Chapitre 36

Quel homme têtu ! Héphasie se doutait qu'il réagirait de cette manière, mais elle avait espéré qu'il comprendrait son point de vue. Si les choses tournaient mal, ils auraient au moins gravé dans leur mémoire un instant de pur bonheur que rien ni personne ne pourrait leur enlever. Mais peut-être pensait-il qu'elle ne l'aimait pas à ce point. Peut-être songeait-il qu'elle pourrait refaire aisément sa vie avec un autre.

— Alexandre Lion, écoutez-moi bien et ancrez-le-vous dans le crâne ! lança-t-elle en le contournant pour lui enfoncer à plusieurs reprises un index rageur dans la poitrine. Je vous aime et on ne me séparera pas de vous. Jamais. Est-ce que c'est clair ?

Le jeune homme sembla hésiter entre le rire et l'émotion, et opta finalement pour les deux.

— Est-ce une déclaration d'amour ou de guerre ? Ma chère, vous êtes effrayante !

Il lui décocha un sourire plein de tendresse et lui caressa doucement la joue.

— Vous êtes très claire, je vous rassure, reprit-il. Et vous êtes également adorable ; je vous aime et vous adore, ô mon ange descendu du ciel pour me sauver d'une vie vaine. Sans vous, je croupirais probablement encore au fond de quelque sombre bordel, maudissant une existence forgée d'obligations toujours plus dévorantes.

Alexandre marqua une pause. Il prit une expression triste qui inquiéta Héphasie avant d'annoncer son irrémédiable décision :

— Mais pour toutes ces raisons, je ne peux vous faire l'affront de vous déshonorer. Je me comporterai avec vous comme je ne me suis jamais comporté : avec décence et révérence.

Face à ce refus, la jeune femme ne put retenir plus longtemps ses larmes. Elle les essuya d'un point rageur et s'en prit à son détracteur :

— Triple buse et âne bâté ! l'insulta-t-elle tout en sanglotant. Je vous déteste !

— Là, là...

Il la prit dans ses bras et la berça comme une enfant jusqu'à ce que ses pleurs cessassent : elle venait de se rappeler d'un détail qui lui redonnait espoir... même si c'était terriblement égoïste de sa part.

— Vous êtes coincé ici, de toute manière. On nous découvrira forcément.

— Comment ça ? lui demanda le duc.

Puis il sembla se rappeler qu'il n'était pas entré par la grande porte et jura fort peu élégamment, se traitant également d'idiot fini.

— Eh bien, je ne vois qu'une solution... finit-il par raisonner, l'air plus calme. Je vais repasser par la fenêtre.

— Seriez-vous devenu fou ? Vous allez vous rompre le cou ! La désescalade est bien plus difficile, et vous avez beaucoup peiné pour parvenir jusqu'à moi.

Alex dut se ranger à son avis. Il se rassit sur le lit et se passa la main sur le front, en désespoir de cause. Fataliste, il conclut, amusé malgré lui :

— Vous m'avez eu, ma chère. Vous avez été plus maligne. Je n'arrive même pas à vous en vouloir... Je ne peux m'empêcher d'exulter, je ne pensais pas que vous me désiriez à ce point.

Son air canaille, hautement séduisant, rappela à Héphasie la raison même de la présence de son amant dans sa chambre... Ses paroles signifiaient-elles qu'il allait finalement lui céder ?

Sachant qu'il ne pourrait pas lui résister si elle jouait de ses charmes, la jeune femme décida de lui porter un ultime coup.

— Il fait chaud, vous ne trouvez pas ?

Elle s'éventa de la main avant de retirer avec toute la grâce dont elle était capable son peignoir. Elle procéda lentement pour s'assurer que le duc surveillait bien ses moindres gestes et jeta le vêtement au loin, dans une parodie sensuelle. La peintresse vit ses yeux descendre sur son corps et s'assombrir à mesure qu'ils la découvraient. Un frisson la parcourut. Elle se sentait terriblement séduisante sous ce regard de braise.

— Héphasie, remettez ce peignoir immédiatement. Vous vous montrez ridicule.

Alexandre détourna la tête pour lui signifier son désintérêt, mais il ne trompait personne. Son interlocutrice devinait que sa résolution fondrait comme neige au soleil au moindre contact, et elle comptait bien jouer de cet avantage. Elle s'approcha à pas félins de sa proie et appuya ses deux mains contre son torse pour la pousser à s'allonger sur le lit, ses jambes pendant à présent lamentablement dans l'air. Le duc émit un cri de vierge effarouchée en se sentant basculer ainsi, ce qui tira un gloussement à sa séductrice. Elle avait l'impression d'avoir échangé les rôles et s'amusait follement, d'autant plus que son aimé ne l'avait pas repoussée, visiblement déjà conquis malgré la surprise qui se peignait sur son visage.

— Mademoiselle Rouet, vous êtes une rouée !

À ces mots, elle posa une main sur son front, hésitant à se moquer de son mauvais jeu de mots ou à rire franchement. Son air consterné parla pour elle.

— On ne peut pas être parfait, se justifia Alexandre avant de l'attirer contre lui d'un habile mouvement de jambes, ne pouvant plus résister à tant de charmes.

Héphasie se retrouva au-dessus de lui et prit donc l'initiative de leur baiser en se penchant vers sa bouche tentatrice. Elle picora d'abord ses contours, taquine, puis la caressa du doigt. Le duc passa ses mains autour de sa taille et la laissa faire malgré son regard enfiévré par le désir. Enfin, elle lécha ses lèvres avec application, ce qui fit gémir son amant. La jeune femme sentit les muscles de ce dernier se crisper sur son dos, mais il tint bon, apparemment décidé à lui laisser les rênes pour cette nuit. À la fois amusée et reconnaissante, elle lui céda un véritable baiser, cette fois : elle joignit leurs deux bouches tandis que leurs langues trouvaient d'elles-mêmes leur chemin, entamant un ballet sensuel.

Les bras tendus de part et d'autre de la tête d'Alex de la peintresse fléchirent et elle se laissa donc aller contre lui, moulant naturellement son corps au sien. Le feu désormais familier dont l'épicentre correspondait à son bas-ventre la tarauda de plus belle lorsqu'elle sentit ce torse puissant entrer en collision avec sa poitrine. L'artiste entoura de ses jambes celles du duc, ressentant le besoin impérieux de se fondre en lui. Elle ondula des hanches contre son entrejambe, tirant un grognement terriblement viril à son partenaire, et apaisant en partie sa propre soif.

Entre deux baisers, un brin essoufflé, le beau brun lui demanda de patienter un instant, sans pour autant lui expliquer pour quelle raison. Héphasie comprit toutefois promptement ses intentions quand ses doigts habiles s'échinèrent sur son sous-vêtement : bientôt, elle fut entièrement nue. Il voulut prendre le temps de l'admirer, mais l'artiste n'était pas de cet avis : elle aussi souhaitait se rincer l'œil ! Elle commença de défaire lentement les boutons de la chemise du duc, faisant durer le plaisir – et la torture en ce qui le concernait, au vu de ses grognements mécontents. Elle se retint de rire de son malheur et acheva enfin son doux labeur. Il se redressa aussitôt pour l'aider à ôter ce bout de tissu encombrant, puis se leva pour faire subir le même sort à ses pantalons... lui-même, cette fois, légèrement impatienté par une certaine demoiselle.

Cette dernière, en constatant que tous deux étaient dans des dispositions idoines, poussa une nouvelle fois son bon ami à s'allonger sur le lit. Alex, en gentilhomme, se laissa faire – sans doute car il appréciait de voir Héphasie sous ce jour immensément séducteur.

— Vous êtes totalement à ma merci, votre grâce... le taquina-t-elle d'ailleurs avec un sourire enjôleur.

— Quelle horreur ! fit-il mine de s'offusquer. Seriez-vous donc dépourvue de cœur et d'honneur ? S'en prendre à la vertu d'un innocent...

— Je n'en ai pas une once, je le crains, rétorqua son interlocutrice sur le même ton outrancier tout en commençant à explorer son torse musclé de ses mains baladeuses.

Le duc poussa un petit cri indigné des plus comiques.

— Que me faites-vous, sorcière ?

Il semblait vraiment s'amuser dans son personnage et la jeune femme voulut donc lui offrir une réponse à la hauteur de sa question :

— Je vous ensorcelle, susurra-t-elle à son oreille.

À ces mots, il la plaqua contre lui avec une fougue renouvelée.

— Hum, je crois que je sens déjà les effets de vos sorts...

Sa virilité dressée sous elle en attestait sans l'ombre d'un doute.

— Vraiment ? En ce cas, c'est à moi d'arranger cela, puisque j'ai causé ce... désagrément.

— Cela me paraît juste, confirma son partenaire avec un sourire de biais absolument irrésistible. 

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