatre véhicules. Celles de ses grands-parents maternels en face de la porte d'entrée. Celle de ses grands-parents paternels devant la barrière. Celle de son oncle sur le trottoir d'en face. Sa mère se garant dans le garage.

Il sort vivement entrant d'un pas rapide dans la maison. Avec un certain soulagement il les voit finir de se préparer. Il salue silencieusement sa famille recevant des regards durs, accusateurs.

« Tu restes ici aujourd'hui. Tu as dépassé les bornes. »

Il quitte la maison sans laisser à sa mère le temps de rentrer.

***

« Oh ! Un lycéen perdu hors de son établissement. Tu n'as pas cours ? »

L'élève relève la tête reconnaissant l'inconnu de la veille.

« Où vas-tu ? »

Il ne donne aucune réponse, passant à côté du jeune homme comme s'il n'existait pas.

Il est stoppé dans son élan, forcé à se retourner pour faire face à son interlocuteur. Leurs yeux se croisent. Le silence s'installe. Le lycéen tient son sac dans sa main droite, montrant qu'il n'avait même pas été viré de sa salle.

« Si je ne peux pas savoir, je peux au moins te suivre ? Tu seras vite arrêté si tu es seul. »

Un soupire. Des yeux qui se baissent. Une faible réflexion. L'homme est tiré en avant suivant un chemin parfaitement calculé. Il ne laisse sa poigne de desserrer. Il avant rapidement comme si le temps comptait.

Des grilles de fer s'élèvent devant lui, entourant une structure où il ne pensait se rendre si tôt. Il imagine alors la perte d'un parent, peut-être d'un grand-père ou d'une grand-mère. Les deux jeunes hommes entrent dans une salle où les urnes se succèdent laissant apparaître des photos, des petits objets chères aux défunts.

Leurs pas les mènent devant une colonne où des portraits d'adolescents se succèdent. Treize à dix-sept ans, il ne leur donne pas plus. Il repense alors à la veille quand il l'a rencontré. Ce 'Hyung'. Son grand frère.

***

« Allez dis-moi juste un mot ! Je sais que tu peux parler ! »

Le jeune lycéen avance plus rapidement souhaitant semer son aîné qui est bien trop insistant pour lui.

« Dis-moi au moins ton nom ! Juste ça et je te laisse tranquille ! »

Il s'arrête analysant la situation. Il ne souhaite réellement pas parler à quelqu'un d'autre que lui. La veille n'est qu'une erreur. Il pensait que c'était lui et pas un simple inconnu. Il reprend son chemin jusqu'au lycée, espérant arriver avant que l'insistance de son poursuivant ne le vainque.

« Allez juste ton nom ! Promis après je me tais ou du moins, je ne te force plus à me parler. »

Les grilles se dessine devant lui. Il se cache en reconnaissant la voiture de sa mère attirant le jeune homme à sa suite lui faisant signe de se taire.

« Dis-moi ton nom ou je te tire jusque là-bas. Tu préfères quoi ? Parler ou te faire engueuler par... »

Il se décale un bref instant pour apercevoir la mère du lycéen sortir de sa voiture.

« ... ta mère ? »

Le garçon réfléchit vivement percevant sans mal le décompte que se fait le jeune adulte lui faisant face. Il ne veut pas lui parler pourtant il se doute que sa mère ne sera pas des plus indulgente avec lui aujourd'hui. Son père l'a convaincue sans mal qu'il a dépassé les bornes. Il n'a plus aucune option de sortie si ce n'est parler à cet inconnu. Il l'aperçoit sortir de la ruelle attirant l'attention de la femme.

« Je m'appelle Jungkook. »

***

L'adolescent descend lentement les escaliers. Il n'aurait jamais cru que quelqu'un censé être responsable puisse lui apprendre une telle combine. Il s'attendait à tout sauf à ce qu'il le mette au plus mal. Il s'était retrouvé aux urgences avec un médecin parlant d'hyperventilation et en prime un adulte irresponsable lui volant son numéro de téléphone.

Il passe sa tête par l'entrebâillement de la porte de la cuisine avisant ses parents discutant à voix basse. Ses épaules s'affaissent à la constatation qu'ils parlent de lui et veulent s'assurer qu'il n'entende rien qui puisse lui déplaire. Il recule sans faire de bruit et remonte à l'étage se préparer pour aller au lycée. L'adolescent enfile son uniforme et finalise son sac remarquant la disparition de son carnet à dessin. Il regarde sur son bureau, sous son lit, au fond de son armoire en vain.

Entendant son téléphone vibrer sur sa table de chevet, il hésite0 à s'en saisir mais le fait tout de même se doutant que seul cet aîné peut penser à lui parler.

Avec un peu de chance, il est toujours dans son sac.

Il ouvre grand les yeux prenant son sac et sortant vivement de sa chambre. Comme précédemment, il descend lentement et en silence les escaliers pour rejoindre l'entrée. Il sourit en apercevant ce sac dont l'homme doit parler. Il observe les environs s'assurant d'être seul et ouvre délicatement la fermeture découvrant sans peine le carnet que sa mère semble avoir dérobé pendant qu'il se faisait ausculter.

Il le cache dans son sac avant de refermer rapidement celui de sa mère. Entendant des voix approcher, il enfile vivement ses chaussures et prend son manteau avant de sortir de la maison. Il se doute que sa mère ne tardera pas à découvrir qu'il l'a emporté mais surtout à tenter de le rattraper. Il finit par courir jusqu'à son arrêt de bus arrivant juste avant celui de sept heures dix. Il a vingt minutes d'avance.

Merci.

***

Il avance dans le couloir le pas hésitant. Il n'ose rentrer chez lui. Sa mère a rapidement remarqué l'absence du carnet, pourtant il s'est forcé à ne pas l'utiliser pendant les cours. Le lycéen a pris soigneusement ses leçons, juste pour montrer un semblant de changement. Pourtant le message menaçant qu'il a reçu à la pause de dix heures le laisse penser que cela ne changera rien. Il perçoit ses camarades se presser hors de l'établissement alors que lui souhaite rester encore un mois s'il le faut.

Si je demandais un service, tu le ferais ?

Il soupire en regardant l'écran de son téléphone se traitant mentalement d'imbécile. Bien sûr qu'il ne ferait rien, pourquoi rendre un service à un parfait inconnu ? Il descend les escaliers rejoignant le hall, ses chaussures d'extérieur prennent place sur ses pieds. La sortie se trouve droit devant lui et il n'ose la franchir. En quelques minutes, il atteindra un arrêt de bus, il attendra l'arrivé du véhicule et finir devant la porte de sa maison où sa mère l'attendra.

Une brise effleure son visage, la chaleur l'encadre, intensifiée par un soleil de début juin. Il hésite à manquer son bus toutefois ne trouve pas d'idée pouvant lui éviter des reproches supplémentaires. Un nouveau soupire s'apprête à franchir la barrière de ses lèvres quand ses yeux croisent ceux de cet inconnu. Il est étonné de le voir attendre devant son lycée, bien qu'il lui ait lui-même demandé indirectement, il était persuadé qu'il ne viendrait pas.

Il s'avance le pas hésitant. Certaines de ses camarades passent en gloussant le trouvant à leur goût. Elles ne l'approchent pourtant pas comme intimidé par sa présence, malgré tout leur regard sont insistant et le lycéen sait qu'il ne pourra l'approcher sans être remarqué.

« Tu es venu. »

Sa voix est douce à peine perceptible, il se doute que juste lui pourra l'entendre. Des yeux écarquillés croisent les siens le surprenant alors que son aîné parait choqué. Il peine à formuler une phrase répétant un moment le même pronom.

« Tu viens de me parler. Sans que je te force. Tout seul. Wow, ça veut dire que tu reparles à tout le monde du coup ? »

Une lèvre mordue. Un regard tourné en direction du sol. Une tête qui se baisse. Il n'en faut pas plus au jeune homme pour comprendre que non. Il sourit malgré tout ébouriffant doucement ses cheveux.

« Pourquoi tu voulais que je vienne ? Encore des problèmes chez toi ? »

Le lycéen sort son téléphone cherchant rapidement une conversation qu'il lui montre hésitant. Le sourire de l'adulte se fait plus amusé quand il baisse un court instant la tête retenant un rire.

« Le petit Jungkook à peur de sa maman ? Qu'est-ce qu'elle peut te faire qui te terrorise autant ? »

Il range précipitamment son appareil songeant que ce n'était peut-être pas une si bonne idée. Il est contrarié, n'aimant pas qu'il se moque de la situation.

« La dernière fois, elle en a parlé à mon père et je n'ai pas pu aller le voir. Je voulais pas aller voir un psy mais elle m'a forcé et après ils ne m'auraient pas attendus et seraient partis là-bas sans moi. »

Il comprend rapidement à qui le se réfère, pourtant le deuxième lieu parait confus dans son imagination. Ou pouvait-elle l'emmener pour qu'il réagisse ainsi ?

« Je n'ai pas besoin qu'on m'aide, surtout si c'est pour rester assis sur une chaise à attendre que le temps passe.

— Ta mère ne devait pas penser à mal et puis ils t'auraient surement attendu. Ils doivent bien voir que c'est important pour toi. »

L'adulte perçoit rapidement l'énervement naissant et l'incompréhension dans ses yeux. Il ne pense pas comme lui, pourquoi l'empêcher d'aller là-bas s'ils savent que c'est important.

« Si aller quelque part est important, on peut l'empêcher d'y aller pour le faire réagir. Ce n'est pas la meilleure méthode mais ça peut marcher. Je pense que dans ton cas c'est totalement inutile. Tu sembles assez borné. Tes parents aussi sont dans une situation difficile, ils ont... perdu un enfant. Ils ne doivent pas vouloir que tu laisses ça détruire ta vie.
— C'est de leur faute s'il n'est plus là. Ça ne serait pas arrivé sans eux. »

***

« Où étais-tu ? Tu as vu l'heure ! Et donne-moi ce carnet ! Je n'arrive pas à croire que tu ais fouillé dans mes affaires ! »

Elle arrache le sac de son fils de ses mains, récupérant son carnet à dessins. Il ne fait rien pour l'arrêter laissant sa colère se déverser sur lui. C'est toujours ainsi, elle crie et il attend passivement sachant qu'il récupèrerait ce qui lui appartient dans peu de temps. Plus aucun son ne parvient à ses oreilles. Il ôte ses chaussures et reprend son sac montant directement dans sa chambre.

« Et redescend directement ! On mange ! »

Il s'enferme laissant la clé dans la serrure pour être sûr que même un double ne le délivrerait pas. Ses écouteurs dans les oreilles, il lance fortement le son d'une musique voulant être sûr de ne rien entendre. Plus un cri ne parvient à ses oreilles seuls les coups contre sa porte raisonne sur le sol jusqu'à ses pieds. La porte lui semble résistante néanmoins il se demande qui croulera en premier, la détermination de ses parents ou cette dernière. Il devra fermer la porte dorénavant, juste au cas où ses parents décident qu'il serait bon pour lui de la dégonder.

Je crois que c'est la guerre chez moi.

Il attend dans le calme imposé par sa musique. Il ouvre son armoire avisant l'espace devant ses yeux. A peine un an plus tôt, elle était pleine, ses vêtements se mélangeant à ceux de son frère. Sa mère a pensé qu'il était mieux pour lui de s'en débarrasser. Il adorait dormir avec un de ses T-shirt. Réchauffé par un de ses sweats. C'était comme s'il était toujours avec lui, le réconfortant à l'image de ses souvenirs d'enfance. Quand il faisait un cauchemar. Quand il avait peur de dormir seul le soir. Il n'avait qu'à traverser la pièce pour dormir avec lui.

Si tu arrêtais de fuir ça n'arriverait pas. Parle avec eux.

Un nouveau soupire. L'unième de cette journée, il n'arrive à se défaire de cette réaction agaçante pour lui aujourd'hui. Il ouvre un tiroir récupérant une écharpe qu'elle n'a pas pensé à prendre. Le dernier objet le concernant qu'il possède. Il ne la porte jamais en hiver de peur que sa mère la reconnaisse et ne la jette. Il s'allonge à plat ventre sur son lit, la tête posée sur le vêtement en laine. Son odeur a totalement disparu, rendant son souvenir plus dur encore. Il ne se souvient même plus de la fragrance qu'il dégageait.

Ca ne sert à rien, ils ne comprendraient pas.

Ses yeux fixent le battant en bois le séparant de ses parents. La vibration donnant l'impression qu'elle pourrait céder d'un instant à l'autre. Quand cette porte s'ouvrira il n'aura droit qu'à des cris et des reproches. Il ne pourra que les écouter sans dire un mot, sans montrer le moindre signe d'intérêt. Il saisit une dernière fois son téléphone pour lui écrire avant de le poser sur son lit à côté de son oreiller.

Dès le début ils n'ont pas compris. Ils ne cherchent pas à le faire.

***

« Tu es encore vivant ? Ouah, c'est presque un miracle. »

Le lycéen relève la tête de son carnet apercevant le jeune homme lui sourire presque moqueur.

« Je présume que tu ne leur as pas parlé. »

Il n'a pas besoin de réponse pour savoir qu'il disait vrai. Cette tête se baissant, ces coups de crayons qui reprennent le confirme.

« Que s'est-il passé ? »

Il s'assoit à son tour sur le banc basculant sa tête en arrière pour observer le ciel.

« Ils ont crié, je les ai écoutés et ils sont partis travailler m'interdisant de sortir de la maison. »

Un rire raisonne non loin de son oreille, il s'arrête de nouveau pour observer l'homme d'un œil intrigué.

« En quoi c'est drôle ? »

Une main ébouriffant ses cheveux le fait reculer légèrement pour quitter ce contact. Il n'y a que lui qui peut le faire alors plus personne n'a le droit.

« Je parlais pas de ça mais... je vois que tu n'as pas compris le sens d'interdit. Peut-être devrais-je te ramener avant qu'ils ne remarquent ton absence. »

L'adolescent lui tend son téléphone où une conversation est encore ouverte. Un soupire franchit ses lèvres alors qu'il lit le dernier message de sa mère.

« Tu vas encore avoir des ennuis. Je te ramène. »

L'adulte reçoit un faible râlement en réponse bien que l'adolescent s'exécute refermant son carnet et se levant avançant d'un pas traînant. Il rejoint sa maison suivit du plus âgé qui s'assure qu'il rentrera bien et restera dedans.

« Parle à tes parents, ça arrangera surement les choses, peut-être pas dans l'immédiat mais à force. »

Un hochement de tête lui répond bien qu'il se doute recevoir un mensonge. Il ne le fera pas.

***

Une semaine passe sans qu'il ne voit l'adulte. Ses parents s'assurent qu'il aille en cours sans distraction, qu'il travail correctement. Il n'a plus le droit de quitter la maison sauf pour aller en cours. Il ne dit plus un mot, ne répond pas aux messages qu'il lui envoie. Il agit comme s'il n'avait jamais existé. Un simple fantôme venu troubler son esprit.

« Jungkook, tu viens manger ! C'est prêt ! »

L'adolescent quitte sa chaise, son crayon retombant sur son bureau. Il n'a pas dessiné ce portrait difforme. Un visage net se détache de la blancheur du papier. Des traits fins donnent vie à ses yeux pourtant sombres. De cheveux semblant s'animer dans le vent. Des yeux éclatant de vie. Des lèvres s'étirant dans un doux sourire. Il ne dégage pas ce côté mort de ses précédents dessins. Il est vivant comme un être présent devant nos yeux et non encré sur du papier.

Il quitte sa chambre descendant les escaliers lentement. Il n'a pas envie de les voir. Il veut juste être seul. Il ne veut plus d'eux comme parents. La porte de la cuise se présente à ses yeux. Close, elle lui demande un effort qui lui est comme insurmontable : leur faire face, être dans la même pièce qu'eux. Il tend la main touchant presque la poignée d'un geste hésitant.

« Il n'est toujours pas là ! »

Sa main retombe contre sa cuisse, son visage se baisse. Encore une fois, il crie. Encore une fois, il crie. Encore une fois, il n'attend pas pour trouver une raison de s'énerver. Quoi qu'il fasse c'est toujours mal. Il ne fait plus rien de bien depuis son entrée au lycée. Il obtient de bonnes notes, son père lui reproche son manque de concentration. Il aide à ranger la maison, son père lui reproche d'avoir laissé trainer le balai. Il fait ses devoirs, son père lui reproche d'arriver trop tard à table.

« Je vais le chercher et il va m'entendre, ça suffit maintenant ! »

Il lui reproche de ne plus vouloir leur parler. Il lui reproche de ne plus les écouter. Il lui reproche de ne penser qu'à lui. Il lui reproche d'être au plus bas depuis ce jour. La porte de la cuisine s'ouvre mais Jungkook a déjà disparu.

***

Son téléphone vibre sans arrêt ne s'arrêtant que l'espace de quelques secondes avant de reprendre. Il ne l'écoute pas songeant un court instant à envoyer un message. Accepterait-il d'être de nouveau dérangé ? Cette question tourne dans son esprit. Il sort son téléphone observant l'écran s'allumer et s'éteindre. Il n'arrivera pas à écrire dans risquer de décrocher, ne lui laissant qu'un unique choix mais risqué. Il attendant la fin d'un appel entre son code. Attend. Ouvre l'application des contacts. Attend. Cherche son numéro. Attend. Lance l'appel. Son téléphone cesse de vibrer. Il attend.

***

Des pas vifs se font entendre à la droite du lycéen. Il entend un souffle haché alors que les pas ralentissent jusqu'à s'arrêter laissant des pieds entrer dans son champ de vision. Il relève la tête observant le jeune adulte devant lui. Il se surprend à le détailler plus que d'habitude se remémorant rapidement son dessin. Ces cheveux. Ces yeux. Ce nez. Cette bouche. Ce visage. Ils sont identiques. Il est incapable de reproduire des traits qu'il connait à la perfection, les ayant vus pendant des années alors que ce visage s'est encré dans son esprit en seulement quelques jours.

« Tu es venu. »

Un rire échappe à l'adulte qui ne peut s'empêcher d'ébouriffer ses cheveux.

« Tu n'étais pas obligé de courir, je pouvais encore attendre. »

L'adulte ne dit pas un mot pendant un moment, reprenant avec peine son souffle, son rire ne l'aidant dans sa tâche.

« Je pouvais vraiment attendre, il n'y a personne ici, je craignais rien. »

Il s'accroupit devant l'adolescent, sa respiration devenue plus calme.

« C'est justement parce que c'est désert que je me suis pressé. J'aurais marché si tu étais dans un lieu bondé. Mais non, monsieur Jeon aime le calme. »

Son ton est loin du reproche, étant bien plus taquin que ce qu'aurait pu imaginer Jungkook.

« Aller viens, je t'emmène. Parlons de ça dans un lieu calme où je suis sûr que tes parents ne te trouveront pas. »

***

« Tu pourrais être un psychopathe, me séquestrer ici jusqu'à la fin de mes jours. »

L'adulte rit à la fin de cette constatation ébouriffant les cheveux du lycéen.

« Je suis peut-être en grand danger sans même le savoir. »

Il est assis de force sur un canapé, son aîné partant dans la cuisine préparer un chocolat chaud à l'adolescent se servant un café en passant.

« Pauvre petite chose qui va finir ses jours aujourd'hui. »

Il pose la tasse devant lui ne s'asseyant pas tout de suite.

« Tu as mangé ? » Une tête secouée timidement lui tire un nouveau sourire.

« Ça tombe bien, j'aurais l'occasion de te narguer en mangeant juste sous ton nez. »

L'adolescent l'observe choqué commander se sentant rassurer en entendant la quantité énoncée. Ils attendent dans un silence confortable se doutant tous deux de la tension qui régnera dans quelques minutes. Le temps que le livreur arrive ils profitent de ce calme précédent la tempête.

La sonnerie retentie faisant se tendre le lycéen sous un demi-sourire de l'adulte. Il lui tend l'argent le sommant d'aller voir à sa place. Pour qu'il mérite de manger, lui affirme-t-il. Il revient des cartons entre les mains, posant son chargement sur la table basse.

« Bien, maintenant que l'on a de quoi manger. Pourquoi tu ne leur parles pas ? Ce serait moins tendu chez toi si tu le faisais. »

Le silence se dépose lourdement sur le salon toutefois l'adulte ne le laisse rester bien longtemps.

« Que s'est-il passé ? Pourquoi tu accuses tes parents de l'avoir tué ? Je ne pourrais pas comprendre ton point de vue si tu ne me l'explique pas. »

L'adolescent baisse la tête n'ayant pas vraiment envie d'aborder ce sujet.

« Quand je suis entré en dernière année de primaire mon frère a eu un accident. On avait huit ans d'écart. »

Il marque une longue passe, son aîné l'encourageant à continuer de parler.

« Il est tombé dans le coma. Au début, je ne comprenais pas ce que ça voulait dire. Je pensais qu'il se réveillerait ... une infirmière me l'a affirmé : il allait mieux. C'était deux semaines avant sa mort. »

Un silence pesant règne sur la pièce. L'adulte relève son visage essuyant les larmes qui coulaient le long de ses joues.

« Ils l'ont tué. Elle a dit qu'il allait mieux et ils l'ont tué ! Ils ont accepté qu'il soit débranché ! Il allait mieux ! S'ils avaient attendus, il aurait survécu ! Il se serait réveillé ! »

L'adulte le prend soudainement dans ses bras dans le but de le calmer. Sa main gauche caresse les cheveux de l'adolescent dont les épaules tressautes sous ses pleurs.

« Je suis sûr qu'ils ne le savaient pas ou ont reçu une information que tu ne pouvais pas entendre. »

Il le sent se tendre dans ses bras, ses mains se resserrant sur son haut.

« Je suis sûr que si on n'avait pas brisé leurs espoirs ils ne l'auraient pas débranché. »

Ses pleurs se tarissent à ses mots. Sa tête se relève afin de l'interroger silencieusement.

« Peut-être les médecins eux-mêmes n'y croyaient plus. C'est même surement ça. De ta fin de primaire au début de tes années de lycée, c'est un long moment, au moins quatre ans. Il est rare que l'on garde autant de temps quelqu'un dans le coma, surtout si son état était critique. »

« Donc tu penses que mes parents ne sont pas en tort. C'est eux qui l'ont ordonné ! Les médecins n'avaient pas le droit sans leur accord ! »

Son aîné le calme en posant ses mains sur ses joues, le forçant à le regarder droit dans les yeux.

« Jungkook, je n'ai pas dit ça. Bien sûr qu'ils l'ont dit, je ne dis pas le contraire seulement pense qu'ils ne l'auraient pas accepté s'ils ne pensaient pas, plutôt s'ils n'étaient pas convaincus qu'il ne se réveillerait plus. Ils n'avaient plus cet espoir que l'on t'avait redonné. »

Ses larmes glissent de nouveau sur ses joues, son aîné le serrant fortement entre ses bras.

***

Sa messagerie est saturée par des appels et sms. Son répondeur tourne en boucle laissant les voix de ses parents se succéder. Tout d'abord la colère puis l'inquiétude, des larmes, la peur. Ces sentiments se succèdent tournant dans un cycle semblant sans fin. Le téléphone posé sur une table est abandonné, plus personne ne se souciant de son flot continue de paroles.

Deux hommes dorment sur le canapé, le plus jeune reposant sur son aîné. Sa tête posée sur son épaule, son visage contre son cou. Le plus âgé le maintient contre lui, un bras glissé autour de sa taille, l'autre sur son bras. Son nez inspirant l'odeur de ses cheveux au grès de sa respiration.

Une douce mélodie retentit au loin. Un son doux dont le volume augmente à chaque nouvelle impulsion de la musique. L'adolescent se réveille légèrement découvrant avec gêne cette position assez ambigüe et proche de son aîné.

Il se libère avec délicatesse, approchant de la source sonore découvrant une chambre assez peu ordonnée. Des feuilles jonchent un bureau, qui parait alors bien trop étroit, et le sol cachant une grande surface.

Un réveil est posé sur une petite table de chevet non loin d'un lit double. Son écran allumé prouve sa participation au bruit devenu strident. Il approche tant bien que mal, évitant les feuilles. Il finit par couper l'appareil, soufflant quand ses oreilles sont soulagées de ce fort volume.

Un pas en arrière le fait trébucher sur une pile de feuille, tombant dans un bruit sourd. Il prend une des feuilles à côté de lui découvrant des paroles qu'il ose à peine lire, surplombant les lignes d'une partition de musique. Certaines feuilles sont noircies par les traits d'une écriture tantôt fluide, tantôt brouillonne ou par de nombreuses ratures.

« Hyung, tes feuilles sont dangereuses. » Se plaint le plus jeune, prenant une mine boudeuse en l'apercevant.

Il reçoit un sourire à peine visible caché derrière une mine fatiguée. Il s'avance sans prendre garde aux morceaux de papier sous ses pieds, récupérant celle entre les mains du plus jeune, ébouriffant ses cheveux.

« Peut-être sont-elles dangereuses mais je cherchais justement celle-là. »

Il se prend un coup dans le genou de la part de son cadet qui se sert par la suite de lui pour se relever, époussetant ses vêtements. Il observe les feuilles froissées sous ses pieds d'un regard embêté.

« Tu devrais ranger, ça t'éviterait de perdre tes feuilles. »

Un regard se voulant agacé le fait rire, emportant rapidement son aîné qui lui demande malgré tout d'arrêter de se moquer de lui.

« Je sais ! Dis-moi ce que tu as perdu et je te le retrouve. Tu verras tu ne perdras plus rien avec moi ! »

— Non, je ne t'autoriserais pas à fouiller dans mes affaires. »

***

Jungkook rentre discrètement chez lui, faisant le moins de bruit possible. Il s'assure de ne pas être vu ou entendu trop tôt, voulant rester dans cette bulle de douceur qu'a créé son aîné. Il aperçoit les chaussures de ses parents, s'inquiétant de voir celle de son père aussi tôt. Il aurait préféré être confronté à eux séparément.

« Jungkook ? »

Il grimace en entendant ses clés tomber du meuble, se maudissant de ne pas avoir fait plus attention. Sa mère arrive précipitamment dans l'entrée ne lui laissant le temps de réagir, le prenant directement dans ses bras.

« Où étais-tu passé ? Tu es resté dehors toute la nuit ? »

Elle prend son visage entre ses mains soufflant de soulagement en ne remarquant aucune blessure sur son visage.

« Où étais-tu ? » La voix de son père fronde, le faisant quitter les bras de sa mère.

Contrairement à cette dernière qui ne montre qu'une grande inquiétude, bien que du soulagement soit visible dans ses yeux, lui ne présente que sa colère face à son enfant. Il s'avance devant son silence, ne supportant plus de n'avoir aucune réponse.

« Je te le demande une dernière fois. Où étais-tu ? »

Le silence retombe sur l'entrée, l'adolescent fixant sa mère qui l'incite à parler. Il va pour sortir son téléphone pour lui répondre mais un geste de son père l'arrête. Sa tête pivote sur la droite, une forte douleur se diffusant sur sa joue droite. Sa main rejoint la zone endolorie quand ses yeux remontent jusqu'à visage de son père.

« Où étais-tu ? Réponds-nous mon chéri. On s'est vraiment inquiétés pour toi. Pourquoi es-tu parti ? »

Pas un mot ne franchit ses lèvres. Pas un mouvement ne trahis ses pensées. Il aimerait repartir cependant, il se doute que ses parents l'arrêteront avant qu'il n'ait franchit cette porte derrière lui. Le temps défile mettant à mal la patience déjà affaibli de l'homme devant lui. Il avise chacun des chemins menant à sa chambre. Il est coincé, devant rester en présence de ses parents jusqu'à être finalement relâché.

Comprenant que le silence ne l'aiderait à sortir de cette situation, il sort son téléphone commençant à écrire les réponses aux questions de ces parents. L'appareil lui est arraché des mains. Il est jeté contre le mur blanc de l'entrée. Il explose sous le choc, laissant un écran brisé, fissuré de toute part. Un écran éteint. Est-ce à cause du peu de temps accordé à l'appareil avant de laisser la lumière s'échapper ? Est-ce la mort du smartphone jonchant au sol ? Il n'en a aucune idée. Son esprit ne cherche réellement de réponse. Il ne voit qu'une répercussion. Sans ce bout de technologie. Sans sa mémoire. Il n'a plus aucun moyen de le contacter.

« Je t'ai demandé de parler ! Pas d'écrire sur ce foutu téléphone ! »

Le pied du père s'abat sur le verre brisé, aggravant l'état de l'appareil. Aggravant l'effroi que ressent son enfant. Il ne peut plus lui parler. Il ne peut plus l'appeler juste pour entendre une voix rassurante. Il ne peut plus se rapprocher de cette joie qu'il croyait perdu. Cet intérêt. Cette envie de redécouvrir ce qui l'entoure. Cette envie de s'exprimer de plus en plus. Il ne peut plus lui parler. Il n'a plus personne à qui parler. Pourquoi laisser sa voix raisonner contre les molécules d'air s'il ne peut l'entendre.

« Parle à la fin ! J'en ai marre de tes caprices ! Tu n'es plus un enfant ! C'est comme ça que tu veux avancer dans la vie ! En te faisant passer pour muet ! En devenant un déchet ! Un raté de cette société ! »

Il recule à chaque exclamation de son père. Il se rapproche inconsciemment de cette échappatoire. Il retrouve cette occasion de fuir. Pour aller où ? Il ne peut appeler son aîné pour lui demander son avis. Il ne peut arriver ainsi sans rien demandé. Il ne peut s'immiscer dans son espace sans son accord. Son aîné lui a fait comprendre.

Il ne peut rien dire sur lui. Il ne sait rien de sa vie. Il ne connait que des bouts de papiers jonchant le sol de sa chambre. Il n'appréhende que peu sa personnalité. Il ne devine aucun de ses goûts. Ses qualités. Ses défauts. Ses joies. Ses pleurs. Ses forces. Ses faiblesses. Ses peurs. Il ne sait rien de lui. Comment peut-il débarquer chez quelqu'un qu'il ne connait pas ? Comment peut-il s'incruster dans ce lieu où tout semble lui échapper ?

Pourquoi le canapé est en velours quand le cuir est si simple à entretenir ? Pourquoi une table basse en verre quand un bois vernis se lave si facilement ? Pourquoi aucun grain de poussière ne recouvre les meubles du salon quand le sol de sa chambre est couvert de feuilles ? Pourquoi sa cuisine semble si ancienne alors que son salon est si moderne ? Pourquoi une baignoire et non une douche ? Pourquoi deux chambres au lieu d'une ? Pourquoi un bureau dans sa chambre principale quand l'autre pourrait devenir un lieu de travail ? Pourquoi se poser des questions si insignifiantes quand il pourrait en poser de plus importantes ? Pourquoi s'être occupé de lui quand il aurait pu simplement passer son chemin ?

Sa main repose sur la poignée contre son dos. Un simple mouvement et il pourrait s'enfuir. Un simple geste et il quitterait l'ambiance lourde de sa maison. Une simple pression vers le bas et il pourrait trouver une raison de courir chez lui.

« Jungkook. S'il-te-plaît. Dis-nous ce qui se passe dans ton esprit. On ne peut pas le deviner pour toi. Dis-nous au moins pourquoi ce silence. Juste ça. Après tu prendras le temps qui faut. On retournera voir madame Hwang. Cette fois tu iras et elle t'aidera. Mais dis-le-nous. »

La poignée s'abaisse lentement, bientôt la porte cèdera. Bientôt il fuira. Juste quelques secondes. La porte s'ouvrira. Il se retournera vivement. Il courra dehors. Il quittera son quartier paisible. Il rejoindra les rues bondées du centre-ville. Ce parc. Ce banc. Ce chemin. Cet immeuble. Cet étage. Cette porte. Cet appartement. Lui.

« Vous l'avez tué. »

Bientôt il rejoindra cette porte. Il toquera de nombreuses fois. Il posera sa tête contre le bois rouge du battant. Il attendra de longues minutes. Il s'assoira face à elle. Il croisera ses bras autour de ses jambes. Il attendra de longues heures. Personne ne viendra lui ouvrir.

***

Une semaine. Il évite ses parents au maximum. Rentrant en plein milieu de la nuit quand il est sûr qu'ils se sont endormis. Sortant bien avant leur réveil pour rejoindre son lycée. Il finit par apprécier la présence de ses camarades. Préférer la surface dure de sa table de cours au matelas moelleux de son lit pour dormir. Il veut totalement s'éloigner de cette maison qui devient invivable pour lui.

Il est retourné plusieurs fois devant l'immeuble de son aîné. Observant la façade. Attendant de longues minutes sans rien faire. Fixant la porte d'entrée. Espérant qu'il sorte. Espérant qu'il rentre à ce moment-là. Espérant croiser son regard. Espérant entendre une simple salutation de sa part. Juste ça et il pourrait repartir. Juste ça et il arrêtera de penser être un poids. Etre un passe-temps pour le plus âgé.

Pourtant, malgré ces espoirs, il n'ose plus entre dans le bâtiment. Il n'ose plus monter les étages. Il n'ose plus apparaître devant cet appartement. Il n'ose plus sonner, frapper à la porte. Il a peur d'être encore abandonné. Il attend alors. Une dizaine de minutes. Vingt. Une demi-heure. Une heure. Il attend parfois jusqu'à être sûr du sommeil de ses parents. Minuit. Une heure. Deux heures. Il voit le temps se rallonger mais jamais il n'est là. Comme s'il avait quitté pour toujours cet appartement.

***

« Tu m'évites ? »

Jungkook sursaute à cette voix, manquant de lâcher son sac. Il se tourne trop rapidement face à l'adulte qui l'observe avec un grand sourire.

« Ça fait un mois que je ne reçois plus de messages. Tout s'est bien passé avec tes parents ? »

Un mois. Juste une semaine de plus. Une semaine où il aurait eu une chance de le croiser. Une petite semaine.

« Jungkook ? Qu'est-ce qui t'arrive ? »

L'adulte tente de poser sa main sur ses cheveux. Le lycéen le rejette en reculant.

« Tu étais où ? »

Ailleurs. Loin de la ville. A l'étranger. Tout aurait été une bonne réponse, tant qu'il ne disait chez lui.

« En déplacement le soir où tu es parti. C'était une urgence. Je te t'ai envoyé un message pourtant. Tu ne l'as pas reçu ? »

Jungkook secoue la tête sortant ce qu'il reste de son téléphone sous les yeux choqués de son aîné. Il prend l'appareil avisant les dégâts. Un écran explosé. Un boitier en morceau seulement retenu par les câbles fins qui manquent de céder sous le poids des composants.

« Que s'est-il passé ? »

— Mon père l'a jeté contre un mur et après ... il l'a écrasé. Fortement. J'ai pas reçu ton message. Je pensais que... je t'ennuyais... »

Il reçoit pour toute réponse le rire de son aîné. Il profite de son air boudeur et de l'arrêt de ces gestes pour ébouriffer ses cheveux, appréciant les protestations de son cadet.

« Qu'est-ce que tu as été te mettre en tête ? Je te l'aurais dit si c'était le cas, j'aime pas trop la méthode fuite. »

Un fin sourire lui répond. A peine visible. Caché par des mèches de cheveux un peu trop longues.

« Donc, ça s'est mal passé avec tes parents... Tu as encore refusé de leur parler ? » L'adolescent soulève ses épaules bien que connaissant la réponse.

Il ne sait pas trop quoi dire. Oui mais non. Oui, il a refusé de leur parler. Mais en fait non, il leur a dit une phrase. Cette unique phrase qui l'a aidé à fuir. Cette unique phrase qui les a poussés à ne pas le poursuivre. Une petite phrase bien trop blessante.

« Je leur ai parlé. »

Une mine bien plus inquiète se dessine sur le visage de l'adulte.

« Et après, j'ai fuis... mais tu étais déjà parti... »

— Et ils ne t'ont pas reparlé en un mois ? »

Le lycéen secoue la tête, baissant le regard. Il ne les a pas fuis juste une soirée. Il se demande même si ses parents eux-mêmes n'ont pas souhaité lui échapper. Jamais ils n'étaient présents à son retour. Jamais ils n'étaient levés à son départ. Pourtant, il arrivait qu'il soit debout plus tard que ce qu'il ne voulait. Il aurait au moins dû croiser sa mère. Ce ne fut pas le cas. La maison semble vide depuis ce jour. Comme s'il était le seul habitant de la bâtisse.

« Disons que... je les ai pas vus. »

Un regard intrigué. Emplis d'une question qui est facilement discernable. Comment as-tu pu ne pas les voir ?

« Je... disons que... je... je suis rentré tard chaque soir et... je partais très très tôt et... c'est comme s'ils n'étaient pas là. »

De la surprise. Une pointe de colère. L'adolescent sent la réprimande venir pourtant elle n'est pas là. Il ne dit rien. Analysant surement la situation.

« Et tu leur as dit quoi exactement ? »

Une voix montrant une certaine impatience. Ne pas fuir la situation. Ne pas éluder la question. Ne pas rester muet. Pourtant, il n'est pas sûr de vouloir le dire de nouveau. Il n'est pas sûr d'avoir été entendu. Il n'est pas sûr qu'ils aient vraiment compris. Il n'est pas sûr de la réaction qu'ils ont eu.

« Jungkook. Qu'est-ce que tu leur as dit ? »

— Que c'est de leur faute si... hyung est... s'il est... mort. »

Le regard de l'adulte est suspicieux. Il ne doute pas du sens de la phrase pour le plus jeune mais des mots qu'il a employés. Il est convaincu qu'il leur mettrait forcément la faute sur le dos, son discours est clair sur ce sujet. Pourtant, il sait qu'il ne l'a pas dit aussi gentiment. Sinon ses parents lui auraient parlé. Ils auraient tenté de lui faire comprendre. Rien. Ils n'ont rien fait de cela. Pour lui, les mots de son cadet étaient forcément bien plus violents que ça.

« Je veux les mots que tu as prononcés pas ce qu'ils signifient. Répète-moi ce que tu leur as dit. »

Aucun choix. Une obligation. Il ne lui laisse pas le choix. Il n'a d'autre option que de se plier à sa volonté. C'est ça ou risquer qu'il l'évite réellement.

***

« Hyung, non s'il-te-plaît ! Me force pas à faire ça. ! »

Jungkook tente de se défaire de la prise de son aîné en vain, il serre son poignet trop fortement. Il le maintient devant sa maison, luttant avec son cadet pour sonner à la porte. Quelques centimètres.

Il s'arrête soudainement sans pour autant le laisser fuir. Le rapport de lui. Laisser un maigre espace entre leur corps. C'est tout ce qu'il lui faut pour gêner le plus jeune. Il cesse instantanément de lutter, l'observant avec surprise, les joues rougies par l'embarra. Deux pas les éloignant. Il peut finalement sonner à la porte.

« Il faut que tu leur parle. »

— Hyung... non... Je veux pas... S'il-te-plait. Laisse-moi, repartir. Je- »

Ses yeux se posent sur sa mère qui a ouvert la porte quelques secondes plus tôt. Elle le regarde avec peine, ayant entendu sa plainte. Ayant entendu leur différent depuis le début. Caché derrière un des rideaux de la fenêtre de droite, elle observait la scène se dérouler. Son fils tentant de s'accrocher à chaque objet sur son passage. Luttant pour ne pas se confronter à eux.

« Bonjour, je suis la mère de Jungkook. Vous êtes ? »

Elle se présente poliment, bien qu'envieuse face aux privilèges qu'à ce jeune homme. Lui peut entendre autant qu'il veut la voix du lycéen. Il a juste à poser une petite question pour obtenir une sonorité même brève. Elle se bat pendant des heures pour n'obtenir qu'un mot sur un petit bout de papier. Ce sont ces jours les plus chanceux. La plupart du temps, seul le silence lui répond. Elle demande souvent si son fils l'écoute vraiment.

« Je suis un de ses amis, Min Yoongi. Nous nous sommes déjà rencontré non-loin de son lycée. »

Elle hoche la tête se remémorant rapidement la raison de leur première rencontre : Le malaise de son fils.

« Je suis venu vous ramener votre fils. Non pas qu'il me dérange, loin de là, mais il est toujours sous votre garde. De plus, je suis sûr que vous avez plein de choses à vous dire. N'est-ce pas, Jungkook ? »

Il sort rapidement une carte en carton de sa poche, la tendant à la mère devenu curieuse.

« Je lui est interdit de revenir tant qu'il ne vous aura pas parlé pour régler vos problèmes. Je lui fais confiance, mais il serait bien capable de me mentir à ce sujet. Dites-moi vous-même que vous avez parlé, de vive voix s'il vous plaît. Je sais parfaitement que le silence ne fait qu'aggraver une situation. »

Il sourit à la femme son regard se posant par la suite sur son cadet qui le fixe choqué. Il n'a pas entendu cette condition avant qu'elle ne soit évoqué à sa mère. Il ne pensait pas qu'il lui ferait un coup pareil. Il a peur. Peur que sa mère n'approuve pas son ami et l'interdise de le revoir par ce biais. Peur de ne pas réussir à leur parler et d'être privé de sa présence. Cette requête formulée à sa mère lui paraissait être une torture.

« Bien sûr, nous ferons ainsi. »

***

Son téléphone a été remplacé. Sa carte SIM a heureusement survécu. Plus aucune de ses conversations avec le plus âgé ne sont disponible. Il ne reçoit pas de réponse.

« Hyung... On ne peut pas au moins se parler ? »

« Hyung... Tu vas vraiment m'ignorer ? »

« Hyung... S'il te plaît réponds-moi. »

« Hyung... »

« J'ai pas envie de leur parler. »

Les semaines passent devenant des mois et jamais son téléphone ne vibre.

***

L'adulte sort d'un grand bâtiment observant son téléphone. Depuis quelques jours, une conversation en particulier a arrêté de se mettre à jour. Il soupire en pensant que le plus jeune s'est peut-être finalement lassé. Il a peut-être trouvé quelqu'un d'autre à qui se raccrocher. Il a peut-être tout simplement perdu espoir.

La curiosité le frappe soudainement. Il regarde l'heure. Seize heures. Il aurait tout juste le temps d'arriver et de se cacher de sa vue pour répondre à son interrogation. Peut-être sera-t-il seul. Peut-être sera-t-il accompagné. Il ne sait pas ce qui le gêne le plus. Sa solitude ou la présence d'une autre personne à ses côtés ?

Il soupire en avançant encore quelques mètres et il devrait se décider. Rejoindre son lycée ou rentrer chez lui ? Prendre le risque d'être vu ou rester caché dans son appartement ? Prendre le risque d'être déçu ou rester dans le doute jusqu'au bout ? S'il en existe un. Il tourne à droite et entre dans le métro.

L'attente lui semble longue. Il ne s'agit pourtant que de trois minutes. Un peu plus vite et il l'aurait eu. Il aurait eu un peu plus d'avance. Il aurait pu mieux se cacher. Si c'est réellement ce qu'il souhaite. Ne veut-il au contraire pas être vu ? Entrer dans son champ de vision. Croiser ses yeux surpris. Déçu. Contrarié. Il ne sait même pas dans quel état il sera. Peut-être ne voudra-t-il même pas le voir.

Il arrive stressé, ne tient que peu en place. En face de la grille ? Non, trop visible. A droite ? C'est le chemin qu'il prend pour rentrer. A gauche ? Et s'il se retournait ? Ces questions tournent en boucle dans son esprit alors qu'il se déplace à chacun de ces emplacements.

La sonnerie retentie. La foule se précipite hors de l'établissement. Il est noyé dans la masse, devenant invisible même aux yeux des lycéen passant à ses côtés. Finalement, lui sort. La foule est moins dense créant un sentiment de panique en lui.

« Kookie ! »

Il sursaute à ce surnom cherchant d'où peut provenir ce son irritant. Qui est cet personne ? Un ami ? Pourtant, il était sûr que le cadet était seul, isolé. Un ami d'enfance ? Son meilleur ami ? Non, quel ami laisserait quelqu'un de proche dans cette situation sans rien faire ?

Une tête rousse s'échappe de la foule, courant en direction de Jungkook qui s'est arrêté à peine son nom prononcé. L'inconnu parle pendant un long moment, laissant le temps aux autres élèves de quitter les lieux. Leur regard ne se sont pas croisés. Il n'est plus seul. Il ne lui envois même plus ces messages quotidiens.

Il hésite. Doit-il partir en silence ? Après tout, le lycéen ne semble plus avoir besoin de lui. Ses lèvres se mouvant confortent son idée. Il soupire, se retournant finalement pour retourner chez lui. Il ne sait même pas pourquoi il est venu ici. Il aurait dû rentrer directement. Ne pas perdre son temps inutilement.

« Hyung ! Attends ! »

Il s'arrête en entendant l'appel. Pourtant il ne croit pas en être le destinataire. Cette personne est peut-être plus âgée. Un an suffirait. Il est retourné brutalement, se retrouvant face à ce « Hyung ». Il semble contrarié, peut-être même énervé. Surement en colère même.

« Qu'est-ce que tu fais là ? »

Sa voix sonnant bien plus menaçante grâce à sa voix grave. Ses sourcils froncés. Ce visage. L'adulte ne peut que pâlir en le reconnaissant. Ce « Hyung ». C'est la dernière personne qu'il souhaitait croiser.

« Je voulais m'assurer que Jungkook allait bien. »

La prise sur son bras se fait plus forte jusqu'à l'arrivé du lycéen qui le force à relâcher son aîné. Les deux plus âgés se jaugent, l'un avec un fort mépris, l'autre avec une forte crainte. Il ne sait ce qui peut sortir de cette bouche et ça l'effraie. Il ne veut pas blesser le plus jeune inutilement.

« Je vais partir si c'est le problème. »

Il est retenu, gardé sous le joug de ses pupilles noirs.

« Yoongi. Ne pense même pas à te sauver comme ça. Comment tu connais Jungkook ? Je suis sûr qu'il ne te l'a jamais présenté. »

L'adolescent observe son aîné avec interrogation. Qui est ce « il » ? Comment ses deux Hyung se connaissent-t-ils ? Depuis quand ? Ces questions tournent dans son esprit sans trouver de réponses. Sans trouver de solutions qui lui soit acceptable.

« Il m'a jeté des cailloux, pas volontairement certes, mais je n'allais pas rester sans bouger. Surtout qu'il ne me l'a pas présenté, tu l'as dit toi-même, comme j'aurais pu savoir ? »

L'adulte laisse son regard dériver sur le plus jeune qui ne semble rien comprendre à la situation. Ses yeux vagabondes entre les deux plus âgés tentant de décoder les indices qu'ils sèment dans chacune de leurs phrases.

« Tae, c'est qui il ? Qui aurait pu me présenter... Yoongi-hyung avant ? »

Le plus âgé, détourne les yeux, attendant la réponse du nommé. Il ne sait ce que pensera leur cadet de cette information. Cependant, il n'est pas fautif comme le pense Taehyung, lui-même ignorait l'existence de Jungkook jusqu'à ce qu'il se manifeste.

« Ton frère. Je suis étonné qu'il ne t'ait pas parlé de Yoongi, ils étaient tellement proches. »

La tête de Yoongi se baisse à se reproche caché. Le plus jeune le dévisage, attendant une réaction de sa part. Il pourrait nier, confirmer ces paroles mais il ne fait rien. Il observe simplement Taehyung comme s'il venait dire une abomination.

« Tu le savais... Tu le savais depuis tout ce temps et tu ne me l'as même pas dit... Pourquoi ? »

Il redirige finalement son regard jusqu'à lui, l'observant un court instant sans dire un mot de plus. Cherchant ce qu'il pourrait répondre à cette question. Ce qu'il voulait dire. Ce que le plus jeune voudrait entendre.

« A ton avis, pourquoi il ne t'a pas parlé de moi alors que Taehyung à lui-même dit que l'ont été très proches ? »

Il lui laisse un court temps de réflexion, répondant à sa place.

« Je n'étais pas réellement fréquentable à l'époque. Rien de bien grave ou dangereux mais être ami avec le cancre de son année ça fait tâche. C'est pourquoi il ne t'a pas parlé de moi et qu'il ne m'a pas parlé de toi. Pourquoi je ne te l'ai pas dit quand j'ai su ? Surement parce que ça ne t'aurait rien apporté. »

« Et tu m'as aidé pour quelle raison ? Parce que tu penses que mon frère aurait été mal en voyant ainsi ? Parce que tu te sentais mal à l'idée de me laisser seul sans rien faire pour son petit frère ? »

Le reproche et l'appréhension sont présent dans sa voix. L'adulte ne peut nier leur présence. L'a-t-il fait pour le frère du plus jeune ? Par pitié ? Par curiosité ? Ou parce qu'il a reconnu sa peine.

« Je n'ai su qui est ton frère que le lendemain de notre rencontre. Si je le voulais j'aurais pu t'ignorer dès le départ. Vous ne vous ressemblez pas assez physiquement pour que je fasse le lien en si peu de temps. »

Il hoche la tête sans pourtant être convaincu. Yoongi observe Taehyung qui le dévisage avec méfiance. Lui ne croit pas que c'est une simple charité. Pas venant de celui qu'il a connu si froid et indifférent de ce monde.

« Disons que c'était plus par curiosité, peut-être aussi parce que je comprenais ce que tu ressens. Tu avais l'air désespéré et en voyant la relation que tu as avec ta mère, je me suis demandé si tu étais si isolé que ça. Savoir qu'il est ton frère m'a juste conforté dans l'idée de t'aider. J'y pensais bien avant. »

En le connaissant, peut-être aurait-il empêché son cadet de sombrer ainsi. Peut-être aurait-il pu devenir ce soutient qu'il lui manquait au moment de sa mort.

« Pourquoi tu n'es pas venu ? Je ne t'ai jamais vu à l'hôpital. Pas une fois. Pourquoi ?

-J'étais là, seulement je venais très tôt le matin, en milieu de matinée. Jamais le midi, jamais l'après-midi et encore moins le soir. Il ne voulait pas me présenter à tes parents et encore moins à toi de ce que j'ai compris. Pourquoi aurais-je pris le risque de le contrarier ? J'étais moi aussi persuader qu'il se réveillerait. Mais ça n'a plus d'importance maintenant. »

***

Le lycéen s'avance prudemment dans la maison suivit de Taehyung. Celui-ci ne prend pas la peine d'être discret comme son cadet. Il veut au contraire que sa présence soit remarqué. Cette maison paraît bien plus joyeuse quand les parents du plus jeune remarque sa présence. Ils veulent cacher les tensions qui règne sur l'habitat.

« Oh ! Taehyung ! Tu es encore venu ! Tu veux quelque chose à boire ? »

Le plus jeune se tend à la voix de sa mère, reculant pour être caché derrière son aîné. Sa mère remarque aisément ce mouvement cachant tant bien que mal cet air peiné qui aurait dissimulé son sourire. Elle ne veut inquiéter son invité plus que nécessaire. Elle est déjà ravie que son fils parle grâce à sa présence, même si ce n'est jamais à son mari ou elle-même.

« On est venu vous parler. Votre mari est à la maison ? »

Elle hoche la tête à la fois intriguée et inquiète. Elle se doute du sujet que pourrait aborder les deux jeunes pourtant elle sait que son fils n'en deviendra que plus désagréable.

« Je pense que ce serait bien d'être au salon. »

Il ne veut pas forcer son cadet comme Yoongi. Il veut au contraire lui laisser une chance de s'échapper. Toutefois, une part de lui se doute que c'est la « menace » de son aîné qui a poussé Jungkook à accepter son idée.

Les deux jeunes s'installent sur le fauteuil situé proche de la porte, Jungkook s'asseyant sur l'accoudoir au plus près de sa voie de fuite. Il veut au moins être sûr de pouvoir quitter cette maison au plus vite. Son père est surpris de leur présence étant plus habitué à découvrir son fils quand celui-ci descend pour chercher de quoi manger.

« Bonjour monsieur ! Comment allez-vous ? »

L'homme lui répond brièvement, se concentrant sur le plus jeune qui trouve la porte bien plus intéressante que leur « conversation ». Sa femme les rejoint après quelques instants amenant des boissons chaudes et de quoi se restaurer un peu. Comme si elle souhaitait apporter une ambiance conviviale pour briser le froid régnant sur le salon.

« Les enfants veulent nous parler. » Annonce-t-elle à son mari, expliquant ainsi la présence de son fils.

Les deux parents attendent un mot des plus jeunes qui ne vient pas les intriguant. Ils remarquent sans mal les coups de coude que donne Taehyung à leur enfant, celui-ci le poussant à parler en premier. Ses lèvres restent pourtant closes, son regard dans le vague, ne réagissant que peu à cette faible douleur qui commence à se manifester. Taehyung soupire devant son silence, cessant tout mouvement.

« J'ai appris que ça se passait mal entre vous et c'est surement dû à un malentendu. Alors pourquoi ne pas le régler maintenant ? »

Il récupère à ces mots l'attention de Jungkook, celui-ci l'observant avec une certaine contrariété. Il ne veut pas savoir ce que ces parents ont à dire. Pour lui ce ne serait que des mensonges de plus afin de l'attendrir.

« Je le pense aussi, mais pour cela encore faudrait-il que Jungkook le veuille. Nous avons essayé plusieurs fois bien qu'il fuit à chaque fois la conversation. »

Des reproches encore et toujours. Jamais ils ne cherchent à comprendre ce qu'il ressent. Voit mon point de vue et oublie le tient. Sa tête se baisse à ces remarques. Pas une fois ils ne lui ont demandé comment il allait. Pas une fois ils ne se sont inquiéter de ce qu'il pensait. Ce qu'il comprenait de la situation. Ce qu'il percevait. Ce qu'il déduisait. Cela n'a jamais été important pour eux. Il fallait juste qu'il comprenne leur point de vue sans exposer le sien.

Il fait mine de se lever étant rapidement stoppé par la main de son aîné qui se pose sur sa cuisse d'un mouvement naturel.

« Peut-être que vous n'avez pas attiré son attention de la bonne façon. Il m'a facilement livré ce qu'il pensait de cette situation. N'avez-vous pas pensé que vous étiez vous aussi en tort ?

— Nous essayons contrairement à lui. On tenter plusieurs méthodes pour qu'il nous parle mais il restait définitivement silencieux. Que voulais-tu qu'on fasse ? Il a même refusé de voir le psychologue que nous a conseillé son lycée.

— Oui, celui que vous avez essayé après un an quand il a eu le temps de bien se faire son opinion et se refermer sur lui-même.

— Et bien dis-nous ce que tu penses ce tout ça Jungkook. On te laisse l'occasion de le faire. On ne te fera pas de reproche et on t'expliquera la réalité s'il le faut. » Conclut son père en le regardant.

Pourtant encore une fois le silence lui répond. Par habitude l'adolescent se tait, ne cherchant plus à laisser ses yeux remonter jusqu'aux visages de ses parents. Il rencontre le visage sévère de son père. La dureté de ses traits contredisant ses paroles.

« On comprend que c'est difficile pour toi Jungkook, seulement, pense que nous aussi ont a souffert de cette situation, tente ma mère.

— Vous n'aviez qu'à pas le débrancher.

— Ton frère n'allait pas se réveiller, les médecins nous l'ont certifié, c'est ça le problème ? Il n'y avait-

— Il allait mieux !

— Ne dis pas de bêtises ! Ne parles pas de quelques choses que tu ne sais pas ! Intervient mon père.

— C'est vous qui ne savez rien ! Vous ne veniez jamais ! C'est pas à vous qu'on donnait son état chaque jour ! Il allait mieux ! Ils me l'ont dit ! Vous n'étiez jamais là ! Vous ne pouvez pas savoir !

— Jungkook ! Ca suffit maintenant !

— C'est ce que je disais, on ne pouvait pas comprendre. »

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