Chapitre 32 - Avoue-le
Quand j'étais petite, je jouais souvent aux cartes avec ma sœur. C'était notre grand-mère partie vivre en Angleterre qui nous avait transmis le goût du jeu. Alors dès qu'il faisait beau, nous nous réfugions dans le jardin durant des après-midis entières pour s'affronter. Parfois j'étais la gagnante, d'autres la perdante, mais cela m'importait peu car ce qui comptait réellement c'était de passer du temps avec elle. Chaque minute, que dis-je, chaque seconde en sa compagnie était importante. J'en avais besoin pour ne pas me sentir fille unique lorsqu'elle partait en voyage pour ses défilés.
Je m'imprégnais de nos moments de complicités, rythmés parfois par de banales disputes qui se terminaient toujours bien. Elle et moi ne restions pas fâchées très longtemps, trop paresseuses pour ignorer l'autre durant plus d'une heure.
Mais aujourd'hui, je ne sais plus comment jouer aux cartes. Je vois mon jeu entre mes mains tandis que celui d'Apollon est posé sur la table, me laissant ainsi cogiter durant de longues minutes presque interminables. J'ignore qu'elle carte dévoiler. Dois-je moi aussi lui avouer qu'il me plait ? Ou l'embrasser sans dire un mot est une meilleure solution ? Une relation est-elle véritablement envisageable ? Apollon est un mystère à lui tout seul et même si je sais que je dois le voir comme un jeu de cartes et non comme un casse-tête chinois, la tâche n'en est pas moins facile. Mes interrogations, ainsi que mes doutes, sont quant à eux toujours présents.
Je me focalise alors sur les sages paroles d'Isabella : « Il te suffit de repenser aux moments vécus à deux et de trouver ceux durant lesquels tu t'es le plus amusée. Ça ne trompe jamais. ». Une lumière aussi brillante que le soleil en plein été éclaire mon esprit après une analyse méticuleuse de chacun des mots. Je ne comprends pas comment j'ai pu être aussi aveugle durant tout ce temps. Depuis le début, j'avais sous le nez la réponse à toutes mes questions mais j'ai fait semblant de nier l'évidence. Je me suis murée dans le déni jusqu'à ne même plus m'en apercevoir.
- C'est toi, chuchotais-je pour moi-même.
- Qu'est-ce que tu as dit ?
Les yeux rivés sur la chaise longue en face de moi, je prends conscient de cette réalité qui me saute au visage. La sensation d'être vide lorsqu'il quitte la pièce après s'être livré à moi, l'envie de le toucher simplement pour sentir la chaleur de sa peau, boire avidement chacune de ses paroles car je sais que ce n'est pas dans son habitude de beaucoup discuter, autant d'éléments qui m'amènent à une seule conclusion possible.
- Tu as tort, lançais-je.
C'est certainement le pire début de déclaration au monde. Commencer par un reproche est loin d'être l'idée du siècle, pourtant c'est trop tard, les mots sont dits.
- Si je ne t'ai pas ouvert la porte, c'est parce que j'avais peur, m'empressais-je de rajouter.
- Peur de quoi ?
- De céder à la tentation de te tomber dans les bras.
Voilà une phrase des plus niaises, allant à la perfection avec le reste de mes propos de bas niveau. Impossible de sauver les meubles, ils sont déjà passés par-dessus bord comme le reste de ma dignité. Avec tous les livres que j'ai pu lire, je n'ai pas été fichue de retenir une bonne réplique pour avouer mes sentiments.
Le visage d'Apollon se décompose à mesure qu'il percute le sens de mes mots. Puis finalement, comme s'il avait remis toutes les pièces du puzzle en place, il sourit jusqu'à ce que deux fossettes habillent son visage. Je sais désormais que mon choix est le bon, il suffit simplement d'écouter mon cœur qui s'emballe à cette vue divine. Des perles d'eau abandonnent ses cheveux pour glisser le long de ses joues, j'ai envie de les rattraper avec mes lèvres avant qu'elles ne retrouvent l'eau de la piscine.
Peu sûre de moi, j'entoure son cou de mon bras et viens déposer un baiser dans le creux si tentant de sa fossette droite. Il tressaille à mon contact, glissant son bras autour de ma taille. Nos corps se retrouvent et pour la première fois, je ne me pose plus de question et fonce tête baissée. Nos gestes sont presque automatiques, si bien que j'ai l'impression que nous ne faisons qu'un.
- Tu me plais aussi Apollon, murmurais-je, ma tête enfouie dans son cou.
Ça y est, je l'ai dit, je l'ai enfin avoué. Ce n'était pas si terrible finalement d'exposer mon choix au grand jour. Je redoutais qu'une fois révélé, les remords me rongeraient jusqu'aux os mais c'est en fait tout le contraire. Un sentiment de légèreté se réveille au plus profond de mon cœur et chasse les quelques doutes qui y subsistaient encore. Désormais, il est entièrement réservé à Apollon. Il en a la totale exclusivité.
Ses doigts viennent caresser ma nuque qui frissonne à son touché. La pièce est calme, aucun bruit ne vient perturber cet instant magique que j'aimerais voir durer indéfiniment. Et ce n'est pas ses lèvres, embrassant chaque centimètre de la peau de mon épaule ainsi que de mon cou, qui me feront changer d'avis. Je le laisse découvrir mon corps presque entièrement révélé. Mon débardeur mouillé est comme une seconde peau, seuls mes sous-vêtements font encore barrière. Mais pour l'heure, cela est suffisant. Il y a encore beaucoup chose à explorer avant qu'il se lasse et que ma culotte ne termine dans un coin sombre de la piscine.
- Tu sens tellement bon, me chuchote-t-il.
- C'est le tout dernier gel douche Tahiti au pitanga.
Son rire étouffé dans le creux de mon cou me chatouille. Par réflexe, je me détache de lui alors qu'il continue à se moquer gentiment. Je pince mes lèvres, voyant que l'atmosphère romantique a été lamentablement gâchée par le dévoilement du nom de mon gel douche. Qu'est-ce qui m'a pris de lui parler de ça ? Ce n'est pas le genre de détail qui intéresse qui que ce soit. Au moins, ça a tout de même le mérite de le faire rire et ça, c'est une incroyable victoire.
Apollon n'est pas quelqu'un d'expressif. Son visage est continuellement fermé, ne laissant paraitre aucune émotion. Même en creusant son regard, impossible de déceler une once d'information sur ce à quoi il pourrait bien penser. Alors le voir rire de bon cœur et sans aucun filtre est un spectacle dont je ne me lasserai jamais. Quand bien même c'est à cause de mes bêtises.
- Au pitanga ? C'est quoi ça ? Rigole-t-il presque aux larmes.
- Euh, je n'en sais rien du tout en fait.
- Tant pis, mais continu à l'utiliser en tout cas.
Sa main gagne le creux de mes reins tandis qu'il se calme enfin. Nos deux corps retrouvent leur proximité et l'atmosphère se charge d'une vague de romantisme plus passionnelle. Chacun de nous a dévoilé ses cartes à présent, plus rien ne voile les sentiments de l'autre. Il suffit de lier nos regards pour parvenir à connaitre nos pensées les plus profondes et malgré les tentatives ratées d'Apollon pour garder une part de mystère, j'arrive sans soucis à discerner le tsunami qui le bouscule. Tout comme moi, ses sentiments sont enfin dévoilés au grand jour, c'est à nous désormais de les accepter et de les laisser gagner.
Nos cœurs ont bien assez résisté comme ça. Il ne faut pas se mentir, depuis notre rencontre une partie cachée battait déjà pour l'autre. Il venait de tomber sur une fille entêtée, fatigante et un peu bizarre tandis que je rencontrais un garçon froid, distant et qui n'aimait pas parler aux gens. Pour lui comme pour moi, c'était la première fois que nous tombions sur une personne aussi différente de toutes celles que nous avons pu rencontrer jusque-là. Et comme toute nouveauté, il y une phase d'appréhension où l'on se jauge, on s'étudie. Une fois cette étape passée, ce n'est plus le cerveau qui régit notre corps mais bien le cœur. C'est lui qui a le mot final, la sentence suprême.
Ses yeux dévorent chaque parcelle de mon visage toujours un peu plus proche du sien à chaque seconde de passée. Nos nez se frôlent, me provoquant une vague de frissons encore plus forte que précédemment. Je suis sur le point d'exploser quand sa main, plaquée sur ma nuque, met un terme aux derniers centimètres qui nous séparaient. Son souffle s'écrase contre ma joue au même moment où ses lèvres viennent en faire autant sur ma bouche.
Il ne bouge pas durant quelques secondes, laissant nos corps s'habituer à cette toute nouvelle proximité. Il entame par la suite une agréable danse dont le tempo est bien trop lent à mon goût. Mon envie de sentir ses lèvres contre les miennes me fait faire des choses complètements folles. J'entoure mes bras autour de son cou dans un élan de désir incontrôlable et appuie un peu plus ce baiser devenu fiévreux. Entre deux souffles, je parviens à murmurer son prénom comme pour m'aider à réaliser un peu plus que c'est bien Apollon. Que cet échange charnel ne soit pas qu'un simple fantasme de mon subconscient.
- Comment est-ce que tu fais pour être aussi belle ? me murmure-t-il.
Ce garçon me fait chavirer un peu plus et ce n'est pas sa langue, explorant le goût qu'a la mienne, qui remettra mes idées en place. A chacun de ses contacts avec la mienne, des palpitations embrasent mes muscles qui n'ont qu'une seule envie : s'accrocher aussi fortement que possible à « l'objet » de tous mes désirs.
Le navire pourrait sombrer en mer que nous ne nous en apercevrions même pas. Le monde autour de nous n'existe plus, rien ne compte hormis les sentiments de l'autre. Certains parlent de jardin secret où deux amants se retrouvent dès qu'ils en ont l'occasion, nous, il s'agit plutôt de piscine secrète. Lieu atypique pour deux âmes hors des cases habituelles.
- Je ne suis pas très doué en ce qui concerne les relations alors j'espère que tu pourras m'apprendre, avoue-t-il à demi-mot alors que ses lèvres caressent les miennes.
- C'est faux, tu sais parler aux gens c'est juste que tu n'aimes pas ça.
- Et tu ne trouves pas ça étrange ?
- Si, mais c'est charmant.
Il rit et le sentir sourire contre ma bouche ne fait que décupler les sensations que son rire me procure à chaque fois que je l'entends. Apollon est adorable.
- Tu es certainement la seule à apprécier mon manque de communication.
- C'est parce que je suis la seule à qui tu as donné une chance de l'aimer, lui fais-je remarquer.
Il ne lui en faut pas plus pour laisser nos lèvres se retrouver. Ses mains parcourent mon dos jusqu'à passer sous mes fesses. J'enroule mes jambes autour de sa taille et le laisse entrainer nos deux corps sous l'eau calme de la piscine. Ici, comme dans une bulle infranchissable par les problèmes extérieurs, nous pouvons sombrer dans le plus beau sentiment, mais aussi le plus compliqué : l'amour. Seul sentiment où l'Homme baisse sa garde, pouvant aller jusqu'à changer du tout au tout pour quelqu'un dont il ne parvient plus à se passer pour subsister. C'est ainsi que l'on peut mesurer la puissance, digne des plus grands dieux, qu'a l'amour sur nous, simples mortels vivants dans le but de connaitre ce bonheur un jour.
La relation fusionnelle de mes parents a toujours été un modèle pour ma sœur et moi. Nous rêvions d'avoir la même chance qu'eux. Aujourd'hui, je remercie les astres de m'avoir mise sur la route d'Apollon. Les étoiles ont su me guider, comme elles savent si bien le faire, vers la personne faite pour moi.
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Oui, enfin, c'est arrivé ! Alix et Apollon se sont enfin embrassés et pour votre plus grand plaisir j'en suis persuadée ahah.
Une pensée tout de même à notre pauvre Charlee pour qui les heures s'annoncent sombres après ce baiser auquel il n'était pas de la partie...
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