Chapitre 2
Il brisa son étreinte quand je me retournais pour lui faire face. Le froid glacial me saisit alors que je regrettais déjà son corps contre le mien.
Yungi.
Je lève la tête et rencontre ses yeux noirs, qui paraissent si neutres quand on le le connait pas. Ses yeux noirs, dans lesquels je distingue une pointe de tristesse, tapie sous son masque impassibilité.
Ses yeux noirs qui sont le reflet de son âme.
Il est beau, pareil à celui que je vois tous les jours.
Il me connait trop bien pour changer son comportement, il sait que j'ai besoin de lui, pas de sa pitié. C'est comme ça que je l'aime.
Pour lui ce doit être différent. J'ai peur tout d'un coup, le jungkook qu'il connait sourit. Tout le temps. Je ne veux pas devenir un inconnu. Je m'affole un peu, et alors que je fuis son regard, il m'attrape prudemment la main.
Son contact me fait ressentir mille et une choses. Il me calme immédiatement, mais m'ouvre un peu plus les yeux sur le fait que jamais je ne pourrais supporter de m'éloigner de lui.
Alors je serre les dents:Je dois lui montrer que je n'ai pas changé, que c'est toujours moi. Je plante mon regard dans le sien, y cherchant un peut de courage.
Et je lui sourit.
Deux putains de larmes coulent le long de mes joues.
Je sourit toujours.
Mes lèvres s'étirent un peut plus, et dévoilent mes dents, mais c'est le geste de trop. Mon pauvre sourire devient une grimace, et mon torse est soulevé par un violent hoquet.
Son visage se déforme sous la tristesse que ma vue lui inspire, je sais que je suis en train de briser son petit cœur si fragile. Je suis un égoïste.
Il m'attire maladroitement à lui, et entoure ma taille de son bras, tandis que le second s'enroule autour de mon cou. Il me caresse les cheveux, ça m'apaise.
Nos corps se réclament, dès qu'ils se touchent à nouveau, tout reprend un sens. Pas besoins de mots inutiles. Il sait qu'elle est partie. Il sait aussi que c'est lui qui l'a tuée.
Je me colle un peut plus à lui, et glisse ma tête dans son cou. Je ferme les yeux quand il la prend entre ses mains, et qu'il couvre mon visage de petits bisous. Il n'ose pas poser ses lèvres sur les miennes. Alors c'est moi qui vais le faire, avant qu'il ne parte de nouveau pour affronter ses blessures ouvertes, plus profondes encore que les miennes.
***
La peur qui me tenait le ventre s'est un peu calmée. Il se saoule tranquillement en bas, et semble se lamenter plus que s'énerver.
Je relève la tête doucement et observe le soleil qui commence à se coucher. Ça fait une demi heure que ma mère est partie. Elle sait ce qui va se passer. Moi aussi.
Je dessine sans aucun bruit, avec un peu de chance il oubliera que j'existe.
J'entends son poing s'écraser sur la table. Ça y est, il va venir. Je me recroqueville sur moi même, et tend l'oreille. Mais ce que j'entend me glace de la tête aux pieds :
-Non papa, arrête, j'ai froid, murmure t elle de sa voix claire.
Mes muscles se tendent, mes doigts se crispent, mes dents se serrent, la fureur monte. L'instant d'après, je suis dans la chambre de ma sœur et je fracasse une chaise sur son crane.
***
Il semble hésiter. Son regard passe de moi à elle, de elle à moi. Après tout ce n'est pas un pauvre gosse de 7 ans qui peine à atteindre le placard de la cuisine qui sera en mesure de l'arrêter.
Ses yeux se reposent sur elle, ses pupilles s'élargissent encore et une lueur de folie y nait. Je ne le laisserai pas faire. Jamais. Alors, je dis ce que je ne devrais pas dire, ce qu'il ne veut pas entendre :
-Si seulement tu avais eu le courage de ressembler à grand père...
Ses yeux se ferment, il respire un grand coup et se relève lentement, décomposant chacun de ses gestes.
Quand il pose son regard sur moi, je le soutiens. Il renifle avec dédain, s'approche et se plante devant le gamin que je suis, droit comme un piquet, me dominant de toute sa puissance.
L'attente du premier coup me semble durer une éternité. Il ne dit rien, comme pour accumuler en lui toute l'énergie possible et nécessaire pour me faire mal. Leila est partie, se réfugier sous mon lit surement, ou dans la forêt, dans son arbre. Elle ne veut pas m'entendre crier, je sais qu'elle en perd la raison. Alors je me tairai.
Entre le moment ou il passe de l'immobilisme à l'action, du silence aux insultes, et celui où son poing se fracasse durement sur ma mâchoire, j'ai le temps de voir la colère déformer ses traits. Il veut assouvir sa haine, sa frustration de n'avoir jamais osé approcher le bonheur, de n'avoir jamais tenté d'attraper ses rêves.
Parce qu'il n'a jamais osé se battre pour la vie qu'il aurait aimé avoir, mon corps plie et se brise sous ses poings.
Qu'il est faible, quand il me fracasse contre le mur. Qu'il est pathétique quand d'une seule main il me maîtrise et me frappe. Qu'il est impuissant face à ses propres peurs. Sa peur de me voir grandir, de me voir réussir un jour mieux que lui.
Mon corps frêle tremble sous la douleur alors qu'une bouteille éclate sur mon dos. Je serre les dents, et ne lâche aucun gémissement. J'accepte, j'encaisse en silence toute sa rancune. Il me retourne et verrouille ses doigts autour de ma gorge. Il ne me tuera pas. Je le sens. Pas aujourd'hui en tout cas.
Maintenant que je suis face à lui, qu'il me fixe en resserrant son emprise, une étincelle de peur traverse ses yeux. Mon regard planté dans le sien est à la fois vide, et gorgé de pitié, de reproches.
Il me relâche subitement, comme s'il venait de se brûler.
Mon corps d'affaisse, mais je continue à le dévisager froidement. Il recule cette fois, alors que je suis au sol.
***
Jungkook sursauta violemment en remarquant une silhouette adossée au mur. Il s'était réveillé d'un coup, échappant enfin à ses souvenirs.
Tout en écoutant la pièce se remplir des sanglots irréguliers de son père, ses yeux se perdirent de nouveau dans le néant, tandis que sa tête se vida subitement.
Une fois encore le corps de jungkook réagissait de lui même pour faire face aux trop grandes difficultés imposées par la vie. Sauf que cette fois ce n'est pas son instinct qui le sortit de sa léthargie.
-Je.. je me sens mal... je suis un monstre.
La rage lui monta aux lèvres, et il se tira brutalement de son inactivité en se levant pour empoigner le col de son père qui gémit de surprise. Un son plus aigu encore lui échappa lorsque son fils l'écrasa contre le mur.
-Comment ose tu la salir de ta bouche cracha t il en contenant difficilement sa haine qui lui hurlait de le mettre à sang, La seule raison qui te pousse à regretter sa mort c'est ta putain de culpabilité. Lui avoir ôté la vie te suffit pas, il faut aussi que tu trouve de quoi de plaindre ? HEIN ? CA TE SUFFIT PAS ?!
Secoué brutalement au rythme des paroles de jungkook, il prit soudain conscience que son fils était devenu grand et fort. Il savait que peut être sa vie se jouait en cet instant, mais les brumes de l'alcool l'empêchaient de réfléchir correctement.
-Je, j'avais l'habitude de te frapper, et tu étais trop résistant, je n'ai pas mesuré mes coups, c'est de ta faute jungkook pas de la mienne. C'est de ta...
Cette fois c'en était trop. Le jeune garçon heurta son poing au visage de son père. Celui ce se traîna difficilement au sol, comme pour fuir avant d' implorer:
-Je t'en supplie, tue moi...
Jungkook s'abaissa au niveau de l'homme qui avait ruiné sa vie et agrippa ses cheveux pour qu'il relève la tête vers lui.
-Ne crois pas une seule seconde que je vais te laisser m'entraîner avec toi en enfer. Jamais ne te laisserai faire de moi un homme comme toi. Tu m'entends ? Jamais.
Il le relâcha et quitta la pièce.
Point de vue de Jungkook
Je frappe dans un placard qui se déforme sous mon poing. Par chance, c'est ma main fracturée que j'ai utilisée. Ça me fait un mal de chien, mais ce n'est pas suffisant pour me soulager. Je dois sortir, j'étouffe, je ne survivrai pas un instant de plus entre ces murs trop blancs, ces murs qui ont vu mourir ma sœur.
Je cours sans ralentir, sans même savoir où je vais. L'épuisement me fait arrêter de penser, alors je continue, encore et toujours, brisant mes limites, mes dernières barrières.
Je reconnaît soudain l'endroit dans lequel je me trouve, dans lequel mes pieds m'ont conduit sans que je n'ai eu besoin d'y réfléchir. L'arbre. C'est son arbre.
Alors que le soleil se couche sur son infini, le cœur de Jungkook éclate et il hurle son désespoir.
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