"Salut Ezer" me dit-il.

Je dévisage ce jeune homme sans aucune gêne. Ses yeux verts si particuliers sont vraiment très lumineux. Il a des cheveux noirs jais et je rigole intérieurement en le comparant à Harry Potter. Quelque chose dans son visage me laisse penser qu'il a des origines asiatiques, mais très lointaines.

"Tu connais mon prénom ?
Je lui demande, assez surprise.

Je savais que je n'étais pas inconnue dans ce lycée, mais quand même ! Le nouveau semble étonné de ma question. C'est normal que je lui demande non ? J'ai l'impression qu'il me connaît alors que je ne sais rien de lui.

- Tu ne... Il commence avant de s'arrêter.

Je l'encourage à continuer du regard.
Il me fixe quelques secondes avant de reprendre :

- Euh... en fait j'ai... j'ai entendu ton nom à l'appel.

Il rougit.
Pourquoie est-ce qu'il baggaye pour ça ? Il est un peu bizarre mais ce doit être juste par timidité. Je me rend compte que moi je ne connais pas son nom.

- J'ai pas trop écoute le début du cours, tu t'appelles comment déjà ?

- Arwen, il me répond doucement.

Ce nom sonne très bien. Il est original mais pas trop excentrique.

- Du coup tu viens d'où ? T'es nouveau non ?

- Exact, je viens du Québec. De Montréal plus précisément.

- Sérieux ? J'adore le Canada, j'y suis allée une fois ! Je m'exclame avec enthousiasme. Comment ça se fait que t'aies pas d'accent ?

- Je suis d'origine française. En fait, mon père s'est remarié avec une Canadienne et on est partis vivre là-bas quand j'avais cinq ans. C'était prévu qu'on rentrerai un jour en France ; ils ont réfléchis longtemps et on a fini par revenir cette année.

- Et euh... ta mère, tu ne la vois plus ? Si c'est pas indiscret.

Son petit sourire se transforme en une moue dubitative.

- Je ne l'ai jamais connue. Apparemment elle est partie à peine un mois après ma naissance. Forcément elle ne me manque pas, donc ça va. Et puis mon père assure très bien.

Il a l'air d'avoir une vie chargée celui-là ! Ce n'est pas pour me déplaire, il est très intéressant.

- Tu veux venir manger avec nous ? Je lui propose. Je suis sûre que tu vas bien t'entendre avec les autres !

Il affiche un air gêné.

- Je... je suis pas sûr. Les footballeurs, les populaires... c'est pas trop mon truc. Enfin sans vouloir te vexer hein. Toi, t'as l'air sympa.

Je suis un peu déçue.

- T'es sûr ? J'insiste.

- Sûr pour aujourd'hui, oui. J'ai fini de manger en plus. Les autres jours, on verra. Si ta proposition tient toujours, je viendrais peut être.

Je n'ai peut être pas perdu la partie finalement.

- Mais oui, t'inquiète tu viens quand tu veux !" Je le rassure d'un air enjoué.

On se sourit une dernière fois et je m'éloigne.
Arrivée à ma table, je suis assaillie de questions et de remarques.

" C'est qui ce mec ?

- Il est nouveau non ?

- On dirait un seconde !

- Depuis quand tu parles à ce genre de personnes ?

- Ezer tu t'intéresses à lui ou quoi ?

- Je crois qu'il a sauté une classe, m'informe Adrien, un mec de l'équipe qui est dans ma classe.

- Il est trop chou ! S'exclame Louna.

Sur le coup, je n'arrive pas trop à me justifier.

- Oui, il est nouveau et il est dans ma classe. Je suis allée le voir par curiosité, c'est tout ! N'allez pas vous imaginer des trucs... Je réponds en soufflant.

- Et alors ? Me questionne Maxence. T'as appris quoi sur lui ?

- Euh... Il vient du Canada ! Son père s'est marié avec une femme qui vient de là-bas. Ah, et il s'appelle Arwen.

- Trop cool, s'enthousiasme Louna.

Je crois qu'elle l'aime déjà. Bon point pour lui.

- Il a l'air sympa, tu pourras nous le présenter, conclu Charlie.

- Et donc Ezer, ce voyage ?"
Jordan repose sa question, mettant fin au débat sur le nouveau.

•

Je pose mes affaires sur la table à manger, et me sert un bol de céréales.

"Alors cette rentrée ? Questionne mon père en entrant dans la pièce.

- Tranquille, répond mon frère, affalé sur la canapé.

- C'est comme si on était jamais partis en fait, je rajoute.

Mon père me sourit :

- Tant mieux alors, je suis content pour vous.

Il me fait un bisous sur la joue avant de continuer :

- Au fait, ce soir vous êtes tous seuls. On va dîner avec Liliane et Patrick

- C'est qui déjà eux ? S'enquit Nath'.

- Nathanaël... tu pourrais faire des efforts pour retentir le nom des voisins ! Grince mon père.
Ce sont ceux d'en face, les parents de Clara. D'ailleurs, on a convenu qu'elle et son petit frère viendrait passer la soirée ici. On trouve ça bien de renouer les liens, quelque soit la génération. Nous avec les parents, vous avec les enfants !"

Je soupire bruyamment. Super...

•

Clara a passé la soirée à draguer mon frère, et le pire c'est qu'ils s'entendent plutôt bien. Je rumine dans mon coin en les voyant éclater de rire devant la télé. Ma part de gâteau au chocolat semble être ma seule alliée ce soir.

"Ma soeur est insupportable, gromelle une voix à côté de moi.

Je tourne la tête, surprise, et vois Loïs, le petit frère de Blanc d'oeuf.
Il est très mignon pour son âge. Je suis obligée d'admettre qu'il ressemble beaucoup à sa soeur : même cheveux et même yeux.
Je fronce les sourcils :

- T'étais passé où toi ?

C'est vrai qu'on ne l'a pas vu de la soirée. Je n'ai pas pris la peine de demander à l'autre brune si son frère allait venir ou pas. Ça ne m'intéressait pas vraiment.
Il me sourit d'un air angélique :

- J'suis sorti avec des potes. Mais j'préférais revenir tôt vu que j'savais pas quand les parents allaient revenir.

- T'as quel âge déjà ?

- Treize ans, il me répond sans perdre son sourire.

- Ah... je souffle. Je regarde ma montre : minuit moins le quart.
Vous sortez aussi tard à cet âge ?

Il ricane :

- Et encore, j'viens d'te dire que pour moi c'était tôt !

Il semble d'un coup plus inquiet :

- Tu dis rien à mes parents hein ?

Je fais mine de réfléchir avant de lui lancer :

- Tu sais quoi ? Je crois que si tu m'avais proposé, je serais volontiers venue avec toi. J'en ai plus que marre de devoir supporter la vue de ta soeur et mon frère ensemble.

Il éclate d'un rire clair. Mon Dieu, avec il doit avoir toutes les collégiennes qu'il veut lui. Je me surprend à penser que si j'avais un petit frère, je voudrais qu'il lui ressemble.
Il jette un coup d'oeil aux deux autres avant de s'avancer vers moi :

- J'suis sûr que mes potes sont encore tous là. On aura qu'à dire qu'on est partis se promener ou un truc comme ça. Si j'suis qu'avec toi j'me ferais pas engeuler.

- Donc si je comprend bien, tu me proposes ça juste par intérêt ?

Je le fais marcher, et ça fonctionne puisqu'il s'empresse de me rassurer :

- Mais non ! T'es sympa... enfin j'crois parce qu'on s'est jamais vraimment parlé mais je... je t'apprécie et euh...

C'est à mon tour de rire en le voyant paniquer. Je l'aime déjà ce gamin !

- T'inquiète, je lui dis en me levant, je rigole.

Il me regarde à moitié gêné et à moitié amusé. Tout en riant, on se prépare et on sort de chez moi.

•

- Chez toi, ça se passe comment avec Clara ?

Loïs hausse les épaules :

- On se dispute souvent. Du coup, on évite de se parler. En fait, elle me prend pour un gamin, alors elle ne s'intéresse pas à moi. Que j'aille bien ou mal, peu importe pour elle. Avant on était pas forcément très proches mais elle ne me faisait jamais de mal.
Elle me frappe pas hein ! De toute façon j'suis plus fort qu'elle. Mais des fois elle me dit des trucs super blessants... Je sais même pas si elle le fait exprès ou pas. Enfin bref... ça fait longtemps que je cherche plus à me réconcilier avec elle. De toute façon elle me soule, elle fait aucun effort."

Ce qu'il vient de me raconter ne peut que me faire détester Clara encore plus. Son comportement me révolte. Dans l'histoire, c'est plutôt elle la gamine !

•

On arrive au stade de notre grand quartier. C'est un terrain sur lequel on peut jouer au foot, au rugby et même faire des tours de pistes. Multifonction quoi. Et il y a même des jeux pour enfants pas très loin. L'endroit n'est pas très éclairé mais suffisamment pour pouvoir jouer, même à cette heure tardive.
Les cinq potes de mon voisin me regardent de haut en bas.

" C'est qui ? Demande un petit blond.

- Ma voisine, répond Loïs.

- Tu vas pas te faire engueuler ?

- Non justement, vu qu'elle est là mes parents ne pourront rien dire. Ezer, tu sais jouer au foot ?"

•

Il est une heure trente du matin. Il faut vraiment qu'on y aille, sinon mes parents vont s'inquiéter étant donné que je n'ai pas pris mon portable. Moi qui pensait passer une soirée de merde, finalement ça a été tout le contraire.
On a fait des parties de foot trois contre trois. Je ne suis pas très forte mais je sais me débrouiller, grâce à Charlie qui m'a appris les bases. Les amis de Loïs m'ont bien intégrée dans leur équipe, et c'est bien là première fois que je m'amuse autant sans personnes de mon âge. Le petit blond, qui s'appelle Mathieu, et un autre prénommé Gaël ont fait des remarques sur mon physique avantageux, qui n'ont pas manquées de me faire rire. C'est certain qu'ils sont moins timides que Loïs, qui ne l'est déjà pas beaucoup.

Je pousse ma porte d'entrée doucement, au cas où quelqu'un dormirai déjà ; on ne sait jamais. Ce n'est pas le cas puisque que je trouve mes parents et les voisins en pleine discussion autour d'un verre de vin rouge.
En nous voyant arriver, ma mère s'exclame :

"Enfin ! Ezer, qu'est ce qui t'as pris de partir comme ça de la maison ? Et surtout de rentrer aussi tard ! Vous avez cours demain !

- Loïs je t'ai envoyé une bonne dizaine de messages ! Il te sert à quoi ton téléphone ?

Là, c'est Patrick qui en rajoute une couche.
L'intéressé lève les yeux au ciel :

- J'avais plus de batterie, c'est tout ! Ezer et moi on est partis de la maison parce que...euh...

- Entre Clara et Nath' ça devenait un peu trop chaud à notre goût !

J'ai balancé ça au hasard, pour sortir Loïs de l'embarras. Finalement c'est plutôt une bonne excuse : après tout, ce n'est que la vérité légèrement exagérée...
Les adultes semblent tous génés par mon intervention.

- Bon... allez vous coucher, souffle mon père. On verra ça demain, on s'expliquera avec ton frère. Et je ne doute pas que Liliane et Patrick font faire de même avec Clara."

Mes voisins acquiescent avec vigueur.

•

Tout en me dirigeant vers les escaliers, je souris d'un air complice à mon super voisin qui passe la porte.
Il répond par un clin d'oeil. Là, mon téléphone vibre :

▪ 07.67.87.45.33 :

Merci la voisine ! Ça va bien faire chier ma sœur ça !

Je souris toute seule.
Je crois que je me suis faite un ami cette nuit.