Je suis au bout de ma vie. Je ne sais pas quoi faire, ni quoi penser. Depuis le départ de Heïdi, je suis assise dos contre la porte. Je n'ai pas arrêté de pleurer. J'ai demandé à Allan de s'en aller, souhaitant rester seule. Allan a gardé ce terrible secret toutes ces années, sans jamais en parler. Je me suis rendu compte, que si nous n'avions pas eu cet accident, jamais je n'aurais su.

Après l'accident, toutes les images d'il y a cinq ans ont défilé sous mes yeux. Je me suis rappelé tout, dans les moindres détails. J'ai demandé au médecin si on pouvait retrouver des souvenirs après un black-out de plusieurs années, il m'a répondu que c'était rare, mais que ça arrivait.

Il m'a appris qu'il existait deux types de black-out. Celui qui est qualifié de partiel ou fragmenté, il est plus fréquent et fait référence à l'oubli de certains détails ou d'une partie des souvenirs des événements. Avec cette forme mineure de black-out, il est parfois possible de se rappeler par la suite une partie des souvenirs « oubliés ».

La deuxième forme, plus sévère, est qualifiée de black-out complet ou en bloc. Dans ce cas, la personne est incapable de se rappeler le moindre détail en lien avec les événements et ressent une impression de temps perdu. Elle peut même avoir le sentiment erroné d'avoir été inconsciente pendant toute la durée du black-out. Dans ce cas, la perte de mémoire est en général définitive et les souvenirs ne pourront pas être récupérés.

Le mien est du premier type, et le choc de l'accident à tout réactiver. Je comprends maintenant les cauchemars que je faisais certaines nuits. Heïdi ne me pardonnera jamais d'avoir causé la mort de ses parents. Ils étaient toute sa vie et inversement.

Flash-back (il y a cinq ans)

Je suis à une soirée normalement interdite aux mineurs, mais Allan a fait en sorte qu'on y entre sans problème. Kayla et Heïdi n'étaient pas d'accord avec ça, mais je ne les ai pas écoutés. Allan est mon petit ami depuis trois mois seulement, mais je l'aime beaucoup et lui aussi. Je sais qu'il ne me fera jamais mal. 

Ça fait plus d'une heure que nous sommes là. Allan m'a dit que je pouvais boire, que je ne risquais rien parce qu'il était là. Même si j'ai beaucoup hésité au début par rapport à mon âge, 15 ans, j'ai fini par céder. Autant vous dire, que trois verres après, je ne contrôlais plus rien. J'avais l'impression de léviter et d'être légère. 

- Je crois qu'il est temps qu'on rentre ma belle, dit Allan en haussant le ton pour se faire entendre par-dessus la musique. 

- Mais je... je veux m'a-m'amuser encore, je baragouine, sentant ma langue pâteuse.

- On reviendra une autre fois, il est tard. On doit rentrer, réplique-t-il.

À contrecœur, je le suis à l'extérieur jusqu'à sa voiture avec une démarche incertaine. Allan me soutient avec un bras sur mes hanches. Je me libère de son bras et me retourne dans sa direction avec un grand sourire sur les lèvres.

- Je dors chez toi ? je demande.

- Non, je te ramène chez toi pour éviter que tu aies des problèmes avec tes parents, il me répond.

Je fais la moue et tourne le dos.

- Ne sois pas fâché ma belle. Tu as envie de conduire ? poursuit-il.

- Mais je n'ai pas le permis, c'est interdit, je rigole.

- Oui, mais il est tard et il n'y aura personne sur la route qu'on va emprunter à cette heure-ci, explique-t-il.

- Tu en es sûre ? je questionne.

- Bien sûr ma belle, sinon je ne te l'aurais pas proposé, finit-il avec un clin d'œil.

- Dans ce cas... ok ! je m'exclame. Mais je ne sais pas conduire, je déclare.

- Je vais te montrer, installe-toi.

C'est comme ça que je m'installe derrière le volant. Après les explications d'Allan et plusieurs tours sur le parking à moitié vide, on prend enfin la route. Je me sens excitée par toute cette adrénaline. Allan me demande d'accélérer, ce que je fais sans hésiter. Malgré quelques coups de volants pour me maintenir droite sur la chaussée, je continue ma route. 

Allan n'avait pas tort, la rue est déserte. Seulement, après une vingtaine de minutes, je commence légèrement à somnoler. Allan me dit qu'on arrive dans dix minutes à peine, que ça va aller.
Soudain, les phares d'une voiture qui vient en sens inverse m'aveugle. À la vitesse à laquelle je roule, je zigzague violemment avant de percuter l'arrière de cette voiture en voulant tourner le volant pour garder ma trajectoire. 

La voiture se déporte et finit sa course dans le ravin. Je freine brutalement et Allan me dit de repartir immédiatement. Il me dit que ce n'est qu'un petit ravin, qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter pour les occupants de l'autre voiture. Que si on reste, on finira en prison. Prenant peur, je l'écoute sans hésiter. En arrivant chez moi, je descends de la voiture et je rentre directement dans ma chambre. Je tombe sur le lit, et je m'endors direct.

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Le lendemain, c'est mon téléphone qui me sort de mon sommeil. Je décroche sans même regarder le nom qui s'affiche et me tourne sur le dos.

- Allô, je réponds.

- Hayleen ? Tu dormais ?

Je mets plusieurs secondes avant de reconnaître la voix de Kayla.

- Hmm, je suis rentré tard, je crois, je dis en passant ma main sur mon visage.

- Il faut que tu viennes chez Heïdi maintenant. C'est super grave.

Au son de sa voix, je sens qu'il y a quelque chose qui cloche.

- Qu'est-ce qui se passe Kayla ? je demande, sentant une migraine se pointer. 

- Les..., elle s'arrête et inspire avant de continuer. Les parents d'Heïdi ont eu un accident, ils... ils n'ont pas survécu, m'annonce-t-elle en reniflant.

Ma migraine et ma gueule de bois disparaissent d'un coup. J'éclate en sanglots. Ce n'est pas possible. 

- J'arrive.

Je raccroche avant de me lever d'un coup, je manque de perdre l'équilibre. Je me rassois avant de me relever et de me diriger vers ma salle de bains. Après une douche rapide, je m'habille et dévale les escaliers.

- Hayleen, m'interpelle ma mère.

- Maman, je dis en me jetant dans ses bras, les larmes ruisselant sur mes joues. Emmène-moi chez Heïdi.

- Bien sûr ma chérie, on vient d'apprendre la nouvelle aussi, m'apprend-elle.

En arrivant chez Heïdi, je rentre sans prendre le temps de frapper et me dirige directement dans ses bras. Je l'étreins de toutes mes forces, et Kayla se joint à nous. 

- Je suis tellement désolée pour toi ma chérie, je chuchote entre deux sanglots.

Heïdi est incapable d'aligner deux mots. Elle pleure tellement qu'elle a du mal à respirer. On reste enlacé comme ça pendant plusieurs minutes. Un peu plus tard, Kayla m'apprendra que leur voiture a été percutée par une autre qui a pris la fuite. Je me sens bizarre après ses mots, mais je ne fais pas le rapprochement. Mettant sur le dos du choc de la nouvelle.

Quelques heures plus tard, mon téléphone sonne et je sors pour décrocher.

- Salut ma belle, dit Allan.

- Coucou, je réponds.

- Je voulais avoir de tes nouvelles ?

- Je suis fatiguée et triste. Les parents de ma meilleure amie sont morts dans un accident de voiture, je dévoile.

- Ah... hum, c'est triste pour elle.

 - Oui. Je ne peux pas rester longtemps, je dois la rejoindre. 

- D'accord. Tu te rappelles de ce que si s'est passé hier soir ? demande-t-il.

- Je sais que je me suis amusée comme une folle et après plus rien, je dis.

- C'est normale, tu étais vraiment bourré. Dès qu'on a quitté la fête, tu t'es endormi après m'avoir dit que tu étais une fée sous couverture, il ricane.

- C'est pour ça que je ne me rappelle de rien, je réplique en souriant.

- Voilà, exactement. Bon, je te laisse, à plus.

- D'accord, bis-

Il m'a raccroché au nez avant même d'avoir fini ma phrase. Je remets mon téléphone dans ma poche et retourne voir mes deux meilleures amies. Après ce jour, on a beaucoup soutenu et consolé Heïdi. 

Fin du flash-back

Je me rappelle que c'est quelque temps après cette période que j'ai commencé à faire des cauchemars. Ils étaient extrêmement violents et m'empêchaient de dormir. Dans certains de ces cauchemars, je voyais un accident de voiture avec mes amies, ou mes parents, ou même Allan. Ma maman m'avait alors expliqué que c'était sûrement ma plus grande peur, perdre mes proches comme les parents d'Heïdi. 

Comment je vais faire pour me regarder dans un miroir maintenant que je connais la vérité ? 

Ils vont tous me détester, et Heïdi ne me pardonnera jamais. 

Je finis par me lever du sol pour me diriger vers ma chambre. Heureusement que je vis seule, sinon je ne saurai pas quoi dire à mes parents. Je ne sais pas ce que je vais faire dans les prochaines heures, ni les prochains jours. Je décide tout de même d'envoyer un message à Heïdi.

Moi : Heïdi, je suis tellement désolée. S'il te plaît, laisse-moi t'expliquer.

Cet utilisateur vous a bloqué.

Moi qui espérait qu'elle me répondrait, même si c'est juste pour m'insulter. Le très peu d'espoir que j'avais, vient de s'envoler.

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Et voilà pour ce chapitre d'un nouveau point de vue. Vous savez maintenant comment ça s'est passé.

Pensez-vous que Heïdi lui reparlera ? Lui pardonnera ?

Bisous ensoleillés😘🌞