19
Léa ne savait que faire dans une situation pareille. Alerter Cédric ne ferait qu'empirer les choses, et se taire ne ferait que donner le champ libre à son bourreau. Elle s'enfonçait dans un dilemme sans issu. Léa passait ses mains sur son visage afin de retrouver son calme. Elle jetait un coup d'œil à son rétroviseur pour s'assurer que Benoît n'était pas là. Elle décida de prendre la route seule, dans cet état aussi piteux. Sa raison n'avait de cesse de la répéter qu'il était temps qu'elle explique à Cédric ce qu'il se passait. Mais son cœur la persuadait du contraire. Son téléphone était là, sur la radio, à attendre qu'elle le saisisse. Mais elle ne voulait pas le faire. Elle se l'interdisait. Elle préférait préserver la vie de Cédric plutôt que la sienne. Elle ne cessait de repenser aux dires de Benoît.
« Prépare-toi, Léa... »
Tels étaient ses mots. Et il ne les avait pas prononcés d'un ton naturel. Au contraire, il les avait dits d'un ton bref, glacial, et menaçant... Ces propos résonnaient en Léa. Et celle-ci avait le sentiment qu'ils étaient là, juste derrière elle, prêts à la rattraper, à s'emparer d'elle, à l'envelopper tout entière, et à la serrer, à la compresser, jusqu'à ce que son souffle ne soit plus, jusqu'à ce que l'oxygène lui manque...
Léa était sa principale cible. Elle sentait le danger la guetter. Il la suivait partout où elle allait. Le moindre faux pas de sa part pouvait lui coûter la vie. Elle ne devait rien faire, elle devait tout subir.
Léa avait appris que dans la vie, il y a toujours une solution, que si on ne la cherche pas, c'est nous qui faisons le choix. Alors, elle prit son courage à deux mains, et se résigna à aller voir la maman de Benoît. Elle savait que c'était une pure folie, mais, que pouvait-elle faire d'autre ? Elle savait qu'Helena ne voulait pas la voir, mais elle était persuadée qu'il lui restait un peu d'humanité après toutes ces années... Léa était persuadée qu'Helena était la seule sur Terre pouvant arrêter son fils. Elle se dit qu'elle pouvait le raisonner. Elle ne pouvait pas laisser sa seule chance de trouver la paix s'enfuir, elle devait la saisir !
***
5 Rue de Lille, 59223 Roncq
Léa descendit de sa voiture. La réverbération du soleil luisant lui parvenait au visage, brûlant ainsi sa peau. Elle plissa légèrement les yeux, tant elle était éblouie. Elle referma la porte derrière elle.
Le vent soufflait doucement, telle une brise d'été.
« Tout va s'arranger », se dit-elle.
Le quartier respirait la quiétude. Le bruit semblait avoir déserté la Terre. Elle ne voyait presque plus de voiture sur la route. Et il n'y avait aucune trace d'enfants dans les parages. Léa ne savait pas si c'était l'ambiance qui régnait ici qui lui faisait un tel effet, mais elle avait cette impression de renaissance. Et si c'était ici que son âme s'apprêtait à reprendre le souffle de vie ? Tout lui indiquait qu'elle ne se trompait pas. Elle s'avança pas à pas vers la maison de la Maman de Benoît. Un sourire étira ses lèvres. Oui, le bonheur, il était là, elle en était sûre.
Elle frappa trois coups à la porte et patienta un instant. Mais personne ne vint lui ouvrir. Alors, elle pensa que ses coups n'avaient pas été assez puissants. Donc, elle recommença, et cette fois-ci, en vidant toute son énergie. Malheureusement, rien ne se passa. Elle tenta de regarder à travers la serrure de la porte, mais elle n'y voyait que du feu. Elle mit ses mains sur ses hanches et se mit à tourner sur elle-même, cherchant à savoir si Helena n'arrivait pas. Elle soupçonnait qu'Helena fut sortie, même si elle n'en avait pas l'habitude. Léa se mit de nouveau à frapper de toutes ses forces sur la porte, espérant que quelqu'un lui ouvre. Mais sans succès. Impatiente, elle mit ses mains de part et d'autre de sa bouche et hurla :
— Madame ! C'est moi, Léa ! Léa Vermandois ! Ouvrez-moi, s'il-vous-plaît ! Il faut que je vous parle de toute urgence ! Madame ! J'ai besoin de vous parler ! C'est urgent !
Elle se mit de nouveau à taper contre la porte.
— Madame ! S'il-vous-plaît...
Léa commençait à fatiguer. Elle n'en pouvait plus. A force de crier, sa gorge lui faisait mal ; et à force de taper contre la porte, ses mains étaient douloureuses.
— Madame Hernández !
Léa se dit alors qu'Helena était sortie. Elle prit son téléphone et composa son numéro, puis décrocha, dans l'espoir qu'elle lui réponde, en vain.
Léa se retourna et s'assit sur une marge d'escalier, désespérée. Elle enfonça sa tête entre les jambes, laissant ainsi sa chevelure brune tomber. Elle passa ses mains sur son visage pour chasser ce stress qui l'habitait. Mais il paraissait l'envahir de plus en plus.
***
De retour chez elle, Léa trouva Cédric sur le canapé en train de regarder la télé avec sa mère. Il leva la tête vers elle et, il s'exclama :
— Ah ! Te revoilà ! Je voulais te parler de quelque chose.
Léa lui fit la bise et déposa ses clés sur la table qui soutenait la télévision. Puis elle se joignit à lui. Après avoir poussé un long soupir, elle lui dit :
— Vas-y ! Je t'écoute.
Il l'entraîna dans la chambre et referma la porte derrière lui.
— Eh ! Mais... Pourquoi... ?
— Je voulais qu'on parle en privé.
— Oui, d'accord. Mais n'oublie pas que ma mère a le droit de savoir ce qui se dit entre nous, elle est ma mère et je ne compte pas l'exclure...
— Oui, oui ! Je te comprends. Écoute ! commença-t-il en me prenant sa main. Écoute bien ce que je vais te dire, c'est vraiment important pour moi... Il faut que tu le saches.
— Oui, oui, vas-y.
— Quand j'ai conduit Thérèse au commissariat... elle a tenté de me convaincre qu'il fallait que je divorce de toi, et que je t'arrache tous les enfants. Elle m'a dit que le juge ne t'accorderait jamais la garde des enfants en sachant que tu as ramené la suspecte de l'incendie de l'orphelinat Saint Joseph chez toi, mettant ainsi en danger la vie de nos enfants ; sans compter que tu étais au courant qu'elle portait une arme sur elle. Elle a dit que le juge t'enlèverait les enfants en vertu de ton irresponsabilité, et...
Le visage de Léa se crispa, et elle lui coupa la parole avant qu'il n'aille plus loin :
— Attends, attends ! Deux secondes...
Elle lui montra la face de sa main pour qu'il s'arrête. Et elle baissa la tête, rouge de colère. Elle n'en croyait pas ses oreilles.
— Tu dis que...
— Oui, c'est la vérité, il faut que tu me croies, jamais je n'aurais inventé une chose aussi grave.
Léa afficha un sourire nerveux et lui répondit, bien calmement :
— Non, non, je te crois. C'est juste que je n'arrive tout simplement pas à comprendre pourquoi Thérèse se sent obligée de causer du tort autour d'elle. Je n'arrive pas à comprendre. Je me demande si elle ne devrait pas consulter un psy. Parce que ce qu'elle fait est très grave... Déjà que je ne savais pas qu'elle possédait une arme sur elle... Comment peut-elle vouloir séparer un enfant de sa mère sur la base d'un mensonge ?
Léa réalisait qu'elle ne savait pas à qui elle avait affaire. Elle ne connaissait pas Thérèse. Elle ne savait pas jusqu'où cette femme était capable d'aller. Mais elle se demandait surtout pourquoi Thérèse voulait-elle la voir autant souffrir ? Qu'avait-elle à y gagner ? Que cherchait-elle au juste ? Quel était son but ?
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