Ma robe d'un bleu nuit semble si inappropriée pour la situation. Je me sens mal à l'aise au milieu de toutes ces femmes portant des tenues de soirée valant plus chères que mon voyage sur ce navire.

Le commandant, se prénommant Fred, nous a chaleureusement convié à le rejoindre à sa table. Je suis donc en compagnie d'Apollon et des membres hauts placés de l'équipage. Parlant des voyages à travers le monde que chacun à respectivement fait, je me sens légèrement exclue de cette discussion.

- Et vous ma chère Alix, quels lieux extraordinaires avez-vous eu la chance de visiter ? M'interroge Fred.

- Et bien c'est mon premier vrai voyage à l'étranger pour être honnête. Je ne suis partie qu'une seule fois en Angleterre avant ça.

- Vous comptez rester un peu à New York après notre arrivée ?

- Oui, j'y séjourne tout le week-end avant d'aller au Canada pour terminer mes études.

- Voilà un excellent projet ! Notre petit Apollon pourra vous aider à vous installer étant donné qu'il vit dans la région. C'est bien cela ?

- Oui, répond l'intéressé.

Moi qui pensais que les canadiens étaient des personnes chaleureuses et ouvertes d'esprits, je crois m'être totalement plantée à ce sujet. Ou alors Apollon est une exception. Quoi qu'il en soit, j'espère qu'ils sont tout de même plus accueillant que lui sinon mon année risque d'être relativement longue.

- Qu'étudies-tu Alix ? Reprend le commandant.

- L'ingénierie navale. J'aimerais pouvoir créer un paquebot aussi somptueux que celui sur lequel nous sommes mais qui fonctionnerait en respectant la nature.

- Tu es donc une passionnée des bateaux ?

- Oui, depuis que j'ai vu le Queen Mary deux au port de Southampton lors de mon voyage en Angleterre justement, j'ai eu un coup de foudre en quelque sorte.

- Lorsque cela vient du cœur, nous ne pouvons pas nous tromper. Je suis ravi d'avoir fait la connaissance d'une jeune fille brillante dont l'avenir est très prometteur. J'espère avoir l'honneur de piloter un jour une de tes créations.

- Tout l'honneur serait pour moi.

Cette conversation est tout simplement incroyable, j'ai l'impression d'être dans un rêve. Peut-être vais-je me réveiller dans mon lit et prendre conscience que tout ceci n'était que le fruit de mon imagination. Si c'est bel et bien le cas, j'aimerais continuer à rêver encore un peu alors. Juste quelques minutes de plus afin de profiter de cet instant magique.

- Allez les jeunes, il est temps de danser un peu ! Apollon, ce soir tu auras moins de travail étant donné que je vais essayer d'accorder une danse à chaque femme présente. D'ailleurs la première est pour toi ma chère Alix.

Honorée, je prends son bras et nous nous dirigeons vers la salle de bal. Tous les regards se tournent vers nous lorsque nous arpentons les couloirs menant au lieu de la soirée. Dans un coin, des yeux noisette me scrutent. Il me regarde passer avant de tourner les talons et de s'en aller. Je baisse alors la tête, réfléchissant aux derniers évènements qu'il y a eu entre nous.

- Vous n'étiez pas avec ce garçon tout à l'heure ? Me questionne le commandant alors que nous ne sommes pas encore arrivés à la salle de bal.

- Si en effet.

- Problème de cœur ?

- Oui, si on veut, murmurais-je. 

- Les garçons sont parfois stupides, il ne faut pas nous en vouloir.

- Vous n'êtes pas tous comme ça.

- Grand dieu, je l'espère !

Face à ses grands gestes appuyant le côté mélodramatique de sa phrase, je ris de bon cœur. Cet homme est formidable. Je ne le connais que depuis une heure environ et pourtant j'ai l'impression que nous nous sommes déjà rencontré. Peut-être était-ce dans une vie antérieure ?

La grande salle dans laquelle j'ai déjà passé une excellente soirée avant-hier soir, est décorée de mille roses d'un même bleu nuit que ma robe. Des rubans blancs viennent traverser de part et d'autre le plafond. Il y a même une grande fontaine à chocolat au fond de la salle, entourée de tables de buffets sur lesquelles se trouvent friandises et autres sucreries à tremper dans la cascade de cacao. Je n'ai qu'un seul mot pour décrire cette carte postale : féérique.

L'enfant que je suis a les yeux remplis d'étoiles scintillantes. J'en oublie presque mes larmes versées pour Charlee. Ce soir c'est ma soirée, celle que j'ai attendu depuis si longtemps. Même si une part de moi est toujours blessée par le côté désinvolte du brun, je tente de refouler ce sentiment négatif afin de profiter du moment présent. Demain, une fois que la réalité m'aura rattrapée, je ferai face à cette histoire de mensonge et de non-dit qui dure depuis déjà trop longtemps.

- Comment trouvez-vous cette soirée ? Me demande Fred alors que nous commençons à danser.

- Parfaite, merci infiniment de me faire rêver.

- Cette fête est rendue magique grâce à des personnes comme toi qui s'émerveillent de ces vieux bals souvent tombés aux oubliettes.

De ma main se trouvant dans la sienne, il me fait tourner sur moi-même. Cette valse est la meilleure que je n'ai jamais dansé. Bien que mes pas soient fébriles par moment, dû au fait que mon partenaire n'est pas n'importe qui, je me sens danseuse dans l'âme. Je suis en confiance lorsqu'il me dirige. En plus de savoir piloter un paquebot, il sait également très bien s'y prendre pour mener sa partenaire de danse.

Lorsque la musique prend fin et que les musiciens entament la suivante, je dois le quitter. Déjà une horde, de ce qui pourrait être mes grands-mères, s'est amassée autour de nous. Chacune essaie de s'approcher un maximum de lui afin de pouvoir être sa prochaine cavalière.

- Je vais devoir te laisser ma chère Alix, dit-il en me souriant.

- Merci pour cette danse.

- Il y en a un qui t'attend je crois, m'informe-t-il en jetant un regard derrière moi.

Je tourne alors la tête et vois Apollon se tenant là, droit comme un piquet et les mains dans le dos. M'attend-il ? C'est en tout cas ce qu'il laisse paraitre puisqu'à peine mes yeux posés sur lui, il me tend sa main pour m'emmener danser. Hésitante, je l'accepte et me laisse entrainer dans une nouvelle danse sur un tempo doux et plein d'intimité.

Fidèle à lui-même, il ne dit rien. La mélodie guide nos pas comme si nos corps se comprenaient parfaitement. Cette fois, je ne lui marche pas une seule fois sur les pieds. Mais vais-je entendre son rire ?

- Tu t'es amélioré, me murmure-t-il dans l'oreille.

- Je ne suis pas une petite sotte, ne sachant pas mettre un pied devant l'autre, contrairement à ce que tu penses, lui répondais-je alors que ma tête est posée sur son épaule.

- Tu crois que c'est de cette façon que je te vois ?

- C'est ce que tu laisses paraitre en tout cas et comme il est impossible de te déchiffrer, oui c'est ce que je crois.

Je sens son souffle dans mon cou. Il est chaud, agréable, mais beaucoup trop déstabilisant. A quoi joue-t-il ce soir ? J'ai l'impression que le monde a été bousculé, retourné, que les rôles se sont inversé. Charlee est devenu froid et distant tandis qu'Apollon a décidé de se montrer courtois et chaleureux. Cela me perturbe au plus haut point, je suis perdue au beau milieu de leur changement d'humeur.

Les garçons pensent toujours que nous, les filles, sommes des êtres dotés de facettes difficilement déchiffrables. Qu'un casse-tête chinois est moins dur à comprendre que nos sentiments ou actes. Pourtant, face à Charlee et Apollon, je me dis que les hommes ne sont pas aussi simples qu'ils le laissent paraitre.

- Alors comme ça tu vis au Canada ? Tentais-je de faire la discussion puisqu'il semble disposé à prendre la parole.

- Oui, mon père en est originaire.

- Et ta mère ?

- Elle est américaine. Les deux sont anglophones et voulaient que leur enfant est l'opportunité de vivre dans une double culture alors ils ont emménagé au Québec.

- Tu es fils unique ?

- Oui, avoue-t-il d'un ton déçu. Et toi ? Me demande-t-il après avoir marqué une petite pause.

- J'ai une grande sœur qui s'appelle Annabeth.

- Tu l'aimes ?

- Oui évidemment. Pourquoi cette question ?

La musique prenant fin, nous nous détachons l'un de l'autre. Il me regarde une dernière fois de ses yeux azur et emmène une autre fille danser, sans répondre à ma question. N'ayant plus de cavalier, je me dirige alors vers la fontaine de chocolat. Quoi de mieux que du cacao pour noyer toutes mes frustrations. D'un pique en bois, je plante sauvagement une pauvre fraise n'ayant rien demandé. Une fois enrobée de chocolat au lait, je la gobe un seul morceau. Evidemment, je m'en mets partout. Je cherche donc de quoi essuyer ma bouche quand quelqu'un me tend une serviette.

- Toujours en train de se faire remarquer.

Face à Apollon, je reste plantée là sans pouvoir bouger. Je suis si étonnée de le voir à mes côtés que mes muscles sont tétanisés. Je n'ose même plus continuer à mâcher la fraise que j'ai toujours dans la bouche.

- Tu vas prendre cette serviette pour t'essuyer toi-même la bouche ou va falloir que je le fasse ? S'agace-t-il.

Le voyant s'approcher, je me secoue et attrape en vitesse son mouchoir blanc. J'avale mon fruit chocolaté et me débarbouille.

- Tu ne danses pas finalement ? Lui fais-je remarquer.

- Non.

- Pourtant c'est ton job.

- Et alors ?

Le retour des phrases courtes « made in Apollon ». Ce garçon est agaçant tout en étant passionnant. Le nuage de mystère dans lequel il s'est enveloppé est attirant. On a envie d'y plonger tête baisser car derrière, se cache peut-être une fantastique île qui ne demande qu'à être découverte.

- Je voulais simplement savoir si tu aimais avoir une sœur, lâche-t-il sans que je ne comprenne de quoi il parle.

- Comment ça ?

- Je réponds à la question que tu m'as posé avant que la musique ne prenne fin.

Un blanc s'installe entre nous alors que la fête bat son plein tout autour. Pour une fois, je ne sais pas quoi dire à la personne qui se tient face à moi. Je n'ai même pas une piste de conversation. En fait si, j'en ai des tonnes mais j'ai peur de les sortir et de le faire fuir alors que j'ai la sensation que nous nous sommes rapprochés.

- Tu m'accordes une deuxième danse ?

- Tu ne vas pas avoir des problèmes en passant autant de temps avec moi ? Rigolais-je.

- Certainement.

- Je ne veux pas te causer du tort pour qu'ensuite tu viennes m'accuser.

- Tais-toi un peu, s'énerve-t-il en me prenant par le bras.

Alors que je pensais être entrainée sur la piste de danse afin de rejoindre les autres couples, nous restons finalement là, près de la fontaine à chocolat. Il y a peu de gourmands ce soir, nous sommes donc quasiment les seuls dans ce coin de la salle. Cela rend cette danse plus intime que la précédente. Je sens mon cœur commencer à battre plus rapidement que la normale.

- Que t'arrive-t-il ce soir Apollon ? Murmurais-je d'un ton presque inaudible.

Ne répondant pas à ma question, j'en conclu qu'il ne l'a pas entendu. Dans un sens cela ne me dérange pas car même si j'ignore la raison de ce changement de comportement, je profite de cette soirée qui continue à être magique. Comme je me le suis déjà dit à moi-même, la réalité me sautera au visage demain. Peu importe à quel point elle sera violente, j'aurai au moins cette sublime soirée pour me consoler.

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Je ne sais pas vous mais moi je suis fan des petits moments entre Alix et Apollon ! Bon j'avoue j'étais aussi fan de ceux avec Charlee, en fait ça dépend des semaines ahah... 

Par contre, j'ai déjà choisi ma team mais évidemment je ne dirai rien. Et vous ?