La dispute




"Et ça, c'est une rafllesia arnoldii, particulière pour sa grande fleur. La plus grande du monde."

Renauld part dans une description complète de cette plante qui s'étend sur la moitié de la serre. Pierre-Louis, que nous appellerons Pilou, étouffe un bâillement. Il a tout simplement horreur de ces leçons de botaniques, il s'en moque pas mal de la taille que peut atteindre une fleur ou l'odeur qu'elle dégage pour attirer des insectes. La seule plante qui peut s'avérer intéressante, c'est l'Amorphophallus Titanium, aussi appelé "phallus du titan".

Pilou avait à plusieurs reprises essayé d'entraîner la visite pédagogique sur une pente plus libidineuse mais le prof bien ennuyeux était passionné par ce qu'il disait.

Alors qu'ils se dirigent vers la sortie, à l'arrière de la serre, Pilou met un coup dans un pot, manquant le renverser de justesse, mais le guide a remarqué le geste et observe Pilou avec son éternel regard indéchiffrable. Mal à l'aise, le petit brun croise les bras et grogne un "quoi?" agressif.

"Rien, répond platement Renauld. Veux tu te promener un peu avec moi dans la forêt ?

- Si ça te fait plaisir, soupir Pilou, déçu de ne pas avoir provoqué plus de réaction chez son camarade."

Les deux hommes peu fréquentables entrent dans la forêt, Renauld, les mains dans les poches et en regardant les arbres d'un air blasé, et Pilou, toujours aussi grognon et mécontent. Rien ne vient briser le silence pesant qui règne et Pilou commence à regretter d'avoir accepté de venir. Renauld semble distant et préoccupé, ce qui ne rassure pas le pauvre Pierre Louis.

Finalement, alors qu'il n'y a que des arbres autour d'eux et pas d'âme humaine à part les deux randonneurs du dimanche, Renauld s'arrête brusquement, tournant le dos à un Pilou qui ne comprend pas ce qui se passe. Et à juste titre ! Le professeur universitaire est plus inexpressif qu'un caillou, plus déstabilisant qu'à l'accoutumé. Impossible de savoir ce qui se passe dans sa tête blonde qu'il trouve malgré tout mignonne.

"Bon, si tu as quelque chose à me dire, fais le ! s'exclame Pilou après avoir attendu quelques minutes que son camarade parle."

Ce dernier se retourne lentement, braquant son regard marron dans les yeux bleu lapis-lazuli tachetés de vert du psychopathe en herbe.

"Il faut effectivement que nous parlions.
- Eh bin parlons ! C'est quoi le problème ?"

Le cannibale plisse les yeux, observant avec attention un Pilou gêné par cet examen.

"Notre relation doit cesser, dit finalement Renauld.
- Quoi ?
- Je ne peux plus continuer cette relation extra conjugale, Pierre-Louis. Ce n'est pas juste pour Anabelle. Je suis un homme marié et j'ai des responsabilités."

Pierre-Louis encaisse le coup en écarquillant les yeux. Il ne s'attendait absolument pas à ça, et encore moins à sentir son coeur se serrer à l'idée qu'ils ne partageraient plus de moments ensembles, qu'ils soient intimes ou non.

"Alors, c'est tout ? explose le brun, les larmes aux yeux. Je n'étais qu'un jouet, pour toi ? Je croyais que...je croyais que ça avait de l'importance !
- Cesses donc de pleurnicher, Pierre-Louis, ça n'a jamais été sérieux entre nous."

En entendant ces paroles, Pilou comprend le sens des mots "avoir le cœur brisé". Ses yeux piquent alors qu'il cherche une trace de remord sur le visage de Renauld. En vain, son regard, toujours braqué sur Pilou, est froid, distant. Seul signe qu'il n'est pas figé dans la pierre : sa main qu'il serre et desserre.

Alors, notre pauvre psychopathe au cœur brisé laisse libre cours à sa colère et envoie son poing s'abattre rageusement sur un arbre. Enfin, "rageusement", c'est à dire qu'il tape à peine le bois de l'arbre. Néanmoins, il arrive à s'égratigner les phalanges, provocant par la même occasion l'ouverture des vannes à larmes.

"C'est de ta faute ! crie Pilou à Renauld, en se tenant la main."

Il s'apprête à l'injurier copieusement mais le regard brûlant de colère de Renauld le coupe. Le prof s'approche à pas lent, plus menaçant que jamais, tandis que Pilou se ratatine sur lui même, intimidé par celui qui, quelques instants plus tôt, était aussi expressif que l'arbre victime de sa colère. Jusqu'ici, jamais Pilou n'avait considéré Renauld comm dangereux. Et pourtant, c'est bien ce qu'il est : dangereux.

Mais malgré sa présence menaçante, Pil' ne bouge pas d'un pouce, bien qu'il est prit de quelques frissons qui lui hérissent les poils.

"Tu n'es qu'un imbécile égoïste, crache Renauld après l'avoir toisé.
- Mais, je....tu....,bafouille Pilou qui s'empêche de sangloter devant la violence des mots de celui avec qui, la veille encore, il partageait une étreinte passionné. Et toi, tu es un imbécile indécis !"

Et il se met à chouiner, sa main meurtrie serré contre son cœur. Les minutes s'écoulent sans que Renauld ne parte, il regarde Pilou pleurer, en proie à un dilemme dont il est le seul responsable. Finalement, il disparaît dans la forêt et Pilou, qui avait encore un espoir, se remet à pleurer.

Une éternité passe, enfin à peine dix minutes, et Pierre Louis n'a pas bougé. Il a cessé de pleurer mais il ressemble maintenant à un zombie. Soudain, un craquement de branche sur sa gauche le fait bondir et sortir son canif de secours. C'est un assassin, tout de même. Il guette le moindre bruit, prêt à sauter sur l'impertinent qui ose le déranger quand il se morfond, même si c'est un lapin.

Mais alors qu'il commence à perdre patience, Renauld sort des broussailles, des brindilles et feuilles plein les cheveux. Au lieu de se calmer, Pilou voit rouge et hurle :

"Pourquoi tu es revenu ? Dégage ! Je veux plus te voir !
- Je suis désolé."

Pierre Louis en lâche son couteau. Renauld qui s'excuse. Renauld qui a l'air malheureux. Renauld qui enlève son masque pour lui montrer son désarroi. Les deux hommes se regardent en silence, s'approchant lentement l'un de l'autre.

Alors qu'ils ne sont qu'à une vingtaine de centimètres, Renauld s'arrête et prend la main blessé de Pilou. Il retire délicatement la mitaine et dévoile des phalanges à peine rouges. Il s'empêche de sourire et pose plutôt ses lèvres sur la main. En relevant la tête, il constate que Pilou le dévisage avec des yeux ronds, les joues rouges.

Renauld s'approche encore un peu plus, posant sa main libre sur la joue de Pilou qui ne comprend plus rien.

"Je suis désolé, répète Renauld avant de l'embrasser."

L'échange est doux, au départ, comme si Renauld demande l'autorisation à Pilou. Puis, voyant qu'il ne se décale pas, il approfondit le baiser, faisant passer tout le désespoir qui l'a saisi après l'horrible annonce. Pil passe ses bras autour autour du cou de Renauld, se collant un maximum à lui. Quelques larmes coulent sur ses yeux et le prof doit le sentir car il se décale pour fixer les yeux bleu lapis-lazuli tachetés de vert brillant de larmes de son amant.

"Ne pleure plus, Pierre-Louis. Je ne t'abandonnerai plus jamais."

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