Chapitre 10 - Le loup du Queen Mary 2
Une vague de frissons parcourt l'ensemble de mon corps. Je les sens partir de mes pieds et remonter jusqu'à mon cou, mes mains, puis se dissiper en profondeur. Depuis quand cet être si impassible sait-il rigoler ?
- Je croyais que c'était puéril de marcher délibérément sur les pieds de son partenaire ?
- Et moi je pensais que le rire ne faisait pas partie de tes capacités.
- Comme quoi, tout le monde peut se tromper.
La musique si entrainante, malgré qu'elle soit classique, prend fin. Il est temps de se quitter. Un gentlemen dance host ne peut pas danser avec la même personne deux fois d'affilée. Je le regarde donc partir pour une nouvelle cavalière.
Encore chamboulée par ce que je viens d'entendre, je regagne ma place, histoire de souffler un peu. Ce garçon est si mystérieux. Ce n'est pas comme avec Charlee où il est facile de lire dans ses yeux noisette. C'est un véritable livre ouvert, alors qu'Apollon est pire qu'une tombe. Difficile de deviner ce que peut bien penser une personne au regard vide et au visage inexpressif. Le voir rire et sourire m'a pour ainsi dire choquée. C'est certainement la dernière réaction à laquelle je m'attendais venant de lui.
Epuisé par plusieurs danses enchainées, mon couple d'italiens préférés me rejoint. Malgré la chaleur régnant dans la salle, ils n'ont pas une goutte de sueur perlant sur leur visage. Je ne peux malheureusement pas en dire autant. J'ai les joues rouge tulipe. Mes mains sont moites, tout comme le reste de mon corps.
- Je vais demander une carafe d'eau pour toi bella. Je reviens., me propose gentiment Francesco.
- Merci, niveau cardio j'ai encore beaucoup de progrès à faire.
- Tous les matins vers sept heures, je vais courir sur le pont, tu devrais essayer, me confie Isabella.
- Ce matin j'ai été à la salle de fitness mais j'ai eu un petit accident.
Pas très fière, je remonte la manche de ma robe noire en dentelle pour lui montrer mon bandage. Il faudra que je pense à le retirer ce soir avant d'aller dormir.
- Mais que t'est-il arrivée ?
- Chute mémorable.
Voyant que je n'ai pas forcément envie de rentrer dans les détails, elle se contente d'un « oh » qui se veut compatissant. Si elle savait la vérité, je suis sûre qu'elle rigolerait. Elle a beau ne pas être une personne moqueuse, ma mésaventure ferait rire n'importe qui sur cette planète. Peut-être même Apollon.
En pensant à ce dernier, je me surprends à le chercher du regard. Avec un peu de mal, j'arrive tout de même à lui mettre la main dessus. Ou plutôt les yeux dessus. Il enchaine à la perfection les pas gracieux d'une valse avec sa partenaire. Il danse vraiment bien. Cela lui fait au moins une qualité qui, malgré qu'elle soit louable, ne fait pas oublier son caractère grognon.
- Ce giovanotto est un excellent danseur.
La voix d'Isabella me sort de ce moment de contemplation. Cela tombe bien, je pense l'avoir suffisamment regardé pour aujourd'hui. Il ne faudrait pas qu'il me voie, il pourrait se méprendre sur ma raison de ne pas le lâcher des yeux.
- Ce quoi ? Je suis navrée, mon italien se limite à bella, sì, no et grazie mille.
- Cela signifie jeune homme. Ne t'en fais pas, en sortant de cette croisière tu maitriseras à la perfection l'italien.
Si je ris à ses paroles, ce n'est pas parce qu'elles sont amusantes. C'est le souvenir qui me vient en tête qui l'est. Je me revois petite, avec mon père dans son bureau, à apprendre à lire et écrire en anglais. Il m'a fallu des années avant d'être à l'aise avec cette langue alors apprendre l'italien en une semaine, cela me parait fort improbable.
- Ce jeune homme, comme tu dis, c'est Apollon. Un garçon froid et distant m'en voulant parce que je l'ai gifflé.
Après cet aveux, Isabella semble choquée. C'est alors que je prends conscience de mes paroles. On pourrait facilement imaginer tout autre chose. C'est pourquoi je ne traine pas et me reprends.
- Enfin c'était un accident hein ! Je ne l'avais pas vu et ma main a malencontreusement terminé sur sa joue. Depuis, je tente de m'excuser mais il ne veut rien entendre. Je ne suis pas une mauvaise personne pourtant.
- Bella des fois les giovanotto ont, comment dire, des façons étranges de s'exprimer avec nous.
- Comment ça ?
Ma question restera sans réponse puisque Francesco revient avec une grande carafe d'eau et des verres. Je vais enfin pouvoir humidifier ma gorge complètement sèche. J'ai rarement eu aussi soif de ma vie. Si un jour je me perds dans le désert, je ne donne pas cher de ma peau. J'ai toujours eu du mal à supporter les grosses chaleurs. Au Canada je ne risque pas d'avoir ce problème au moins.
En meilleure forme physique que moi, le couple d'italiens me laisse reprendre des forces et regagne la piste de danse. J'en profite pour me resservir un grand verre d'eau fraiche.
Alors que je suis sur le point d'en boire tout le contenu, quelque chose me tape dans les jambes. Le liquide complet termine sur ma robe. Le bon côté est qu'au moins cela m'a rafraichie. Cependant, l'inquiétude me gagne assez rapidement lorsque j'entends les passagers crier de peur. Tout le monde se rue vers la sortie alors que j'essaie toujours de comprendre ce qu'il se passe.
Au loin j'aperçois une grosse boule blanche importuner une dame prise de panique. Elle est retranchée dans un coin en suppliant la bête de s'en aller. Lorsque je m'approche d'eux, je remarque qu'il s'agit en fait d'un chien. Plus précisément un chiot mais faisant une taille relativement massive pour son jeune âge.
Le Queen Mary deux est le seul navire possédant un chenil, qui nous permet donc de voyager avec nos compagnons à quatre pattes. Evidemment, ils ont un espace qui leur est réservé. Ils ne crapahutent pas où bon leur chante. Cet individu poilu n'a donc rien à faire ici.
- Laisse-moi tranquille sale bête !
Cette femme me ferait presque rire. Ce n'est pas ce petit animal adorable qui va l'attaquer. Il semble simplement vouloir jouer. Je m'approche alors doucement et m'accroupis dans le but d'être au même niveau que lui. Aussitôt qu'il sent ma présence, il me lèche vivement les mains. La femme, n'étant plus le centre d'attention du « petit monstre », en profite pour s'échapper.
- Bah alors toi qu'est-ce que tu fais là ? Tu t'es perdu ?
Il continue à me mordiller les doigts tout en essayant de bloquer ma main avec sa patte droite. Son attitude me fait rire. Je ne comprends pas comment il a pu déclencher un mouvement de panique à lui tout seul. Ce dont les gens ont dû avoir peur ce n'est pas de lui, mais plutôt de voir certains passagers, phobiques des chiens, paniquer.
- Groot ça va mal se passer !
Lorsque je me retourne et vois qui est le propriétaire de cette voix, et par la même occasion de ce chiot, je reste bouche bée.
- Apollon c'est ton chien ?
- Oui, et il n'a rien à faire ici ! Groot je t'avais demandé d'être sage !
- Apollon dépêche-toi de ramener ton animal dans ses quartiers.
- J'y vais tout de suite Charles.
Le châtain attrape son chiot et quitte la salle de bal où le peu de personnes restantes le dévisagent à son passage. Toute cette panique inutile pour un simple chiot. Les gens s'inquiètent pour rien de nos jours, même si je peux comprendre que l'arrivée inattendue d'un animal domestique soit surprenante.
Je crois qu'avec cet évènement, la soirée dansante est terminée. Je m'empresse de suivre Apollon qui ne perd pas de temps dans les couloirs. Il aura peut-être besoin de mon aide si son chiot arrive de nouveau à s'échapper.
Ce garçon, en plus d'être mystérieux, marche vraiment vite ! En même temps, lorsque l'on n'a pas de talons aux pieds, c'est beaucoup plus simple d'avoir un pas rapide. Malgré tout je parviens à le rattraper, non pas sans être essoufflée. Je pense que j'ai eu ma dose de sport pour aujourd'hui. Les croisières ne sont pas toujours de tout repos comme on pourrait le croire.
- Hey attends !
Comme je m'y attendais, il m'ignore complètement et continue sa course jusqu'au chenil. Il salue à la hâte l'employé y travaillant avant de s'engouffrer dans la pièce. Je le suis à l'intérieur et l'observe déposer son chien dans une grande cage métallique ressemblant à celles que nous trouvons chez le vétérinaire. De chaque côté se trouvent d'autres habitacles dans lesquels des chiens, appartenant à divers passagers, séjournent.
- David, je peux savoir comment Groot a pu s'enfuir ?
L'employé, légèrement embarrassé de sa faute, cherche ses mots. Nerveusement, il refait l'ourlet de la manche de sa chemise grise, au nom de la compagnie.
- On jouait à la balle sur le pont réservé aux animaux quand il m'a échappé du regard deux secondes. On venait d'apporter la nourriture, alors la porte était ouverte.
- Fais plus attention la prochaine fois. Cette histoire va créer un scandale !
- Excuse-moi Apollon.
Ce dernier referme la porte de la cage après avoir donné une dernière caresse à son chiot. Le voir aussi affectif avec ce petit animal m'épate. Aurait-il donc un cœur derrière sa face de pierre ?
En sortant du chenil je ne peux m'empêcher d'être prise par un léger fou rire. Je tente de l'étouffer, mais il parvient tout de même jusqu'aux oreilles du châtain.
- Pourquoi tu rigoles ?
- Rien. C'est juste que, enfin, Groot sérieusement ?
Il lève les yeux au ciel tout en continuant à marcher. Bizarrement le nom de son chien n'a pas l'air de le déranger ou de le faire sourire. Même pas un petit rictus. C'est le néant le plus total.
- Pourquoi ce prénom ?
- Tu parles vraiment trop.
- Et toi pas assez. Ça fait une moyenne comme ça.
Un petit « mmmm » ressemblant à une sorte de ronchonnement parvient quand même à sortir de sa bouche. Comment suis-je censée tenir une conversation avec une personne pareille ? En langage des signes ? Pourquoi pas tenter.
J'accélère le pas et viens me positionner juste face à lui. Afin d'éviter de me rentrer dedans, il s'arrête brusquement. Ses sourcils s'élèvent, donnant à son visage une expression d'incompréhension. Je me mets donc à faire les quelques signes que je connais grâce à une série policière que je regardais avec ma mère.
- Si t'as fini de faire le singe laisse-moi passer.
Il me contourne sans même me regarder. Je finis alorspar lâcher un « c'est le langage des signes ! » tandis qu'ils'éloigne peu à peu. Pensant qu'il est assez loin pour ne pas m'entendre, jelâche un « gros con » de la plus naturelle des façons. A mon plusgrand étonnement, il se stoppe net au bout du couloir. Je n'ai pas été sidiscrète que ça finalement.
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Comme dit dans le chapitre précédent, voici Apollon en média. Vous savez donc désormais à quoi ressemble les trois personnages principaux de cette histoire, en tout cas comment moi je les image.
Alix qui traite Apollon de gros con, cela ne présage rien de bon haha.
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