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14 : 19...
Léa se rinçait les mains dans l'évier, éliminant toute trace de savon avant de refermer le robinet. Elle sentit quelqu'un approcher derrière son dos. Elle se retourna de vive allure et constata que c'était seulement Cédric.
— Ah ! C'est toi.
Il vint plus près d'elle, réduisant ainsi la distance qui les séparait. Il entourna ses joues de ses mains viriles et lui annonça :
— Je t'ai préparé une petite surprise.
Elle esquissa un mince sourire et lui demanda :
— Laquelle ?
— Attends, autrement ce ne sera plus une surprise.
— Et je l'aurais quand, ma surprise ?
— Seize heures.
— Hum... Tu me fais mariner, mon chou.
— C'est fait exprès, répondit-il en mordillant sa lèvre inférieure.
— Eh bah ! Puisque c'est ainsi, on a le temps de faire deux ou trois bêtises.
Il ricana et la souleva pour la déposer sur le plan de travail.
La sonnerie retentit. Ils descendirent à toute vitesse les escaliers. Léa prit le devant et ouvrit la porte.
— Huguette ! ? s'exclama-t-elle. En voilà une belle surprise. Vas-y entre !
Elle s'écarta du chemin pour qu'elle puisse passer. Cédric enchaîna :
— C'est moi qui l'ai fait venir.
Le sourire jusqu'aux oreilles, Léa demanda :
— Ah bon ? Pourquoi ?
— Elle est psychologue, Léa.
Son sourire s'effaça.
— Pardon ?
— Elle est psychologue...
— Non, non.... Je veux dire que je ne comprends pas en quoi ça à voir avec...
Elle s'arrêta le temps de faire une réflexion, et reprit :
— C'était ça la surprise ?
— Oui.
— Attends, Cédric...
Elle recula.
— Là je ne te suis vraiment plus.
Perdue, elle accumulait les questions :
— J'ai l'air de vouloir raconter ma vie ? C'est pour ça que tu lui as demandé de venir ? Et tu pensais que ça allait me faire plaisir ? Non... Mais... Je n'en reviens pas ! C'est la pire surprise qu'on ne m'ait jamais faite jusqu'à maintenant !
— Calme-toi, Léa. On peut trouver un terrain d'entente.
— Non, Cédric, je ne veux pas passer mon temps à conter mes problèmes !
— Donc tu avoues que tu as des problèmes !
— Ça suffit ! Je ne veux plus t'entendre ! Le pire, c'est que tu as organisé ce rendez-vous derrière mon dos.
— Oui mais...
— Sans me consulter ! Enfin tu t'imagines qu'il s'agit de moi, là, Cédric ! ?
— Léa....
— Non, plus un mot.
Huguette, un peu mal à l'aise par la situation, les interrompit :
— Je crois que je devrais m'en aller !
À cet instant, ils lui prièrent en chœur :
— Non, reste !
Léa n'arrivait pas à croire que Cédric avait pu lui faire ça. Non, pas lui. Mais plus elle y pensait, plus elle se disait que Cédric n'avait peut-être pas tort, qu'elle commençait à perdre la raison... Peut-être que Benoît n'avait rien à voir avec ce qu'elle était en train de vivre. Elle se disait que peut-être qu'elle culpabilisait simplement pour tout le mal qu'elle lui avait causé par le passé. Mais plus elle rassemblait les pièces du puzzle, plus elle avait la conviction que c'était lui. Lui seul pouvait lui vouloir du mal, lui seul avait une raison valable de l'éliminer... Mais en même temps, elle se répétait qu'un tas de gens pouvaient vouloir à sa peau... Était-elle en train de perdre la tête ?
Léa accepta finalement de se faire aider par Huguette. Cédric resta stoïque pendant un vague instant, le temps de comprendre ce qu'il se passait. Puis, un immense sourire se dessina sur son visage.
***
Léa était assise en face d'Huguette. Elle porta la tasse de café à sa bouche, et, sans trop lui donner de pression, Huguette lui demanda avec calme :
— Alors... Tu te sens prête à te libérer ? Tu veux parler de tes problèmes qui te font du mal ?
Léa hocha la tête. A ce moment-là, elle lui raconta tout.
— Et après, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Eh bah... Je suis tout de suite allée le voir... Tu comprends, tout ceci me semblait beaucoup trop mensongère et... J'avais besoin d'une réponse. J'étais désespérément à la recherche d'une confirmation de la part de Benoît. Je voulais tout savoir car je ne pouvais plus vivre dans cette ignorance.
— Et que t'a-t-il dit ?
— Eh bah...
Elle fondit en larmes. Puis elle essaya de se calmer pour reprendre :
— Il m'a avoué. Il m'a avoué que c'était lui qui avait tué ma sœur.
— Et comment t'es-tu sentie à ce moment-là ?
— Bah... au plus bas. Je me suis sentie à la fois trahie et stupide. Huguette, je croyais en son innocence. Je croyais aveuglement en lui. J'étais prête à le défendre bec et ongles. Mais il m'avait menti sur toute la ligne. Et ce qui me mortifiait c'était qu'il avait assassiné ma propre sœur. Je ne pouvais pas le défendre, tu comprends ? Je ne pouvais pas. Je n'avais pas cette force. C'était tout bonnement impossible.
Un silence parcourut toute la pièce.
— Et après ?
— J'éprouvais un profond regret.
— Oui, c'est compréhensible. Tu lui as accordé toute ta confiance et voilà qu'il l'a traînée dans la boue.
— Ce dont j'avais le plus envie c'était de me venger de lui pour cette trahison et pour s'en être pris à ma sœur, l'être que j'aimais le plus au monde après mes parents.
— Et il t'a donné la raison de son crime ?
— Non, même pas. Tu sais, il a osé dire que Jessica ne lui avait pas donné le choix. Mais tu te rends compte à quel point il est cynique ? Il n'a pas ne serait-ce que le moindre bon sens. Mais, je n'arrive pas à croire qu'il n'ait jamais ressenti le moindre regret.
— Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
— Il a versé toutes les larmes de son corps et m'a juré que ma sœur ne lui avait pas laissé le choix. Enfin je veux dire qu'on a toujours le choix, n'est-ce pas ?
— Oui...
— Il a osé rejeter la faute sur Jessica.
Une larme s'échappa de ses yeux et elle insista :
— Mais comment il n'a pas regretté son acte ! En plus il m'avait juré qu'il était innocent. Il avait même été capable de pleurer.
— Et qu'est-ce qu'il s'est passé après ?
— Eh bah, en le regardant droit dans les yeux, je lui ai annoncé que je renonçais à son cas. Il m'a supplié de ne pas l'abandonner. Il m'a juré qu'il avait besoin de mon aide. Il pleurait.
Léa ouvrit grand les yeux pour montrer mon étonnement.
— Il m'a dit qu'il ne pouvait pas s'en sortir sans moi. Mais moi, j'avais terminé avec lui. J'en avais jusqu'ici de ses mensonges. Il me répétait qu'il avait fait tout ceci pour moi et qu'il m'aimait. Il prétendait qu'il m'aimait.
— Donc nous avons affaire à un psychopathe. Il faut faire attention, ce type est beaucoup plus dangereux que tu ne le penses. Il est capable de mettre au profit ses sentiments pour après te poignarder dans le dos. Les psychopathes ne peuvent aimer personne d'autre qu'eux-mêmes.
— Oui, approuva-t-elle en hochant la tête.
— Qu'as-tu fait après ?
— Je lui ai craché au visage tout ce que je pensais de lui. Je lui ai dit à quel point il me répugnait, à quel point je regrettais... regrettais de l'avoir rencontré et tout le reste. Je ne préfère pas rentrer dans les détails.
— Oui, je comprends, ça te fait très mal d'en parler.
Léa pleurait :
— Oui. J'ai quitté le commissariat en courant et je l'ai laissé en plan. Son jugement a été rendu par la suite, et il a été envoyé dans un centre psychiatrique. Aujourd'hui, il prétend être de retour pour me faire payer. Il m'a averti que mes jours sont comptés. Il... Il m'a dit que tout ce qu'il me fait subir n'est que l'incipit de mon calvaire. Il a déjà tenté de me tuer dans l'ascenseur de l'hôpital. Il est capable de recommencer. Et puis j'ai peur qu'il s'en prenne à mes enfants. C'est justement pour ça que j'ai demandé à Camille de s'éloigner de son copain qui n'est ni plus ni moins que Benoît. Elle l'a rencontré sur les réseaux sociaux il y a à peine quelques semaines et elle croit déjà l'aimer. Mais ce n'est pas de l'amour, ça. Elle... Elle n'est pas amoureuse. Et puis il risquerait de l'assaillir. C'est un dangereux psychopathe. Elle ignore que Benoît s'est rapproché d'elle pour m'avoir près de lui.
— Mais pourquoi il veut que tu payes ?
— Il veut que je paye pour toutes les souffrances qu'il a endurées pendant vingt longues années de sa vie à cause de moi. Il m'en veut aussi de l'avoir humilié.
— Tu ne dois surtout pas te sentir coupable, Léa. Tu as fait ce qui était juste. Et encore, tes humiliations n'ont pas ramené ta sœur. Tu n'as franchement pas à te sentir coupable, Léa. Tu es totalement innocente dans cette histoire. Tu n'es ni plus ni moins qu'une autre de ses victimes. Mais moi, ce que je te conseille maintenant, c'est d'aller le dénoncer auprès de la police. C'est le mieux à faire.
— Non, je ne veux plus faire cette erreur, comprends-moi, Huguette. Parce que lorsqu'il sortira de prison, il risquerait d'en finir avec moi.
— Non, Léa. Ne pense pas ainsi. Ce n'est pas comme ça que tu t'en sortiras.
— Je sais mais, j'en ai assez de vivre dans les erreurs...
— Et tu crois que te taire sera juste ? Tu penses que c'est une bonne solution ? C'est la pire erreur que tu n'aies jamais faite de toute ta vie.
Léa se leva de la chaise. Huguette se leva à son tour et insista :
— Mais Léa, je ne sais pas si tu mesures la gravité de la situation. Tu es en danger et tu risques de mourir.
— Mais qu'est-ce que je peux faire ?
— Le dénoncer.
— Non. Il...
— Arrête d'avoir peur de lui. S'il va en prison, il ne pourra plus rien contre toi...
— Tu ne connais pas Benoît comme moi je le connais, Huguette. Il est tout autant bien capable de payer quelqu'un de l'extérieur.
— Tu dis n'importe quoi. Agis au lieu d'imaginer les conséquences de ton acte ! Ta survie ne dépend que de toi !
— Non !
— Personne ne pourra t'aider si tu ne fais rien pour te sortir de ce pétrin.
— Ça suffit, Huguette !
— Léa, tu es en danger de mort ! C'est extrêmement grave ! Au moins laisse-moi le faire pour toi...
— Non, il te tuera, puis il me tuera.
— Mais moi je n'ai pas peur. Et puis, il ne saura rien.
— Si, il saura comment tout connaître. Il est très intelligent.
— Tu réfléchis trop, Léa. Cesse de te projeter dans l'avenir... Tu ne peux pas réussir si tu n'essaies pas...
— Laisse-moi, Huguette.
Léa se dirigea vers la sortie.
— Tu préfères que ton mari croie que tu le trompes, ou que tu es secouée par ton échec ?
Léa s'arrêta. Huguette poursuivit :
— Non, pire, que tu es folle ! ? Tu préfères qu'on te voie comme une mère indigne ? Tu veux qu'on te croie égoïste ? Tu veux que tout le monde se dise que tu ne veux que le malheur de tes enfants ? Tu veux que Camille te déteste jusqu'à son dernier souffle ? C'est ça que tu veux ? Tu veux que Vince, Alix, et Manon grandissent dans une maison close, dépourvue de toute lumière ? C'est ça que tu veux ? Tu veux que Cédric divorce de toi et qu'il t'enlève tous tes enfants ? C'est ça que tu veux ? Dis-moi !
— Qui t'a raconté tout ça ?
— Cédric. Il se fait énormément de souci pour toi. Tu n'en as pas idée. Léa, tu encoures un énorme danger. Tu n'as pas encore compris ? Tes jours sont comptés, Léa.
***
En réfléchissant de plus près au comportement de Benoît, Huguette se rendit compte que les symptômes qu'il présentait s'apparentaient à la schizophrénie : les délires, les troubles de la pensée et du langage, l'indifférence au monde extérieur...
MERCREDI 15 JUIN 2016...
Le lendemain matin, très tôt, Huguette rendit une petite visite à Mike pour lui demander s'ils ont toujours le dossier de Benoît Hernandez. Par quoi celui-ci lui répondit que oui, et qu'il était tombé dessus en classant les dossiers. Malgré ses multiples tentatives pour qu'il puisse le lui donner, Mike se préserva de lui faire cette faveur, mettant en avant son devoir de professionnalisme.
Huguette se dit qu'il ne lui restait plus qu'à employer les grands moyens. La nuit, aux alentours de vingt-trois heures, elle fit infraction à l'hôtel de police. Elle savait qu'elle n'en avait pas le droit. Mais elle cru qu'elle n'avait pas d'autre solution.
Huguette passa des heures à ouvrir et à fermer des tiroirs, à feuilleter et lire des dossiers, et surtout, à craindre que quelqu'un la surprenne. Mais heureusement, trois heures du matin retentirent, et elle trouva enfin ce qu'elle cherchait. Son cœur cognait douloureusement contre sa poitrine. Elle saisit le dossier, tel un diamant, et put lire en toutes lettres « Benoît Hernández ». Elle respira un bon coup, et décida de l'emporter chez elle.
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