Chapitre 17 - Fini la distance

Je scrute ma montre en cuir depuis bientôt trente minutes. Assise sur le bord de mon lit, je passe inlassablement mes mains sur les volants de ma petite robe noire. Charlee est en retard.

- Mais où est-ce qu'il est ?!

Extérioriser ma frustration est devenue vital. Mettre des mots sur mes sentiments me calme. J'arrête peu à peu de frotter sur ma robe qui n'a rien demandé. J'aurais dû m'inscrire à un cours de yoga plutôt qu'à celui de funck aerobic. J'ai l'impression que la séance m'a excité, qu'elle n'a pas su canaliser toute mon énergie. Ou alors elle m'a un peu trop revigoré. Quoi qu'il en soit, j'ai mon cerveau qui tourne à cent à l'heure.

J'attrape mon téléphone portable posé sur la table de chevet et commence à écrire un long message au brun non ponctuel. Le bruit de quelqu'un toquant à ma porte m'arrête aussitôt dans ma lancé. Je fonce ouvrir comme une folle à celui que j'attends depuis de longues minutes.

- Te voilà enfin !

- Hey du calme Jones, j'ai été retenu au boulot.

Les bras levés comme si un policier l'arrêtait, il me fait son éternel sourire. Cependant, je ne suis pas d'humeur à rire. A cause de lui, nous allons être en retard à la soirée du commandant, celle que je me suis jurée ne pas manquer. Je l'attrape donc par le bras et le tire dans ma chambre. Surpris par mon geste et voyant ma mauvaise humeur, il se recule.

- Je suis désolé d'être en retard mais pas besoin de s'exciter comme ça hein.

- Tu n'es même pas encore habillé Charlee, dépêche-toi là !

- J'ai tout dans mon sac c'est bon. En plus je ne comprends pas ce qui nous presse autant.

- On va à la soirée du commandant et elle a déjà commencé !

- T'es au courant que je ne peux pas y aller ?

- Oui, c'est pour cette raison que je t'ai achetée une perruque et une moustache.

- Tu as fait quoi ?

Ne me croyant pas, je lui sors donc mes achats pour preuve. Comprenant alors que je suis sérieuse, il se met à rire. Pourquoi trouve-t-il ça amusant ? Ce n'est pas le moment de perdre encore plus de temps, les minutes comptent et s'il continue ainsi, je n'aurais pas ma photo. Charlee a décidé d'être agaçant ce soir ou c'est simplement moi qui accorde beaucoup trop d'importance à la soirée ?

- Alors quand Jones invite un garçon à un rendez-vous elle le déguise ? Sympa le concept.

Le fait qu'il qualifie notre soirée de « rendez-vous » me stoppe alors que je faisais les cent pas. Je ne lui ai jamais amené cela comme une sortie romantique. Pour moi, c'était avant tout pour mieux apprendre à se connaitre et surtout éclaircir ce fameux mensonge qui m'est resté en travers de la gorge. J'ai besoin d'explications car je déteste rester dans le flou. Mais il n'a pas tort, dans un sens cela est censé nous rapprocher et c'est le but même d'un tête à tête non ?

Etant désormais plus calme, je prends conscience de mon comportement un peu hystérique. Lorsque quelque chose me tient à cœur, je peux souvent paraitre un peu folle. Je suis ce que l'on appelle une passionnée. J'agis bizarrement et ce n'est qu'avec du recul que je me rends enfin compte que j'aurais dû y aller plus doucement. Selon ma mère, c'est mon plus gros défaut. Pas dans la vie de tous les jours, non, cela est même un avantage dans mes études, mais dans mes relations amoureuses en revanche, oui. Apparemment, j'intimiderais les garçons en agissant ainsi.

Pourtant, Charlee n'a pas l'air d'être choqué. Il continue à rigoler tout en se changeant devant moi. C'est d'ailleurs en retirant son t-shirt que je me surprends à le regarder. Au lieu de détourner le regard ou même rougir comme une tulipe, je continue à le contempler sans réellement savoir pourquoi je reste planter là.

- C'est un peu gênant le regard que tu me lances.

- Tu dis ça comme si aucune fille ne t'avait jamais vu torse nu.

- Non, je dis ça parce qu'on dirait un félin prêt à sauter sur sa proie.

­- Absolument pas ! Si je te regarde avec insistance c'est pour te mettre la pression, active-toi !

Il rigole et finit par retirer son t-shirt qu'il remplace par une chemise noire. Jusqu'ici, je n'avais pu voir les reliefs de son corps qu'à travers un vêtement mouillé. Sans grande difficulté, j'avais pu déduire qu'il était relativement bien bâti. Aujourd'hui, je confirme mes pensées. Il a ce que l'on appelle communément des tablettes de chocolat. Mais bizarrement, au lieu de trouver cela attirant, j'ai l'impression qu'une barrière vient de se mettre entre nous deux. Un mur aussi solide que ses muscles.

Un garçon avec un corps tel que lui, dans un sens, m'intimide. J'ai toujours été mal à l'aise avec les gens au corps de rêve. Ils me rappellent ma sœur et son travail acharné pour garder une ligne parfaite. La gourmande que je suis a dû mal à comprendre les personnes sportives tel qu'Annabeth ou Charlee. J'ai parfois l'impression que nous vivons dans des mondes différents et c'est pour cette raison que j'ai cette sensation de distance tout à coup.

- Je suis prêt, il ne manque plus que la perruque et la moustache.

Je ne comprends pas tout de suite la raison l'ayant poussé à me tendre la main. Je suis bien trop occupée à me remémorer l'image de son corps parfait n'allant pas avec le mien. C'est seulement lorsqu'il fait semblant de se dessiner une moustache avec ses doigts juste au-dessus de ses lèvres, que mon cerveau tilt. Il attend que je lui donne mes achats que je tiens fermement dans les mains.

Telle une enfant hésitant à laisser son jouet à quelqu'un d'autre, je lui tends ce qu'il me demande. En attrapant le sac plastique, sa peau rencontre la mienne et le même choc électrique que la dernière fois me parcourt le corps. Je retire alors rapidement ma main tandis qu'il me jette un regard amusé.

- T'es étrange ce soir Jones mais c'est encore plus marrant, dit-il en sortant les articles de leur emballage.

- C'est juste que cette soirée est importante pour moi. Rencontrer le commandant c'est toujours l'apogée d'une croisière et celle sur le Queen Mary deux est mon rêve depuis plusieurs années maintenant.

- Si ça a tant d'importance pour toi, je ferai en sorte que tu passes le meilleur des moments dans ce cas.

Ce que je ne pourrai jamais reprocher à Charlee, c'est bel et bien sa gentillesse. Peu importe son mensonge, le fait qu'il aime le sport ou encore qu'il prenne tout à la rigolade, il reste une personne avec cœur comme il y en a rarement de nos jours. Un cœur rempli de bonnes intentions.

Alors qu'il enfile sa perruque, quelques-uns de ses vrais cheveux lui tombent toujours sur le front. Je m'approche doucement de lui, jusqu'à être assez près pour sentir son souffle sur mon visage, et les lui cache en-dessous de ce qui va être sa coiffure pour cette fin de journée. Il regarde attentivement mes gestes avant d'ancrer ses iris chocolat dans les miens. Moi qui les pensais presque noirs, ils sont en fait relativement clairs. Des éclats de dorés les parsèment, les rendant malicieux.

Sa respiration s'accélère, elle est plus saccadée. Aurait-il le souffle coupé tout comme moi ? C'est en tout cas ce qu'il laisse paraitre.

Ma main, qui a terminé de le recoiffer, glisse sur son visage. Elle est à présent posée sur sa joue. Mon pouce gagne ses lèvres. Je sens son regard se transformer en désire alors que je monte sur la pointe des pieds. Ce que je m'apprête à faire est une bêtise. Commencer par un baiser ce n'est jamais de bon augure pour la suite. Je sens que la conversation sérieuse que j'espérais tant va partir en éclat à l'instant même où nos lèvres entreront en contact. Mes questions devront rester sans réponse une journée de plus.

Malgré tout, je ne m'arrête pas. J'ai envie de savoir ce que cela fait de l'embrasser. Son simple touché me faisant frissonner, j'ai envie de gouter à ses baisers, me laisser submerger par une vague de sentiments que je croyais possible uniquement dans les romans.

- Jusqu'où comptes-tu aller comme ça Jones ? me murmure-t-il alors qu'il ne reste que quelques centimètres entre nous.

Sa question, qui en réalité n'en est pas une, me donne encore plus envie d'aller jusqu'au bout de mes intentions. J'aurais beau jouer les indifférentes face à son charme, dire que ses abdominaux ne m'intéressent guère, Charlee n'en reste pas moins attirant. Il a cette petite étincelle de folie qui me plait tant car c'est la même que celle qui m'habite. Nous aimons tous les deux nous amuser comme des enfants s'imaginant à longueur de journée dans un parc d'attractions. Deux âmes vagabondes que la magie de la vie émerveillera toujours.

- Par contre t'es un peu longue je trouve.

Si ce n'était pas Charlee, j'aurais relativement mal pris cette réflexion. Mais face à son sourire béat, je ne peux que rire avec lui.

- Parce que tu es pressé ?

- Et bien il y a une fille que je connais qui m'a mis la pression un peu plus tôt tu vois. Du coup, je croyais qu'elle était pressée.

- Cette fille sait aussi prendre son temps.

- Pas quand il faut apparemment.

Cette alchimie qu'il y a entre nous, je la ressens jusqu'au plus profond de mon cœur. Ce dernier tambourine d'ailleurs dans ma poitrine comme s'il s'apprêtait à briser la paroi de ma cage thoracique. J'ai l'impression de l'entendre toquer pour me dire : « Hey Alix, bouge tes fesses et embrasse-le ! ».

Il a raison, je devrais mettre fin aux quelques centimètres qui nous séparent et pourtant je ne le fais pas. Pourquoi ? Parce que j'aime que ce soit le garçon qui fasse le premier pas. C'est cliché, peut-être même d'un autre temps, mais c'est ma part de romantisme qui m'interdit d'aller plus loin si cela ne vient pas de lui. J'espère qu'il le comprend et qu'il aura l'audace de déposer ses lèvres rosées sur les miennes. Il est à présent le seul maitre de l'avenir de cette soirée.

Ses mains gagnent mon visage. Désormais, il est pris entre ses deux paumes chaudes. Ses pouces caressent doucement la peau de mes joues alors que des flammes de désire brulent son regard.

Comme devant un feu de cheminer réconfortant lors des froides soirées d'hiver, je me laisse émerveillée par ses pupilles envoutantes. J'ai chaud. Je ne sais pas si c'est mon imagination ou la réalité, mais j'ai la vive sensation qu'une perle de sueur dévale mon front pour se terminer le long de ma mâchoire.

- T'es vraiment incroyable Jones.

Sur ces belles paroles, le brun joueur se décide enfin à fermer les yeux. A l'instant même où la peau de nos lèvres se touche, mon cœur tambourine si fort que je sens ses battements raisonner dans mon crâne. Contrairement à ce que j'ai pu lire ou entendre jusqu'ici, j'ai plutôt la sensation d'avoir un marteau piqueur dans le cerveau plutôt que des papillons dans le ventre. Malgré tout, c'est une sensation agréable.

J'aime embrasser Charlee. 

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Oui enfin, vous l'attendiez et bien le voici ! Alex et Charlee on enfin passé le cap du bisou mdr. J'espère que la scène n'est pas trop cliché, c'est dur de ne pas tomber dans le niais relou ahah.

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