27 - Les dernières pièces du puzzle
Rébecca a les yeux posés sur ses poignets liés par une corde serrée, mais elle ne les voit plus. Son esprit est dévasté. Deux trahisons en seulement quelques heures, elle a du mal à encaisser le choc.
Celle de Flavio lui laisse un goût amer en bouche. Tout ce qu'il lui a donné : les chaussures, le repas, et ensuite le pendentif... Est-ce que c'était pour faire semblant ? Est-ce qu'il la manipulait, lui aussi ? Mais dans quel but ? Elle n'arrive pas à y croire. En tout cas, elle se le refuse pour le moment.
En revanche, concernant sa mère... il n'y a plus aucun doute. Gaétane vient de se montrer violente en l'attachant, il n'y a plus ni sourire ni mots doux : elle a enlevé son masque. La mère n'est plus, c'est la femme d'affaire qui a pris la place, froide et distante. Elle passe des coups de téléphone pour trouver un nouveau logement.
Le cœur de la jeune fille saigne. Elle pensait être aimée, protégée, depuis toutes ces années...
La tristesse et la culpabilité de n'avoir rien vu, de n'avoir rien compris, de s'être fait berner si facilement étreignent son cœur... ses yeux ruissèlent sans qu'elle ne puisse rien y faire.
― Ah, arrête de pleurer ! Ça changera rien ! râle Gaétane qui vient de raccrocher.
Le regard embué de Rébecca se pose sur celle en qui elle avait une totale confiance depuis toujours, et un murmure sort de sa bouche :
― Pourquoi ?
Alors qu'elle pense que Gaétane ne l'a pas entendue, elle la voit s'arrêter dans son geste, poser son téléphone, et la fixer de son regard sombre.
― Tu veux vraiment savoir pourquoi ?
Elle pose une fesse sur la table et prend le temps de se couper une part du gâteau qui est resté toute la journée sur la table. Toutes ces émotions, ça lui donne faim, et puisque son cadeau n'a pas été apprécié, elle va en profiter elle-même maintenant. Et puis, le temps ne presse pas tant que ça, puisque le voleur, le seul qui connaisse l'emplacement de la maison, est sous les verrous grâce à son plan habile.
― J'ai travaillé plusieurs années pour tes parents, commence-t-elle après avoir enfourné une bouchée du gâteau. Je les détestais. Frédéric et Marianne représentaient pour moi la carricature du couple heureux. Beaux, amoureux, en bonne santé, riches, dont les affaires étaient prospères, et avec en plus une petite fille toute mignonne en bonne santé. C'était... écœurant !
Un rictus de dégoût déforme les beaux traits du visage de Gaétane alors qu'elle se lèche un doigt plein de crème.
― Et puis un jour, continue-t-elle, il y a eu cet accident. Avec des conséquences que tu as devinées, je crois.
― La lumière verte ?
― Une explosion dans un des laboratoires, oui. Tu as été retrouvée à moitié morte dans les décombres. Pendant ton hospitalisation, tes parents m'ont donné tout pouvoir dans l'entreprise. Ils étaient bien trop occupés et accablés par leur petite chérie d'amour.
La jeune fille a du mal à reconnaître sa mère. Son visage n'est plus le même : d'habitude si beau, il est maintenant déformé par la haine et le dégoût qui se reflètent dans ses yeux et sur ses traits. Elle ne l'a jamais vue comme ça. Elle a l'impression de vivre un cauchemar.
Imperturbable, emportée par son récit amer, les yeux dans le vague et la main pleine de gâteau, Gaétane ajoute :
― D'autant qu'ils se sont rendu compte, avec le temps, que tu développais une espèce de capacité hors norme due à la substance verte qu'ils étudiaient avant l'explosion.
― Ma super vision...
― C'était une occasion en or ! s'exclame Gaétane sans l'entendre, avec des yeux brillants d'une excitation malsaine. J'ai mis en place un plan pour t'enlever et me servir de toi, puisque tes parents ne comprenaient visiblement pas le potentiel de ton don !
Refoulant le dégoût que cette femme commence à lui inspirer, Rébecca se focalise sur le récit pour essayer de recoller les derniers morceaux du puzzle de sa vie.
― Je ne comprends pas. A quoi ai-je servi ici, toutes ces années ?
La femme d'affaire part soudain dans un rire hystérique qui fait sursauter la prisonnière. Ses yeux brillent d'une lueur folle lorsqu'elle ricane :
― Mais tu n'as vraiment rien compris, ma pauvre ! Ça fait des années que tes petits exercices me font gagner des sommes extraordinaires !
― Je faisais ça pour passer le temps, et pour te faire plaisir... murmure la jeune fille, effarée.
― Eh bien ça me faisait plaisir, en effet ! J'avais besoin d'argent pour mettre en place l'étape suivante de mon plan. Toutes ces choses que tu voyais sur les gens, derrière les murs ou les portes fermées, sur les vidéos que je me procurais, me servaient à marchander et escroquer de la façon la plus simple qu'il soit.
Gaétane se calme brusquement pour prendre une autre bouchée de gâteau, ce qui rend son comportement encore plus inquiétant. Puis, avec un air détaché, elle se remet à pianoter sur son téléphone.
La jeune fille avale difficilement sa salive. En plus d'être perturbée par cette femme qui est devenue une parfaite inconnue en quelques minutes, elle a du mal à assimiler ces informations toutes plus folles les unes que les autres.
L'origine de son don, son enlèvement, sa complicité dans la malhonnêteté de Gaétane...
Elle n'est qu'un objet, une chose, un gadget, une arme.
― Mes parents ? souffle-t-elle encore, sans parvenir à formuler une phrase entière.
― Oh ! Leur bonheur arrogant et dégoulinant n'a pas duré ! Ahah !
De nouveau, un rire hystérique secoue les épaules de Gaétane alors qu'elle s'essuie la bouche pleine de gâteaux avant de continuer :
― A ta disparition, ils se sont réfugiés dans leur château pour pleurer, en me laissant les rênes de l'entreprise. J'avais fait d'une pierre deux coup ! Bref ! Tu es contente maintenant ? Tu sais. Mais je n'en ai pas fini avec toi. On va aller dans un autre endroit, et on va continuer notre petit trafic loin de la police.
― "Notre petit trafic" ? s'étouffe presque la prisonnière.
― Tu es impliquée jusqu'au cou, maintenant, si tu veux tout savoir. Tu n'aurais pas intérêt à en parler à qui que ce soit ! Personne ne voudra croire que tu as été aussi stupide, pendant toutes ces années, pour ne rien comprendre à ce qui se passait réellement !
La jeune fille sent son souffle s'accélérer. Stupide, coupable, impliquée jusqu'au cou... ?
― Allez, assez parler. Laisse-moi trouver un autre logement maintenant, conclue Gaétane d'un ton sec.
Rébecca a du mal à retrouver un souffle régulier après ces paroles révélées avec autant de légèreté que s'il s'agissait de banalités.
Sa gorge se sert encore davantage lorsque la colère prend peu à peu la place. Non, elle n'est pas responsable. Non, elle n'est pas coupable. Et encore moins stupide ! Hors de question de se laisser aller à cette culpabilité malsaine dans laquelle sa geôlière veut encore l'enfermer !
Comme si de rien n'était, Gaétane est de nouveau en train de téléphoner. Lorsqu'elle raccroche en ayant enfin trouvé un logement, Rébecca s'est redressée et la toise avec dégoût :
- Je. N'irai. Nulle part. Avec. Toi, articule-t-elle avec difficulté tellement sa mâchoire est serrée.
Gaétane la regarde alors par en-dessous, puis soupire en levant les yeux au ciel :
― Tu n'as pas le choix, en fait.
― Parce que tu crois que tu auras la force de me trainer dehors, de m'enfermer dans la voiture, puis dans un nouvel endroit ? lance la jeune fille, ayant retrouvé la force de parler. Il ne se passera pas un seul instant sans que j'essaye de fuir ! Et ne compte pas sur moi pour continuer à me servir de ma vision, parce que...
Rébecca s'arrête en voyant que Gaétane ne l'écoute pas. Elle vient en effet de se baisser pour attraper quelque chose au sol que la jeune fille n'avait pas vu, derrière le bar de la cuisine.
C'est une petite cage qu'elle pose sur la table, dans laquelle se trouve une boule de poils noirs, immobile.
― Qui parle de force ? ricane la femme d'affaire, avec de nouveau ce regard fou. Si tu ne m'obéis pas, je troue la peau de cette bestiole que je supporte depuis bien trop longtemps déjà.
― Ca-Calou ? bafouille la jeune fille. Qu'est-ce que tu lui as fait ?
― Pour l'instant, rien de bien méchant. Il est juste endormi. Mais si tu ne fais pas ce que je te dis, il pourrait bien aller beaucoup plus mal que ça. C'est clair ?
Incapable de formuler un mot, la jeune fille hoche la tête en fixant son fidèle ami enfermé.
Le rire cruel de Gaétane écorche ses oreilles alors qu'elle se laisse tomber sur sa chaise.
Refusant pourtant d'abandonner l'idée de s'enfuir, elle réfléchit et utilise sa vision dans le but de trouver la clé de la cage. Plus aucun scrupule à le faire sur Gaétane. Mais elle ne trouve rien. Pour l'instant.
Rébecca est épuisée, révoltée. Pendant que Gaétane ramasse encore quelques affaires, elle prend le temps de réfléchir et se rend compte que de nombreux petits signes auraient pu l'alerter sur la vraie nature de celle qu'elle pensait être sa mère.
Des paroles, des gestes, des mimiques, autant de fausses notes dans le rôle qu'elle s'était donnée de jouer, qui ressortent maintenant avec éclat dans l'esprit de la jeune fille. Mais quand on ne soupçonne pas un instant le mal, on interprète tout de façon si différente !
Impossible de soupçonner le mal quand on est persuadé que la personne en face est bonne.
Une personne en face qui passait son temps à faire semblant, à manipuler, à culpabiliser, à voler...
Une autre question vient à l'esprit de Rébecca, mais elle n'a pas le temps de la poser : Gaétane lui lance sans aménité, en mettant un gros sac sur son épaule :
― Allez, on y va ! Et pas de blague : je tiens ton chat.
😿😿😿😿😿😿😿😿😿😿😿😿😿😿😿😿
Et un chapitre de plus ! 😁✨
On y découvre la vraie Gaétane, qu'est-ce que vous en pensez ? 😰
N'hésitez pas les critiques constructives, car j'ai eu un peu de mal à écrire ce chapitre, donc je n'en suis pas vraiment satisfaite. 🙄😇
J'attends vos commentaires avec impatience ! 😊❤️
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