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Léa serra la main à Thérèse afin de lui montrer qu'elle n'était pas seule, qu'elle était là pour elle. Elle se disait que s'il s'agissait réellement de Benoît, elle comptait bien le faire retourner au centre psychiatrique, et ce, même si la Terre entière s'y opposait.

Thérèse releva la tête. En voyant les joues de sa cliente humides de larmes, Léa sortit un mouchoir de son sac et le lui tendit. Celle-ci l'accepta et la remercia de son geste.

Léa commençait à éprouver une énorme sympathie pour cette femme, car il était fort probable qu'elles soient victimes du même homme.

— Ne perdons pas le fil de cette entrevue à cause de toutes ces émotions qui nous submergent ! lui conseilla Léa.

Thérèse se contenta d'approuver d'un signe de tête. Léa reprit son air sérieux et poursuivit l'entrevue :

— Connaissez-vous cette personne ?

— Quelle personne ?

— L'homme qui a mis le feu à l'orphelinat Saint Joseph.

Thérèse jeta sa tignasse en arrière et, après une once d'hésitation, répondit d'un air qui se voulait convaincant :

— Non.

— Vous savez que je suis votre avocate, et qu'il est de mon droit de refuser votre affaire parce que vous refusez de me communiquer tout ce que vous savez.

La jeune femme s'approcha de Léa et haussa la voix :

— Puisque je te dis la vérité ! Je ne l'avais jamais rencontré auparavant ! J'ignore qui ça peut bien être.

Elle reprit, d'un ton plus calme :

— Je sais seulement qu'il est gras, qu'il n'a pas de cheveu et qu'il s'est fait tatouer Léa sur le bras.

— Léa ! ?

Toute cette description ne laissa nul doute sur son identité. Benoît était réellement revenu... Et si c'était lui qui l'avait appelé la nuit dernière ? Et s'il était revenu pour se venger d'elle ? Pour la détruire ?

Le cœur de Léa se mit à battre à un rythme démesuré. Était-ce ce à quoi elle pensait ? La peur ? Était-ce la crainte qui s'incrustait en elle ? Léa n'y croyait pas. C'était tout bonnement impossible. Elle refusait d'ailleurs que ce soit cela. Elle tenta de reprendre ses esprits, d'accepter la situation avec calme en se répétant que ce ne pouvait pas être Benoît, qu'il s'agissait sûrement de quelqu'un d'autre... Et puis, elle aimait croire que ce n'était qu'une farce de mauvais gout. Personne n'oserait s'en prendre à Léa Vermandois, pensa-t-elle.

Léa sortit un bloc-notes et s'empressa de noter tout ce que Thérèse lui disait.

— Comme c'est étrange..., commença Thérèse d'un ton sarcastique. Tu prétends ne pas reconnaître qui c'est, pourtant, il a bien gravé Léa sur son bras, ce qui peut nous faire penser à la fameuse Léa Vermandois. C'est moi qui dois remettre en question ta sincérité.

Léa releva la tête, fronça les sourcils, et répondit, rouge de colère :

— Écoutez, je n'aime pas du tout le ton sur lequel vous m'adressez ! Je suis votre avocate, tout de même, et j'ai droit à un minimum de respect venant de ma cliente ! Je n'ai pas de compte à vous rendre, c'est plutôt vous qui devez me rendre des comptes, à moins que je ne fasse erreur. En conséquent, je vous demande gentiment de cesser de me tutoyer, car je ne suis pas votre amie, ni votre sœur... Mais seulement votre avocate. Donc gardons notre relation professionnelle !

Thérèse ne brancha pas. Elle la dévisageait comme si elle voulait la sauter dessus pour la massacrer.

— Si vous n'êtes pas contente, renchérit Léa, je range mes affaires et vous allez voir ailleurs ! Je n'ai certainement pas envie de perdre mon temps avec une cliente aussi irrespectueuse que vous !

Léa jeta un coup d'œil à sa montre et ajouta :

— D'autant plus qu'il y a longtemps j'aurais dû dîner. C'est pour vous que je suis là !

Léa s'arrêta sur ces mots, sans lâcher ses yeux de vue. Elle espérait que Thérèse avait un minimum de compassion pour ce qu'elle avait fait pour elle, et qu'elle s'excuse. Mais pas un mot. Thérèse la fixait toujours avec cet air indifférent. Comment ne pouvait-elle pas être sensible à un acte aussi bienveillant ?

Léa insista :

— Je ne le fais pas pour l'argent, rassurez-vous ! Mon but est de vous aider. Alors si vous trouvez que vous n'en avez pas besoin, je range mes affaires, et vous vous débrouillerez toute seule, en espérant trouver un avocat aussi compétant que moi, qui, depuis le début de sa carrière, n'a perdu aucun procès.

Thérèse tourna la tête, de peur d'affronter le regard de Léa. Était-elle sur le point de baisser la garde ? Avait-elle l'intention de mettre la rage qu'elle éprouvait pour elle de côté ? Comptait-elle accepter son aide ? Léa usa d'arguments pour s'assurer de sa confiance :

— J'ai vingt ans d'expérience. Je suis trop bien habituée à ce genre de choses. J'ai défendu des innocents, des criminels... Et j'ai remporté tous mes procès. C'est pour cela que tous mes adversaires me redoutent. Alors, que vous soyez innocente, ou coupable, vous obtiendrez gain de cause. Évidemment, seulement si vous acceptez mon offre.

Léa fit silence. Son cœur battait à tout rompre. Et si cette femme était bien plus dure à cuir qu'elle ne le pensait ?

— J'accepte !

À l'issu de ces mots, le cœur de Léa se relâcha.

— Sage décision ! Parlons argent !

— Je voulais justement vous en parler. Tout d'abord, j'aimerais savoir comment vous calculez vos honoraires.

— Alors, comme bon nombre d'avocats, je fonctionne par tarifs horaires. C'est-à-dire que je facture le nombre de temps que je consacre à votre cas, ce qui comprend les rendez-vous entre vous et moi, les appels téléphoniques, les recherches... Mais également votre procès. Bien entendu, je prends en compte mes années d'expérience et la difficulté de votre affaire.

— Et vous avez un prix estimatif de vos honoraires ?

— Assurément. Je demande Cinq-cents euros par heure. Sachez que si le procès porte ses fruits, vous me devrez énormément.

— Il va falloir que Jack et moi nous nous arrangions pour vous payer.

— Il n'y a pas de souci, n'ayez crainte. »

Léa tapa le stylo sur le bureau, et reprit avec toute sincérité : « Je n'accepte pas de chèque, pas d'espèce, pas de Paypal. Uniquement les virements de compte courant à compte courant. Vous réglerez tout ça à la fin de votre affaire. Mais avant, j'aurais besoin d'un avancement de mille euros. Maintenant, j'aimerais que vous me communiquiez votre nom, votre prénom, votre adresse, votre numéro de téléphone portable, votre numéro de domicile, de votre travail, histoire de pouvoir vous joindre ; ce que vous faites comme travail, l'adresse à laquelle votre travail se trouve, votre état matrimonial, et le nombre d'enfants que vous avez, si vous en avez, évidemment, et leur prénom.

— ...

— Vous êtes Thérèse Ville, c'est ça ?

Thérèse sourit et la corrigea :

— Vals, mon nom est vals.

— Désolée.

Léa laissa courir son stylo sur les lignes pendant qu'elle donnait les réponses à toutes ses questions.

Quelques temps après, remarquant qu'il allait bientôt être dix-huit heures, Léa se hâta de poursuivre :

— Jack m'a expliqué que vous êtes seulement des petits amis. Est-ce bien cela ?

— Oui.

— Avez-vous des enfants en dehors ?

— Non.

— Très bien ! s'écria-t-elle en jetant sa tignasse en arrière. J'essaierai de faire avec le peu d'informations que vous m'avez communiquées. Pour clore cette entrevue, je vous fais part de mes horaires. Je suis libre du lundi au vendredi de sept heures à dix-huit heures, et le Samedi de sept heures à midi. J'attends de recevoir l'avance, et je vous rends visite prochainement.

Léa lui remit en main propre un petit papier jaune sur lequel était inscrit son numéro de téléphone et son adresse mail avant de continuer :

— Je vous donne mes coordonnées si jamais. Mais je ne pense pas que vous pourriez vous en servir vu votre situation.

Léa jeta de nouveau un coup d'œil à sa montre qui indiquait 18 : 01.

— Lorsque vous m'aurez avancé les mille euros, je viendrai vous voir pour vous expliquer vos droits concernant votre affaire. Aussi, j'entamerai des démarches pour vous faire sortir d'ici, en attendant votre procès. Il est hors de question que vous restiez une seconde de plus en détention provisoire. Lorsqu'il y aura du nouveau, je vous en ferai part.

— Merci.

— Je vous en prie, et bonne journée à vous !

Léa rangea ses affaires et disposa.


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