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Benoît avait été tenté d'éliminer Anna qui, visiblement lui faisait barrage. Et il avait cédé. Il avait dégainé son révolver, l'avait orienté vers son amant, et n'avait pas perdu une seconde pour l'exécuter. Son crâne avait, à l'issue de cet acte violent, explosé de tout part.
Il avait tué Anna. Depuis, il avait toujours caché son assassinat des yeux d'autrui. Selon lui, personne ne devait découvrir cet abominable crime. La seule personne qui était au courant de ses moindres faits et gestes, c'était sa mère. Mais ce n'était pas comme si elle risquait de le balancer, car elle avait pris cette mauvaise habitude de le couvrir pour toutes les méchancetés qu'il faisait. C'est pourquoi Benoît se disait qu'il n'avait aucun problème.
Mais était arrivé le jour où Jessica, la sœur de Léa, avait surpris une de ses conversations avec quelqu'un, où il détaillait le passage de sa vie où il avait dû se débarrasser d'Anna. Choquée, elle n'avait pas pu se retenir de pousser un cri de dégoût. Et à cause de cela, il s'était retourné pour la surprendre, et avait prévenu la personne au bout du fil qu'il comptait raccrocher car quelqu'un avait tout entendu. De là, il avait couru derrière la sœur de Léa pour l'empêcher de tout balancer à sa femme. Mais elle avait l'intention de faire mieux que ça. Elle voulait le livrer à la police. Elle avait décroché le téléphone et avait appelé la police. « Allô ? », était le dernier mot qu'elle avait prononcé. Par la suite, Benoît s'était empressé de l'enterrer dans le jardin. Mais la police, qui avait déjà eu le temps de localiser l'appel de Jessica, avait tout de suite rappliqué, réalisant que la jeune femme était en danger. Elle n'avait malheureusement pas eu le temps de lui venir en aide, mais était tombée pile au moment où Benoît comblait le trou qu'il avait creusé pour cacher son meurtre. Elle l'avait arrêté sur le champ.
La première personne à laquelle il avait pensé, c'était Léa. Il se répétait qu'il ne voulait pas la perdre, qu'il n'imaginait pas son futur sans elle. Et le seul avocat qu'il connaissait et qui était expérimenté dans ce domaine, c'était Léa elle-même. Il se disait qu'elle était la seule à pouvoir l'aider à sortir de ce pétrin pour qu'ils puissent vivre sereinement leur vie. Quand elle s'était rendue au commissariat à la suite de l'appel d'un policier, craignant qu'elle l'abandonne, il lui avait juré qu'il était innocent et qu'il y avait erreur. Il l'aimait de tout son cœur et redoutait que ce sentiment de solitude refasse surface. Léa avait passé une semaine à se pencher sur son cas, jusqu'à ce qu'un jour où elle s'était présentée au commissariat et lui avait craché à la figure tout ce qu'elle savait réellement sur cette affaire. Elle savait désormais tout. Quelqu'un avait tout balancé. Et jusqu'à présent, Benoît ne voyait pas qui c'était. Léa, toujours prise sous le coup de l'émotion, l'avait insulté de tous les noms, l'avait dénigré, l'avait humilié... Et elle ne s'était pas contentée de cela, elle était allée jusqu'à avorter de leur enfant qu'elle portait, qui, d'ailleurs, s'appelait également Camille. De plus, après avoir rencontré Cédric, elle s'était immédiatement précipitée dans le divorce. Elle ne voulait plus jamais rien savoir de Benoît. Elle avait même vendu la maison dans laquelle ils vivaient. La maison qu'elle avait achetée.
Après avoir perdu son titre de psychiatre, Benoît avait passé vingt ans de sa vie à l'hôpital psychiatrique, à souffrir de cette humiliation. Tous les mots qu'elle lui avait jetés en pleine face lui revenaient incessamment. Il avait mal au plus profond de son âme. Et c'était bien plus douloureux qu'une quelconque blessure physique. Benoît avait passé vingt longues années de sa vie à regretter leur rupture. Car il ne voulait pas que ça se termine. Le pire, c'est qu'il savait que si cela s'était produit, il aurait plu dans son cœur. Benoît avait encore dû passer par la perte d'un être cher.
Léa l'avait abandonné. Et cette fois-ci, il ne pensait qu'à une seule chose, se venger. Il voulait le faire. Il en avait besoin. Il n'était plus question pour lui de laisser les autres le détruire. C'était à lui de montrer ce dont il était capable.
Après s'être évadé du centre psychiatrique, son obsession pour Léa n'avait pas diminué d'une miette. Et le fait de savoir qu'elle n'était plus Léa Hernández, mais Léa Vermandois, le rangeait de l'intérieur. Il en avait assez d'avoir mal. Il fallait maintenant qu'il fasse les autres ressentir les maux qu'il endurait, pensait-il. Il cherchait Léa partout sur les réseaux sociaux, dans les annuaires téléphoniques... Et quand il avait enfin pu obtenir son numéro personnel, il avait commencé à l'appeler incessamment. Il la menaçait même de mort. Il affichait ses photos partout chez eux, et prévoyait des plans abracadabrants pour parvenir au bout de ses fins. Il avait tué plusieurs proches à Léa pour la faire stresser, lui faire comprendre que la prochaine c'était son tour. Nombreuses fois où il avait élaboré des plans pour la supprimer de la vie. Par chance, elle s'en sortait. Benoît ne parlait plus que de Léa Vermandois. Helena entendait ce nom à longueur de journées. Benoît ne dormait plus, tant il passait ses nuits à réfléchir à comment il comptait attraper sa victime.
Benoît voulait faire Léa payer pour avoir amené de nouveau ce sentiment douloureux dans sa vie. Et s'il refusait de l'admettre, c'est parce qu'il refusait d'accepter qu'il ne fût pas méchant. Il n'allait tout simplement pas bien. Il souffrait de la perte de tous ses proches qu'avait entraîné Léa en les expliquant à quel point ce que Benoît lui avait fait était infâme et impardonnable. Benoît souffrait de la perte de son père, de son bébé, de Léa... Il souffrait des insultes et humiliations de Léa. Il souffrait de sa maladie. Il souffrait de tout. Et la seule chose dont il lui fallait, c'était la vengeance, seule alternative pouvant noircir son cœur pour soigner ses maux.
Après ce poignant témoignage, Cédric avait les larmes aux yeux. Il comprenait beaucoup mieux la raison qui poussait cet homme à en vouloir à sa femme. Il savait désormais tout. Et une chose dont il était sûr, c'est qu'il était potentiellement dangereux. Et il lui fallait voir un psychiatre.
— Qu'allez-vous faire de moi, maintenant que je vous ai tout dis ? Me balancer ?
Cédric sortit de sa poche un vieux dictaphone gris et l'arrêta. Il se retourna pour faire face à mon interlocutrice.
— J'en ai été tenté, voyez-vous ? Ceci est un dictaphone dans lequel toute notre conversation a été enregistrée. J'ai préféré l'arrêter à un moment très précis. Un moment que j'ai choisi pour vous proposer mon offre qui peut s'avérer vous être très bénéfique.
— Parlez !
— Vous êtes la seule à pouvoir aider ma femme à s'enfuir des griffes de Benoît ! C'est votre fils !
— C'est vrai. Qu'attendez-vous de moi au juste ?
— J'ai pourtant été clair... Je veux que vous vous rangiez de notre côté pour faire couler votre fils. Je sais que c'est une idée qui vous paraît absurde puisque, bien sûr, Benoît est la chair de votre chair, vous refusez de le trahir. Mais c'est la seule alternative qui s'ouvre à vous pour que vous puissiez échapper à une lourde peine. Réfléchissez bien, Madame Hernández... Si vous aidez Léa, en tant qu'excellente avocate, elle pourra adoucir votre sentence. Elle s'y connait très bien en droit. Et elle est très habile.
— Inutile de rajouter davantage. Je suis partante pour cette proposition.
— Très bien. Alors, je vous détaille la mise en œuvre de notre plan.
Cédric saisit son sac à dos, l'ouvrit, et en sortit une petite caméra. Il la lui tendit en lui expliquant :
— Ceci est une caméra. J'aimerais que vous attiriez Benoît jusqu'ici... Parce que je suppose qu'après ce qu'il a fait, il s'est barré... Je veux que vous lui fassiez parler. Il doit tout dévoiler, puis nous emmener jusqu'à Léa. Je peux vous faire confiance ?
— Ne vous inquiétez pas. Benoît a une confiance aveugle en moi. À coup sûr, il mordra à l'hameçon.
Cédric se frotta les mains énergiquement avant d'achever :
— Parfait. Alors moi, je serai dans ma voiture à espionner votre conversation. Le plan commence ce soir. Je serai prêt depuis dix-neuf heures. Vous devriez faire attention à être très discrète, car avec ce type, il y a de quoi se faire du souci.
— Ne vous inquiétez pas. Je saurai comment m'y prendre. C'est mon fils.
— Très bien.
Avant de débarrasser le plancher, Cédric ajouta :
— Bonne chance, Madame Hernández ! »
Helena déglutit car dans le fond, elle savait qu'elle risquait gros. Elle avait mis au monde une créature dont elle-même avait peur.
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