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— Alors c'était donc ça ! ?

Il approuva de la tête.

— Enfin tu as trouvé, Léa...

— C'était ça ! ?

— Oui.

— Tout ça parce que tu es jaloux de Cédric ! ?

— Oui, Léa, tu l'as compris. Tu vois, ça m'a fait très, très mal de savoir que tu voulais divorcer de moi pour te marier avec lui. Comme ça m'a tiraillé de savoir que tu avais avorté de notre enfant. Comment as-tu pu commettre une telle atrocité alors que tu me reprochais d'avoir tué ta sœur ! ?

— Je regrette d'être tombée amoureuse d'un type comme toi !

Il approcha sa tête de la sienne et lui demanda du but en blanc :

— Qu'est-ce qu'il a de plus que moi ? Hein ? C'est parce qu'il baise mieux que moi ! ?

Elle ferma les yeux et s'expliqua :

— Tu te trompes, Benoît. Vous vous trompez tous. Si tu crois que l'amour se résume au sexe...

— Ah non ?

— Non. Là n'est pas une question d'attirance sexuelle, mais bien une question de respect, de confiance, et de fidélité. Alors que toi, tu n'as aucun de ces critères hormis la fidélité.

— Eh bah... J'ai le regret de t'avouer que... Enfin, qu'est-ce que je raconte ? Moi, éprouver du regret ? Jamais. Je reformule ma phrase... Je ne t'ai jamais été fidèle.

Elle se redressa en s'exclamant :

— Que dis-tu ! ?

— Tu l'as très bien entendu, je t'ai trompée. Et c'est ce qui a causé la mort de ta sœur.

Il remua la mâchoire.

— Parle, espèce de couillon !

— Déjà tu me parles autrement... Ensuite...

Il passa sa langue sur toutes ses dents supérieures.

— ... Je te le dirai.

Des larmes perlèrent le long de sa joue.

— Je t'ai trompée avec ta meilleure amie, Anna.

— Quoi ! ?

— Oui. Tu sais, nous les hommes, quand on ne trouve pas de sexe quand on le veut, on va voir ailleurs... Bah c'est ce qu'il s'est passé. Je suis allé voir ailleurs. Je dirais que pendant deux mois tout se passait à merveille, jusqu'à ce que cette conne décide de tout te dire, parce que soi-disant, tu étais sa meilleure amie.

Il s'accroupit et lui demanda, indigné :

— Tu penses que c'est de l'amitié, ça ? Coucher avec le mari de sa meilleure amie ?

Elle ferma les yeux pour faire sortir de grosses larmes.

— Tu te fais sans cesse bernée, Léa. J'ai vraiment de la peine pour toi. Tu n'as jamais eu de vrais amis... Toujours en train de te mentir, de te cacher des choses, de te poignarder... Je pense que tu n'as vraiment pas de chance. Tu te rends compte que tu fais tout pour aider les autres, alors qu'eux, niet ?

Elle baissa la tête, honteuse.

— Regarde Jenny, tu crois que si elle était réellement ton amie elle t'aurait appelée pour te demander d'aller mourir pour qu'elle ne meure pas ?

Des coulées de bave s'échappèrent de sa bouche.

— C'est drôle, Léa... C'est fou comme tu es la seule à ne pas voir ce qu'il se passe autour de toi...

Il mouilla ses lèvres et lui proposa une solution très simple :

— Alors, je te propose quelque chose qui abrègera tes souffrances... La Mort. Elle est très simple et c'est la meilleure pour surmonter tout ce que tu endures.

Un silence se fit. Il reprit farouchement :

— Mais ne t'inquiète pas, tu devras juste souffrir. Tu en dis quoi ?

— Faits ce que tu as à faire.

— Non, Léa, je n'aime pas ça avec toi. Quand est-ce te mettras-tu dans la tête que le service et moi on n'est pas potes ? Dis-moi, tu m'as déjà vu gentil ? Non. Et puis, je veux que tu souffres. Tu ne souffres pas assez, ne t'en faits pas.

Il se releva et ajouta :

— Mais heureusement que j'ai la solution... te détruire, non, t'anéantir tant psychologiquement que physiquement.

Elle sanglotait.

— Dis-moi, tu préfères commencer par la manière forte ou douce ? Non, c'est moi le chef d'orchestre ! C'est à moi de décider. Je commence avec la plus douce, mon but premier étant de t'épuiser. Tu penses quoi de mon plan ?

— Je dis qu'il est pourri.

Il se vanta le nez et la supplia :

— S'il-te-plaît, évite de l'ouvrir quand tu sais que ta bouche fouette. Tu ne t'es pas brossé le bec. Ah oui, je devais t'apporter ma définition de la souffrance, juste pour que tu aies un petit aperçu de ce que tu vivras dans un avenir proche.

Il tira une chaise et s'assit à califourchon.

— Cependant, j'aimerais que tu te taises, s'il-te-plaît, avant que je ne m'énerve.

Elle hésita avant de me répondre :

— C'est d'accord.

— Comme je te le disais, il y a deux types de souffrance, la souffrance physique et la souffrance psychologique.

Elle ferma les yeux puis les rouvrit.

— Tu sais, je trouve que la souffrance psychologique est bien plus dangereuse. Pourquoi ? Parce que tu as beau avoir des blessures sur la peau, elles finiront quand même par guérir. Mais quand tout se passe dans ta tête, tu as beau essayer de tourner la page, de tirer un trait sur tout ce qui te tiraille, ça reste. Parce que c'est comme ça. En voulant chasser de tes pensées les souvenirs qui te persécutent, fatalement tu les remémores. Plus tu penses à les éloigner de toi, plus elles perdurent, plus elles te poignardent, plus elles te tourmentent, te détruisent, t'anéantissent... Jusqu'à ce que tu n'en puisses plus. Je suppose que ça, tu le sais ? Parce que tu as eu la chance inouïe de vivre l'expérience avec moi. Et j'avoue que je suis un très bon professeur.

Elle ferma les yeux.

— La souffrance psychologique est bien plus terrible que ce que l'espèce humaine s'imagine. Si jamais elle t'atteint, rien ne pourra la faire sortir. Car le cerveau, hypocritement, sait comment graver les souvenirs les plus douloureux à jamais. Et si tu ne peux plus du tout, mais du tout supporter cette oppression... Si tu ne peux plus te battre contre toi-même... Si tu te sens impuissante face à ces pensées obscures... À ce moment-là, une brillante idée te passe par la tête : le suicide. Oui. Le suicide. Le bobo ne te poussera pas à faire une telle folie. Car il ne te fait pas mal à longueur de journée... Tu ne sens sa présence que quand tu le cognes où que tu le touches, quelque chose de ce genre...

Il éclata de rire.

— C'est bête mais... Il n'est pas aussi insistant. La douleur sera là puis s'en ira quelques secondes ou minutes après. Mais la souffrance psychologique vit avec toi, te parle, te mange, te lance des pics... Tu la supportes incessamment au point où la seule solution c'est la mort. Si tu te tues, tout sera terminé, tu ne penseras plus, tu n'existeras plus...

Je marquai une pose. Puis repris :

— Mais tu devras quand même passer par la case souffrance. C'est un fait. C'est ça vivre, souffrir. Plus tu vis, plus tu souffres. Mais tu peux toujours essayer de te tuer. Tu souffriras pour un moment, mais pas éternellement. Mais Léa, ne faits pas ça, d'accord ? Tu ne feras que pousser ta fille à te détester encore plus. Tu ne feras que la conduire à te voir comme une lâcheuse.

Je repris :

— Mais non. Ce n'est pas ce que tu veux, non ? Tu veux être forte ? C'est ça ?

Je me relevai et ajoutai :

— Ah là là, Léa, tu fais pitié. Regarde-toi ! Mais regarde-toi ! Et puis, tu ne veux pas mourir sans avoir prouvé ton innocence, sans t'être réconciliée avec ta famille, sans leur avoir prouvé ton amour ? Et puis, pense à Vince, ce petit de quatre ans... Quand il grandira, tu penses qu'il se souviendra de toi ? Non. Tu veux vraiment que les autres lui fassent penser que tu ne les as jamais aimés, que tu as tenté de les tuer ? Hein ? Non, je ne crois pas, Léa. Alors réfléchis à ce que tu feras. Réfléchis-y bien. Parce que tu es prise dans un étau. Et n'a-t-on pas dit qu'il faut réfléchir avant d'agir ? Ne soit pas impulsive. Prend ton temps, même si tu n'en as pas. La décision doit être prise au plus vite.

Elle mouilla ses lèvres avant de me répondre, le visage crispé et rancunier :

— Je te déteste, Benoît... !

— C'est tout ce que tu peux dire. Avoue, tu n'y peux rien.

— C'est vrai, et ça changera quoi à ta vie ?

— Tout. Parce qu'entendre son adversaire s'avouer vaincu procure une telle sensation de bien-être. Mais tu ne connais pas ça, Léa, c'est dommage.

Léa plongea son regard dans le vide et ne les dévia plus.

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