13

Camille, la fille de Léa, descendit pas à pas les escaliers et joignit sa mère dans le salon. En voyant sa fille arriver, Léa lui demanda bien sagement :

— Tu n'as pas répétition de danse, ce matin ?

— Si, mais à dix heures.

Camille s'arrêta près de Léa et lui caressa l'épaule.

— J'ai entendu la violente dispute que tu as entrepris avec Papa ce matin.

Léa esquissa un sourire pour attribuer un côté moins triste à la situation dans laquelle elle se trouvait.

— Je suis désolée. Tu sais que je donnerai tout pour que vous vous réconciliiez, toi et Papa.

— Je sais, mon cœur. Tu n'y es pour rien, ne t'en fais pas.

— Je sais mais... je n'aime pas vous voir fâchés.

— Oui, ma puce. Mais, en y réfléchissant bien... on remarque que je n'ai ce que je mérite.

— Ne dis pas cela, Maman. Vas-y, raconte-moi tout !

Camille s'assit sur les genoux de sa mère, attendant qu'elle lui raconte tout.

— Hier je n'étais vraiment pas dans mon assiette. Donc lorsque ton père a essayé de coucher avec moi, je l'ai repoussé. Il l'a très mal pris et a commencé à se mettre en tête que je le trompe. Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs ! Ce matin, il a découvert les coordonnées d'un ami et s'est imaginé des choses. Je ne dis pas que ton père, c'est un con. Mais je pense qu'à l'avenir il ferait mieux de se renseigner un peu plus avant de tirer des conclusions trop hâtives.

— Maman, il faut que tu saches que tu n'es pas totalement innocente non plus dans cette histoire. Crois-moi, Papa souffre. Il ne sait plus où il en est. Ces derniers temps tu es très distante avec lui. Tu penses que nous, ça ne nous affecte pas ? Bien sûr que si ! On le remarque ! Je ne te cache pas avoir pensé la même chose que Papa au départ. Mets-toi à sa place deux secondes. À quoi veux-tu qu'il pense ? Que penses-tu qu'il ferait ? Cet acte montre à quel point il est désespéré. Il a besoin de retrouver la Léa d'autrefois... Il a quarante-sept ans mais il a toujours besoin de sexe. Tu sais comment sont les hommes... Tu ne te rends peut-être pas compte mais cet acte prouve à quel point il t'aime et qu'il tient à toi. Penses-y !

Après un long moment de silence, Camille se leva, et ajouta avant de s'en aller :

— Moi je te conseille de tout faire pour arranger ça. Car tu es à deux doigts de perdre Papa. Même si tu peux être sûre de l'amour qu'il porte à ton égard. Allez ! Je file chercher Brigitte. Je t'aime. À plus !

Encore une fois, Léa se sentit fière d'avoir une fille de dix-sept ans, qui sache toujours quoi faire pour la remonter le moral et l'épauler.

***

Léa s'arrêta devant la prison municipale de Dunkerque. Elle quitta sa voiture et, comme d'un œil neuf, elle se mit à contempler la ruelle qui l'entourait. Une immense quiétude y régnait. Des véhicules faisaient des vas et viens, entrainant avec eux des bruits de roues et de moteurs. Mais ce n'était que des détails. Une légère brise soulevait les cheveux de Léa pour les projeter en arrière. Son tee-shirt était secoué par le vent violent. Tout paraissait beau et paisible à Léa.

A l'entrée de la prison, elle tomba sur deux policiers, du moins, deux gardes, qui la regardaient d'un ton indifférent et sévère à la fois. Elle passa le plus discrètement possible. Plus loin, elle fut soumise à un contrôle pour vérifier qu'elle ne possédait aucune arme dangereuse, aucune drogue illicite...

Léa poussa la porte de la cafétéria et fut de nouveau confrontée à ce bruit bestial... Tout le monde parlait haut et en même temps, si bien qu'elle n'entendait pas le son que produisaient ses talons aiguilles sur le sol. Elle s'assit à une table et déposa son sac sur ses cuisses. Bientôt, Thérèse arriva en compagnie d'une gardienne de prison. Elle s'assit en face de Léa avec nonchalance. Elle lui jeta par ailleurs un regard sans vie.

— Bonjour !

— Bonjour, Thérèse. Comment allez-vous ?

— Plus ou moins.

— Heu... Si je suis venue ici c'est pour vous parler de vos droits concernant cette affaire.

— Hum... !

— Vous avez la possibilité de former une demande de mise en liberté provisoire. Cela vous permet d'être libre en attendant votre procès. Parce que je vous l'ai dit, vous avez été mise en détention provisoire afin que vous n'intimidiez pas les éventuels témoins du délit dont vous êtes accusée. Cette demande de mise en liberté, c'est moi qui la formerai et l'adresserai au juge d'instruction. Celui-ci communiquera dans les plus brefs délais le dossier au procureur de la république aux fins de réquisition. Il faut savoir que le juge d'instruction peut décider de vous accorder cette liberté provisoire à condition de vous placer sous contrôle judiciaire, mais il peut tout aussi bien refuser de vous accorder cette liberté. Il devra alors saisir le juge de la liberté et de la détention qui devra se prononcer sur la question... Vous devrez alors comparaître devant ce juge accompagné de moi, bien-sûr. Le débat sera alors contradictoire, c'est-à-dire que vous aurez l'occasion d'exposer vos arguments. Et cette audience est en principe publique, c'est-à-dire ouverte au public.

Léa tendit le dossier à Thérèse, qui s'en empara.

L'entretien fut très rapide, comme Léa l'avait imaginé. Alors, elle put quitter cet endroit quelque peu déconcertant.

Dehors, elle regarda à droite et à gauche avant de traverser, pour se diriger vers sa voiture garée sur le parking. Mais, en s'approchant de plus près, elle aperçut une énorme fissure bien visible sur le pare-brise, fissure qui n'y était pourtant pas à son arrivée. Instinctivement, elle se retourna, et vit deux hommes à l'allure assez costaud, qui semblaient avancer en sa direction. Elle regarda autour d'elle, et remarqua qu'elle était seule, toute seule. Elle s'empressa alors d'ouvrir la portière, mais elle sentit une main chaude agripper sa chevelure, basculant ainsi sa tête en arrière. Elle s'agenouilla sans réfléchir, et donna dos à ses agresseurs.

— Par pitié ! lança-t-elle. Ne me faîtes pas de mal.

— Du calme, salope ! C'est El Gato qui vous parle.

Elle sentit une lame de couteau effleurer son cou. Elle ferma les yeux et commença à crier.

— Par pitié !

— Chut...

— Vous êtes recherché par la police, El Gato !

— Fermez-la ! Parce que là, votre vie ne tient qu'à un fil. Ne faites pas la maligne ! Je vous préviens, si jamais....

Léa vit une fumée épaisse au-dessus de son épaule gauche.

— ... La police vient à m'arrêter, c'est toute votre famille qui en subira les conséquences.

Il tira sa tignasse en arrière, ce qui la fit esquisser une horrible grimace.

— Alors, juste un conseil, tenez votre connard de fils de pute de mari, et priez le Seigneur pour que cela ne se produise pas. Et pour que vous me croyiez sur parole, je vous laisserai un souvenir que vous ne serez pas prête d'oublier...

Léa ferma les yeux, et il passa le couteau derrière son oreille gauche. Elle se mit alors à hurler de douleur, et ce dernier ajouta :

— A la volonté de Dieu !

Prise de douleur, Léa ne daigna pas se relever, et commença à pleurer. Elle n'osa pas non plus se retourner, et préféra regagner sa voiture.


VENDREDI 27 MAI 2016...

L'affaire concernant Thérèse Vals a été portée devant le juge de la liberté et de la détention. Le procureur avait en effet rejeté la demande de Léa de mise en liberté de sa cliente sous contrôle judiciaire.

Ce jour-là, l'audience était au complet : il y avait la juge, le procureur, la greffière, les jurés, la cour d'audience, mais aussi l'intéressée, Thérèse Vals, ainsi que quelques policiers tels que Cédric ou encore Mike. Cédric refusait toujours d'adresser la parole à son épouse. Ils étaient même en froid. Ils étaient à la limite du divorce...

Le procureur s'avança devant la barre et présenta les allégations et accusations portées contre Thérèse :

— Thérèse Vals est accusée d'avoir provoqué un incendie à l'Orphelinat Saint Joseph, le Jeudi 10 Mars 2016, puis d'avoir pris la fuite.

— Est-ce que le procureur s'oppose à cette liberté conditionnelle en attendant son jugement ? intervint la juge.

— Ce sont de lourdes charges qui pèsent contre elle. Cela ne correspond pas au comportement d'un homme normal, raisonné et avisé. Et il serait risqué de la libérer. Elle pourrait représenter un vrai danger public. C'est pourquoi je m'oppose à la liberté conditionnelle de Madame Vals.

La juge prononça :

— Maître Vermandois, c'est à vous.

Léa prit son courage à deux mains et se lança, en dépit de la peur qui l'habitait :

— Certes ma cliente est accusée d'avoir délibérément provoqué un incendié à l'Orphelinat Saint Joseph. Mais, les preuves concrètes de sa culpabilité, vous les avez ? Non. Je tiens à préciser que son casier judiciaire était vierge jusqu'alors. Et elle n'a aucun risque de s'enfuir du pays, vu l'expiration de son passeport. Donc, dîtes-moi, que craignez-vous ?

Léa avait en sa possession le passeport de Thérèse Vals qu'elle se fit une joie d'exposer à toute la cour pour que celle-ci s'assure de la véracité de ses dires. Elle poursuivait, quand elle fut arrêtée par des souvenirs de paroles tranchantes :

« À partir de maintenant, tes jours sont comptés, Léa Vermandois... »

Son cœur se mit à battre de plus en plus vite. Cette phrase avait refait surface. C'était comme si elle ne voulait en aucun cas la laisser vivre sa vie. Elle revenait incessamment.

— Stop ! cria-t-elle.

« Vous jouez sur un terrain très glissant, Léa Vermandois ! »

« Je vous parle d'El Gato. C'est un homme d'influence... Il a beaucoup de pouvoirs... Ce serait bête que vous mourriez aussi jeune. »

Léa mit ses mains sur ses oreilles pour les priver de ces ignobles menaces. Pourtant, elle les entendait, et de plus en plus fort.

« Maître Vermandois, vous êtes une jeune femm, assez charismatique, belle, séduisante, si je puis dire...Ce serait dommage qu'on vous retrouve morte. »

« Si jamais la police vient à m'arrêter, c'est toute votre famille qui en subira les conséquences. »

— Non !

Elle tournait sur elle-même. Les images de Benoît et d'El Gato défilaient devant elle. Sa vision se brouillait progressivement. Elle faisait glisser ses yeux partout.

« À partir de maintenant, tes jours sont comptés, Léa Vermandois... »

— Laissez-moi ! insista-t-elle d'un cri percutant.

Ces propos devenaient de plus en plus froids, de plus en plus givrant.

— Non, vous n'êtes pas là ! Sortez ! Sortez ! Sortez de là ! Allez-vous-en !

Elle refusait d'accepter ce qu'il lui arrivait. Tout cela lui paraissait improbable. Ou du moins, elle voulait s'efforcer à penser que tout ceci ne fut qu'un horrible cauchemar, que le fruit de ses hallucinations.

— Non ! hurla-t-elle.

— Maître Vermandois ! l'interpela la juge. Vous allez bien ? Voulez-vous qu'on suspende le procès le temps que vous récupériez ?

— Oui, s'il-vous-plaît, répondit-elle, encore bouleversée.

En sortant du procès, Léa se sentit libérée d'un poids, car elle venait de réussir à obtenir la liberté de sa cliente. Elle pouvait en être fière. Mais en réalité, elle était plus préoccupée que ravie, se demandant si El Gato était capable de revenir à la charge. Elle toucha son oreille gauche, et vit qu'elle saignait encore. Alors elle la cacha de nouveau avec une mèche de ses cheveux.

Sur le chemin de chez elle, elle remarqua un pied dépasser d'une grande benne à ordures. Elle décida de s'arrêter un instant. Elle sortit de sa voiture et s'approcha doucement... Elle fit couler ses yeux partout. L'odeur infecte que dégageait la poubelle lui pinçait les narines. Elle souleva un à un les sacs plastiques et... elle fit un pas en arrière, pétrifiée par ce qu'elle venait de découvrir.



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