Chapitre 25 - La confrontation
A la recherche de mon téléphone portable perdu dans l'une des poches de ma veste en jean, je me dirige d'un pas pressé vers le planétarium. Isabella m'y a donné rendez-vous hier soir avant que je ne quitte la table, prise par de violents maux de ventre. N'ayant pas de projet précis, c'est avec plaisir que j'ai accepté. Avoir la tête plongée dans les étoiles n'est pas une chose que l'on peut refuser.
Parvenant enfin à retrouver l'objet électronique, j'envoie un message à Lou dans le but de m'excuser du lapin que je lui ai mis. L'écran d'accueil, sur lequel se trouve une photo de ma sœur et moi, m'indique qu'elle m'a laissé une dizaine de « ouvre cette putain de porte ! » sur l'application Messenger ainsi qu'un « ne me dit pas que t'es avec l'autre là ?! » sur Instagram. Je sais qu'elle ne porte pas Apollon dans son cœur alors je fais le choix de ne rien lui dire à ce sujet. Je lui explique simplement avoir eu une légère indigestion et que de ce fait, je me suis couchée relativement tôt.
Le travail des médicaments ayant assez bien fonctionné, je n'ai plus aucune trace de l'horrible soirée que j'ai vécu. En revanche, j'ai passé un bon quart d'heure à me brosser plusieurs fois les dents ce matin, ayant l'impression d'avoir encore un arrière-goût de vomi dans la bouche.
Au loin, armée de son fidèle et chaleureux sourire, Isabella m'attend devant l'une des deux grandes statues de bronze situées à l'entrée du planétarium. Ces deux imposantes gardiennes représentent Zeus à gauche et Hermès à droite. Ce dernier, un papier à la main, semble vouloir le transmettre au plus puissant des dieux. Elles sont peut-être figées, inscrites à jamais dans le temps dans cette position, pourtant on jurerait qu'elles communiquent. Là est toute la beauté de l'art. Il n'y a pas besoin d'être un fin connaisseur pour apprécier un spectacle immuable.
- Bella, ça me fait plaisir de te voir aussi rayonnante ! Comment te sens-tu aujourd'hui ?
- Bien, la nuit a été bénéfique.
- Tant mieux, te voir malade m'a beaucoup inquiété.
- Rappelle-moi de ne plus jamais craquer devant une île flottante.
Nous rions de bon cœur, heureuses que cette mésaventure appartienne au passé. Je la laisse se perdre dans les méandres des souvenirs à bannir et ne garde que la conversation eu avec Apollon ce soir-là. Éliminer le négatif et garder le positif, voilà le fil conducteur de ma vie.
A l'intérieur de ce cinéma dont le plafond est en forme de dôme, nous prenons place dans l'un des nombreux fauteuils rouges. Davantage habituée aux super productions hollywoodiennes, je pose aujourd'hui le pied dans un monde qui m'est totalement inconnu. Allons-nous réellement pouvoir être transporté dans la voix lacté avec cela ? Des doutes s'installent petit à petit, en même temps que mes fesses glissent au fond de ce fauteuil penché vers les étoiles. Mes yeux sont plongés dans l'immense écran sombre, attendant impatiemment de voir s'ils parviennent finalement à induire mon cerveau en erreur.
- Je dois te faire une petite confidence, me murmure Isabella afin que les autres passagers présents ne l'entendent pas. L'espace, les planètes, les étoiles, tout ceci ne m'intéresse guère.
Ne m'attendant pas à cette remarque, j'écarquille les yeux et pose une main sur ma bouche pour ne pas rire. Moi qui croyais être en compagnie d'une amoureuse de l'univers, je me retrouve avec une fille aussi perdue que moi dans cet impressionnant planétarium. L'italienne est pleine de ressources, elle a ce brin de fraicheur qui me plait tant chez l'être humain. Cette petite touche d'insouciance nous permettant de nous émerveiller pour un rien. J'aimerais être aussi jovial qu'elle plus tard.
- Mais ne le dis surtout pas à Francesco, cela doit rester un secret.
Aussi muette qu'une tombe, je mime une clé me servant à sceller mes lèvres et la jette derrière moi. Garder un secret se trouve être dans mes cordes.
La salle se plonge soudain dans un noir profond, ma vue se coupe l'espace de quelques secondes avant que le dôme fait d'écrans ne retrouve des couleurs. Nous y découvrons une pluie d'étoiles parsemant le cosmos. La voix douce et posée d'une femme nous raconte alors la naissance de l'univers tandis que les images défilent au fur et à mesure de ses paroles. Je ne l'écoute pas, bien trop occupée à profiter de ce spectacle si magique.
Nous volons de planète en planète, de trou noir en trou noir, d'étoile en étoile, c'est un ballet dont la chorégraphie est soignée à la perfection. Il y a de la grâce, de la poésie dans ces images que je ne saurais expliquer. Ce petit côté mystérieux nous faisant vibrer.
Lorsque la séance prend fin et que les lumières de la salle se rallume, je suis toute chamboulée. Malgré ma méconnaissance en astronomie, j'ai adoré en apprendre davantage sur ce qu'il y a au-delà de notre planète. Dans ce genre de moments, je me dis que ma curiosité n'est peut-être pas un si grand défaut. Sans elle, jamais je n'aurais pris autant de plaisir à découvrir ce film.
- Un petit verre te tente-t-il ? M'interroge Isabella alors que nous quittons la salle.
Sa phrase ne devient plus qu'un léger bourdonnement quand mes yeux rencontrent ceux de Charlee. Il est là, les bras croisés sur son torse, adossé au mur et me dévisageant le regard sévère. Je ne l'avais jamais vu aussi intimidant, je n'ose même pas lui faire face et ralentis donc le pas afin d'être plus proche d'Isabella.
- Ce n'est pas un te tes amis ?
- Non, nous ne sommes pas amis.
A mon ton sec et froid, elle comprend qu'il s'agit d'un sujet dont je n'ai pas envie de parler pour le moment. Elle se contente donc d'un « oh » et continue son chemin avec moi à son bras. Mais si Charlee est là, ce n'est pas pour rien. La main que je sens soudain se poser sur mon épaule lui appartient et je sais alors qu'il s'agit du début des ennuis.
- Alix, je dois te parler.
Sa voix grave, presque autoritaire, ne me fait pas vaciller. Je l'ignore sans même me retourner. Cela ne semble cependant pas lui convenir puisqu'il resserre l'emprise qu'il a sur moi.
- C'est important, murmure-t-il.
Sentant qu'il se radoucit, je lâche le bras de l'italienne et lui fait signe de partir sans moi. Dans un long souffle, les yeux clos, je me prépare à faire face au brun. Lorsque mon corps pivote et que mes pupilles trouvent les siennes, le Charlee intimidant a disparu.
- Je sais que c'est mal de suivre quelqu'un mais je devais te parler.
C'est alors à mon tour de croiser les bras sur mon torse, attendant ses paroles soi-disant si importantes. Cela me donne un air de fille agacée, exactement ce qu'il me faut pour qu'il ne s'aperçoive pas de mon mal-être intérieur. Notre dispute m'a beaucoup affecté, j'ai été blessée et lui reparler n'est pas aussi facile que je ne le pensais. Sentir son regard sur moi, être face à sa carrure imposante, devant lui je perds mes moyens. Comment ai-je pu en arriver là alors que j'avais la sensation de pouvoir tout lui dire ? Comment notre relation a pu à telle point changer de bord ?
- Je suis désolé, je ne voulais pas te blesser.
J'hausse les épaules dans l'indifférence la plus totale. Il semble sincère, là n'est pas la question, mais je dois continuer à lui faire croire que je n'en ai que faire et que je suis déjà passée à autre chose. Pour la première fois de ma vie je pense être convaincante dans mon mensonge.
- Ma famille m'a toujours pourri la vie et indirectement ils continuent puisqu'à cause d'eux, on s'est éloigné. Je trouve ça stupide.
Sans un mot j'acquiesce. Je me rends alors compte que j'agis comme Apollon. Ne rien dire, écouter en faisant la sourde oreille, ne penser à rien et fixer un point imaginaire, c'est l'art du mutisme qu'il manie à la perfection. Je crois que j'ai passé un peu trop de temps en sa compagnie, il commence à déteindre sur moi.
- Donc tu vas rester planter là sans rien dire ?
J'ai l'impression de me voir en Charlee lorsque j'essayais de communiquer avec Apollon. Tenter par tous les moyens de faire parler l'autre, quitte à le bousculer un peu. A cette pensée, un sourire se dessine sur mon visage. Si le châtain me voyait à l'heure actuelle, il serait sans doute fier de voir que la grande bavarde que je suis sais également retenir ses mots au bon moment.
- Tu te fous de moi maintenant ? J'étais venu t'expliquer pourquoi mes parents me donnaient envie de vomir et toi tu ne trouves rien d'autre que rire ?!
Ses paroles tranchantes effacent l'image d'Apollon trainant dans mes pensées. Pour la première fois de notre conversation, je laisse mes bras tomber le long de mon corps et me rapproche de lui. Mon masque de la fille indifférente n'aura pas tenue très longtemps finalement.
- Tu te trompes, je souriais parce que j'étais contente de te reparler, mentais-je.
Alors qu'une de mes mains gagne son torse, il déglutit. Sa tête se baisse et il s'éloigne d'un pas.
- Attends, si tu te rapproches comme ça je vais avoir envie de t'embrasser alors qu'on doit d'abord discuter.
J'ôte à la hâte ma main que je serre contre ma poitrine. Je sens mon cœur s'accélérer en repensant à notre baiser. J'avais adoré gouter à ses lèvres et me sentir blotti contre lui. Cet instant avait été magique mais de courte durée. Derrière ses belles paroles et ses gestes affectifs, je ne connaissais rien de lui. Il était un mystère ne voulant pas se dévoiler. Le peu qu'il se permettait de partager s'avérait n'être que mensonge et fiction alors étais-je prête à lui laisser l'opportunité de se racheter ?
- Je sais que je t'ai menti et que tu n'as jamais vraiment su pourquoi. Je ne voulais rien te dire car je trouvais ça trop personnel mais en y réfléchissant un peu plus, j'ai compris que je te devais des explications.
- Jamais je n'ai voulu me montrer trop intrusive, je voulais juste savoir pourquoi tu ne te montrais pas honnête avec moi.
- Je l'ai compris après y avoir pensé toute la nuit.
Vient-il d'avouer ne pas avoir réussi à s'ôter mon image de la tête ? Cela signifierait qu'il n'est peut-être pas si indifférent à toute cette histoire.
- Laisse-moi t'expliquer, me chuchote-t-il dans le creux de l'oreille alors que ses bras viennent entourer mon corps.
En pleine réflexion avec moi-même, je ne réponds pas à son étreinte et reste de marbre. Aussi droite qu'un pilonne de marbre décorant certaines allées du navire, je le laisse resserrer son emprise sans bouger. Mes bras sont coincés entre son torse et le mien, formant ainsi une barrière entre nos deux cœurs.
Son souffle chaud me chatouille le cou et, alors que je ne m'y attends pas, ses lèvres rencontrent ma peau. Il dépose une pluie de doux baisers en partant de mon épaule et terminant en dessous de mon oreille. Je sens tout mon corps réagir à ses petites attentions, il se laisse faire dans un plaisir enflammé. Je ne peux réprimer mon envie de lui rendre ses baisers. C'est donc sur la pointe des pieds que je me hisse jusqu'à son cou, mes lèvres à quelques centimètres de sa peau m'appelant indéniablement.
Et soudain, comme un éclair me parcourant de la tête au pied, je réalise que je m'apprête à commettre une terrible erreur. Pour la seconde fois, j'allais me faire avoir en beauté. Réalisant cela, je le repousse de toutes mes forces loin de moi.
- Non ! Pas encore ! Tes belles paroles et tes douces caresses tu peux te les garder, ce que je veux c'est la vérité !
- Alix, murmure-t-il en posant ses mains sur mes épaules.
- Non, ne me touche pas ! Criais-je de plus belle.
- C'est quoi le problème ? Demande une voix derrière moi.
Malgré l'immensité du navire, le hasard reste le maitre de tous les évènements survenant dans nos vies. Apollon aurait pu se trouver n'importe où ailleurs, mais non, il a fallu qu'il tombe dans le seul couloir où je me trouve en compagnie de Charlee. Cette conversation sent encore plus les ennuis que je ne le pensais.
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2k vues !! Merci à vous tous qui suivez les aventures de notre chère Alix ! C'est toujours avec la même joie que je vous retrouve à chaque nouveau chapitre.
Apollon et Charlee se font enfin face, ça craint un peu ahah
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