3


Le premier avocat de Thérèse n'avait pas su lui être utile. Elle avait fini en détention provisoire. C'était maintenant à Léa de faire ses preuves.

Léa traversa le long de la salle bondée de détenues, toujours avec la même assurance qu'elle dégageait. Elle avançait, la tête droite, les yeux dirigés vers ceux d'une femme aux cheveux bruns... celle-ci se trouvait tout au fond de la salle. Elle lui esquissa un sourire avant de lui tendre la main.

— Je suis Léa Vermandois, avocate en droit pénal. Je vous représenterai, vous défendrai, et vous innocenterai.

Mais d'un regard presque hautain, la jeune femme répondit froidement :

— Je ne m'en étais pas doutée !

Après quelques instants d'hésitation, la jeune femme décida de lui serrer la main.

— Enchantée ! Jack m'a parlé de toi... Je peux te tutoyer ?

— Bien sûr !

— Installe-toi, je t'en prie.

Léa s'installa juste en face d'elle, déposa son sac à sa gauche afin de soulager ses épaules, et croisa ses jambes avant de poursuivre :

— Apparemment vous êtes des amis de longues dates. Je ne te voyais pas comme ça lorsqu'il me parlait de toi. J'avais plutôt une image de toi blonde, courte, avec la peau ridée....

Léa laissa échapper une grimace et riposta :

— Je suis vieille mais pas à ce point ! Je n'ai que quarante-six ans !

Cette réflexion souleva en elle de bons vieux souvenirs : elle se rappela les sorties en famille, les balades entre sœurs... Que de bons souvenirs perdus à cause de cette espèce de fumier !

La jeune prisonnière la tira de ses pensées :

— Eh oh ! Tu es là ?

Des larmes commencèrent à s'échapper des yeux de Léa.

— Je suis désolée ! J'étais en train de me rendre compte que le temps défile vite, et que, ce qui est fait est fait, on ne peut rien y changer.

— Tu n'as pas tort. Ah oui ! J'avais presque oublié de te donner mon nom. Moi c'est Thérèse Vals. Désolée de t'avoir mal accueillie et de t'avoir mis dans l'embarras.

— Non, ce n'est rien.

Après avoir épongé ses yeux, d'un ton sérieux, Léa lui annonça :

— Il va falloir que vous me racontiez tout ce que vous savez de cet incendie, dans les moindres détails.

Elle ne prononça plus aucun mot. Elle resta muette comme une carpe avant de se mouiller les lèvres et de commencer son récit.

Ce jour-là, elle passait dans le coin avec sa vieille Clio. Elle venait tout juste de faire les courses quand elle avait aperçu un homme aux cheveux noirs, largement gras, tenant un jerrican, en train de verser son contenu tout autour de l'orphelinat. Elle ne s'était pas encore aperçue que c'était de l'essence. Elle avait ouvert la porte de sa voiture et avait crié : « Eh ! Que faites-vous ! ? ». Il s'était retourné et Thérèse avait pu remarquer que ses yeux étaient noirs. Elle ne pouvait pas se tromper, ils étaient bel et bien noirs. Elle s'était approchée de lui, et elle avait remarqué sur son bras droit qu'il était écrit en toutes lettres Léa.

Léa se racla la gorge, surprise par ce qu'elle venait d'entendre. Une boule se forma au creux de son ventre. C'était lui, pensa-t-elle. Il avait sûrement dû s'enfuir du centre psychiatrique. Alors qu'un silence gênant s'installait entre les jeunes femmes, Thérèse demanda aussitôt :

— Que se passe-t-il ? Tu le reconnais ?

— Non, je ne vois pas qui c'est.

— Puis-je continuer ?

— Allez-y !

Et c'est à ce moment qu'elle s'était rendu compte qu'il tenait un jerrican d'essence et qu'il avait l'intention de commettre un effroyable délit. Elle voulait l'en empêcher mais il l'avait averti que si elle faisait un pas de plus, il aurait lâché l'allumette à terre, ce qui aurait tué tout le monde dans cet orphelinat. Mais Thérèse, refusant la soumission, s'était quand même approchée de lui. Alors, ces mots étaient passés de menace à exécution. Ensuite il avait pris la fuite. Entendant la sirène de la police, Thérèse s'était précipitée dans sa voiture de peur d'être accusée. Le rythme de son cœur s'était aussitôt accéléré. Jamais elle ne s'était retrouvée dans une telle situation. Une situation aussi effrayante qu'exaltante. Elle n'avait qu'une seule chose en tête, échapper les forces de l'ordre ! Elle avait appuyé l'accélérateur en espérant ainsi semer ceux qui étaient à sa poursuite. Elle avait le sentiment d'être à la place d'un criminel en fuite, même si ce n'était pas le cas. Elle sentait de plus en plus la pression monter. Elle ne savait plus où aller. Elle empruntait le premier chemin que son instinct lui conseillait. Malheureusement, ça l'avait mené dans une impasse. Elle s'était piégée elle-même. Et au moment où elle s'était arrêtée, son cœur avait cessé de battre. Elle était faite comme un rat. Un des policiers avait hurlé dans le porte-parole : « Vous n'avez plus aucun issu, Madame ! Sortez de la voiture, les mains derrière le dos ! » Elle n'avait pas le choix de toutes les manières, elle devait se rendre.

Thérèse laissa sa tête retomber sur la table et se mit à pleurer. Il paraissait à Léa qu'elle venait de retrouver une autre des victimes de Benoît Hernández.


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