Chapitre 11 - Tempête à bord

Apollon se retourne dans ma direction et se rapproche de moi à la hâte. Il n'a pas l'air très content de mon « gros con ».

- C'est toi qui viens tout le temps me coller alors je t'interdis de me dire ça ! Si tu n'aimes pas mon silence, lâche-moi la grappe ! Ce navire est assez grand pour qu'on ne se croise pas et que l'on vive chacun tranquillement notre vie, alors va de ton côté, je vais dans le mien, et on aura tous les deux ce que l'on veut !

Il fait volte-face pour reprendre le chemin sur lequel il était juste avant. Ne sachant pas quoi dire après m'être faite crier dessus de la sorte, c'est moi qui reste sans voix face à lui aujourd'hui.

- Ah et un dernier truc.

Il se retourne une nouvelle fois, faisant voler ses cheveux châtains qui lui tombent peu à peu sur le front. Son regard bleu me transperce.

- J'accepte tes excuses. J'espère qu'avec ça, tu me ficheras la paix.

C'est ainsi que je le regarde partir une bonne fois pour toute. J'entends encore le son de sa voix résonner à travers chaque partie de mon corps. Mon sang est glacé. Même un vampire assoiffé n'en voudrait pas tellement il est froid.

Mon cœur s'est serré face à son ton blessant. J'ai l'impression qu'il ne bat plus et pourtant c'est le cas. Sinon je serais morte. Mais après avoir vu le mépris dans ses yeux, quelque chose en moi a réellement disparu. Je ne suis pas encore sûre de ce qu'il s'agit. Cependant, j'ai la vive impression que ma ténacité à ne jamais abandonner vient bel et bien de prendre la poudre d'escampette. Tout comme Apollon a fui loin de moi.

Pourquoi ai-je été si têtue ?! En y réfléchissant c'est lui qui avait raison depuis le début. Ma quête d'attendre l'entendre dire qu'il ne m'en veut pas était tout bonnement stupide. Je me suis acharnée sur lui sans raison.

Dépitée, je traine des pieds jusqu'à la porte de ma chambre. Une fois à l'intérieur, je me laisse doucement glisser au sol. Un long soupir s'échappe de ma bouche. Cette journée a été riche en émotions.

Nous ne sommes que le premier jour et j'ai réussi d'un à me casser la figure devant tout le monde, de deux à faire faux bon à un ami, de trois à me mettre à dos un gars. J'ai peur de ce qu'il pourrait m'arriver demain. A ce rythme-là je vais finir par faire couler le navire. Comment ? Je ne sais pas, mais j'ai le sentiment de pouvoir y arriver avec ma malchance en ce moment.

Je n'ai même pas le courage d'aller me doucher. Je n'ai d'ailleurs même pas l'énergie nécessaire pour me lever. De toute façon la moquette en losange beige n'est pas si désagréable que ça. Je me risque à dire qu'elle est plutôt confortable. Probablement que je n'aurais plus la même impression demain matin en me réveillant.

Mes paupières clignent plusieurs fois avant de se fermer complètement. Désormais il fait noir. Je comprends que le pays des rêves m'emporte peu à peu lorsque j'imagine Apollon avec pour tête, celle de son chiot. A cet instant, je sais que je ne suis plus dans le monde réel. Mon esprit se balade à travers mon imagination.

Le son fort et bruyant d'une personne frappant durement à ma porte me réveille soudain. Lorsque mes yeux s'ouvrent, il fait jour. J'en conclu que j'ai passé la nuit affalée sur le ventre, à même le sol.

En tentant de me relever, mes muscles me font un mal de chien. Dormir par terre a certainement été la pire idée de toute ma vie. J'ai mal partout, je sens la transpiration, j'ai les cheveux en pagaille, la robe froissée et la mine fatiguée. Pourtant je m'apprête à aller ouvrir cette fichue porte.

- Mio Dio, Bella !

Isabella semble complètement paniquée par mon état. En dépit de ce que mon image renvoie, je vais plutôt bien. Certes, je m'en veux énormément d'avoir été si agaçante avec Apollon, mais à côté de ça tout va bien. Si on fait également abstraction de la perte de mon incroyable envie de ne jamais baisser les bras.

- Je vais bien Isabella ne t'en fais pas.

- Regarde l'état dans lequel tu es ! Après le mouvement de panique d'hier nous nous sommes perdus de vu, alors ce matin je voulais prendre de tes nouvelles. Heureusement que je suis passée. Que t'est-il arrivée ?

- J'ai dormi par terre c'est tout.

- Quoi ?!

- J'étais beaucoup trop fatiguée pour aller jusqu'à mon lit, alors je me suis endormie à même le sol. D'où ma tête de ce matin.

- Bella habille toi, on va aller faire un petit jogging sur le pont. L'air frais te fera le plus grand bien.

Je la laisse entrer dans ma cabine avant d'attraper mes vêtements de sport et m'enfermer dans la petite salle de bain. Je me débarbouille le visage pour paraitre un minimum réveillée et me brosse les dents. Ça, avec un coup de déodorant, et cela fera comme si j'étais propre. Du moins si on ne s'approche pas trop près de moi.

Le contour de mes yeux est légèrement cerné. Le mascara, que je n'ai pas enlevé hier soir, s'est déposé dans la nuit juste au-dessus de mes pommettes. Comme dirait ma sœur : « on dirait un lamantin ». L'expression commune, et qui pour moi est plus correcte, fait intervenir un panda. Mais ma sœur est une amoureuse des lamantins. Comment ? Pourquoi ? Depuis quand ? Je ne saurais répondre à ces questions. L'amour ça ne se contrôle pas apparemment.

Isabella s'impatientant, elle toque énergiquement à la porte de la salle de bain. Je me hâte d'attacher mes cheveux en chignon le mieux organisé possible. Cela atténuera peut-être ma tête de zombie tirée à quatre épingles.

Pour nous échauffer, la belle italienne me propose de faire quelques étirements tout en marchant jusqu'au pont promenade. Sa façon de procéder est un peu différente de celle d'Annabeth mais je la trouve plus amusante. Ma sœur, lorsqu'il s'agit de sport, a la même rigueur quasi-militaire que notre père. Elle enlève tout le côté amusant de la discipline.

- Bien bella, vas-tu enfin me dire la vérité ?

- A propos de quoi ?

- De la raison pour laquelle tu es dans cet état. Et ne me dis pas que c'est parce que tu as passé une mauvaise nuit. Je sens qu'il y a autre chose.

Je ne sais pas quel métier elle exerce en Italie, mais je suis prête à parier qu'elle est dans le domaine de la voyance. Ou bien psychologue. En tout cas un travail dans lequel elle analyse des inconnus.

- Ce n'est rien, vraiment.

N'osant pas la regarder, par peur qu'elle lise directement à travers mes iris, je baisse la tête. Erreur en y réfléchissant après coup. C'est le geste corporel le plus coupable du monde.

- Alix, s'il s'agit d'un fait grave tu dois le signaler.

Le fait qu'elle utilise mon prénom pour me désigner, plutôt que son éternel « bella », m'indique toute l'inquiétude qu'elle ressent. Ma petite mésaventure avec Apollon n'est pas une affaire d'état. Je peux la lui raconter sans problème au final.

- Ce n'est rien de grave. C'est juste une petite dispute entre le jeune homme, avec qui j'ai dansé hier, et moi.

- Que s'est-il passé ? Je vous ai pourtant vu plaisanter tous les deux.

- J'ai certainement été un peu trop collante sans m'en rendre compte. Est-ce que je suis ennuyante ?

Elle s'arrête net à la suite de ma phrase et vient se placer face à moi. Elle prend mes mains dans les siennes. Ce simple geste est à lui seul réconfortant.

- Si ce garçon pense ça de toi, c'est qu'il est stupide.

- C'est la première fois que quelqu'un est si austère avec moi. Je ne comprends pas.

- C'est possible qu'il soit comme ça avec tout le monde.

- Je ne sais pas, on ne se parle même pas.

- Et bien laisse le alors. S'il ne veut pas savoir quelle fille formidable tu es, c'est qu'il n'a aucun intérêt.

Les paroles rassurantes d'Isabella me vont droit au cœur. Elles me font du bien. Je me sens si proche d'elle alors que nous ne nous connaissons que depuis quelques jours. C'est pour des relations aussi magiques que celle-ci que j'ai quitté mon pays. L'Homme est parfois horrible, mais il est aussi surprenant et c'est ce côté que je préfère garder en mémoire.

- Alors maintenant tu rallies d'autres personnes à ta cause ?

La voix glaciale, provenant de derrière moi, vient couper court à notre discussion entre filles. Je sais pertinemment de qui il s'agit sans même me retourner. Pourquoi vient-il me parler ? Je croyais qu'il ne souhaitait plus me voir.

- Jeune homme vous...

- Non Isabella c'est bon.

J'empêche mon amie d'intervenir dans cet échange qui ne concerne que l'étrange garçon et moi-même. Comprenant mon envie de mettre les points sur les i dans cette histoire, elle nous laisse tous les deux.

Je me retourne enfin vers mon interlocuteur, en prenant soin de ne pas trop le fixer. Voir son visage au regard azur me gênerait. Je n'ai pas été correcte avec lui, je le sais, mais m'excuser encore une fois ne servirait à rien. S'acharner ne fait plus partie de mes capacités.

- Pourquoi vouloir me coller une mauvaise image auprès des autres passagers, alors que j'ai dit ce que tu souhaitais entendre ?

- Tu interprètes mal la situation.

- Vraiment ? Pourtant tes paroles semblaient aussi clair qu'hier, lorsque tu m'as gentiment affublé d'un gros con.

- Mes mots avaient dépassé ma pensée.

- Et bien la prochaine fois, fais en sorte de penser plus fort afin de garder tes compliments pour toi.

Comment peut-on être si dur et avoir un rire si beau ? J'ai l'impression que l'Apollon au grand sourire n'a été qu'un simple mirage. Un peu à l'image de Cendrillon qui, à minuit, redevient la servante à la robe tachée et à la chevelure négligée qu'elle est dans la vie courante.

Je suis complètement désemparée face à son caractère. Je n'ai pas pour habitude de côtoyer des êtres dans son genre. Comment dois-je m'y prendre pour l'apprivoiser ? S'éviter est-elle véritablement la seule solution ? C'est en tout cas la plus simple.

- Je ne te comprends pas Apollon.

Cette fois, c'est moi qui coupe court à la discussion, le laissant planté là, seul. S'il aime tellement ne pas avoir de compagnie et bien qu'il en soit ainsi. J'ai perdu assez de temps avec cet hurluberlu au cœur de pierre et à la mentalité plus glaciale que le pôle Nord. Je me demande par quel moyen magique il arrive tout de même à ressentir de l'amour pour son chien.

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Vous pensiez certainement qu'on avait fait une avancée dans la relation Alix/Apollon puisqu'il a rigolé avec elle, et bien non. Il n'est pas si facile à avoir haha.

Prochain chapitre dans 2 semaines car je pars en vacances pendant 1 mois. Mais, n'ayant pas voulu faire une pause aussi longue, j'ai quand même décidé de poster un chapitre durant mes vacances. Cependant, il faudra attendre 2 semaine au lieu d'une seule.

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