12


Léa fit Jack entrer, et l'invita à s'asseoir pendant qu'elle se rendait dans la cuisine lui servir un jus d'orange. Elle revint et lui tendit sa boisson.

— Merci, Léa...

Léa s'assit à ses côtés, et il ajouta quelque peu gêné :

— Je pense que je suis arrivé au mauvais moment.

— Non, ne dis pas ça, Jack.

— Bah si, c'est la stricte vérité. Cédric faisait une sale tranche. Vous vous êtes disputés ?

— Oui. Mais je préfère ne pas en parler. Hum... dis-moi, que me vaut cette visite ?

— Léa, on m'a viré de l'appartement.

— Pardon ?

— Oui, comme un mal propre.

— Mais que s'est-il passé ! ? Raconte... !

— Ça faisait plusieurs jours que je devais payer mon appartement. Mais je ne l'ai jamais fait parce que je n'avais pas d'argent, ni de travail. Et puis, avec l'arrestation de Thérèse, la situation n'a fait qu'empirer. Il fallait que je réunisse de l'argent pour te payer.

— Mais... pourquoi n'as-tu pas fait appel à moi pendant qu'il était encore temps ?

— Eh bah... Je comptais tout régler seul. Je me disais que c'était très mal vu de demander des prêts à ses amis... Et puis, surtout que je te devais aussi...

— Et alors ? Ça ne m'aurait en aucun cas dérangé. Regarde dans quel embarras tu t'es fourré. Maintenant tu n'as plus d'abri et ce n'est sans doute pas les autres qui t'aideront.

— Non, je vis avec un ami le temps que...

— Le temps que quoi ? Tu ne peux pas vivre chez un ami ! Tu as pensé à Thérèse ? Tu t'imagines, toi, l'installer chez ton ami ? Vous avez quand même droit à votre intimité. Tu sais quoi ? Je te loue un nouvel appart.

— Non, ça ira.

— Comment ça, non ? Tu acceptes mon aide et puis on n'en parle plus.

— Non parce que je ne pourrais pas te rembourser. Et ne me dis pas que c'est gratuit parce que tu as énormément de dépenses à faire, pour faire les courses, pour payer les taxes de l'eau, de l'électricité, pour payer les vêtements de tes enfants...

— En effet. Mais ne t'en fais pas pour ça.

— Je suis désolé mais je ne pourrais jamais te rembourser, surtout que je dois te payer pour défendre Thérèse.

— Ah parce que tu penses que ton ami te loge gratuitement ? Bah non, rien n'est gratuit dans la vie, Jack ! Eh ! Mais il faut que tu prennes ta vie en main, mon coco ! Personne ne le fera pour toi. N'oublie pas que tu t'apprêtes à épouser une femme. Cela signifie que tu t'engages à être un homme responsable. Bouge-toi ! Cherche du travail. Je ne sais pas moi, va à la boulangerie, dans les libres services...

— Tu rigoles ! ?

— Mais quoi ? C'est facile de trouver du travail là-bas. Ne néglige surtout pas un emploi qui peut-être est ta seule opportunité de gagner ta vie.

Jack tourna la tête. Léa savait qu'il ne voulait pas travailler. Il n'avait jamais trouvé cela amusant. Et l'excuse qu'il avait sortie comme quoi qu'il voulût s'en sortir seul n'était qu'un tissu de mensonge. Il voulait simplement ne pas lui devoir. Et c'était un homme radin. Il aimait recevoir mais n'aimait pas donner.

— Si c'est comme ça que tu as l'intention d'avancer dans la vie, tu es très mal parti, renchérit-elle. Tu fonces tout droit dans le mur, car les fainéants et les radins n'ont pas leur place dans ce bas monde. Il faut que tu saches que pour réussir dans la vie il faut te battre. Pour atteindre tes objectifs, tu dois le mériter. Il faut aussi apprendre à donner, à partager. Car aujourd'hui c'est l'autre qui est en difficulté, demain ce sera toi ! N'hésite surtout pas à demander de l'aide. La réclamer n'est pas un aveu de faiblesse, mais un signe qu'on est conscient qu'on a tous un jour besoin de l'autre. Qu'il soit supérieur ou pas à nous. Je te loue un appart.

— Non merci.

— Et pourquoi pas ?

— Parce que... Je vais t'avouer quelque chose.

Léa resta très attentive.

— C'est Laurent qui me loge.

— Non ! Laurent Lebrun ! ?

— Oui.

— Il y a à peu près deux mois que j'ai payé un hôtel pour lui. Mais il n'y est pas resté longtemps. Il a vite trouvé un travail pour me rembourser. C'est l'assistant trilingue de...

— Oui ! Je sais tout cela.

— Tu vois comme ce n'est pas...

— Évidemment que ça n'a pas été difficile pour lui, vu le poste qu'il occupe.

— C'est normal, il a fait des études pour.

— Bah tu vois !

— Tu es le seul fautif dans cette histoire, hein ? Si tu t'étais mis à bosser, tu aurais poursuivi tes études dans le supérieur et tu aurais vite trouvé un emploi.

— Mais ce n'est pas le cas.

— Et en quoi le cas de Laurent t'empêcherait d'accepter mon offre ?

— Il se trouve que l'hôtel que tu lui as payé était le plus cher.

Léa ne sut pas quoi dire pour sa défense, car elle savait où il voulait en venir.

— Additionné à ses dépenses, il a failli être sur la paille, par ta faute. Tu trouves quoi à dire pour ta défense ?

— Rien.

— Mais tu es une vraie tricheuse, Léa !

— J'assume.

— Je ne veux pas te devoir toute la fortune du monde. Non merci.

— C'est à toi de voir.

Il se leva du canapé, la remercia pour ce jus d'orange, lui remit le verre vide et la salua avant de se diriger vers la sortie. Et Léa ajouta :

— Mais l'avantage de séjourner dans un appart aussi cher, c'est d'y passer les plus beaux moments de toute sa vie !

Il claqua la porte. Léa se mit à sourire toute seule. Mais, repensant à Cédric, son visage se transforma. Comme cela l'affligeait de savoir qu'en voulant le protéger de la mort, elle l'avait poussé à la haïr.


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