Le cauchemar commence

Je vais vous raconter une histoire que vous n'avez sûrement jamais entendue, mon histoire. J'espère seulement pouvoir faire confiance à cette étrange personne qui m'a dit pouvoir transmettre mon histoire à un maximum de personnes...

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Ma vie avait commencé normalement, et j'aurais préféré qu'elle le reste... Je suis né le 17 octobre 1880, je m'appelle Sarich Nieldor. Enfant, j'étais une personne assez moyenne, taille moyenne, résultats scolaires un peu au-dessus de la moyenne, ma famille vivait modestement. Une vie normale pour un humain normal, n'est-ce pas ? J'étais heureux, certes, j'avais très peu d'amis, je n'étais pas riche, je n'étais pas promis à un glorieux avenir, mais je vivais dans une famille aimante et j'avais des amis formidables. Je tenais énormément à cette vie-là, et je n'aurais voulu le changer pour rien au monde. Le destin peut être parfois bien cruel...

Je me rappelle ce maudit jour comme si c'était hier. C'était le 17 octobre 1890, le jour de mon dixième anniversaire. Ce jour, qui devait être un jour de joie et de bonne humeur, a transformé ma vie de rêve en un cauchemar éternel.

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Nous sommes le 17 octobre 1890, le jour de mes dix ans. Il est à peine 6h du matin, bien trop tôt pour se lever, surtout aujourd'hui. Normalement, quand je suis en vacances comme aujourd'hui, je ne me réveille pas avant, au moins, 10h, et personne ne peut réussir à me réveiller.
Mais, là, une étrange sensation, sûrement de l'enthousiasme, m'a réveillé. En plus de cette sensation qui réchauffe mon cœur, m'apaisant et m'excitant à la fois, je sentais... autre chose, quelque chose de plus. Un léger sentiment de froid, qui semble serrer mon cœur et mon corps entier dans un fin cocon de givre.
Ce doit sûrement être une fenêtre qui n'a pas été fermée hier soir et qui crée une espèce de courant d'air glacial. Et je dois être le seul à le sentir, parce que le reste de ma famille a encore 50 000 couvertures sur eux, en plein été...
L'esprit encore embrumé, je me lève, cherchant du regard une fenêtre ouverte dans la maison. Je cherche, je cherche, je cherche, mais je ne trouve rien, même après une bonne vingtaine de minutes...

Les fenêtres sont fermées, les portes aussi, aucune vitre n'est cassée, le thermomètre intérieur montre qu'il fait 20° C à l'intérieur, alors, pourquoi ? Pourquoi j'ai aussi froid ? Pourquoi mon cœur semble lentement se geler ? Pourquoi est-ce que je ressens ce désagréable sentiment d'écrasement lorsque je me retrouve éclairé par la lumière ? Hein, pourquoi ? Il faut que je me calme, je dois juste être malade, oui, c'est ça, ça doit être ça, c'est certain...

J'éteins toutes les lumières que j'avais allumées transformant cette sensation d'écrasement en une espèce de béatitude, me sentant plus à ma place dans cette obscurité omniprésente, réconfortante, que dans l'aveuglante lumière provenant des ampoules de ma maison.
Mais, alors qu'elle semblait se calmer à la lumière, la froideur qui envahit mon corps ne faisait que se renforcer dans les ténèbres de la nuit.
Que dois-je choisir ? La chaleur et l'oppression, ou le réconfort et la congélation ? Et, surtout, pourquoi je dois choisir ? Pourquoi ?

Je repars dans mon lit, laissant les lumières éteintes, espérant que les couches et les couches de couvertures que je mets actuellement diminuera le froid que je ressens...

Je ressens encore énormément le froid, il est à peine étouffé par la masse de couvertures.
Je finis quand même par me rendormir, trop fatigué pour garder les yeux ouverts plus longtemps.

Ma mère vient de me réveiller, assez brutalement, enfin, de la même manière que d'habitude en fait... La porte de ma chambre qui s'ouvre en grand, la lumière provenant de ma lampe et de ma fenêtre, maintenant ouverte, qui agresse brutalement mes yeux fatigués et sa voix qui presque doucement me dit de me réveiller, puis elle s'en va tranquillement, retournant à ses préparatifs.
Je me lève à grand-peine, le sentiment d'écrasement et l'intense chaleur dès le réveil, c'est vraiment insupportable, j'éteins la lumière de ma chambre. J'ai l'impression que pendant mon sommeil, mon corps s'est adapté au froid, je n'ai plus froid, enfin... Je sais que j'ai froid, mais je ne le ressens pas. Comment expliquer ça simplement ?
Ah, je sais ! Je sens que mon corps n'est pas à sa chaleur corporelle naturelle, n'est pas aux alentours de 37° C. Mais, en même temps, c'est comme si mon corps avait toujours eu cette température-là, ainsi je n'ai pas la sensation d'avoir froid...

Je reste quelques minutes de plus dans l'obscurité de mes draps, faisant le plein de joie pour supporter l'écrasante lumière de tout à l'heure, avant de me lever, une nouvelle fois, afin de me préparer pour cette journée si spéciale.

Il est presque midi, les invités commencent à arriver, progressivement.
Ils sont heureux. Ils me souhaitent un bon et joyeux anniversaire en souriant. Je leur souris en retour, ou du moins, j'essaye. Difficile de cacher ce sentiment d'oppression qui emplit mon cœur, et cette chaleur, dont la température ne cesse de s'élever, qui semble vouloir me faire fondre.
Il semble que je fasse un sourire de façade assez convaincant, en effet, personne ne semble s'apercevoir de mon inconfort, ou alors, personne ne veut me le dire...

Le temps semble passer au ralenti, la chaleur dans la pièce continue d'augmenter, petit à petit, le sentiment d'oppression aussi.

Il est midi et demi, les invités sont enfin tous arrivés, nous mangeons donc tous ensemble, réunis autour d'une même table.

J'ai du mal à manger, les aliments semble fondre dès que je les mets dans ma bouche et l'eau, que je bois pour tenter de me rafraîchir, semble s'évaporer instantanément...

Il faut que je me ressaisisse, que j'oublie cette intense chaleur qui semble vouloir me transformer en tas de cendres, que je nie ce sentiment d'oppression qui semble vouloir m'écraser au sol, telle une crêpe, que je ne cède pas à cette terreur grandissante, cet inconfort, qui me crie de me cacher dans ma chambre, ou n'importe quel autre endroit qui peut me cacher de la lumière.

On a enfin fini de manger, il est 13 h 30... Je sue à grosses gouttes et mon dos est un peu voûté. Mais j'arrive encore à faire à peu près bonne impression, ou du moins, je crois.
Et, bien évidemment, au moment où je me dis ça, une de mes tantes se dirige vers moi, l'air soucieux... A-t-elle remarqué le fait que mon corps semble se rapprocher doucement du sol à mesure que le temps passe, que malgré le fait qu'il ne fait que 25° C, je sue comme s'il en faisait 50, que mes yeux sont imbibés de peur dès que je suis à la lumière et brille d'envie dès que je vois une zone d'ombre ?
Ouf, c'était seulement une fausse alerte. Elle est juste venue me voir pour prendre de mes nouvelles et pour me parler de la pluie et du beau temps...

On arrive, enfin, au moment du gâteau. Il ne me reste plus qu'à souffler mes bougies, ouvrir mes cadeaux et je pourrais sortir une raison quelconque pour me cacher dans ma chambre...
Le gâteau arrive, mon gâteau préféré en plus, un gâteau au chocolat, sur lequel se trouve dix bougies.

Avant de souffler mes bougies, on me dit de faire un vœu, ce que je fis. Le vœu que j'ai fait ? Le voici : "Je souhaite que cette chaleur et ce sentiment d'écrasement s'arrêtent, même si c'est seulement pour aujourd'hui." Un vœu fait surtout par désespoir...
Mes bougies soufflées, on me demande quel vœu je viens de faire. Je commence à répondre, voulant dire : "Si je vous le dis, il ne se réalisera pas." Mais, un intense sentiment de malaise m'arrête en plein milieu de ma phrase, mes jambes m'abandonnent. Et, je tombe, je tombe, je tombe, la chute me paraît sans fin, alors qu'à peine un peu plus d'un mètre me sépare du sol.

Mon corps percute violemment le sol. Je ne suis néanmoins que sonné.
Quand je reprends mes esprits, je me relève, sans difficulté et sans aucune douleur. L'étouffante chaleur, comme cette gravité renforcée qui me poussait vers le sol, a disparu. Je ressens quand même un intense inconfort à me trouver sous la lumière, mais ce n'est rien comparé à ce que je ressentais jusqu'à maintenant.

Personne ne semble avoir remarqué ma chute, pas même la personne avec qui je parlais juste avant.
Même si elle semble ne pas me voir, je lui dis : "Ça va, je ne me suis pas fait mal en tombant." Elle ne semble pas avoir entendu ce que je lui aie dit. Je sais, que je n'ai jamais eu beaucoup de présences, mais quand même, je suis juste devant elle, et je suis en train de lui parler...
Je secoue ma main droite devant ses yeux, mais elle ne réagit absolument pas.
J'essaie de parler à d'autres personnes, mais ils ne semblent ni pouvoir m'entendre ni pouvoir me voir, encore une blague douteuse de mes parents... Faire ça le jour de mon anniversaire, vraiment...
Énervé, je me dirige vers mes cadeaux, bien décidé à tous les déballer pendant qu'ils font leur pitrerie.

Je commence à lentement déballer mes cadeaux, tout en regardant, de temps en temps, derrière moi, regardant si personne n'arrêtait ce simulacre pour m'empêcher de les ouvrir ou pour me proposer d'ouvrir son cadeau en premier.
Tout le monde semble s'en moquer de moi déballant mes cadeaux, personne n'a la moindre réaction. C'est mon anniversaire ! Arrêtez de parler entre vous de je ne sais quoi et venais vers moi ! La plaisanterie a déjà bien trop duré !
De toute évidence, cette stratégie ne semble pas suffire pour attirer l'attention sur moi. Réfléchis, réfléchis. Qu'est-ce que je peux bien faire pour qu'il soit obligé d'arrêter de faire semblant de ne pas me remarquer ?

J'ai plusieurs idées, mais la plupart me feraient certainement punir, je vais donc commencer par quelque chose de, normalement, non punissable...
Je sors le mini-hélicoptère télécommandé d'un des paquets que j'ai déjà déballés, je rajoute les piles qui se trouvaient aussi dans le paquet-cadeau, celui qui me l'a offert à vraiment penser à tout.
L'hélicoptère enfin prêt, je commence à le faire bouger doucement pour m'habituer aux contrôles.
Une fois cela fait, je fais faire à l'hélicoptère diverses manœuvres le plus proche possible des différentes personnes présentes.

Au bout de quelques minutes infructueuses, ça semble enfin fonctionner, je vois de plus en plus de personnes regarder avec surprise mon hélicoptère voler dans toutes les directions. Ils ne s'attendaient pas à ça, hein ? Ils vont enfin arrêter cette blague stupide maintenant, n'est-ce pas ?

Ils cherchent du regard la télécommande.
Je leur crie que je l'ai dans mes mains, mais ils font toujours semblant de ne pas me voir et de ne pas m'entendre... ce n'est vraiment, vraiment, mais alors, vraiment pas drôle...

–On dit que les meilleures blagues sont les plus courtes et celle-là est beaucoup trop longue.
Je leur crie dessus. Toujours aucune réaction...
Peut-être n'est-ce pas une blague ?
Me chuchote une petite voix dans ma tête.
–Non non non, ça ne peut qu'être une blague.
Je me murmure en secouant la tête. Je ne veux, ne peux pas envisager une autre possibilité.

Ils ont enfin remarqué que je détiens la télécommande. En tout cas, ils regardent tous dans ma direction, la bouche bée, en se parlant à voix basse. Ils doivent sûrement se demander s'ils continuent ou non leur pitrerie.
–Une manette volante.
Entendis-je quelqu'un crier en pointant du doigt dans ma direction.
Je me retourne, machinalement, et ne vois rien d'anormal. Je dirige donc, de nouveau, mon regard vers les invités, et je leur dis qu'ils doivent être bigleux, car il n'y a rien derrière moi.

Une voix continue de résonner dans ma tête me répétant sans cesse les mêmes phrases
Une manette volante. Il regarde dans ma direction.
Encore et encore.
Peut-être n'est-ce pas une blague ?
Encore et encore.
Ils ne semblent pas me voir, ni m'entendre.
Encore et encore.
Est-ce qu'ils sont vraiment en train de me jouer un tour ?
Encore et toujours.
Je me couvre les oreilles de mes deux mains, lâchant la manette qui percute le sol dans un bruit sourd. Je me mets à chantonner désespérément le plus fort possible, essayant de faire disparaître cette voix, qui me pousse à réfléchir à la seule vérité que je ne veux surtout pas entendre.

Un long moment est passé, avant que je ne me résigne à mon sort. Mes bras sont maintenant inertes le long de mon corps, des larmes coulent de mes yeux rougis. Et la voix, celle qui m'a poussée à accepter ce destin que je ne veux pas, que je ne veux pas, que je... que je... respire semble s'effacer, son travail maintenant accompli.

Je suis resté un très long moment ainsi, ne pouvant rien faire d'autre que pleurer non-stop. Et, j'aurais sûrement pu continuer encore longtemps, si je n'avais pas été surpris par la soudaine absence de lumière.
Je regarde l'heure, il est 22 h 30. Je me lève, péniblement, et me dirige vers ma chambre. Peut-être que lorsque je me réveillerai demain matin, ce cauchemar sera fini et ma vie retrouvera son cours normal. C'est tout à fait possible, cette chose qui m'arrive est arrivée du jour au lendemain, pourquoi ne pourrais-t-elle pas disparaître en une nuit ? De toute façon, je suis trop fatigué pour rester éveillé plus longtemps.

Il est un peu plus de 10h du matin, je me réveille et me lève lentement. Est-ce que cette calamité qui est entrée dans ma vie est partie ? Elle fait partie de ta vie maintenant, ça ne s'arrêtera jamais... Mais, tu vas te taire oui ? Tu n'existes même pas ! Tu n'es qu'une voix dans ma tête, alors tais-toi !
Je dois me calmer, je suis juste un peu sur les nerfs à cause de ce qui m'arrive et c'est aussi pour ça que j'ai une voix dans ma tête qui essaye de baisser au maximum le moral, tout est normal, tout est normal, tout est totalement normal...

Quelques minutes plus tard, de nouveau calme, je me dirige vers la chambre de mes parents, voulant vérifier s'ils pouvaient enfin me voir. Une fois dans leur chambre, je me rendis compte, qu'il n'y avait absolument personne dans la pièce. Ils avaient sûrement déjà dû se lever et descendre déjeuner.
En descendant, je remarque que tout le rez-de-chaussée est envahi par des policiers.

Des policiers ? Mais qu'est-ce qu'ils font là bon sang ? Il n'y a pas eu de meurtre, de vol ou d'incident déplorable. Il n'y a rien eu qui s'est passé qui mérite d'appeler la police...
Je m'approche des policiers et écoute ce qu'ils disent sans oser les interrompre, même pour seulement leur dire bonjour.
Je reste à côté pour savoir de quoi ils parlent avec mes parents, ils ne semblent pas s'apercevoir de ma présence.

Ils discutent de ma disparition... les policiers pensent que j'ai fugué, mes parents disent que c'est impossible, que j'ai sûrement étais enlevé. Ils n'ont aucune preuve ni de l'un ni de l'autre, et pendant qu'ils discutent, je suis là, à même pas un mètre d'eux, à essayer d'attirer leur attention, en vain...

Voyant que de toute façon, je n'arrive pas à attirer l'attention de qui que ce soit, je commence à fouiner dans les notes faites par les policiers, je ne voulais pas que quelqu'un puisse être accusé de ma disparition.

Sur le bloc-notes, il y a plusieurs pistes potentielles pour expliquer ma disparition. Prenant un stylo dans la poche d'un policier, je commence à rayer les différentes possibilités avec, à chaque fois, des brèves explications de pourquoi elle est fausse.
Cela fait, je remets dans la poche du chef de la police le bloc-notes.
Je pense que la chose qui m'a rendu invisible et inaudible par tous semble aussi détourner leur attention de toutes mes actions...

10 minutes ont passé, ils ont enfin remarqué que j'avais modifié ce qu'il y avait d'écrit sur le bloc-notes.
Le chef et les autres policiers sont quasiment en train de se disputer pour savoir qui a "trafiqué" les notes que le chef a prises...

Pendant qu'ils se disputaient, je repris le bloc-notes des mains du chef, et rajoutai de nombreuses annotations et une phrase : " C'est moi qui ai "trafiqué" ce bloc-notes, moi et personne d'autre, moi Sarich Nieldor, moi le disparu, moi qui suis juste à côté de vous, je suis là, JE SUIS LÀ, JE SUIS LÀ BORDEL."
Quelques larmes tombèrent de mes joues, mouillant légèrement la feuille de papier en de nombreux endroits. Je remis le bloc-notes dans les mains de chef, les yeux rougis, toujours humides de l'eau salée qui ne cesse d'y couler.

Alors que je me calme enfin assez pour voir normalement, sans cette espèce de voile devant mes yeux, je remarque que personne n'a encore vu le changement que j'ai fait sur la feuille de papier que continue à brandir le policier...

15 minutes ! 15 minutes que j'attends et ils viennent de remarquer ce que j'ai fait... J'ai envie de leur crier dessus qu'ils sont aveugles, mais ils ne vont pas m'entendre, donc, autant se taire...

Le chef vient de finir de lire à voix haute le "message" que j'ai écrit, son visage, comme celui de tous les autres dans la pièce, est devenu extrêmement blanchâtre, comme s'il avait vu un fantôme. Peut-être parce que tu en es devenu un ? Déjà, je ne suis pas un fantôme sinon j'aurais bien moins de mal à attirer l'attention et en plus, ils ne me voient pas, donc ça ne peut pas être ça... Ils viennent de lire un message provenant d'une personne censée être disparue qui est, selon eux, apparût par magie en quelques secondes, et qui leur annonce que le disparu est juste à côté d'eux. Voir un fantôme n'aurait pas fait beaucoup plus d'effets... Je ne dois pas écouter cette voix ! Je ne dois pas écouter cette voix ! Dans les films, les voix intérieures sont toujours malveillantes, je ne dois donc pas l'écouter, c'est absolument certain.

Je dirige toute ma concentration sur les voix des policiers et de mes parents, qui parlent du message, afin de ne pas entendre cette voix.
Mes parents sont en train de raconter l'histoire de "l'hélicoptère téléguidé sans pilote et de la manette volante" aux policiers...

Je n'ai pas écouté le récit jusqu'au bout, je n'ai pas pu. Comment expliquer ce que je ressens ? Je savais déjà que plus personne ne me voyait, je savais que plus personne ne pouvait m'entendre. Je savais que plus personne ne remarquerait ce que je faisais, ou alors avec beaucoup de retard. Mais, il y a savoir et savoir. Dans le premier cas, tu sais, tu sais que tu sais, mais tu te dis, au fond de toi, que, peut-être, c'est faux, qu'il reste peut-être un espoir, que tu as peut-être mal compris, et tu espères, tu pleures, tu te maudis et maudis les autres, tu pries tous êtres pouvant t'écouter, mais tu espères. Dans le second cas, même l'espoir semble disparaître, tu n'espères plus, tu ne pries plus, tu sais et tu subis, c'est tout...

J'entends une voix crier mon nom. Je me retourne dans sa direction, c'est ma mère, elle crie que si je suis vraiment là, je dois écrire sur le papier qu'elle a mis sur la table. Elle a, enfin, compris que j'étais là ? Elle essaye de communiquer avec moi ? Une petite braise semble se rallumer au fond de mon cœur, comme si tout n'était pas perdu, comme s'il restait peut-être un espoir, communiquer via un bout de papier. Les autres la regardent comme une folle, mais moi, je m'élance sur le papier, et commence à écrire sur cette feuille vierge. J'écris une simple phrase : "Je suis là, juste à côté de vous, je vous entends." Et en dessous de ce message, j'écris l'heure actuelle et je signe avec cette signature pourrie que je n'ai jamais changée par manque d'imagination. Je voulais qu'il sache que c'est moi et qu'il sache le temps qu'il fallait pour qu'ils remarquent mes actions.

Cette fois, une bonne demi-heure passa avant qu'ils ne remarquent mon message... Voyant qu'ils arrivaient à communiquer avec moi, même si c'était avec une latence importante, les policiers prirent la main, ils me posèrent énormément de questions afin de s'assurer que j'étais bien la personne que je prétendais être.

Quatre très longues heures plus tard, les policiers finirent par partir, convaincus que j'étais bien moi-même, disant que ça ne relevait pas de leur domaine d'expertise et qu'on devrait plutôt appeler un marabout ou quelque chose dans le genre.

Les six mois suivants passèrent très très lentement. De nombreux charlatans, moines, exorcistes, sorciers, marabouts, chamans, nécromanciens (Je ne suis pas mort...), et autres personnes "pouvant utiliser la magie" afin de voir et/ou de guérir esprits, revenants, et autres "créatures surnaturelles", vinrent à la maison, attiré par moi, et par la somme colossale d'argent que mes parents avaient promis à la personne qui réussirait à me "guérir". Personne ne réussit...
Quand je n'étais pas dérangé pas ces espèces de charlatans, je passais mes journées à parler avec ma famille et mes nuits à dormir, je ne sortais pas de la maison, ça ne servait à rien après tout...
Quoi ? Comment ça ce n'est pas possible ?
Bon d'accord d'accord, je discutais avec ma famille seulement par écrit, avec beaucoup de latences, une latence qui n'a cessé de grandir d'ailleurs. Ensuite, je n'ai pas réellement besoin de dormir, ni de boire ou de manger. En fait, juste rester un moment dans l'obscurité totale semble suffire à combler tous mes besoins primaires. Même si je le fais quand même, plus par "réflexe" qu'autre chose.

Un jour, le 20 avril 1880, un homme est venu disant être une espèce d'oracle. Il s'est présenté comme étant "Krateros Meges, l'Oracle des anciens Dieux" et qui est venu à moi pour "m'avertir des agissements futurs de la Mort elle-même"... Oui, bien sûr... tout le monde est convaincu par ce qu'il raconte... Il est juste venu pour se moquer de nous, en fait...
Mes parents ont commencé à essayer de le faire partir, le menaçant même d'appeler la police s'il ne partait pas. Voyant qu'il s'en fichait et qu'il voulait à tout prix parler de cette "vision", de cette "prophétie", mes parents finirent par lui dire qu'on l'écoutait afin qu'il parte plus vite.

En entendant qu'il avait notre attention, il a acquiescé de la tête. Puis son corps a commencé à luire, d'abord faiblement, puis de plus en plus fortement, ses yeux sont devenus dorés et sa voix est devenue anormalement grave.
"Sarich Nieldor, tu as été choisi pour être transformé en ombre vivante, rien ni personne ne pourra jamais te guérir. Mais, tu as encore un choix à faire, non pas pour toi-même, mais pour tous ceux qui te connaissent. Personne ne doit savoir que les ombres vivantes existent, elles ne doivent être que des légendes. Pourtant, ton obsession permanente à rappeler sans cesse ton existence à ta famille, nous empêche de les faire t'oublier.
Tu as donc deux choix. Sois-tu cesses de les faire se souvenir de toi et le souvenir de ton existence disparaîtra de la mémoire de tous ceux qui te connaissent. Sois-tu persistes à le faire, et tous ceux qui se rappellent de toi mourront, et disparaîtront de la mémoire de tous, eux aussi. Tu n'as plus que 50 heures pour te décider." Après avoir dit cela, il se changea en un tas de cendres.
...
......
.........
..............
En un tas de cendres !!!
Mais quoi ? Comment ? Pourquoi ? Enfin, je veux dire, mais qu'est-ce que c'est que ce délire...

S'il est mort pour délivrer ce message, c'est que ça doit sûrement être vrai, non ? Ou du moins, ça ne doit pas être totalement faux. À moins, qu'il n'ait été tué justement parce qu'il a menti. Non, ça serait stupide, si la personne qui l'a tué ne l'avait pas fait, on ne l'aurait assurément jamais cru, donc il est sûrement mort pour qu'on le croie. Mais, ça veut aussi dire, que s'il a menti, et que son tueur voulait qu'on croie qu'il dit la vérité alors, il l'aurait en effet tué...

Ahhhhhh !!! Mon cerveau bouillonne, je ne sais pas, a-t-il menti ou a-t-il dit la vérité ? Est-ce que je dois partir au cas où il aurait dit la vérité ? Ou est-ce que je dois justement rester pour qu'ils ne leur arrivent rien ?

Ah, pourquoi a-t-il fallu qu'il vienne celui-là ? Maintenant, je suis obligé de te dire la vérité. Il n'a pas menti, en effet, si tu restes avec tes parents, tous ceux qui te connaissent mourront, et dans d'atroces souffrances en plus, avant d'être effacé, comme toi, de la mémoire de tous les êtres humains...
Et, cette punaise de voix qui essayent de m'embrouiller encore plus en me disant ça avec un évident sourire... Et, c'est réussi...

Résumons, cette voix, veut me pousser à la dépression, voire au suicide, ça me paraît évident vu ce qu'elle n'arrête pas de dire, donc elle ment sûrement. Mais en même temps, elle sait que je ne lui fais pas confiance et que je pense qu'elle ment tout le temps, vu qu'elle répond à certaines de mes pensées, donc elle doit toutes les entendre, donc elle dit sûrement la vérité pour que je croie qu'elle ment. Mais en même temps, elle sait que je sais qu'elle sait et vu son ton lorsqu'elle a dit cette phrase, elle essaye sûrement de me tromper, donc elle doit sûrement mentir pour que je croie qu'elle dit la vérité après avoir cru qu'elle mentait. [...] À moins, qu'elle dit la vérité pour que je croie qu'elle croit que je pense que son mensonge est vrai afin que je croie que ce qu'elle dit soit faux et donc elle a sûrement menti. Non, attends, je crois que je me suis embrouillé...

À moins que je n'en sache rien et que j'ai dit tout ça pour t'embrouiller et te faire un maximum de temps afin que tu sois encore plus désespéré...
C'est, en effet, aussi possible, je dois prendre ça en compte, merci. Attends... COMBIEN DE TEMPS SE SONT ÉCOULÉS ??? Ouf, ça va, seulement quelques minutes. Tu me l'as dit bien trop tôt, tu aurais dû attendre bien plus longtemps avant de me dire ça.
Ton ton est bien trop goguenard. Est-ce que je te le dis ? Ou est-ce que je te laisse tes faux espoirs ?
hum, j'hésite... bon allez, je vais te le dire, ton air désespéré est bien trop amusant pour que je ne le loupe. Avant de crier victoire, tu devrais regarder la date du jour...

Mon regard se déplaça lentement vers le calendrier afin de vérifier la date. On est le 22 avril 1880, ce qui fait que ce n'est pas une demi-heure qui est passée, mais 48 h 30... il me reste donc 1 h 30 avant que mes parents ne meurent, si je suis toujours avec eux, en partant du principe que ce qu'a dit l'oracle est vrai, évidemment...

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Qu'auriez-vous fait ? Auriez-vous écouté ce soi-disant oracle et cette voix intérieure qui ne vous veut que du mal ? Ou auriez-vous fait fit de ces avertissements en espérant que cela soit faux ? J'aimerais bien connaître vos réponses. Je sais bien que je ne les connaîtrai sûrement jamais, mais faites-le quand même, si vous le vouliez bien...

Moi, après une demi-heure de questionnement, j'ai choisi de ne pas rester. Je suis donc parti, seul, loin de ma famille, loin de tous ceux que j'ai toujours connus, de nombreuses larmes coulant sur mes joues tandis que je faisais un dernier "au revoir" silencieux à ma maison...
Je n'ai pas laissé de mot ni de lettre d'adieu derrière moi, j'avais longtemps hésité, mais au cas où, j'ai fini par ne pas le faire...

Fin du chapitre 1

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