21
Léa frappa deux à trois fois à la porte avant d'ouvrir. Helena était allongée sur le lit, les yeux fermés. Tout son corps était recouvert de draps blancs. Et pourtant, elle paraissait plus maigre que la dernière fois où elle l'avait vue. Elle poussa un léger gémissement. Son visage était un tantinet blafard. Léa s'approcha d'elle de pas hésitants. Elle jeta sa tignasse vers l'arrière et s'assit à son chevet. Elle ouvrit un œil, juste un seul, histoire de la surveiller sans qu'elle ne puisse la voir. Léa pensa que cette femme n'avait pas changé depuis qu'elle la connaissait.
— Que faites-vous là ? demanda-t-elle d'un ton qui se voulait calme.
— J'ai besoin que vous m'apportiez une réponse. Et cette fois-ci, je ne m'en irai pas tant que je ne l'aurais pas obtenue.
— Vous n'avez donc pas de pitié pour moi ! ? Ne voyez-vous pas que je me trouve dans un état aussi déplorable ? Laissez-moi me reposer !
Helena se retourna.
Un long silence traversa la salle. Léa poussa un soupire de mécontentement. Et Helena reprit :
— Vous êtes toujours là ! ?
Léa croisa les bras et répondit :
— Je vous ai dit que je ne m'en irai pas tant que vous n'aurez pas accepté de m'écouter et de me donner ce que je veux. Il me semble avoir été claire.
— Mais moi je vous dis que je suis malade. C'est mon dernier mot !
La patience quitta Léa. S'en était trop. Elle se leva brusquement et retourna Helena par la force.
— Déjà lorsque je parle, je déteste qu'on me montre son dos !
— Mais qu'est-ce qui vous prend de brutaliser une pauvre vieille femme ! ?
— Où est Benoît ! ?
— Cessez de m'importuner !
— Si je vous importune, tant mieux ! Vous finirez peut-être par cracher le morceau !
— J'appelle la sécurité !
— Faites-le !
Léa la prit par le col et la détacha de son lit. Et avec fermeté, elle lui hurla au visage :
— Benoît est-il au centre, oui ou non ! ?
— Très bien ! Lâchez-moi ! Je vous dirai tout !
Elle feignit de manquer d'air. Elle toucha son coup et sortit sa vieille langue blanche.
Et maintenez la distance entre nous, votre haleine sent le poisson avarié !
Voyant que la vieille femme n'était pas prête à répondre, Léa chercha à faire pression sur elle :
— Vous allez parler, oui ou non ! ?
Léa saisit son col pour lui faire sentir la menace qui pesait contre elle.
— Vous voulez l'entendre ? Bah je vous la dirai, la vérité...
Léa lâcha sa prise, et recula sous ces pas glaçants. Tendus, ses oreilles n'attendaient plus que la réponse à la question qu'elle se posait depuis un certain temps.
— ... Benoît est toujours au centre.
— Ce ne peut être possible. Je ne vous crois pas. Rien de tout cela n'est vrai ! Ce n'est pas possible, espèce de grosse garce ! Benoît est le seul à me vouloir du tort : j'avais refusé son cas, c'est le mobile parfait.
Le sourire large, Helena ne disait rien.
— Mais, si ce n'est pas lui, qui m'appelle sous cette voix masculine ? Qui m'appelle sous cette voix aussi grave ? Non, c'est forcément Benoît ! J'ai reconnu sa voix... Vous le couvrez ! Je suis sûre que vous êtes dans le coup !
Helena poussa un gloussement.
— Tu me fais pitié, sale chienne ! Tu es tellement désespérée ! Pendant vingt ans, vingt longues années j'ai attendu ce moment, ce moment où tu m'implores de t'aider, et enfin, ce moment se présente.
— C'est vous ! C'est vous ! Mais croyez-moi, je n'ai pas peur de vous ! Et bientôt vous serez mangée par les vers !
— Que tu veuilles le croire ou non, sache que mon fils est toujours enfermé au centre psychiatrique ! Tu voulais la vérité ? La voilà !
Une larme perla le long de la joue de Léa pour s'échapper lentement de son corps, cette larme qui n'en pouvait plus de rester cloitrée à l'intérieure d'elle, alors condamnée à assister à ce grand conflit qui grandissait en elle à mesure que le temps passait.
Léa se retourna, se dirigea vers elle et la prit par le col.
J'exige la vérité ! Vous ne comprenez pas que je n'en peux plus de demeurer dans l'ignorance ! ? D'avoir à supporter cet énorme poids qui pèse lourdement sur ma poitrine ! ? À savoir que je suis destinée à vivre dans l'incertitude, dans l'inquiétude et dans l'angoisse... ! ?
Helena lui montra à nouveau son dos. Mais elle l'obligea à l'écouter en la retournant.
— Vous savez ce que c'est de savoir sa famille en danger ? De ressentir la peur du danger pour ses enfants, pour son mari... ?
Helena planta son regard dans celui de Léa. Les yeux de Léa se mouillèrent, s'emplirent de larmes. Des larmes de désespoir. Mais la vieille restait impassible. Léa ne savait pas quel genre de personne se trouvait en face d'elle. Comment ne pouvait-elle pas éprouver le moindre sentiment de remord ? N'avait-elle pas pitié de Léa ? Au moins pouvait-elle penser à ses enfants qui n'étaient que des êtres sans défense. Des êtres encore fragiles. Et c'était ainsi que je Léa voyait ses enfants, dépourvus de toute puissance. Et elle pouvait les aider. Mais pour ce faire, il fallait impérativement qu'Helena la porte secours. Mais Helena la regardait avec impartialité.
Léa cherchait à déceler cette part de mystère dans son regard. Mais il était impossible. Elle ne pouvait comprendre le sens caché de ces mots qui se formaient sous le voile de ses pupilles. Que lui disait-elle ? Léa n'en avait pas la moindre idée. Et c'est ce qui la rongeait le plus.
— Je... Je n'ai plus aucun espoir... Vous êtes ma seule chance, Madame. Demandez-lui d'arrêter avec sa stupide vengeance.
Léa passa sa langue sur ses lèvres qui s'asséchaient à cause de la fraîcheur du climatiseur.
— Madame... Que feriez-vous si un jour quelqu'un décidait de menacer votre fils... Benoît... ?
— J'userai toutes les dernières forces qu'il me reste pour anéantir cette personne. Mais comme ce n'est pas le cas...
— Mais, admettons ! Supposons qu'un dangereux criminel...
— Je n'aime pas sympathiser avec mes ennemis.
— Je sais mais... Vous vous rendez compte de la gravité de la situation ! ? Ce sont des enfants de quatre, onze ans... qui sont en danger... !
— Mon fils les a menacés ?
— Mais...
— Répondez juste à ma question... Mon fils a menacé vos enfants, oui ou non ?
— Non !
— Bah foutez le camp d'ici, salope ! Je n'oublie pas le coup bas que vous aviez fait à mon fils ! Soi-disant que vous êtes une femme de parole ! En plus d'être traitre, vous êtes menteuse, lâche... !
— Ça suffit !
Helena s'arrêta. Elle se retourna et lança :
— Partez ou sinon j'appelle la sécurité !
Après quelques moments d'hésitation, Léa se leva. Mais puisqu'elle aimait avoir le dernier mot, elle ajouta avec mépris :
— Vous n'êtes pas dernière, Madame ! Prenez le temps de vous observer, et dites-moi si vous n'avez pas quelques défauts voilés par votre apparence. Et je suis la mieux placée pour connaître tous vos petits vices, Helena ! Je vous connais beaucoup trop bien, Madame !
Et elle s'enfuit en claquant la porte derrière elle.
Léa éclata en sanglots et se précipita sur l'ascenseur. Par chance, il n'y avait personne à l'intérieur. Personne pour la voir dans cet état aussi piteux. Personne pour voir son visage aussi fade, gras, et tacheté de mascara...
L'ascenseur se referma.
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