1 - La princesse dans sa tour

La jeune fille a le nez collé à la fenêtre. De la buée se forme au contact de son souffle, lui obstruant la vue, mais elle s'en fiche. Elle ne regarde plus ce qu'il se passe derrière cette vitre depuis bien longtemps. Elle connaît le paysage par cœur, dans les moindres détails, tellement elle l'a contemplé toute ces dernières années.

La vue n'est pourtant pas si désagréable : de grands arbres centenaires aux troncs épais et aux feuillages touffus qui laissent passer des rayons de soleil, de l'herbe verdoyante et ondulante sous une brise légère, un tapis de pâquerettes égayant encore ce beau tableau estival. Il y a même des rochers, un peu plus loin, et souvent des animaux sauvages qui traversent la petite clairière pour venir boire à la rivière qui coule à quelques mètres de là.

Non, ce n'est pas la forêt à perte de vue qui l'intéresse, si belle et enchanteresse soit-elle, et encore moins le reflet d'une fille blonde aux yeux verts qu'elle pourrait contempler dans la vitre. Mais c'est ce qui se trouve plus loin. Ce qu'elle ne voit pas. Ce qu'elle n'a jamais vu, et ne verra jamais selon sa mère.

C'est trop dangereux.

Ici, elle est en sécurité, elle le sait. Et pourtant...

A l'approche de son dix-huitième anniversaire, Rébecca ne peut pas empêcher cette envie de découvrir le monde de refaire surface. Elle essaie de chasser ses pensées, culpabilisant à l'idée de trahir sa mère qui le lui a interdit pour son bien.

Car Madame Ponce sait ce qui est bien pour sa fille. Elle le lui a répété tant de fois, durant son enfance retirée.

Rébecca revoit encore sa mère lui dire, d'un ton très doux, caressant les longs cheveux blonds de sa fille d'un geste devenu familier avec le temps :

« Tu as un trésor, ma chérie. Tu ES un trésor que beaucoup d'hommes convoiteraient s'ils connaissaient ton existence. Le monde est rempli d'être fourbes et cruels qui n'hésiteraient pas à se servir de toi. Tu ne peux pas aller là-bas. Ils te feraient du mal. Tu comprends ? »

Rébecca comprenait. Aujourd'hui encore, elle comprend. Elle sait que sa mère veut la protéger. Mais la curiosité et l'envie d'une autre vie se fait de plus en plus forte depuis plusieurs mois, et elle n'arrive pas à s'en défaire.

Peut-être que, pour ses dix-huit ans, sa mère acceptera qu'elle fasse un tout petit tour dans le monde inconnu ? Juste quelques heures ? quelques minutes ? en se cachant, sans que personne ne le sache ?

Décollant son front de la vitre blanche de buée, Rébecca se penche vers la table qui lui sert de bureau, à sa gauche, et murmure :

― Dis-moi, Calou, tu crois que je peux lui demander ?

Calou est, comme souvent, installé en boule sur l'ordinateur portable fermé de la jeune fille, comme s'il était sur un coussin bien confortable. Il regarde sa maîtresse avec ses deux grandes pupilles couleur caramel et lui répond, après avoir baillé à s'en décrocher la mâchoire :

― Merrwouin...

― Ouais, t'as raison... Il faudra que j'y aille doucement.

La jeune fille caresse le pelage noir du félin qui se met à ronronner à ce contact apprécié. Calou est son seul ami. Son confident, à qui elle peut tout dire, qui l'écoute sans rechigner et n'est pas du genre à répéter ses secrets. Sans lui, Rébecca serait devenue folle de solitude.

Son regard vert glisse ensuite sur les étagères pleines de livres qu'elle a lus et relus, de DVD qu'elle connaît par cœur, puis revient se poser sur le bazar qu'elle a laissé à côté de son bureau. Des feuilles éparses, des pots de peinture, sa palette pleine de couleurs plus ou moins mélangées, et ses pots remplis d'eau sale. Elle rangera ça plus tard. Pour l'instant, elle a autre chose à faire.

― Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai du boulot, moi. Calou, tu me laisses la place, dis ?

La jeune fille pousse le chat en douceur pour pouvoir ouvrir son PC, ce qui ne plaît évidemment pas à sa majesté dont les griffes crissent contre l'appareil. Rébecca a déjà pris du retard et sa mère va bientôt rentrer. Elle doit se dépêcher de faire ce qu'elle lui a demandé, en oubliant ses rêves d'évasion quelques heures.

Après, seulement après avoir rempli sa tâche, comme chaque jour depuis des mois et des mois, elle pourrait songer à la façon dont elle allait lui demander de sortir.


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Un premier chapitre tout en douceur pour poser le décor.

J'espère que la présentation de Rébecca vous plaît ? ❤️

Notre deuxième protagoniste arrive juste après, et ça va tout de suite être plus agité, si vous vous souvenez de l'histoire de Raiponce ! 😁💥

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